La lettre Thyroïde de la SFE – Juillet 2011

La Lettre de la Thyroïde
Sommaire Lettre N°2 – Juillet 2011
   

[ÉDITO] Thyroïde : déjà des leçons de Fukushima ?
Jean-Louis Wémeau

[L’IMAGE COMMENTÉE] Scintigraphie et acquisition SPECT-CT dans la surveillance des cancers – L. Vija, T. Méas, Marie-Élisabeth Toubert

[L’ACTUALITÉ COMMENTÉE]

• Nouvelles recommandations américaines sur le traitement des hyperthyroïdies : un consensus mou sans beaucoup de preuves ? Bernard Goichot

• Valeur pronostique du temps de doublement du taux de thyroglobuline circulante chez les patients thyroïdectomisés pour cancer papillaire – Michèle d’Herbomez

• La TSH recombinante : un mode de préparation efficace pour le traitement isotopique des cancers thyroïdiens métastatiques ?
Françoise Borson-Chazot

• Variations du taux de thyrotropine sérique : comment les interpréter ? Application aux situations d’hypothyroïdie subclinique
Michèle d’Herbomez

[MISE AU POINT SUR…]

• Les cancers thyroïdiens à l’ASCO 2011 : espoirs et perspectives
Johanna Wassermann, Laurence Leenhardt

   
Editorial

Thyroïde : déjà des leçons de Fukushima ?
Jean-Louis Wémeau (Lille)

De toutes les sources d’énergie, le nucléaire est la plus puissante et quasiment inépuisable. On a souligné que, comparé aux énergies fossiles, il est de loin le moins polluant. L’exception de taille, c’était Tchernobyl, le drame d’un site ravagé, de populations déplacées, d’enfants victimes et de liquidateurs sacrifiés. Mais cela, c’était le fruit d’erreurs humaines, de centrales obsolètes, et globalement la faillite d’une Union soviétique en déclin. Au plan thyroïdien, 25 ans après, sont maintenant assez bien appréciées les conséquences sur les thyropathies tumorales et auto-immunes, et les possibilités de prévention.

L’accident de Fukushima, survenu dans un pays éduqué, discipliné, a meurtri responsables et observateurs. L’affaire est d’autant plus sensible qu’elle survient dans un pays dramatiquement traumatisé par les retombées des premières attaques nucléaires, si psychologiquement sensible que l’utilisation des radio-isotopes en pathologie thyroïdienne y est marginalisée.

Fukushima n’est pas Hiroshima. L’explosion volontaire de bombes atomiques avait conduit au décès immédiat de 80 000 personnes au Japon. On a mesuré à terme les effets mutagènes et carcinogènes des survivants, dont le taux de leucémies et de cancers thyroïdiens a décuplé.

Fukushima n’est pas Tchernobyl. Les risques sismiques, de tsunamis, avaient été largement envisagés. Ce qui a surpris, c’est l’ampleur du séisme (magnitude 8 ou 9, et non 7) et du raz-de-marée (avec une vague de 10 et non de 7 mètres), et les conséquences de la simultanéité de ces deux événements. Les centrales du type PNR à enceintes de confinement comme à l’occidentale (et non de type RBMK [réacteur de grande puissance à tubes de force] comme à Tchernobyl), ont assez bien contenu la radioactivité. Elles ont permis l’évacuation des populations survivantes et la distribution d’iode. À cet égard, les recommandations internationales proposées – et largement diffusées – ont bien fonctionné. Des mesures adaptées ont été proposées à l’ensemble de la population japonaise dont le statut de consommation iodée (proche de 800 µg) est sans comparaison avec le nôtre (proche de 80 µg), ou avec celui des populations de Pripyat à proximité de Tchernobyl (moins de 50 µg).

Ce qui, à nouveau, est apparu dramatique, c’est la situation des techniciens amenés à gérer l’accident de la centrale. Ce qui est innovant, problématique, et difficilement prévisible, c’est la contamination radioactive de l’eau de mer, et potentiellement des poissons qui constituent la base alimentaire protéique des Japonais, et, justement, leur meilleur garant de la protection iodée. Ce qui reste sans réponse, c’est le devenir du site contaminé.

D’ores et déjà, Fukushima n’aura pas sur les populations avoisinant la centrale les conséquences thyroïdiennes de Tchernobyl. Même si des mesures ont été prises, on est maintenant attentif aux conséquences de Fukushima sur le monde animal, l’épidémiologie thyroïdienne humaine au Japon et en Orient, ce qui justifie les actuels programmes de surveillance.

Une des forces de l’humanité est d’apprendre plutôt que de condamner.

L'image commentée

Scintigraphie et acquisition SPECT-CT dans la surveillance des cancers
L. Vija, T. Méas, Marie-Élisabeth Toubert (Service de médecine nucléaire, hôpital Saint-Louis, Paris)

 

Figure
Figure. PTC pT3NxMx chez une femme de 71 ans. Tg 26,5 µg/l avant IRA (3,7 GBq 131I). CE et SPECT-CT à J5 : reliquats bilatéraux « normaux » et mise en évidence d’un ganglion résiduel jugulo-carotidien droit qui a fait l’objet d’une reprise chirurgicale secondaire.

Ciappuccini R, Heutte N, Trzepla G et al. Postablation 131I scintigraphy with neck and thorax SPECT-CT and stimulated serum thyroglobulin level predict the outcome of patients with differentiated thyroid cancer. Eur J Endocrinol 2011;164(6):961-9.

 

L’équipe du CAC de Caen (centre François-Baclesse) vient de publier la mise à jour de sa série prospective de 170 patients consécutifs porteurs d’un cancer thyroïdien différencié (CTD), traités entre 2006 et 2008 par de l’iode 131 au décours de la thyroïdectomie totale avec ou sans curage ganglionnaire, tous explorés par scintigraphie post-thérapeutique corps entier (CE) comportant une acquisition SPECT-CT cou-thorax et suivis pendant un temps médian de 29 mois.

L’acquisition SPECT-CT est une innovation majeure dans le bilan d’imagerie post-thérapeutique après irathérapie, puisqu’elle permet de confronter les images scintigraphiques aux images scannographiques, et de mieux définir si les foyers fixants correspondent à des foyers « normaux » (physiologiques après thyroïdectomie totale) ou « anormaux » (ganglions cervicaux ou médiastinaux, et/ou localisations à distance) [figure].

Les auteurs montrent que les résultats de la scintigraphie post-thérapeutique (CE + SPECT-CT cou-thorax) déterminent très tôt (dès l’ablation par l’iode 131) le risque de maladie persistante ou en rechute. En effet, en analyse multivariée, seuls les résultats du SPECT-CT sont prédictifs de maladie résiduelle (p < 0,0001), alors que tous les autres facteurs pronostiques bien connus (âge, sexe, T, N, M, taux de thyroglobuline [Tg] à l’ablation) ne sont significatifs qu’en analyse univariée. Le taux de Tg, stimulé au moment de l’ablation, n’est prédictif de maladie résiduelle en analyse multivariée que dans le groupe de patients sans anticorps anti-Tg, c’est-à-dire dans le groupe où le taux de Tg est interprétable.

Le pourcentage de maladie résiduelle dans leur série est de 32/170, soit 19 % des patients. Le plus souvent, les résultats sont favorables, avec un reliquat banal sur la scintigraphie post-thérapeutique et une valeur basse et interprétable (sans anticorps anti-Tg associés) du taux de Tg. Ces patients sont revus à 3 mois pour vérifier la négativité du taux de Tg sous freinage, et à 9 mois pour un bilan de contrôle sous stimulation par TSH recombinante associée à une échographie cervicale.
Rarement, les résultats sont moins favorables, avec des anomalies sur la scintigraphie post-thérapeutique et/ou un taux élevé de Tg. La conduite à tenir est dictée par les résultats du SPECT-CT :
– si foyers latérocervicaux et/ou médiastinaux supérieurs en regard d’adénopathies, prévoir une reprise chirurgicale qui peut être aidée par la détection peropératoire quelques mois plus tard, après l’administration d’une deuxième dose d’iode 131 ;
– si métastases à distance fixantes (notamment pulmonaires), prévoir l’administration de doses itératives d’iode 131 tous les 4 à 6 mois environ ;
– si scintigraphie post-thérapeutique normale mais Tg élevée (dans leur série, ? 58 µg/l), revoir le patient à 3 mois, et si Tg détectable sous LT4, prévoir des examens d’imagerie complémentaires, notamment une tomodensitométrie (TDM) cervico-thoracique et une TEP-TDM au 18 FDG.

L'actualité commentée

Nouvelles recommandations américaines sur le traitement des hyperthyroïdies : un consensus mou sans beaucoup de preuves ?
Bernard Goichot (Médecine interne, CHU de Strasbourg)

1. Bahn Chair RS, Burch HB, Cooper DS et al. Hyperthyroidism and other causes of thyrotoxicosis: management guidelines of the american thyroid association and american association of clinical endocrinologists. Thyroid 2011;21(6):593-646.
2. Kahaly GJ, Bartalena L, Hegedüs L. The american thyroid association/american association of clinical endocrinologists guidelines for hyperthyroidism and other causes of thyrotoxicosis: a European perspective. Thyroid 2011;21(6):585-91.

Le numéro de Juin 2011 de la revue Thyroid publie les nouvelles recommandations américaines de l’American Thyroid Association et de l’American Association of Clinical Endocrinologists (ATA/AACE) sur la prise en charge des hyperthyroïdies (1). Ces recommandations émanent d’une « task force » de 13 thyroïdologues de renom dont un seul est non américain (P. Laurberg). Probablement pour équilibrer certaines prises de position, elles sont accompagnées de plusieurs éditoriaux et commentaires, dont certains assez critiques, insistant notamment sur la nécessité de prendre en compte les particularités géographiques d’étiologies et d’habitudes thérapeutiques (en Europe et en Asie en particulier).
S’il est évidemment impossible de résumer ici un texte de plus de 50 pages comprenant 100 recommandations, et en sachant que celles-ci vont probablement être largement débattues dans les mois qui viennent, certaines remarques s’imposent d’emblée. La première, c’est le caractère largement non « evidence-based » de ces recommandations, y compris quand celles-ci sont classées comme « fortes ». Ainsi, comme le soulignent E.N. Pearce et al. dans leur éditorial, 80 des 100 recommandations sont de grade 1 (« strong ») et 20 de grade 2 (« weak »), mais 70 reposent sur des niveaux de preuve bas (côté +), 29 sur des niveaux de preuve faibles (++) et une seule sur un niveau de preuve élevé (+++) ! Le domaine de la pathologie fonctionnelle thyroïdienne vit encore dans un monde bien éloigné de la médecine fondée sur les preuves, avec des pratiques qui reposent encore largement sur des avis d’experts. On peut d’ailleurs se dire en lisant les différents commentaires publiés dans ce numéro que si le panel avait été un peu élargi, un consensus n’aurait probablement pas été possible sur la majorité des items.

Malgré la prédominance de la maladie de Basedow en Amérique du Nord par rapport à la pathologie nodulaire autonome, et malgré une approche culturellement différente de la pratique, il est tout de même surprenant de constater la très large part faite à la scintigraphie outre-atlantique, alors même que son intérêt est remis en cause par certains auteurs en Europe. La sensibilité du dosage des anticorps anti-récepteurs de la TSH (anti-R-TSH) permet en effet, dans la grande majorité des cas, de s’en dispenser dans la maladie de Basedow. Dans le texte, la recherche de ces anticorps est présentée comme une alternative en cas de contre-indication ou d’indisponibilité de la scintigraphie. Ce point est souligné par le commentaire des « Européens » Kahaly et al., qui, eux, se livrent à un vigoureux plaidoyer en faveur de l’échographie, avec l’inconvénient de tomber dans l’excès inverse en en faisant l’examen de première intention dans le diagnostic et le suivi de toutes les formes d’hyperthyroïdie (2). On sait qu’il s’agit en France d’un sujet polémique (cf. l’éditorial de J.L. Wémeau dans la précédente Lettre), et on regrettera une fois de plus que le débat repose davantage sur un affrontement d’idées et de concepts que sur des données scientifiques.

En ce qui concerne le traitement, l’iode 131 a longtemps été le traitement de première intention de la maladie de Basedow aux États-Unis. Les nouvelles recommandations sont plus nuancées et font une place plus raisonnable aux antithyroïdiens de synthèse (ATS). Le choix entre les différentes options thérapeutiques doit être discuté avec le patient mais le texte prend cette fois clairement position sur l’objectif de l’irathérapie lorsqu’elle est choisie : il s’agit d’un traitement ablatif visant à obtenir une guérison définitive au prix d’une hypothyroïdie définitive assumée. Comme on pouvait s’y attendre, le propylthiouracile ne reste indiqué que durant le premier semestre de la grossesse compte tenu des risques de vascularite et d’hépatotoxicité. Le traitement « block and replace » (association d’un ATS à fortes doses et d’une substitution par thyroxine) encore très utilisé en France est écarté sans beaucoup d’argument : si ses avantages n’ont jamais été prouvés en termes de pourcentage de guérisons/rémissions, ni son intérêt médico-économique ou pratique éventuel (moins de bilans sanguins en particulier), une augmentation des effets indésirables n’est pas établie. Les recommandations sur la durée du traitement par ATS en première intention dans la maladie de Basedow ne changent pas (12-18 mois). On est surpris de trouver une recommandation (faible il est vrai) sur le dosage des anticorps anti-R-TSH avant l’arrêt du traitement par ATS, car si leur valeur prédictive positive du risque de rechute est bien établie, la conséquence pratique et thérapeutique de leur utilisation ne l’est pas.

La publication de ces recommandations reste donc un événement majeur dans le petit monde de la thyroïdologie et fera très certainement l’objet de nombreux commentaires et critiques dans les mois à venir car s’imposant, qu’on le veuille ou non, comme un nouveau texte de référence. On garde cependant une impression mitigée de cette lecture en regrettant le manque de données scientifiques réellement indiscutables et l’influence culturelle majeure sur les pratiques dans ce domaine. Toute la pratique médicale ne peut pas être fondée sur des preuves, mais dans une pathologie aussi fréquente que l’hyperthyroïdie, leur absence nuit à la crédibilité de la communauté thyroïdologique, et il ne s’agit manifestement pas ici d’un problème uniquement français !

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Valeur pronostique du temps de doublement du taux de thyroglobuline circulante chez les patients thyroïdectomisés pour cancer papillaire
Michèle d’Herbomez (Service de médecine nucléaire, CHU de Lille)

Miyauchi A, Kudo T, Miya A et al. Prognostic impact of serum thyroglobulin doubling-time under thyrotropin suppression in patients with papillary thyroid carcinoma who underwent total thyroidectomy. Thyroid 2011; 21:707-16.

Le temps de doublement (TD) d’un marqueur sérique de cancer a une valeur pronostique qui a été démontrée à maintes reprises dans la littérature. Cette approche n’avait pourtant pas encore été validée en ce qui concerne la thyroglobuline (Tg) sérique. L’interprétation du taux de Tg sérique, dans le suivi des patients thyroïdectomisés pour cancer différencié de la thyroïde, dépend aussi du taux de thyrotropine (TSH).

Dans une étude japonaise portant sur 426 patients, tous thyroïdectomisés pour cancer papillaire, le temps de doublement de la Tg circulante a été évalué chez 137 patients présentant un taux de TSH inférieur à 0,1 mUI/l lors des mesures de Tg (au moins 4 évaluations par patient). Les patients présentant des anticorps anti-Tg ainsi qu’un taux de TSH supérieur à 0,1 mUI/l ont été exclus de l’étude. Trois groupes ont été formés à partir des TD : gr1, TD < 1 an (n = 17), gr2, 1 < TD < 3 ans (n = 21), gr3, TD > 3 ans (n = 30). Soixante-neuf patients ont vu leur taux de Tg devenir indétectable. Les survies à 10 ans ont été évaluées respectivement à 50, 95 et 100 % pour les gr1, gr2 et gr3. Par analyse univariée, les facteurs pronostiques classiques (âge, sexe, classification TNM) sont ressortis. Mais en analyse uni- et multivariée, le seul paramètre indépendant prédictif de métastases à distance et de récurrence loco-régionale est le TD.

La valeur prédictive du Tg-TD est apparue dans cette étude supérieure à celle de tous les autres paramètres. Sa diffusion, en pratique clinique ainsi que dans les protocoles de recherche, doit être favorisée.

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La TSH recombinante : un mode de préparation efficace pour le traitement isotopique des cancers thyroïdiens métastatiques ?
Françoise Borson-Chazot (Fédération d’endocrinologie, groupement hospitalier Est, CHU de Lyon)

Tala H, Robbins R, Fagin JA, Larson SM, Tuttle RM. Five-years survival is similar in thyroid cancer patients with distant metastases prepared for radioactive iodine therapy with either thyroid hormone withdrawal or recombinant human TSH. J Clin Endocrinol Metab 2011;96 (sous presse).

Le traitement par l’iode radioactif des cancers thyroïdiens nécessite une stimulation préalable du tissu thyroïdien par la TSH. Cette stimulation peut être obtenue par le sevrage thyroxinique ou, depuis quelques années, par l’utilisation de la TSH recombinante (rhTSH) qui, en évitant l’arrêt du traitement frénateur et la survenue d’une hypothyroïdie, améliore la qualité de vie des patients. Cette modalité de préparation est entrée dans la pratique courante pour la totalisation isotopique des cancers thyroïdiens de bon pronostic, où elle a démontré son efficacité. En revanche, le sevrage thyroxinique reste recommandé pour la préparation au traitement isotopique des formes métastatiques en l’absence de données de la littérature, et de crainte d’une efficacité moindre de la thérapie sous stimulation exogène par la rhTSH.

Une étude récente rétrospective suggère pourtant une efficacité comparable des deux modalités thérapeutiques. Elle a inclus 175 patients porteurs de métastases iodo-fixantes. Dans 58 cas, les traitements itératifs ont été administrés sous rhTSH (n = 1-8), dans 35 cas, en arrêt thérapeutique (n = 1-5) et dans 85 cas, les premiers traitements en arrêt thérapeutique ont été suivis de traitements sous rhTSH (n = 2-10). La médiane d’âge des patients était de 56 ans, et la répartition pratiquement égale entre les deux sexes. Soixante pour cent des patients étaient métastatiques au diagnostic et 54 % de stade IV de l’UJCC. Les métastases étaient pulmonaires dans 53 % des cas, osseuses dans 28 % et pulmonaires et osseuses dans 19 %. Sur le plan histologique, les carcinomes papillaires ne représentaient que 41 % des cas et il existait une surreprésentation des sous-types agressifs et des formes peu différenciées. Après un suivi médian de 5,5 ans (extrêmes : 1-10 ans), la survie a été de 75 %, comparable à celle rapportée par Durante et al. en 2006 avec un mode de préparation classique. En analyse multivariée, le seul facteur prédictif de mortalité était l’âge (< ou > 45 ans), alors que le mode de préparation au traitement, pas plus que le sexe, le type histologique ou le site des métastases n’étaient prédictifs de l’évolution.

Ces résultats suggèrent que les traitements effectués sous rhTSH pourraient avoir une efficacité comparable à celle des traitements effectués après sevrage thyroxinique, chez les patients métastatiques. Cependant, le caractère rétrospectif de l’étude, la durée de suivi limitée et hétérogène imposent la réalisation d’études prospectives complémentaires avant de recommander cette modalité thérapeutique dont les avantages pour le patient sont par ailleurs évidents en termes de tolérance et de qualité de vie.

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Variations du taux de thyrotropine sérique : comment les interpréter ?
Application aux situations d’hypothyroïdie subclinique

Michèle d’Herbomez (Service de médecine nucléaire, CHU de Lille)

Thienpont LM, Van Uytfanghe K, Beastall G et al. Report of the IFCC working group for standardization of thyroid function tests; Part I: thyroid-stimulating hormone. Clin Chem 2010;56:902-11.

Karmisholt J, Andersen S, Laurberg P. Variation in thyroid function in subclinical hypothyroidism: importance of clinical follow-up and therapy. Eur J Endocrinol 2011;164:317-23.

Le dosage de thyrotropine (TSH) sérique constitue le paramètre de première intention de l’évaluation biologique thyroïdienne. Ce dosage est automatisé, et 81 % des trousses (13/16) donnent des résultats à moins de 10 % de la moyenne générale. Il est cependant possible d’observer un écart maximum de 39 %. Une harmonisation des dosages de TSH et d’hormones libres est actuellement envisagée par le groupe de travail de la Fédération internationale de chimie clinique et de médecine de laboratoire (IFCC) pour réduire les écarts liés aux valeurs extrêmes.
Les variations des taux de TSH modérément augmentés sont parfois difficiles à interpréter, et, à ce jour, aucune recommandation ne précise le monitorage des patients présentant une hypothyroïdie subclinique non traitée. L’équipe danoise de Peter Laurberg a répertorié les principales études de suivi publiées. Après intégration des variations intra-individu des taux de TSH et d’hormones libres, sont définis comme significatifs (avec un intervalle de confiance à 90 %) des écarts de 40 % pour le taux de TSH, et de 15 % pour la concentration de T4 libre. Ces données rendent souhaitables des études randomisées chez les patients en hypothyroïdie subclinique non traitée afin qu’une meilleure suveillance puisse leur être proposée.

Mise au point

Les cancers thyroïdiens à l’ASCO 2011 : espoirs et perspectives
Johanna Wassermann, Laurence Leenhardt (Service de médecine nucléaire, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)

Les cancers thyroïdiens métastatiques et réfractaires à l’iode radioactif ont longtemps constitué des maladies orphelines, en termes de traitement actif. En juin, les résultats d’essais cliniques évaluant des thérapies ciblées dans tous les types histologiques ont été présentés au congrès annuel de l’American Society of Clinical Oncology.

Cancers thyroïdiens différenciés (CTD) et peu différenciés (CTPD)

Lenvatinib (E7080)

L’E7080 est un inhibiteur de VEGFR, PDGFR, FGFR, RET et KIT. Dans une étude de phase II (1), 58 patients, dont 30 % prétraités par antiangiogéniques, ont reçu la dose de 24 mg par jour en monothérapie. Une réponse partielle a été observée chez 63 % des patients naïfs, et 47 % des patients prétraités. La survie sans progression (SSP) actualisée était de 13,3 mois. Les toxicités les plus fréquentes étaient : hypertension artérielle (74 %), protéinurie (60 %), fatigue (55 %), diarrhée (45 %), anorexie (44 %) et perte de poids (43 %). Une réduction de dose ou un arrêt du traitement pour toxicité a été nécessaire dans respectivement 35 % et 23 % des cas. Chez 23 patients, une analyse génétique a caractérisé des mutations fréquentes de RAS, BRAF et VHL, qui semblent prédictives de la réponse. Une étude de phase III évaluant l’E7080 est en cours.

Sorafénib

Le sorafénib est un inhibiteur de VEGF, PDGF et RAF. Dans une étude de phase II (2), 55 patients atteints de cancers thyroïdiens de tout type histologique ont été traités à la dose de 400 mg x 2/j. Chez les 47 patients ayant un CTD ou un CTPD, la SSP et la survie globale (SG) étaient respectivement de 96 (IC95 : 75,1-135,4) et de 140,9 semaines (IC95 : 93,9-n.a.). Une réponse partielle a été observée dans 38 % des cas et un bénéfice clinique (réponse partielle + stabilisation) dans 85 % des cas. Une étude de phase III évaluant le sorafénib est en cours.

Aflibercept (VEGF-trap)

Une étude de phase II (3) a évalué la protéine de fusion VEGF-trap. Aucune réponse tumorale n’a été observée. Une stabilisation tumorale d’au moins 6 mois a été constatée chez 15 des 41 patients (35 %) traités.

Cancers anaplasiques de la thyroïde (CAT)

Les CAT sont de mauvais pronostic, avec une survie moyenne inférieure à 1 an. La chimiothérapie conventionnelle reste le traitement standard mais elle a une efficacité limitée.

Fosbretabuline (CA4P)

Le CA4P est une nouvelle molécule appartenant à la classe des « disrupting agents » qui agissent en déstabilisant les microtubules des cellules endothéliales. Les résultats de l’essai international de phase II/III FACT ont été présentés en communication orale (4). Dans cette étude, les patients ont été randomisés entre CA4P + carboplatine et paclitaxel (CP) et CP seul. Seuls 80 patients ont été inclus sur les 180 prévus, soulignant la difficulté d’inclusion. Il n’y avait pas de différence statistiquement significative de SG entre les 2 groupes (5,2 vs 4,0 mois ; HR = 0,65 ; IC95 : 0,38-1,19). La survie à 1 an a été supérieure dans le bras expérimental, sans atteindre la significativité (27 % vs 9 % ; p = 0,065). L’analyse de sous-groupes a mis en évidence une amélioration statistiquement significative de la SG avec le CA4P vs CP seul, chez les patients de moins de 60 ans (10,6 vs 3,1 mois). Les principales toxicités dans le bras expérimental étaient l’hypertension artérielle de grade 1-2 et les neutropénies de grade 3-4. Une étude de phase III devant recruter 230 patients sera conduite.

Cancers médullaires de la thyroïde (CMT)

Les cancers médullaires de la thyroïde sont une pathologie rare, complexe, au pronostic variable. L’actuelle voie de recherche principale est l’utilisation des ITK. Plusieurs ont démontré un bénéfice clinique.

Vandetanib + Bortézomib

Chez des patients atteints de CMT métastatiques, une étude de phase I (5) a évalué le vandetanib, un ITK multicible, en association avec le bortézomib, un inhibiteur du protéasome utilisé dans le myélome. Cinq des 21 patients (29 %) inclus ont présenté une réponse partielle. Les principales toxicités de grade 3 étaient : hypertension (24 %), fatigue (19 %), thrombopénies (10 %), diarrhées (10 %), arthralgies (10 %). Une étude de phase II évaluant cette association est en cours.

Références bibliographiques

1. Sherman SI et al. A phase II trial of the multitargeted kinase inhibitor E7080 in advanced radioiodine (RAI)-refractory differentiated thyroid cancer (DTC). Abstract 5503.
2. Keefe SM et al. Phase II trial of sorafenib in patients with advanced thyroid cancer. Abstract 5562.
3. Sherman EJ el al. A phase II study of VEGF trap in patients with radioactive iodine (RAI)–refractory thyroid carcinoma. Abstract 5566.
4. Sosa JA. A randomized phase II/III trial of a tumor vascular disrupting agent fosbretabulin tromethamine (CA4P) with carboplatin (C) and paclitaxel (P) in anaplastic thyroid cancer (ATC): Final survival analysis for the FACT trial. Abstract 5502.
5. Gramza AW et al. Phase I/II trial of vandetanib and bortezomib in adults with locally advanced or metastatic medullary thyroid cancer: Phase I results. Abstract 5565.