Item 120 – UE 5 – Andropause
Objectifs pédagogiques
Diagnostiquer la ménopause et ses conséquences pathologiques
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi d’une femme ménopausée
Diagnostiquer une andropause pathologique
Plan
II. Symptômes conduisant à une consultation médicale
IV. Différencier un hypogonadisme hypogonadotrope d’une insuffisance testiculaire primitive
VI. Hypogonadismes hypogonadotrophiques acquis à l’âge adulte
Introduction
Le terme « andropause » est couramment utilisé pour désigner la baisse de la testostérone circulante à partir de l’âge de 40 ans chez l’homme. Un autre terme en vogue est celui d’« hypogonadisme » de l’homme âgé ou de déficit androgénique partiel du sujet âgé — connu sous le sigle anglais de PADAM (Partial Androgen Deficiency in Aged Male) ou DALA (déficit androgénique lié à l’âge) en français.
Des études transversales et longitudinales ont en fait montré que chez la majorité des hommes mûrs ou âgés, la baisse de la testostérone circulante est inconstante ou relativement modérée lorsqu’ils sont en bonne santé et non obèses. De plus, pour une tranche d’âge donnée existe une importante variabilité des valeurs des concentrations de testostérone chez les hommes normaux (figure 5.1). L’obésité et des comorbidités associées, en particulier vasculaires, peuvent entraîner une diminution de la testostérone.
Figure 5.1
Évolution de la concentration de testostérone totale circulante chez des hommes en fonction l’âge. (Source : CEEDMM, 2019, adapté de Handelsman, 2015.)
Le mécanisme de la baisse de la testostérone chez l’homme âgé n’est pas connu avec précision, mais il semble qu’il comprenne à la fois une atteinte de la commande hypophysaire et une altération directe des fonctions testiculaires intervenant dans la sécrétion de testostérone.
Une baisse cliniquement significative de la testostérone totale circulante ne semble concerner qu’une minorité d’hommes (4,1 % dans l’étude EMAS, European Male Aging Study). Mais la prévalence augmente avec l’âge : 0,6 % entre 50 et 59 ans, 3,2 % entre 60 et 69 ans et 5,1 % entre 70 et 79 ans.
Le rôle du médecin est d’identifier les situations où la baisse de la testostérone est cliniquement significative : c’est-à-dire qu’elle altère la qualité de vie de façon spécifique et/ou révèle un hypogonadisme réel. Dans ces cas s’impose toujours une enquête étiologique et les symptômes peuvent être améliorés par une androgénothérapie (figure 5.2).
Figure 5.2
Hypogonadisme. a. Hypogonadisme typique chez un homme de 57 ans chez qui a été découvert un syndrome de Klinefelter devant son aspect (caryotype XXY). À l’interrogatoire, le patient signalait une libido quasiment inexistante depuis des décennies. Noter l’aspect gynoïde et la gynécomastie. b. À droite, modification de l’aspect du patient après traitement par la testostérone. (Source : CEEDMM, 2019.)
Symptômes conduisant à une consultation médicale
Les symptômes révélant un hypogonadisme chez l’homme sont variables. Certains, par leur spécificité, sont évocateurs, comme la diminution de la libido et de l’activité sexuelle.
D’autres bien qu’orientant vers la recherche d’un hypogonadisme sont moins spécifiques, comme les troubles de l’érection. Ces derniers peuvent en effet survenir très souvent chez des sujets eugonadiques (avec testostérone plasmatique normale) mais avec des comorbidités.
Enfin, des symptômes très peu spécifiques comme le manque d’entrain, la diminution de la force et de l’activité physiques et la dépression ont été associés à l’« andropause », mais leur valeur sémiologique est remise en cause.
Affirmer l’hypogonadisme
Pour démontrer l’existence d’un hypogonadisme, il faut mettre en évidence une baisse significative de la testostérone circulante (figure 5.3). Les seuils diagnostiques ont été beaucoup discutés dans la littérature médicale au cours de ces trente dernières années. Il existe à l’heure actuelle des consensus des sociétés savantes internationales (endocrinologie, urologie) :
- le diagnostic d’hypogonadisme pourrait être raisonnablement suspecté en dessous d’une testostérone totale de 3,2 ng/ml [11 nmol/l] ;
- pour certains experts, une valeur inférieure à 2,3 ng/ml [8 nmol/l] serait associée de façon significative à des signes cliniques évoquant un déficit en testostérone et aurait une très bonne spécificité.
Figure 5.3
Conduite à tenir devant un homme se plaignant de signes d’hypogonadisme. HHA : hypogonadisme hypogonadotrophique acquis ; ITP : insuffisance testiculaire primitive. (Source : CEEDMM, 2019.)
Différencier un hypogonadisme hypogonadotrope d’une insuffisance testiculaire primitive
Une fois que le diagnostic positif d’hypogonadisme réel est établi, la deuxième étape est d’en déterminer le cadre étiologique, c’est-à-dire de préciser s’il s’agit d’une atteinte testiculaire primitive ou d’un déficit hypophysaire en gonadotrophines.
Cette étape fait appel à la mesure des gonadotrophines hypophysaires FSH et LH :
- en présence d’une baisse de la testostérone totale, lorsque la concentration de ces deux hormones hypophysaires est élevée, il s’agit d’une insuffisance testiculaire primitive, ou hypogonadisme hypergonadotrope (le plus souvent avec une FSH > LH) ;
- si la testostérone totale est basse et si LH et/ou FSH sont dans les valeurs normales (inappropriées) ou basses, on est en face d’un hypogonadisme hypogonadotrope (central).
Dans cette dernière éventualité, il est obligatoire d’évaluer l’ensemble des fonctions antéhypophysaires pour ne pas méconnaître une insuffisance hypophysaire et tout particulièrement une insuffisance corticotrope par déficit en ACTH qui pourrait exposer le patient à une décompensation aiguë (cf. Item 243 – Insuffisance surrénale). Une autre priorité est de dépister une hyperprolactinémie (cf. Item 242 – Adénome hypophysaire). Dans ce contexte, une imagerie par IRM de la région hypothalamo-hypophysaire doit être réalisée pour dépister un processus expansif de la région hypothalamo-hypophysaire (+++).
Diagnostic différentiel
Devant un profil hormonal d’insuffisance testiculaire primitive, il faudra, à l’aide de l’interrogatoire et de l’examen clinique, rechercher des arguments en faveur des étiologies indiquées dans le tableau 5.6. Des antécédents de traumatisme de la région scrotale seront recherchés ainsi que des traitements gonadotoxiques (chimiothérapie ± radiothérapie) ou des infections. La palpation du volume testiculaire sera systématique à la recherche d’une hypotrophie. Lorsque le volume testiculaire est très diminué (< 4 ml), il est utile de demander un caryotype pour dépister une maladie chromosomique ayant pu passer inaperçue (figure 5.2).
Tableau 5.6
Étiologie des insuffisances testiculaires primitives pouvant être découvertes à l’âge adulte. (Source: CEEDMM, 2019.)
Causes lésionnelles |
Toxiques et traumatiques (les plus fréquentes) :
Castration chirurgicale bilatérale Torsion testiculaire bilatérale Orchites ourliennes Autres : gonococcie, sarcoïdose, polyendocrinopathies auto-immunes |
Malformations, dysgénésies |
Cryptorchidie bilatérale |
Causes chromosomiques |
Syndrome de Klinefelter (+++) (caryotype 47,XXY dans plus de 90 % des cas) Anomalies des gonosomes plus rares (XYY, XXYY, etc.) Hommes XX avec translocation d’une portion du chromosome Y contenant la séquence de détermination testiculaire SRY Anomalies des autosomes (délétions, translocations) |
Insuffisance testiculaire liée à la sénescence |
Avec déficit de l’axe hypothalamo-hypophysaire, appelé aussi déficit androgénique partiel des hommes âgés, ou « Andropause » |
Causes génétiques |
Exceptionnellement révélées à l’âge adulte |
Hypogonadismes hypogonadotrophiques acquis à l’âge adulte
Les hypogonadismes hypogonadotrophiques acquis à l’âge adulte (HHA) ont pour causes les plus fréquentes les adénomes hypophysaires (cf. Item 242 – Adénome hypophysaire), en particulier les prolactinomes, ainsi que d’autres processus tumoraux de la région comme les craniopharyngiomes, les méningiomes, etc.
Cependant, il ne faut pas oublier que d’autres étiologies peuvent être en cause comme les processus infiltratifs ou les surcharges (respectivement les hypophysites ou l’hémochromatose). À côté des classiques lésions chirurgicales et radiothérapiques de la région sellaire, une origine post-traumatique est de plus en plus recherchée (accident de la voie publique avec traumatisme crânien). Certains traitements médicamenteux peuvent aussi provoquer des HHA : citons les corticoïdes, les analogues de la GnRH utilisés dans le traitement du cancer de la prostate ou les stéroïdes anabolisants utilisés en automédication, dans le cadre du dopage ou pour améliorer les « performances sexuelles ».
Les causes les plus importantes d’HHA sont résumées dans le tableau 5.7.
Tableau 5.7
Étiologie des hypogonadismes hypogonadotrophiques acquis. (Source: CEEDMM, 2019.)
Tumeurs de la région hypothalamo-hypophysaire |
Craniopharyngiome Adénomes hypophysaires de tous types Dysgerminomes, gliomes Métastase hypophysaire (avec diabète insipide) |
Processus infiltratifs hypothalamo-hypophysaires |
Hémochromatose (surtout par mutation de HFE, à révélation tardive) Sarcoïdose Hypophysite lymphocytaire ou infundibulite Histiocytose |
Causes iatrogéniques et traumatiques |
Chirurgie de la région hypothalamo-hypophysaire Radiothérapie hypophysaire ou encéphalique Traumatisme crânien (prévalence peut-être sous-estimée) |
Causes fonctionnelles |
Hyperprolactinémie Carence nutritionnelle (anorexie mentale, maladies chroniques, activité physique excessive avec malnutrition relative) Hypercortisolisme (Cushing), quelle qu’en soit l’étiologie Tumeurs testiculaires ou surrénaliennes sécrétant des œstrogènes (gynécomastie associée) Médicamenteuses : androgènes ou anabolisants (dopage), œstroprogestatifs agonistes de la GnRH (pour traitement de cancer de la prostate), corticoïdes à forte dose |
Les manifestations cliniques de l’HHA dépendent de la profondeur et de la durée du déficit gonadotrope. Un des meilleurs signes cliniques est la perte de la libido.
Cette baisse de la libido s’accompagne parfois ou est confondue avec des troubles de l’érection.
L’examen clinique peut être sans particularité quand l’HHA est récent.
La diminution de la pilosité et du volume testiculaire tout comme la diminution des masses musculaires n’interviennent que lorsque le déficit en gonadotrophines hypophysaires est ancien et profond, comme par exemple dans certains cas d’adénomes hypophysaires. L’exploration hormonale montre habituellement une baisse importante de la testostérone totale sérique associée à une baisse des gonadotrophines, mais ces dernières peuvent demeurer dans l’intervalle des valeurs de référence pour l’âge.
Points clés
– Chez la majorité des hommes mûrs ou âgés, la baisse de la testostérone est inconstante ou modérée lorsqu’ils sont en bonne santé et non obèses.
– L’obésité et les comorbidités sont un facteur fréquent de baisse de la testostérone.
– La majorité des symptômes associés à l’« andropause » sont non spécifiques et peu influencés par l’administration de testostérone.
– Les signes plus spécifiques d’hypogonadisme sont les troubles de l’érection avec diminution de l’érection matinale et diminution des pensées sexuelles.
– La mise en évidence d’une baisse de la testostérone totale circulante impose la recherche d’une cause avant toute androgénothérapie.
Pour en savoir plus:
- Basaria S, et al. Adverse events associated with testosterone administration. N Engl J Med 2010?; 363 : 109–22.
- Handelsman DJ, et al. Age-specific population centiles for androgen status in men. Eur J Endocrinol 2015?; 173 : 809–17.
- Huhtaniemi IT. Andropause – Lessons from the European Male Ageing Study. Ann Endocrinol (Paris) 2014?; 75 : 128–31.
- Rastrelli G, et al, EMAS Study Group. Development of and recovery from secondary hypogonadism in aging men : prospective results from the EMAS. J Clin Endocrinol Metab 2015?; 100 : 3172–82.
- Snyder PJ, et al. Effects of testosterone treatment in older men. Testosterone Trials Investigators. N Engl J Med 2016?; 374 : 611–24.
- Wu FC, et al, EMAS Group. Identification of late-onset hypogonadism in middle-aged and elderly men. N Engl J Med 2010?; 363 : 123–35.
© CEEDMM – Mai 2020