Item 243 – UE 8 – Insuffisance surrénale aiguë
Objectifs pédagogiques
Diagnostiquer une insuffisance surrénale aiguë et une insuffisance surrénale chronique
Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge
Plan
Quand l’évoquer ?
C‘est une pathologie vitale dont le traitement est urgent même sans certitude diagnostique. Les dosages hormonaux pourront être réalisés secondairement.
1. Clinique
Le tableau clinique est souvent d’emblée très aigu :
- déshydratation extracellulaire avec pli cutané, hypotension pouvant aller jusqu’au collapsus ;
- confusion, crises convulsives secondaires à l’hyponatrémie et à l’hypoglycémie, voire coma ;
- troubles digestifs : anorexie, nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée ;
- douleurs diffuses, en particulier douleurs musculaires, céphalées ;
- fièvre, à laquelle peut participer une infection ayant précipité la décompensation.
On peut être orienté par une insuffisance surrénale connue préexistante, une mélanodermie ou une anamnèse évocatrice d’insuffisance surrénale lente (asthénie, anorexie et amaigrissement d’aggravation progressive) ou d’hémorragie bilatérale des surrénales (syndrome douloureux abdominal inaugural).
2. Biologie
Le tableau biologique est le suivant (* : spécifique de l’insuffisance surrénale primitive) :
- hémoconcentration*, insuffisance rénale fonctionnelle* (+++) ;
- hyponatrémie, hyperkaliémie* (carence en aldostérone) (+++) ;
- hypoglycémie ;
- acidose métabolique ;
- anémie, hyperlymphocytose, hyperéosinophilie ;
- natriurèse conservée ;
- rarement, hypercalcémie vraie (parfois fausse hypercalcémie par hémoconcentration).
Comment la confirmer ?
1. Diagnostic positif
Si le diagnostic d’insuffisance surrénale n’était pas connu antérieurement, un prélèvement sanguin sera réalisé avant de commencer le traitement pour dosage du cortisol et de l’ACTH sanguins (et dosage de la rénine chez l’enfant) quelle que soit l‘heure, sans en attendre les résultats. Les dosages hormonaux n’ont aucun intérêt si l’insuffisance surrénale est connue.
La cortisolémie sera basse, effondrée, ce qui est anormal puisqu’elle devrait être stimulée chez un patient en état de stress.
L’ACTH sera très élevée dans l’insuffisance surrénale primitive, normale ou basse dans l’insuffisance corticotrope.
À distance, on complétera chez un nouveau patient les explorations.
En aucun cas on n’attendra les résultats pour débuter le traitement.
2. Diagnostic étiologique
On recherchera la cause de l’insuffisance surrénale, si elle n’est pas déjà connue, ainsi qu’un facteur de décompensation qui peut nécessiter un traitement spécifique.
Causes
La cause de très loin la plus fréquente est une insuffisance surrénale chronique (connue ou non) (cf. supra) décompensée spontanément ou à l’occasion d’une pathologie intercurrente.
L’insuffisance surrénale aiguë peut être révélatrice de l’insuffisance surrénalienne en cas de bloc enzymatique surrénalien (21-hydroxylase +++) complet (dans la période néonatale) ou en cas d’hémorragie bilatérale des surrénales ou d’apoplexie hypophysaire.
La cause de la décompensation d’un patient traité peut être n’importe quelle pathologie intercurrente (vomissements, diarrhées, infections, fracture, infarctus du myocarde, intervention chirurgicale, anesthésie, acte diagnostique invasif, effort physique important, stress psychologique intense, etc.).
Prise en charge
C’est une urgence extrême. Le traitement est débuté dès que le diagnostic est évoqué.
1. Au domicile du patient
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Administration de 100 mg d’hydrocortisone IV ou IM ou à défaut en SC : un patient dont l’insuffisance surrénale est connue doit avoir avec lui au moins deux boîtes d’Hydrocortisone Upjohn® 100 mg et savoir faire une injection SC d’hydrocortisone.
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Transport médicalisé en milieu hospitalier.
2. A l’hôpital
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Transfert en urgence en réanimation.
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Mesures non spécifiques en cas de coma, fièvre, douleurs, hypoxie (cf. Item 331).
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Les protocoles et les doses indiqués ci-dessous sont indicatifs et le plus souvent proposés de façon empirique : ils seront adaptés en fonction de la sévérité du tableau clinique et ionique et du terrain en évitant la iatrogénie.
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Corriger l’hémodynamique et les troubles hydroélectrolytiques :
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remplissage par NaCl 0,9 % pour compenser la déshydratation ;
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pas de supplémentation potassique, car hyperkaliémie (+++) ;
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administration de glucosé pour compenser l’hypoglycémie.
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Hydrocortisone :
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après une dose initiale de 100 mg en IV ou IM (ou, à défaut, en SC) ;
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100 mg par 24 heures en perfusion IV continue par seringue électrique autopousseuse SAP (à défaut 50 mg en IV ou IM toutes les 6 heures).
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Traiter le facteur déclenchant (++).
-
La surveillance concerne les points suivants :
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pression artérielle, fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, oxymétrie de pouls, diurèse, température, glycémie capillaire, conscience ;
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refaire un ionogramme de sang après 4 à 6 heures ;
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scope en cas d’hyperkaliémie importante.
3. Traitement préventif
Il consiste à éduquer le patient à augmenter lui-même ses doses en cas de facteurs de décompensation potentiels.
Il consiste également à informer le médecin traitant pour qu’il sache vérifier que les doses sont augmentées en cas de pathologie intercurrente, et reconnaître une insuffisance surrénale aiguë et en débuter le traitement à domicile avant d’adresser le patient à l’hôpital.
Le médecin urgentiste ou l’anesthésiste recevant un patient insuffisant surrénalien victime d’un accident de la voie publique, d’un infarctus, d’une pneumonie ou dans un contexte d’urgence chirurgicale doit connaître le risque d’insuffisance surrénale aiguë et savoir le prévenir. Lorsque la prise orale du traitement est impossible, l’hydrocortisone peut être administrée en IM ou IV à raison de 25 mg toutes les 6 heures ou 100 mg en IV continue à la SAP.
En cas de chirurgie, on peut proposer :
- 100 mg IV ou IM initialement ;
- puis, en cas de chirurgie majeure, 100 mg/24 heures en IV continue à la SAP (à défaut 25 mg en IV ou IM toutes les 6 heures) à poursuivre à la même posologie jusqu’à la reprise de l’alimentation ;
- puis retour au traitement par hydrocortisone per os en triplant la dose habituelle (au minimum 60 mg par 24 heures) et en répartissant le traitement en trois ou quatre prises (dont une prise vespérale), puis diminution progressive en quelques jours pour revenir aux doses habituelles.
Chez les patients avec insuffisance surrénale primaire, reprendre la fludrocortisone lorsque les doses d’hydrocortisone sont inférieures à 50 mg par jour.
Points clés
– Tableau clinique et biologique :
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asthénie majeure, douleurs diffuses (céphalées, douleurs abdominales), vomissements, diarrhée, déshydratation extracellulaire, hypotension évoluant vers le collapsus, confusion, signes d’hypoglycémie, mélanodermie, etc. ;
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hyponatrémie par perte de sel, hyperkaliémie, hypoglycémie, hémoconcentration, insuffisance rénale fonctionnelle ;
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en cas de cause haute, plus rare : pas de mélanodermie ni de perte de sel ni d’hyperkaliémie.
– Traitement de l’insuffisance surrénale aiguë :
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traitement d’urgence ;
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prélever le cortisol si crise inaugurale mais ne pas en attendre les résultats ;
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hydrocortisone : 100 mg par 24 heures, IV ;
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corriger l’hémodynamique et les troubles hydroélectrolytiques ;
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rechercher et traiter le facteur déclenchant ;
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effectuer un bilan étiologique si l’insuffisance surrénale n’était pas connue ;
-
reprendre l’éducation dans le cas contraire.
Pour en savoir plus:
© CEEDMM – Mai 2020