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    | Éditorial : Parlons un peu de thyroïde ! | 
  
  
    
      
        
            
          
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          Solange Grunenwald 
            Service d’endocrinologie, maladies métaboliques et nutrition, hôpital Larrey, CHU de Toulouse.  | 
         
      
     
      Chers  Collègues, 
      En cette  fin d’année 2020, où notre vie a été chamboulée et nos rendez-vous  endocrinologues habituels adaptés, reportés et parfois annulés, la Lettre de  la Thyroïde résiste et est au rendez-vous !  
        Vous y  trouverez bien sûr LE thème de l’année à travers une mise au point du Pr Philippe  Caron sur les atteintes thyroïdologiques liées au Covid-19. Sans doute avez-vous  remarqué une recrudescence de thyroïdites subaiguës ces derniers mois… 
      Mais ce  virus n’a pas interrompu le reste de la recherche en thyroïdologie, et d’autres  sujets passionnants seront abordés dans cette lettre.  
      Dans le  domaine de la fertilité, Gérard Chabrier nous rassure sur la fonction ovarienne  des patientes traitées par iode 131. Puis  Magalie Haissaguerre nous met en garde sur l’adaptation des traitements par  L-thyroxine tout au long de la grossesse. 
      En  cancérologie, Camille Buffet met à l’honneur une correspondance de Lionel  Groussin publiée récemment dans le New  England Journal of Medicine. La redifférenciation  des cancers thyroïdiens réfractaires est un concept séduisant pour pouvoir  traiter ces patients par iode 131. Après les inhibiteurs de BRAFV600E  et/ou les inhibiteurs de MEK, les inhibiteurs de NTRK pourraient eux aussi,  chez les patients présentant une fusion du gène NTRK tumoral, permettre  une irathérapie.  
      Enfin,  Nicolas Chevalier nous alerte sur l’impact des composés perfluorés (perturbateurs  endocriniens présents notamment dans les surfaces antiadhésives) sur  la fonction thyroïdienne chez les femmes enceintes. 
      Bonne lecture  à tous et joyeuses fêtes de fin d’année ! 
  S. Grunenwald déclare avoir des liens d’intérêts avec Merck, Genevrier, Pfizer, Novartis, Ipsen, Novonordick, Sanofi. 
    
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    | Thyroïde et Covid-19 | 
  
  
    Philippe Caron 
        Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, pôle cardiovasculaire et métabolique, CHU-Larrey, Toulouse. 
      Les  hormones thyroïdiennes jouent un rôle important dans la régulation de la  réponse immunitaire. Toute anomalie fonctionnelle thyroïdienne peut entraîner  une réponse immunitaire anormale participant à la physiopathologie des  manifestations viscérales du Covid-19. En outre, au cours des formes sévères,  le SARS-CoV-2 peut entraîner une hyperactivité de la réponse immune responsable  d’un “orage cytokinique”, avec libération de cytokines pro-inflammatoires  (IL-6, TNFa). 
La  mise en évidence de l’ARNm du SARS-CoV-2 dans le sérum des patients témoigne  d’épisodes de virémie expliquant les atteintes viscérales extrapulmonaires  observées chez les patients Covid-19. L’enzyme de conversion 2 (ACE2), une  carboxypeptidase membranaire et un “récepteur” pour le SARS-CoV-2, est présente  en particulier sur les cellules folliculaires thyroïdiennes et sur les cellules  hypophysaires [1, 2]. 
Ces  données peuvent expliquer, d’une part, l’apparition des altérations des  paramètres fonctionnels thyroïdiens et, d’autre part, les atteintes thyroïdiennes  au cours des épisodes infectieux chez les patients atteints de Covid-19. 
      Altérations  des paramètres fonctionnels thyroïdiens 
        Plusieurs  études [3-5] ont mis en évidence des anomalies des paramètres  fonctionnels thyroïdiens chez les patients Covid-19. Chen T et al. rapportent  une diminution des concentrations de la TSH et de la T3 chez les patients  Covid-19, plus importante dans les formes sévères ayant entraîné le décès des  patients par rapport à celle observée chez des patients qui ont survécu à  l’épisode Covid-19 [3]. Chen M et al., dans une étude  rétrospective, retrouvent également une diminution de la TSH et de la T3 chez  64 % des patients présentant une atteinte pulmonaire au cours du Covid-19.  Ces anomalies sont plus importantes que celles retrouvées dans le bilan des  sujets contrôles et des patients ayant une pneumopathie non Covid-19 (perturbations  du bilan thyroïdien corrélées à la sévérité de l’atteinte infectieuse Covid-19). 
        Ces  altérations des paramètres fonctionnels thyroïdiens sont comparables à celles observées  au cours des affections non thyroïdiennes et décrites comme “syndrome de basse  T3”, caractérisées par une diminution de la T3 qui témoigne d’une diminution de  l’activité des désiodases, alors que la concentration de T4 est soit normale soit  discrètement diminuée. Ces anomalies seraient à rattacher à un stress chronique  lié à l’hypoxie, à une sécrétion de glucocorticoïdes et à la libération de  cytokines pro-inflammatoires (IL-6) liées à l’infection au Covid-19. La  diminution de la concentration de la TSH est également liée à une atteinte des  cellules hypophysaires par le SARS-CoV-2. 
        Ces  anomalies du bilan fonctionnel thyroïdien, fréquentes chez les patients  Covid-19, sont le plus souvent transitoires et n’imposent pas de traitement. 
        Thyrotoxicoses 
        Un  épisode de thyrotoxicose auto-immune pourrait être déclenché par l’infection à  SARS-CoV-2, mais les observations de maladie de Basedow sont rares au cours de  la pandémie de Covid-19. En revanche, plusieurs études épidémiologiques mettent  en évidence une prévalence augmentée des thyrotoxicoses secondaires à une thyroïdite  “destructrice” subaiguë ou silencieuse chez les patients Covid-19. Dans une  étude rétrospective portant sur 287 patients italiens, 20,2 % des patients  présentent une thyrotoxicose soit clinique (10,8 %) soit subclinique (9,4 %)  lors d’une hospitalisation pour Covid-19 [6]. La prévalence de la  thyrotoxicose est corrélée à l’augmentation de la concentration d’IL-6, en  faveur d’une thyroïdite secondaire à “l’orage cytokinique” ou à l’atteinte  directe des cellules folliculaires thyroïdiennes par le SARS-CoV-2. 
        Muller  et al. rapportent également une prévalence élevée de thyrotoxicose (15 %)  chez les patients Covid-19 hospitalisés en unité de réanimation pour une  atteinte pulmonaire sévère par rapport aux patients Covid-19 hospitalisés en  soins intensifs (2 %) ou à ceux hospitalisés en réanimation respiratoire  pour une pneumopathie non liée au Covid-19 (1 %) [7]. Les auteurs  décrivent chez ces patients une “thyrotoxicose à T4” marquée par une T4l  normale ou augmentée avec une TSH et une T3l basses : la thyroïdite subaiguë  ou silencieuse entraînerait une libération de T4 alors que, chez les patients  présentant une forme sévère de Covid-19, il existe une diminution de la  concentration de T3l. Après 2 mois de suivi, 75 % des patients sont  euthyroïdiens. Une amélioration rapide des tableaux clinicobiologiques chez la  plupart des patients traités par de faibles doses de corticoïdes était  également rapportée dans la littérature. 
        Par  ailleurs : 
      
        - une augmentation des complications  thromboemboliques et des épisodes de fibrillation auriculaire chez les patients  thyrotoxiques est rapportée par Lania et al. [6]. Toute  thyrotoxicose non contrôlée augmente le risque de complications au cours d’une  infection au Covid-19, en particulier chez le sujet âgé ;
 
        - une infection liée au Covid-19 peut entraîner  une crise thyrotoxique chez les patients présentant une thyrotoxicose non  contrôlée. Il faut rappeler la nécessité de continuer un traitement par  antithyroïdiens de synthèse chez les patients présentant une hyperthyroïdie  auto-immune en particulier ;
 
        - une surveillance hématologique est nécessaire  chez les patients traités par antithyroïdiens de synthèse afin de diagnostiquer  en urgence une leucopénie ou une agranulocytose dans le contexte d’une  infection au Covid-19.
 
       
        Insuffisance  thyroïdienne 
        L’insuffisance  thyroïdienne est fréquente, présente chez plus de 20 % des sujets âgés,  surtout de sexe féminin, dont le traitement repose sur la lévothyroxine. 
        Dans  une étude rétrospective portant sur 3 703 patients Covid-19, van Gerwen et  al. n’observent pas d’augmentation du risque d’hospitalisations, de séjours en  réanimation respiratoire et de décès chez les 251 patients (6,8 %)  présentant une hypothyroïdie traitée par rapport aux patients non  hypothyroïdiens (figure) [8]. 
Figure. Survie chez les patients hypothyroïdiens traités ou non hypothyroïdiens, hospitalisés pour une infection Covid-19 [8].  
  
  
Alors  qu’une hypothyroïdie non traitée augmente la susceptibilité aux infections,  cette étude montre que le traitement de l’hypothyroïdie n’augmente pas le  risque de formes graves ou de décès liés au SARS-CoV-2. Cela permet d’insister  sur la poursuite du traitement substitutif par lévothyroxine chez les patients  hypothyroïdiens, en particulier pendant toute la durée d’un éventuel  confinement.  | 
  
  
    Références bibliographiques 
      1. Lazartigues E et al. Endocrine significance of SARS-CoV-2’s reliance on  ACE2. Endocrinology  2020;161(9):bqaa108.  
        2. Rotondi M et al. Detection of  SARS-COV-2 receptor ACE-2 mRNA in thyroid cells: a clue for COVID-19-related  subacute thyroiditis. J Endocrinol Invest  2020:1-6.  
        3. Chen T et al. Clinical  characteristics of 113 deceased patients with coronavirus disease 2019:  retrospective study. BMJ 2020;368:m1091. 
        4. Chen M et al. Thyroid function analysis in 50  patients with COVID-19: a retrospective study. Thyroid 2020. doi:  10.1089/thy.2020.0363 
        5. Li T et al.  Characteristics of laboratory indexes in COVID-19 patients with non-severe  symptoms in Hefei City, China: diagnostic value in organ injuries. Eur J Clin  Microbiol Infect Dis 2020;39(12):2447-55.  
        6. Lania  A et al. Thyrotoxicosis in patients with Covid-19: the THYRCOV  study. Eur J Endocrinol 2020;183:381-7. 
        7. Muller I et al.  SARS-CoV-2-related atypical thyroiditis. Lancet Diabetes Endocrinol 2020;8(9):739-41.  
      8. Van Gerwen M et al. Outcomes of patients with hypothyroidism and  COVID-19: a retrospective cohort study. Front Endocrinol (Lausanne)  2020;11:565.  
P. Caron déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
  
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    | Carcinome thyroïdien différencié : effets du traitement à l’iode radioactif sur la fonction ovarienne et la fertilité féminine. Peut-on être définitivement rassuré ? | 
  
  
    Gérard Chabrier 
        Centre d’endocrinologie, Strasbourg ; Service médecine interne, endocrinologie et nutrition, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires de Strasbourg. 
      Les effets potentiellement délétères à long terme du traitement par l’iode  radioactif (IRA) sur la fertilité suscitent souvent l’inquiétude  chez les jeunes femmes prises en charge pour un cancer  différencié de la thyroïde (CDT) en âge de procréer. 
Publiées  en 2008 puis en 2011, 2 revues systématiques sur ce sujet [1, 2], souvent citées, avaient abouti à des  conclusions plutôt rassurantes. Les effets sur la fertilité avaient été évalués  chez des jeunes femmes ayant un CDT traitées par IRA. Ces études avaient conclu  à l’absence d’éléments probants en faveur de la persistance, au-delà de 12 mois,  d’effets indésirables de l’administration d’IRA sur la fonction gonadique, la  fertilité ou le déroulement des grossesses ainsi que sur la morbimortalité  néonatale et les malformations congénitales. Seule la survenue d’une ménopause  à un âge légèrement plus précoce avait été identifiée chez les femmes traitées.  Mais ces 2 revues s’appuyaient sur des études  rétrospectives, et la majorité d’entre elles n’intéressait qu’un petit nombre  de patientes. 
Au  cours de la dernière décennie, des travaux sur le même sujet se sont concentrés  tout particulièrement sur les effets de l’administration de doses ablatives d’IRA  sur la fonction ovarienne. Ces recherches ont pu être réalisées à l’aide de marqueurs  tels que l’hormone antimüllérienne (AMH), dont on sait que les taux sériques  sont fortement corrélés au nombre de follicules antraux, représentant ainsi un  bon reflet de la réserve ovarienne et un bon paramètre d’évaluation de l’état de  fertilité. 
Ces nouvelles données ont permis  à une équipe néerlandaise [3] de revisiter l’ensemble des  études effectuées de 1970 à janvier 2020, sous la forme d’une revue systématique de la littérature et d’une  méta-analyse. Piek et al. ont ainsi analysé l’effet  du traitement par IRA sur la fonction ovarienne, la fertilité et le devenir des  grossesses chez des jeunes femmes adultes en âge de procréer, atteintes d’un CDT  et ayant eu une thyroïdectomie totale suivie d’une thérapie par IRA. Les populations  comparatives étaient soit des femmes atteintes de CDT n’ayant bénéficié que  d’une thyroïdectomie totale, soit des femmes en bonne santé. Les résultats des  différentes études comportaient en tout ou partie l’évaluation de la fonction et/ou  de la réserve ovarienne via différents marqueurs dont les taux d’AMH en  particulier, mais aussi de la fertilité, des troubles du cycle menstruel, de la  ménopause et de l’issue de la grossesse. Au total, 689 références  ont ainsi été identifiées, mais seulement 22 études  ont été retenues pour la revue détaillée, concernant 36 215 patientes. La  majorité des études reposait sur des populations monocentriques et était réalisée  rétrospectivement. Une méta-analyse a été réalisée pour déterminer les  différences dans les taux de grossesse.       
       Quelles  sont les principales observations à retenir ? 
        Sur  4 études observationnelles dont une prospective ne s’intéressant qu’aux données  cliniques, au cours de la 1re année suivant le traitement par IRA (doses  cumulées d’I131 allant de 2 997 MBq à 59 GBq (81 à 1 595 mCi)), les altérations du cycle menstruel étaient constatées chez  12 % à 31 %  des patientes traitées, de façon significativement plus fréquente que dans les  groupes témoins (31,1 % versus 14,5 %, p = 0,02) [4].  Des périodes d’aménorrhées étaient décrites chez 8 % à  16 % des patientes entre 4 et  10 mois après l’administration d’IRA. Dans une  seule étude, la ménopause apparaissait à un âge légèrement plus précoce chez les  femmes traitées par IRA que chez celles n’ayant pas reçu ce traitement (49,5 ans versus 51 ans respectivement,  p < 0,001) [5]. 
      
Sept études ont examiné l’effet  du traitement par IRA sur la réserve ovarienne, via les taux d’AMH. Dans 4  d’entre elles, pour des doses d’I131 allant de 1 110  à 5 550 MBq (30 à 150 mCi), les taux d’AMH étaient significativement plus bas, dès  le 3e mois  et jusqu’à 1 an  après le traitement par IRA, par rapport aux taux de base (différence moyenne  1,50 ng/mL) (figure 1a). Les taux d’AMH groupés des patientes des 7  études traitées par IRA étaient de 1,79 ng/mL,  significativement plus bas que les taux de base (figure 1b).
 
Figure  1. (a) Taux moyens d’AMH avant et 1 an  après traitement par IRA chez les patientes atteintes de CDT. (b) Taux moyens d’AMH  après traitement par IRA chez les patientes atteintes de CDT. 
(1a) 
  
(1b) 
  
 
  Dans  1 étude prospective récente [6] évaluant les taux d’AMH après administration  d’IRA, les taux d’AMH diminuaient de 50 %  par rapport aux taux de base, et ce jusqu’à 12 mois  après une seule dose d’I131 pour se stabiliser par la suite. La diminution  des taux d’AMH était moins marquée chez les patientes de moins de 35 ans que  chez celles de plus de 35 ans.  
  Deux  études indiquaient que de fortes doses d’IRA altéreraient davantage la réserve  ovarienne évaluée par les taux d’AMH. En revanche, des doses plus faibles jusqu’à  1 110 MBq (30 mCi), comme celles proposées pour l’ablation des  reliquats thyroïdiens, semblaient inoffensives. 
  A contrario, 3 études ne trouvaient pas de  relation statistiquement significative entre l’exposition à l’IRA et les  niveaux d’AMH, le principal facteur de diminution des taux d’AMH étant l’âge des  patientes traitées et non le type de traitement. En outre, il n’était pas  identifié de corrélation entre les niveaux d’AMH et la fertilité et/ou la survenue  de grossesse. 
Quant  à la méta-analyse, elle a montré que les patientes traitées par  IRA n’avaient pas moins de chances que les femmes du groupe  témoin de tomber enceinte et de mener une grossesse à terme (OR = 0,98  [IC95 : 0,72-1,33] ; p = 0,909).  Ces résultats suggèrent que le traitement par IRA n’était pas associé  à une infertilité à long terme (figure 2). 
 
  Figure 2. Différences de taux de  grossesse entre patientes traitées par IRA et patientes contrôles. 
   
Il  s’agit, somme toute, de données rassurantes, mais néanmoins encore porteuses de  quelques incertitudes quant à l’impact de l’administration d’IRA sur la réserve  ovarienne. 
  La  revue de Piek et al. [3] n’a pas pu prendre en compte la publication récente  d’un autre travail hollandais [7] s’intéressant plus spécifiquement au devenir  à long terme de la fertilité chez les femmes survivantes d’un CDT infantile (diagnostic  à ≤ 18  ans entre 1970 et 2013) et  traitées par IRA (dose cumulative médiane d’I131 administrée de 7,4 GBq).  Étaient évalués d’une part diverses caractéristiques reproductives (âge de la  ménarche et ménopause, obtentions et issues de grossesses, besoin d’assistance  à la procréation) au moyen de questionnaires et examens de dossiers médicaux,  et d’autre part, les taux d’AMH (comparés à ceux de 420 femmes non traitées  pour un cancer, l’âge à l’évaluation de l’AMH ne différant pas entre  survivantes du CDT et groupe témoin). 55 femmes ayant survécu à  un CDT infantile, d’âge médian 31,0 ans,  ont ainsi été évaluées après un suivi moyen de 15,4 ans. 
  Parmi  les 55 femmes, âgées de 18 ans ou plus lors de l’évaluation, 25 ont déclaré 64 grossesses,  dont 45 ont abouti  à la naissance d’un enfant vivant. Sur ces 55 patientes, 10,9 %  ont eu recours à une aide à la procréation. Aucune patiente n’a signalé de  ménopause précoce. Les niveaux médians d’AMH ne différaient pas entre les  femmes ayant survécu à un CDT infantile et le groupe témoin (2,0 μg/L  contre 1,6 μg/L, p = 0,244).  La dose cumulative d’I131 n’était pas associée aux niveaux d’AMH chez  les survivantes de CDT. 
  Ainsi,  les patientes traitées par IRA pendant l’enfance ne semblent pas présenter d’anomalies majeures dans les  caractéristiques reproductives, ni dans les marqueurs prédictifs de l’insuffisance  ovarienne. 
  En  conclusion, il ne semble pas y avoir d’argument probant signifiant que les femmes  en âge de procréer aient une fertilité diminuée à long terme après avoir été  traitées par de l’131 pour un CDT, quelle que soit la période à laquelle  s’est déroulé le traitement. En revanche, il semble y avoir une influence négative sur le cycle  menstruel pendant la première année qui suit  le traitement et des concentrations sériques d’AMH fréquemment  réduites au cours de cette même période, affectant potentiellement la réserve  ovarienne et donc la fertilité à court terme. Une prise en charge plus  spécifique pourrait être discutée chez les femmes de plus de 35 ans exprimant  un désir de grossesse à court terme et chez lesquelles un traitement par IRA est  programmé.  | 
  
  
    Références bibliographiques 
      
        - Sawka  AM et al. A systematic review examining the effects of therapeutic radioactive  iodine on ovarian function and future pregnancy in female thyroid cancer  survivors. Clin Endocrinol (Oxf) 2008;69(3):479-90. 
 
        - Sioka  C, Fotopoulos A. Effects of I-131 therapy on gonads and pregnancy outcome in  patients with thyroid cancer. Fertil  Steril 2011;95(5):1552-9. 
 
        - Piek MW et al. The effect of radioactive iodine therapy on ovarian function and  fertility in female thyroid cancer patients: a systematic review and meta-analysis. Thyroid 2020. doi:  10.1089/thy.2020.0356. Online ahead of print.
 
        - Sioka C et al. Menstrual  cycle disorders after therapy with iodine-131. Fertil Steril 2006;86(3):625-8. 
 
        - Ceccarelli C et al. 131I  therapy for differentiated thyroid cancer leads to an earlier onset of  menopause: results of a retrospective study. J Clin Endocrinol Metab 2001;86(8):3512-5. 
 
        - Van Velsen EFS et al. Longitudinal  analysis of the effect of radioiodine therapy on ovarian reserve in females  with differentiated thyroid cancer. Thyroid 2020;30(4):580-7. 
 
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      G. Chabrier déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
    
    
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    | Quoi de neuf en thyroïdopathie pendant la grossesse ? | 
  
  
    Magalie Haissaguerre 
        Service d'endocrinologie et de cancérologie endocrinienne Pr Tabarin, hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, Pessac. 
      Les  besoins du fœtus en hormones thyroïdiennes sont assurés par le passage  transplacentaire des hormones thyroïdiennes maternelles. L’hypothyroïdie et l’hyperthyroïdie  maternelle avérée sont associées à un petit poids de naissance. Actuellement, d’après  l’American Thyroid Association (ATA) [1], les recommandations formelles de traitement par hormones thyroïdiennes  pendant la grossesse concernent : les patientes enceintes avec une TSH > 10 mU/L et les  patientes enceintes ayant des anticorps anti-TPO positifs et une TSH > 4m U/L. Pour  les patientes enceintes présentant une hypothyroïdie infraclinique (définie par  une TSH entre 4 et 10 mU/L, une T4L normale et des Ac anti-TPO  négatifs) ou les femmes enceintes avec une TSH comprise entre 2,5 et 4 mU/L  dans un contexte d’anticorps anti-TPO positifs, un traitement par lévothyroxine  “peut être considéré”. À ce jour, la majorité des études randomisées montre que  le traitement par lévothyroxine pendant la grossesse des femmes ayant une hypothyroïdie  infraclinique, notamment au premier trimestre de la grossesse, ne semble pas améliorer  significativement le devenir des enfants sur le plan intellectuel et cognitif [2, 3]. 
L’impact  potentiel des dysthyroïdies biologiques infracliniques sur le poids de  naissance n’est pas bien connu, et les résultats diffèrent selon les études.      
       Pour répondre  à cette question, Korevaar et al. ont réalisé une méta-analyse, publiée dans The  Lancet en juin 2020 [4], portant sur les données individuelles de 20  cohortes prospectives (dont 5 non publiées) de femmes enceintes, dont le  bilan biologique thyroïdien et le poids de naissance des enfants étaient connus.  Étaient exclues les femmes ayant une grossesse multiple ou résultant d’une FIV,  une thyroïdopathie préexistante à la grossesse, un traitement pour la thyroïde,  et celles ayant fait une fausse couche ou ayant eu un enfant mort-né. L’objectif  était d’étudier le poids de naissance en fonction de l’âge gestationnel. Les données  ont été ajustées pour l’âge maternel, l’IMC, l’origine ethnique, le tabagisme,  la parité, l’âge gestationnel au moment des prises de sang, le sexe fœtal et l’âge  gestationnel à la naissance. Parmi les 48 145 mères, 1 275 (3 %) et  929 (2 %) présentaient respectivement une hypothyroïdie  infraclinique (TSH élevée mais T4L normale) ou une hypothyroxinémie (TSH  normale mais T4L diminuée). 
      L’hypothyroïdie  infraclinique maternelle était associée à un risque plus élevé de petit poids pour  l’âge gestationnel (PAG). Cette association était 5 fois plus  forte au 3e trimestre qu’au 1er trimestre. Lorsque  les Ac anti-TPO maternels étaient positifs, cette association entre une hypothyroïdie  infraclinique et un petit poids de naissance était 5 fois plus forte par  rapport aux mères sans Ac anti-TPO. 
      L’hypothyroxinémie  maternelle isolée était associée à un risque moins élevé de PAG et à un poids  de naissance plus élevé par rapport aux femmes enceintes dites euthyroïdiennes.  Une augmentation de la concentration plasmatique de T4L de 1 DS  était liée à une réduction du poids de naissance de 21 g, et  cette association était plus forte au 3e trimestre. Des  concentrations plus élevées de T4L étaient associées à un poids de naissance  plus petit, même lorsque la T4L restait dans les normes habituelles du  laboratoire. La relation négative, concentration-dépendante, entre la T4L et le  poids de naissance pourrait s’expliquer soit par le passage transplacentaire de  la T4L maternelle, avec un effet direct de la T4L sur la croissance fœtale, ce  qui induit une augmentation du catabolisme lipidique et protéique au niveau  fœtal ; soit par un mécanisme impliquant l’hCG. Pour les auteurs, une  hypothyroxinémie maternelle ne reflète pas nécessairement un défaut de fonction  thyroïdienne, mais pourrait être un état spécifique lié à la grossesse et non  pas un état pathologique. 
      Au final,  Korevaar et al. concluent que l’hypothyroïdie infraclinique pendant la  grossesse serait un facteur de risque de PAG et serait associée à une réduction  du poids de naissance, d’autant plus si les anticorps anti-TPO maternels sont  positifs. Au contraire, l’hypothyroxinémie isolée, en particulier au 3e  trimestre de la grossesse, serait associée à un poids de naissance plus élevé  et à une réduction du risque de PAG (figure). De plus, les femmes  enceintes qui présentaient une concentration de T4L normale, mais dans les  valeurs hautes des seuils des laboratoires, avaient un risque plus élevé de PAG  et d’enfants nés avec un faible poids de naissance. 
      Figure. Synthèse des résultats : association de la concentration plasmatique de la  TSH et de la T4L maternelle avec le poids intra-utérin et le poids de  naissance. 
       
  
Ces  résultats sont cohérents avec ceux d’un essai randomisé récent publié dans The  New England Journal of Medicine [5], qui montre qu’un traitement par  petite dose de lévothyroxine était associé de manière non significative à un  risque plus élevé de PAG. 
  À la  suite d’une autre publication suggérant un retentissement neurocognitif chez  les enfants de mères traitées par lévothyroxine pendant la grossesse [6],  ce travail repose la question du risque de surtraitement par hormones thyroïdiennes  pendant la grossesse [7, 8]. Est-ce que les femmes enceintes traitées par  hormones thyroïdiennes (quelle qu’en soit la raison) nécessiteraient un  meilleur contrôle de la T4L, durant toute la grossesse (et pas seulement au 1er  trimestre), pour éviter d’éventuels effets préjudiciables d’un excès d’hormones  thyroïdiennes sur le fœtus, notamment sur le poids de naissance et le  développement cognitif ? Cette association décrite entre T4L et poids de naissance  étant dose-dépendante et plus prononcée au 3e trimestre de la  grossesse, cet article incite à une réflexion dans le suivi thyroïdien régulier  des femmes enceintes traitées par lévothyroxine, y compris en fin de grossesse.      | 
  
  
    Références bibliographiques 
      1. Alexander EK et al.  2017 Guidelines of the American Thyroid Association for the Diagnosis and  Management of Thyroid Disease During Pregnancy and the Postpartum. Thyroid  2017;27(3):315-89. 
        2. Casey BM et al.  Treatment of Subclinical Hypothyroidism or Hypothyroxinemia in Pregnancy. N  Engl J Med 2017;376(9):815-25. 
        3. Lazarus JH et al.  Antenatal thyroid screening and childhood cognitive function. N Engl J Med 2012;366(6):493-501. 
        4. Derakhshan A et al.  Association of maternal thyroid function with birthweight: a systematic review  and individual-participant data meta-analysis. Lancet Diabetes Endocrinol 2020;8(6):501-10. 
        5. Dhillon-Smith RK et  al. Levothyroxine in Women with Thyroid Peroxidase Antibodies before  Conception. N Engl J Med 2019;380(14):1316-25. 
        6. Hales C et al.  Controlled Antenatal Thyroid Screening II: Effect of Treating Maternal  Suboptimal Thyroid Function on Child Cognition. J Clin Endocrinol Metab 2018;103(4):1583-91. 
        7. Korevaar TIM et al.  Association of maternal thyroid function during early pregnancy with offspring  IQ and brain morphology in childhood: a population-based prospective cohort  study. Lancet Diabetes Endocrinol 2016;4(1):35-43. 
      8. Korevaar TIM et al.  Thyroid disease in pregnancy: new insights in diagnosis and clinical  management. Nat Rev Endocrinol 2017;13(10):610-22. 
M. Haissaguerre  déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
       
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    Les inhibiteurs de NTRK : une nouvelle piste vers la redifférenciation 
des cancers thyroïdiens réfractaires ? | 
  
  
    Camille Buffet 
        Unité fonctionnelle des pathologies thyroïdiennes et tumeurs endocrines, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris. 
      La prise en charge des cancers thyroïdiens métastatiques  réfractaires à la thérapie classique par l’iode radioactif représente un défi  pour le clinicien. Les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK), classiquement  prescrits dans ce contexte, peuvent échouer en raison de résistance primaire ou  acquise à la molécule ou en raison d’effets indésirables graves ou modérés mais  chroniques et délétères imposant l’arrêt du médicament. Ainsi a émergé le  concept de redifférenciation, qui consiste à traiter les patients avec un ou  plusieurs médicaments capables de restaurer la sensibilité à l’iode radioactif  de cancers réfractaires. Plusieurs composés (sorafénib, acide rétinoïque,  inhibiteur d’histone désacétylase, etc.) ont été testés il y a une dizaine  d’années environ avec des résultats décevants. Un regain d’intérêt pour cette  stratégie est apparu avec la publication d’un essai pilote incluant 24 patients,  montrant des résultats prometteurs obtenus avec un inhibiteur pharmacologique  de MEK (le sélumétinib) prescrit pendant 4 semaines [1]. Cette  publication a ouvert le champ à la stratégie de redifférenciation avec les  inhibiteurs de la voie MAPK, en particulier les inhibiteurs de BRAF V600E  et/ou les inhibiteurs de MEK. Les résultats de cette stratégie sont  encourageants, affichant des taux de restauration du captage de l’iode de  l’ordre de 60 à 70 % [2], ce qui représente un des  progrès majeurs de ces dernières années dans la prise en charge des cancers  thyroïdiens graves. Un autre progrès majeur est l’apparition de thérapies  ciblant très sélectivement une anomalie moléculaire responsable de la  tumorigenèse thyroïdienne, à l’inverse des précédents ITK multicibles ayant  notamment une action antiangiogénique responsable de nombreux effets  indésirables. Le larotrectinib, inhibiteur sélectif de  NTRK, en est en exemple, et a montré une efficacité significative (taux de  réponse globale de 75 %) avec une bonne tolérance dans une étude de  phase I-II chez 55 patients ayant une tumeur solide avec fusion NTRK [3]. 
      Étant donné que les protéines de fusion NTRK entraînent  l’activation constitutionnelle de nombreuses voies de signalisation conduisant  au cancer, dont la voie des MAPK, l’hypothèse que les inhibiteurs de NTRK  puissent avoir un effet de redifférenciation dans les cancers thyroïdiens  réfractaires peut être faite. 
        Le cas d’une patiente rapporté cette année dans le New  England Journal of Medicine[4] va dans le sens de cette  hypothèse. Une patiente de 64 ans atteinte d’un cancer papillaire de la  thyroïde et opérée 34 ans plus tôt avait reçu, dans un contexte de  progression des métastases pulmonaires avec pleurésie, le lenvatinib, un ITK  multicible à action antiangiogénique, arrêté en raison d’effets indésirables  sévères et remplacé par le larotrectinib compte tenu de  la mise en évidence d’une fusion EML4-NTRK3 dans la tumeur. Cette patiente avait un cancer thyroïdien classé  réfractaire après l’administration d’une dose cumulée de 1 400 mCi d’iode 131 et une scintigraphie corps entier blanche lors  du 8e et dernier traitement. La scintigraphie diagnostique à l’iode 131  (10 mCi), réalisée après 3 semaines de traitement par larotrectinib,  montre une restauration du captage de l’iode 131 au sein de la  quasi-totalité des métastases pulmonaires, alors que la scintigraphie  diagnostique à l’iode 131 faite sous lenvatinib était blanche (figure).  En parallèle, le larotrectinib avait induit une réponse partielle au bout de 2 mois.  En raison de la forte activité cumulée d’iode 131 déjà administrée, la  patiente n’avait pas reçu de nouvelle dose thérapeutique d’iode 131 lors  de la publication du cas. Toutefois, ces données suggèrent la possibilité de  traiter à nouveau par iode 131 des patients atteints de cancers  thyroïdiens réfractaires traités par larotrectinib. 
      Sur le plan fondamental, la mise au point de modèles  précliniques, notamment d’une lignée cellulaire dérivée d’un cancer de la  thyroïde avec fusion NTRK, qui n’existe pas à l’heure actuelle, serait  particulièrement intéressante pour étudier le phénomène de redifférenciation sous inhibiteur  de NTRK.  
      Figure. Scintigraphie diagnostique avant et  pendant le traitement par larotrectinib.   
     
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    Références bibliographiques 
      
        - Ho AL et al. Selumetinib-enhanced radioiodine uptake  in advanced thyroid cancer. N Engl J Med 2013;368(7):623-32.
 
        - Buffet C et al. Redifferentiation of radioiodine-refractory thyroid  cancers. Endocr Relat Cancer 2020;27(5):R113-32. 
 
        - Drilon A et  al. Efficacy of Larotrectinib in TRK fusion-positive cancers  in adults and children. N  Engl J Med 2018;378(8):731-9.
 
        - Groussin L et al. Larotrectinib-enhanced  radioactive iodine uptake in advanced thyroid cancer. N Engl J Med  2020;383(17):1686-7.
 
       
      C. Buffet déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. 
    
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    | Composés perfluorés et fonction thyroïdienne maternelle : à quoi s’attendre ?  | 
  
  
    Nicolas Chevalier 
        Département d’endocrinologie-diabétologie-reproduction, hôpital de l’Archet, CHU de Nice ; Université Côte d’Azur.  
      Malgré  des arguments expérimentaux (in vitro et in vivo) et épidémiologiques de plus  en plus nombreux, l’impact sanitaire des perturbateurs endocriniens (PE) sur la  glande thyroïde reste un objet de débat. 
De par  leur structure chimique, les PE peuvent interférer à plusieurs niveaux clés de la  fonction thyroïdienne, mais ils peuvent également modifier finement les concentrations  circulantes en hormones thyroïdiennes. Si ces modifications peuvent paraître  trop minimes pour avoir une répercussion clinique chez l’adulte, il n’en est  probablement pas de même dans certaines périodes clés de la vie (grossesse,  petite enfance). 
      L’équipe  de Tim Korevaar a d’ailleurs montré l’existence d’une relation non quadratique,  en U inversé, entre les concentrations maternelles en T4 libre (fT4)  mesurées avant 18 semaines de grossesse et le développement neurocognitif  de l’enfant à naître, évalué par la mesure du QI à l’âge de 6-8 ans et la  réalisation d’IRM cérébrale à l’âge de 8-10 ans [1, 2]. 
      L’étude  rapportée ci-dessous [3] étudie l’impact possible des composés  perfluorés, présents dans notre environnement quotidien de manière quasi  ubiquitaire, notamment en tant que surfactants (en particulier antiadhésifs), sur  la fonction thyroïdienne de femmes gestantes. Leur longue chaîne polycarbonée  les protège de la dégradation, ce qui explique une longue demi-vie, qui varie  entre 3 et 8 ans chez l’être humain pour les 2 chefs de fil majoritaires des  composés perfluorés que sont le PFOS et le PFOA. La contamination se fait  principalement par voie orale (aliments et eau contaminés) ou respiratoire  (poussières domestiques). À partir d’une cohorte prospective de naissance  (Shangai Birth Cohort) qui a inclus 4 127 femmes enceintes de 6 hôpitaux  différents, entre 2013 et 2016, les auteurs ont analysé les données de 1 885 femmes,  sans antécédents thyroïdiens, pour lesquelles ils disposaient d’un bilan  thyroïdien mesuré par RIA avant 14 semaines de grossesse. 
      Les  femmes avaient un âge médian de 29 ans, étaient primipares pour 85,6 %  d’entre elles et avaient un IMC médian de 21,5 kg/m2 en début  de grossesse. 12,1 % d’entre elles (n = 223) avaient des  stigmates d’auto-immunité thyroïdienne (représentés par la présence d’anticorps  anti-TPO au-delà de 60 UI/mL) ; leurs caractéristiques générales  n’étaient pas différentes des femmes sans auto-immunité thyroïdienne, sauf pour  le taux de TSH qui était significativement plus élevé. Le taux médian de fT4  était de 15,4 pmol/L (12,21-19,82), celui de fT3 de 4,74 pmol/L  (3,92-5,88) et celui de TSH de 1,40 mUI/L (0,15-3,76). 
        Dix  composés perfluorés ont été dosés par spectrométrie de masse (HPLC/MS-MS), sur  un échantillon sanguin réalisé entre la 9e et la 16e semaine  de grossesse. Les 2 composés les plus représentés étaient le PFOA et le  PFOS, dont les taux médians respectifs étaient de 12,32 ng/mL (9,47-16) et  de 9,25 ng/mL (6,59-13,58). 
      Les  auteurs ont pu mettre en évidence une corrélation non quadratique, en U inversé (figure 1), entre les concentrations de PFOS, de PFOA et les taux  circulants de fT3 ( β = 0,179) et de fT4 ( β = 0,121).       
      Figure 1.  Association entre concentrations maternelles en hormones thyroïdiennes et  concentrations plasmatiques en composés perfluorés chez des patientes sans (A)  ou avec anticorps (B) anti-TPO, après ajustement pour l’âge maternel, l’IMC  préconceptionnel, l’âge gestationnel et le niveau socioéconomique.       
        
      Ce  résultat était significatif, y compris après ajustement multiparamétrique et  pour plusieurs nœuds (10e, 50e et 90e percentile).  En revanche, cette corrélation n’était pas statistiquement significative pour  les patientes ayant des anticorps anti-TPO. Pour expliquer cette observation,  les auteurs évoquent une compétition des composés perfluorés avec les hormones  thyroïdiennes sur les molécules de transport et/ou une compétition avec  l’iodure. 
      Ce  dernier argument est particulièrement intéressant, puisque dans un article de  recherche fondamentale, des chercheurs ont évalué l’effet du PFOS et du PFOA  sur la capture d’iode par des cellules thyroïdiennes murines FRTL-5 [4].  Ils ont ainsi pu montrer que seul le PFOS était capable d’induire une  diminution temps- et concentration-dépendante de la capture d’iode, avec un IC50  de 1,0 µM et une plus faible dose avec effet (LOAEL) de 0,3 µM = 150 ng/mL  (p < 0,05) (figure 2). Aux plus fortes doses (100 µM = 50 µg/mL),  le PFOS entraîne une inhibition du symporteur sodium/iodure (NIS) quasi  complète, de 95 %, identique à celle observée avec le perchlorate de  sodium. Le mécanisme d’inhibition du NIS reste peu clair : liaison directe  et compétition avec l’iodure ? Encombrement allostérique du NIS ?     
      Figure 2.  Effets du PFOS à différentes concentrations sur la capture et sur la  concentration intracellulaire d’iodure de sodium  dans des cellules thyroïdiennes murines FRTL-5 in vitro. A :  capture de l’iodure de sodium en fonction du temps et de l’exposition à des  concentrations croissantes de PFOS. B : concentration  intracellulaire en iodure mesurée à t = 20 min en fonction de la  dose d’exposition au PFOS. C : capture de l’iodure de sodium en  fonction du temps après exposition à 100 µM de PFOS, de PFOA ou de  perchlorate de sodium (NaClO4). D : effet de 100 µM  de PFOS, de PFOA ou de perchlorate de sodium (NaClO4) sur la  concentration intracellulaire en iodure mesurée à t = 20 min. 
        
    Tous  ces éléments sont autant de nouveaux arguments qui démontrent bien que la  fonction thyroïdienne est une cible des PE à ne pas méconnaître, non seulement  dans les évaluations sanitaires, mais aussi probablement au niveau clinique.  | 
  
  
    Références bibliographiques 
      1. Korevaar TIM et al. Association  of maternal thyroid function during early pregnancy with offspring IQ and brain  morphology in childhood: a population-based prospective cohort study. Lancet  Diabetes Endocrinol 2016;4(1):35-43. 
2. Jansen TA et al.  Maternal thyroid function during pregnancy and child brain morphology: a time  window-specific analysis of a prospective cohort. Lancet Diabetes Endocrinol  2019;7(8):629-37. 
3. Aimuzi  R et al. Perfluoroalkyl and polyfluroalkyl substances and maternal thyroid  hormones in early pregnancy. Environ Pollut 2020;264:114557.  
4. Conti A et al. Perfluorooctane sulfonic acid, a  persistent organic pollutant, inhibits iodide accumulation by thyroid  follicular cells in vitro. Mol Cell Endocrinol 2020;515:110922.      
 N. Chevalier déclare avoir des liens d’intérêts avec Abbott, AstraZeneca, Eli Lilly, Gilead, Medtronic, Merck, MSD, NovoNordisk, Novartis, Sanofi, SVR. 
    
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