Item 245 – UE 8 – Diabète de Type 1

 

 

Objectifs pédagogiques

Diagnostiquer un diabète chez l’enfant et l’adulte

Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge

Argumenter l’attitude thérapeutique nutritionnelle et médicamenteuse et planifier le suivi du patient

Décrire les principes de la prise en charge au long cours

Reconnaître les signes d’une rétinopathie diabétique à l’examen du fond d’oeil

Diagnostiquer et connaître les principes du traitement d’une infection osseuse sur pied diabétique (Item 153)

 

 

Plan

I. Epidémiologie

II. Physiopathologie

III. Signes cliniques

IV. Evolution

V. Prise en charge thérapeutique

VI. Cas particuliers

Points clés

 

 

Épidémiologie

 

Un gradient décroissant de l’incidence du diabète de type 1 est observé du nord vers le sud de l’Europe.

La prévalence en France est estimée à 200 000 (soit 10 à 15 % des patients diabétiques). En France, l’incidence chez l’enfant est de 7,8 pour 100 000 et par an.

Le diabète de type 1 survient habituellement avant 35 ans (pic à l’adolescence), mais peut survenir à tout âge. L’âge médian du diagnostic est vers 18 ans. L’incidence du diabète de l’enfant a beaucoup augmenté dans les dernières décennies.

L’augmentation de l’incidence chez l’enfant s’est accompagnée d’une apparition plus précoce, chez des enfants plus jeunes, y compris des nourrissons (mais de plus d’un an d’âge). Cette variation récente de l’épidémiologie du diabète chez l’enfant est à mettre en relation avec des phénomènes environnementaux, aujourd’hui non encore caractérisés.

Le sex-ratio est proche de 1.

 

 

Physiopathologie

 

Dans sa forme classique, le diabète de type 1 est caractérisé par une carence absolue en insuline, due à la destruction spécifique des cellules bêta pancréatiques qui sécrètent l’insuline, sans atteinte des autres cellules endocrines du pancréas, en particulier les cellules alpha, qui sécrètent le glucagon. Le mécanisme le plus plausible de cette destruction est représenté par une réaction auto-immune spécifique d’organe à médiation cellulaire : en est le témoin la présence au diagnostic chez 95 % des sujets d’autoanticorps spécifiques (les plus souvent recherchés sont les autoanticorps anti-insuline chez l’enfant, les anti-GAD, anti-IA2 et anti-ZnT8, cf. infra). Ces autoanticorps qui servent de marqueurs de la maladie auto-immune n’ont cependant pas de rôle pathogène propre.

 

1. Prédisposition génétique

Une prédisposition génétique est impliquée (tableau 18.3), même si dans 85 % des cas il n’existe pas d’antécédents familiaux de diabète de type 1.

 

Tableau 18.3

Risques de diabète de type 1 en France. (Source : CEEDMM, 2019.)

 

Les principaux gènes de prédisposition et de protection appartiennent au complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II, appelés HLA (Human Leukocytes Antigens).

 

2. Facteurs environnementaux

Leur existence est suggérée par le fait que 50 % des paires de jumeaux monozygotes sont non concordantes pour le diabète de type 1 et que l’incidence du diabète de type 1, notamment en Europe, augmente à une vitesse plus rapide que celle d’une pathologie qui serait causée par une éventuelle sélection génique. Pour simplifier les choses, on dira juste qu’on ne sait pas aujourd’hui quel est ou quels sont les facteurs environnementaux : on a évoqué le rôle de virus, la modification de la flore intestinale (sujet « à la mode » en 2019), l’alimentation « industrielle » (lait de vache, introduction précoce du gluten, entre autres), etc. Aucun facteur bien clair ne se dégage à ce jour.

 

3. Processus auto-immuns

Les principales cibles reconnues de la réponse immune sont :

  • l’insuline et la pro-insuline ;

  • la GAD (décarboxylase de l’acide glutamique) ;

  • l’antigène IA2 (Islet Antigen Number 2, apparenté à une tyrosine phosphatase).

Au moins l’un des autoanticorps témoins circulants suivants est détectable dans 97 % des cas au diagnostic (+++) :

  • les anticorps anti-îlots (ICA), dont la recherche ne se fait plus en routine dans la plupart des laboratoires hospitaliers ;

  • les anticorps anti-GAD ;

  • les anticorps anti-IA2 ;

  • les anticorps anti-insuline ;

  • les anticorps anti-ZnT8 (transporteur du zinc de la cellule bêta).

Tous ces autoanticorps paraissent être des témoins de la réponse immune plutôt que les agents responsables de la destruction des cellules bêta. Les mécanismes cellulaires sont vraisemblablement prédominants.

La lésion pancréatique caractéristique est l’insulite (inflammation avec infiltration cellulaire de l’îlot de Langerhans), siège de la destruction des cellules bêta par les lymphocytes T (au phénotype CD8 essentiellement chez l’Homme) mais aussi vraisemblablement par des cytokines macrophagiques.

La destruction des cellules bêta est un processus étalé dans le temps, avant et après l’apparition du diabète (cf. infra).

La fréquence des autres maladies auto-immunes associées (10 à 15 %) et/ou des anticorps spécifiques d’organes (30 %) fait entrer le diabète de type 1 dans le cadre des syndromes polyendocriniens auto-immuns (de type 2 principalement) . Les maladies auto-immunes spécifiques d’organe associées au diabète de type 1 sont essentiellement des thyroïdopathies (maladie de Basedow et thyroïdite de Hashimoto), l’insuffisance surrénale lente par rétraction corticale, l’atrophie gastrique qui ne se résume pas à la maladie de Biermer, la maladie cœliaque et le vitiligo.

La fréquence des associations avec d’autres maladies auto-immunes incite à informer les patients des risques qu’ils ont de développer ces affections. Un dépistage systématique des autoanticorps doit être proposé au moins une fois, en particulier ceux des thyroïdites et de la gastrite atrophique.

 

 

Signes cliniques

1. Présentation clinique initiale habituelle

Les signes cliniques initiaux habituellement rencontrés sont les suivants.

  • Début rapide ou explosif (quelques semaines) : « le coup de tonnerre dans un ciel calme ».

  • Syndrome cardinal (polyuro-polydipsie, amaigrissement, polyphagie) :

  • polyurie et polydipsie sont des signes d’hyperglycémie franche (= nettement et durablement supérieure au seuil de réabsorption rénale du glucose, qui est environ 1,8 g/l) ; ils sont communs à toutes les formes de diabète suffisamment déséquilibré ;

  • amaigrissement contrastant avec un appétit conservé sont des signes de carence en insuline ;

  • leur présence doit, outre le dosage immédiat de la glycémie, faire rechercher immédiatement la présence de corps cétoniques, ce qui peut se faire en quelques secondes sur une goutte de sang au bout du doigt ;

  • chez l’enfant, la manifestation d’alerte peut être une énurésie secondaire.

  • Troubles visuels transitoires (anomalies de la réfraction, constatées surtout dans les jours qui suivent la normalisation glycémique après introduction de l’insuline).

  • Examen clinique pauvre : fonte musculaire (quadriceps), recherche de signes d’acidose) (dyspnée de Kussmaul, odeur acétonique de l’haleine) et de déshydratation globale.

  • Diagnostic par mesure de la glycémie veineuse (souvent franchement élevée). Comme rappelé en introduction, en présence d’un syndrome cardinal, il n’est pas nécessaire de vérifier la glycémie à jeun pour poser le diagnostic lorsque la glycémie dépasse 2 g/l.

  • L’acidocétose inaugurale est le mode d’entrée dans la maladie chez 80 % des enfants, avec un délai moyen de 3 semaines entre les premiers symptômes et l’hospitalisation pour acidocétose. Chez l’adulte, l’installation des symptômes est en général plus lente : chez l’adulte, le diagnostic est donc en général fait avant l’acidocétose ; parfois même, l’installation des symptômes se fait sur plusieurs années et le diabète est pris pour un diabète de type 2 et traité comme tel avant l’installation des signes de carence en insuline.

 

2. Formes du diabète de type 1

A. Formes particulières selon le mode de révélation

a) Diabète de type 1 lent, ou LADA (Latent Autoimmune Diabetes in the Adult)

Le début est tardif et progressif, voisin de celui du type 2, mais les anticorps sont positifs (anti-GAD surtout) et le recours à l’insulinothérapie va s’avérer nécessaire en 2 à 10 ans en général. Le LADA représenterait jusqu’à 10 % des diabètes apparemment de type 2.

b) Diabète de type 2 à tendance cétosique du sujet noir d’origine africaine

Cette forme a pu être rattachée au diabète de type 1 par l’existence d’une cétose en dépit de l’absence de mécanisme auto-immun. Il s’agit du diabète cétosique du sujet noir d’origine africaine subsaharienne (Antillais, Africain, Afro-Américain). Le début se caractérise par une décompensation cétosique voire acidocétosique suivie, après normalisation de la glycémie, d’une possibilité d’arrêt prolongé (des mois voire des années) de l’insuline dans la majorité des cas. Les épisodes de cétose peuvent se répéter, entrecoupés de phases de rémission pendant lesquelles un très bon contrôle peut être obtenu avec un traitement simple (monothérapie orale). L’obésité est inconstante. Les anticorps spécifiques du diabète de type 1 sont absents. Le mécanisme de ce diabète demeure méconnu.

 

3. Affirmer le type 1 (+++) (figure 18.1)

Le diagnostic peut être clinique si l’hyperglycémie est associée à la triade classique « amaigrissement-cétose-âge < 35 ans ».

 

Figure 18.1

Démarche pour affirmer le type 1. (Source : CEEDMM, 2019.)

 

 

 

Si un des critères manque, il est préférable de s’aider de paramètres immunologiques : la recherche combinée des anticorps anti-GAD et anti-IA2 a le meilleur rapport sensibilité/spécificité et est proposée en routine. La mesure de l’insulinémie ou du peptide C basal ou après stimulation par le glucagon ou un repas test n’a pas d’intérêt diagnostique ou pronostique ; elle n’est pas faite en pratique clinique courante.

Si ces marqueurs immunologiques sont absents, il faudra éliminer les autres formes de diabète pouvant ressembler au type 1, tels que les Maturity Onset Diabetes of the Young (MODY). Bien que ces formes soient rares, représentant moins de 1 % des cas de diabète, on y pensera devant un arbre généalogique suggérant une hérédité de type dominant. Les MODY 1 et 3 en particulier peuvent simuler un diabète de type 1. D’autres formes rares peuvent être évoquées si le diabète a une présentation atypique ou s’il est associé à d’autres signes cliniques. Ces situations nécessitent un avis spécialisé.

 

 

Évolution

 

1. Histoire naturelle du diabète de type 1

L’histoire naturelle reconstruite d’après l’étude des modèles animaux et des études de familles est illustrée par la figure 18.2 — schéma dit de G. Eisenbarth. Il fait se succéder les phases suivantes :

  • une phase préclinique où les mécanismes immuns détruisent les cellules bêta ;

  • un diagnostic clinique correspondant à la destruction de plus de 85 % de la masse des cellules bêta ;

  • une phase clinique séquellaire où les quelques cellules restantes seraient appelées à disparaître plus ou moins complètement.

 

Figure 18.2

 

Histoire naturelle du diabète de type 1. (Source : CEEDMM, 2019.)

 

 

 

2. Maladie chronique

Le diabète de type 1 est une maladie chronique nécessitant un engagement permanent du patient pour la gestion du traitement et sa participation active pour les soins quotidiens (+++).

L’acceptation — même si cela revient à accepter « l’inacceptable » — de la maladie est absolument nécessaire pour que le patient assume les grands principes du traitement et de sa surveillance, garants de l’obtention d’un contrôle glycémique permettant d’éviter ou de retarder les complications.

Il existe aussi d’autres freins à une bonne adhésion du patient à son traitement. Nous citerons :

  • la peur des hypoglycémies (surtout nocturnes) (++) ;

  • la peur de prendre du poids ;

  • la non-acceptation (pseudo-acceptation) de la maladie ;

  • le refus des contraintes (autosurveillance, régime, injection), en particulier au moment de l’adolescence.

Ces différents freins peuvent aboutir à un mauvais contrôle et/ou une instabilité glycémique et nécessitent une prise en charge multidisciplinaire dans un centre expert en diabétologie (diabétologue, infirmière d’éducation thérapeutique, diététicienne, psychologue…).

 

 

Prise en charge thérapeutique

 

1. Principes généraux

Le traitement du diabète de type 1 demande beaucoup au patient lui-même puisque celui-ci doit assurer les contrôles glycémiques, effectuer les injections d’insuline, prévenir les complications métaboliques, adapter son traitement aux activités quotidiennes, contrôler son alimentation et adopter un mode de vie prévenant le développement des complications dégénératives à long terme.

L’éducation thérapeutique, visant à l’autonomisation maximale du patient, est en conséquence absolument nécessaire. Il s’agit d’un acte reconnu officiellement inscrit dans la loi HPST et éventuellement financé sous certaines conditions. Il doit comporter :

  • bilan éducatif préalable ;

  • transfert des connaissances par l’enseignement collectif ou individualisé ;

  • vérification des comportements ;

  • importance des consultations infirmières et diététiques ;

  • promotion de comportements sains (tabac, activité physique…) ;

  • éventuellement participation de patients dits « experts » ou « ressources » comme soutien ;

  • il est aussi souvent nécessaire d’éduquer les membres de la famille sur des sujets particuliers (par exemple, reconnaître l’hypoglycémie et savoir y remédier : resucrage oral ou injection de glucagon).

Les objectifs du traitement du diabète de type 1 (tableau 18.4) sont un compromis entre le fait d’assurer la vie la plus libre possible et la prévention des complications aiguës ou chroniques de la maladie.

 

Tableau 18.4

Objectifs glycémiques idéaux chez les diabétiques de type 1 non âgés (+++). (Source : CEEDMM, 2019.)

 

 

Une insulinothérapie intensifiée réduit l’hémoglobine glyquée, retarde et réduit la gravité des complications micro- et macroangiopathiques. L’insulinothérapie intensifiée augmente cependant le risque d’hypoglycémie sévère.

L’objectif métabolique, la valeur cible de l’HbA1c, est en conséquence une cote mal taillée entre ces deux risques :

  • l’objectif raisonnable recommandé par l’American Diabetes Association est ainsi une HbA1c < 7 % (certains tolèrent « autour de 7 % » sans dépasser 7,5 %) pour un sujet adulte (hors grossesse) ;

  • pour les enfants, un objectif supérieur (entre 7,5 et 8,5 % pour les enfants de moins de 6 ans, < 8 % pour les enfants prépubères et < 7,5 % pour les adolescents de 13 à 19 ans) est envisageable compte tenu du risque supposé de retentissement des hypoglycémies sévères sur le développement cérébral.

Ces objectifs généraux doivent être personnalisés à la situation de chaque patient en respectant un compromis entre l’équilibre glycémique, la survenue des hypoglycémies et la qualité de vie.

 

2. Autosurveillance

Pour le patient, les buts de l’autosurveillance sont :

  • de suivre son diabète ;

  • d’adapter ses doses d’insuline ;

  • d’avoir une idée de l’équilibre glycémique moyen ;

  • de gérer les situations d’urgence.

L’autosurveillance glycémique a longtemps reposé sur des mesures de glycémie sur sang capillaire obtenu par piqûre au doigt au moins quatre fois par jour. Ce sont les contraintes de cette surveillance qui génèrent le plus de lassitude chez les patients, en particulier par la douleur même du prélèvement sanguin.

La mise à disposition, avec remboursement, des capteurs de glucose qui mesurent la glycémie en continu a révolutionné récemment la surveillance du diabète insulino-traité. Outre la possibilité de surveillance à la demande, sans piqûre, elle ouvre la voie à de nouvelles modalités thérapeutiques (pompe à insuline asservie à la mesure en continu du glucose, télémédecine).

En présence d’une hyperglycémie inexpliquée et prolongée, ± associée à des symptômes digestifs (nausées, vomissements), les patients sont éduqués à rechercher la présence de corps cétoniques, dans les urines ou dans le sang sur prélèvement capillaire, afin de dépister précocement une décompensation cétosique.

 

3. Surveillance

A. Hémoglobine glyquée

Il existe une fixation non enzymatique et irréversible du glucose sur toutes les hémoglobines. La fraction la plus spécifique d’hémoglobine glyquée est l’HbA1c. Le résultat d’HbA1c est habituellement exprimé en pourcentages de l’hémoglobine A1 et maintenant en mmol HbA1c/mol Hb. Les saignements et hémolyses chroniques, en augmentant le turn-over des globules rouges, réduisent le temps de la glycation : la valeur mesurée d’HbA1c est plus basse que celle attendue au vu de la moyenne des glycémies. Un tableau de correspondance entre valeur d’HbA1c et glycémie moyenne estimée peut aussi être fourni à titre indicatif sur la feuille de résultat (tableau 18.5).

 

Tableau 18.5

Tableau de correspondance entre HbA1c et glycémies moyennes, obtenu dans une population américaine de diabétiques (type 1 et type 2) (d’après Nathan, 2008). Cette glycémie moyenne évaluée à partir du chiffre d’HbA1c doit être donnée à type indicatif compte tenu des variations possibles au sein de l’intervalle de confiance. * Moyenne (intervalle de confiance). (Source : CEEDMM, 2019.)

 

B. Autres éléments de surveillance

Le diabète de type 1 doit être suivi par un diabétologue ou un pédiatre endocrinologue lors de consultations spécialisées au moins trois à quatre fois par an et avec la surveillance des éléments suivants :

  • profil lipidique, créatinine, microalbuminurie, ECG (une fois par an) ;

  • examen ophtalmologique (fond d’œil ou rétinographie par caméra non mydriatique) au moins une fois par an pour ce qui est du dépistage ; dès qu’il y a des lésions de rétinopathie diabétique, la surveillance, par l’ophtalmologiste, peut être plus rapprochée ;

  • consultation de cardiologie annuelle chez les patients symptomatiques, âgés ou de longue durée d’évolution ou compliqués ;

  • consultation annuelle chez le dentiste.

 

4. Traitement insulinique

Le traitement du diabète de type 1 est encore aujourd’hui un traitement palliatif de remplacement hormonal pour la vie entière.

A. Variétés d’insuline

a) Insuline humaine recombinante

L’insuline humaine recombinante est strictement identique à l’insuline humaine. Les insulines disponibles se nomment : Actrapid®, Umuline rapide Lilly® ou Insuman®. Elles peuvent être administrées par voie IV, IM ou SC. Injectées par voie sous-cutanée, leur temps de latence est d’environ 30 à 45 minutes, leur pic d’activité maximale survient à 2–3 heures et leur durée totale d’action est de 7 à 8 heures. Elles sont en France devenues bien moins utilisées que les analogues rapides, dont la plus courte durée d’action réduit le risque d’hypoglycémie à distance des repas.

b) Analogues rapides de l’insuline

Les analogues rapides de l’insuline sont des molécules à activité insulinique (haute affinité pour le récepteur de l’insuline), structurellement modifiés pour obtenir des propriétés pharmacodynamiques intéressantes quand ils sont injectés par voie sous-cutanée (raccourcissement du temps de latence, diminution de la durée d’activité), notamment en période prandiale. Les analogues rapides ont l’avantage d’être rapidement actifs (délai de 15 minutes environ, pic vers 30–90 minutes, durée totale d’action de 4–6 heures) au moment de la prise alimentaire et de ne pas persister pendant la phase interprandiale. Ils sont injectés juste avant de manger. Ils sont aussi utiles pour des corrections d’hyperglycémie. Les analogues rapides disponibles sont lispro (Humalog®), aspart (Novorapid®, Fiasp®) et glulisine (Apidra®). Ils peuvent être utilisés par voie IV, IM et SC.

Ils constituent l’insuline de choix pour les pompes à insuline.

Des formes dont l’excipient a été modifié sont en cours de commercialisation, ils ont un délai d’action et une durée d’action encore plus brefs. L’insuline Fiasp® (principe actif analogue aspart) est, par exemple, une forme légèrement plus rapide de l’insuline Novorapid®.

c) Formes lentes d’insuline humaine (et mélanges avec des analogues rapides)

Classiquement le passage du tissu sous-cutané au sang de l’insuline humaine peut être ralenti par divers procédés : par l’adjonction de protamine ou excès de zinc. Les insulines NPH (Neutral Protamine Hagedorn) sont des insulines d’action intermédiaire (9 à 16 heures).

Il existe aussi des formes proposant des mélanges préconditionnés d’analogue rapide et d’insuline NPH à 25, 30, 50 ou 70 % d’analogue rapide, appelées formes « prémix ». Ces formes ne peuvent être administrées que par voie sous-cutanée. Ce sont non pas des solutions d’insuline mais des suspensions : elles exigent donc une remise en suspension soigneuse avant l’injection. La place des insulines prémélangées dans le traitement de diabète de type 1 est marginale car elles ne permettent pas l’ajustement indépendant de la dose de l’insuline prandiale aux apports alimentaires.

d) Analogues lents de l’insuline

Les analogues lents sont obtenus par différentes modifications biochimiques. Les analogues lents disponibles sont la glargine U100 (Lantus® ou Abasaglar®), la glargine U300 (Toujéo®, formulation concentrée de la glargine, avec une action encore plus prolongée, > 24 heures), la détémir (Levemir® d’action intermédiaire nécessitant en général deux injections quotidiennes) et la degludec (Tresiba® d’action prolongée, > 24 heures). Ils ne peuvent être administrés que par voie sous-cutanée. Il s’agit de solutions limpides ne nécessitant pas de remise en suspension.

Pour toutes ces insulines, on évitera le développement des lipodystrophies, susceptibles de modifier la pharmacocinétique de l’insuline, en variant les points d’injection.

 

B. Vecteurs

Les vecteurs sont de deux types :

  • les stylos à insuline réutilisables ou jetables pour toutes les insulines ;

  • les pompes portables pour l’administration continue, modulée et sous-cutanée d’analogue rapide de l’insuline. Le traitement par pompe à insuline est plus efficace, plus flexible mais plus cher que le traitement basal-bolus par injections multiples. Le couplage « mesure continue du glucose/pompe » ouvre de nouvelles perspectives de systèmes partiellement automatisés de délivrance de l’insuline. Ces systèmes commencent à faire leur apparition dans l’arsenal thérapeutique du diabète de type 1. Ils nécessitent d’être prescrits et suivis par un centre expert dans l’utilisation de ces nouvelles technologies.

 

C. Schémas

Ces schémas, représentés dans la figure 18.3, sont à choisir suivant l’acceptation, l’autonomisation du patient et les objectifs thérapeutiques. Ils visent à se substituer à la production physiologique d’insuline : une faible production permanente, à laquelle vient s’ajouter une production rapide, puissante et transitoire lors de la prise alimentaire de glucides. Cette insulinothérapie intensifiée peut être réalisée grâce à une injection d’insuline lente et plusieurs injections d’insuline rapide chaque jour ou bien grâce à l’utilisation de la pompe à insuline.

 

Figure 18.3

Schémas du traitement insulinique. (Source : CEEDMM, 2019.)

 

 

D. Doses

En général, la dose est de 0,5–0,6 U/kg de poids par jour, auto-adaptatée en fonction de l’analyse des glycémies (rétrospective, instantanée), de l’activité physique et de l’alimentation prévues.

Une méthode personnalisée dite « insulinothérapie fonctionnelle » est développée dans de nombreux centres. Elle vise à éduquer le patient diabétique pour qu’il puisse adapter son insulinothérapie à son mode de vie. Cette méthode nécessite en outre une éducation nutritionnelle pour le calcul des quantités de glucides des rations alimentaires.

 

E. Effets secondaires de l’insulinothérapie

Les principaux effets secondaires sont les suivants :

  • hypoglycémies (cf. « C. Hypoglycémies » à la fin de ce chapitre et également l’Item 238 au chapitre 15) ;

  • lipohypertrophies si les piqûres reviennent trop souvent au même endroit, avec des aiguilles utilisées plusieurs fois.

 

5. Traitement non insulinique

  • Accompagnement et soutien psychologique, comme pour toute maladie chronique.

  • Alimentation variée et sans interdits, mais qui respecte autant que possible les principes du Programme national Nutrition et Santé (PNNS, http://www.mangerbouger.fr/PNNS). Les horaires et les apports glucidiques seront réguliers pour les patients ne pratiquant pas l’« insulinothérapie fonctionnelle ». Pour les autres, ils adapteront leur dose d’insuline rapide à la quantité de glucides qu’ils comptent ingérer.

  • Exercice physique (plutôt en aérobiose) à recommander en prenant en compte le risque d’hypoglycémie parfois différée de plusieurs heures dans le cas d’efforts prolongés (cf. infra). Un bilan clinique est nécessaire quand il s’agit d’une reprise d’activité après une longue période d’arrêt.

 

 

Cas particuliers

 

1. Diabète de l’enfant et de l’adolescent

  • La fréquence des acidocétoses doit être signalée pour inciter à mettre en place des mesures de prévention (éducation des médecins généralistes et scolaires, des patients et de leur famille).

  • Hypoglycémie : l’innocuité cérébrale des hypoglycémies sévères chez l’enfant de moins de 6 ans n’est pas prouvée. Les objectifs thérapeutiques sont pour cette raison un peu plus lâches que chez l’adulte (cf. supra).

  • Diabète difficile à équilibrer (augmentation des besoins en insuline pendant la puberté d’environ 50 %) et mal accepté psychologiquement pendant l’adolescence.

  • Intérêt de la pompe chez le très petit enfant.

  • Il convient aussi d’envisager chez l’enfant un projet d’accueil individualisé (PAI) pour lui assurer une scolarité sereine, faisant intervenir les familles, le médecin traitant, les enseignants, l’infirmière et le médecin scolaire.

  • Noter la fréquence croissante de la part du diabète de type 2 chez l’adolescent.

 

2. Diabète au féminin

A. Diabète gestationnel

Un véritable diabète de type 1 peut être dépisté pendant la grossesse (cf. chapitre 20, Item 252 – Nutrition et grossesse).

 

B. Contraception

Le choix du mode de contraception sera discuté entre le diabétologue et le gynécologue. Les pilules œstroprogestatives peuvent être utilisées chez des femmes jeunes, sans complication, non fumeuses et dont le diabète est relativement bien équilibré. Les dispositifs intra-utérins sont aussi une possibilité même chez la nullipare si les œstroprogestatifs sont mal supportés ou relativement contre-indiqués par l’existence de complications métaboliques (hypertriglycéridémie) ou vasculaires. Chez certaines femmes, des contraceptions progestatives soit microdosées soit macrodosées peuvent être proposées.

 

C. Grossesse

La prise en charge de la grossesse survenant chez une femme souffrant de diabète de type 1 est développée dans le chapitre 20 (Item 252 – Nutrition et grossesse).

Une prise en charge spécialisée diabéto-obstétricale est indispensable, idéalement en période préconceptionnelle.

Le pronostic est quasi normal si l’équilibre est parfait dès la conception (grossesse programmée) et ce jusqu’à l’accouchement, et si le diabète n’est pas compliqué. En cas de désir de grossesse, utiliser des analogues de l’insuline, qui ont reçu l’agrément pour leur utilisation chez la femme enceinte. Se souvenir que la grossesse peut retentir sur le diabète :

  • risque majoré de variabilité glycémique et d’hypoglycémie au premier trimestre de la grossesse ;

  • augmentation des besoins au troisième trimestre de la grossesse (résistance physiologique à l’insuline ; l’augmentation des besoins porte en général sur les besoins prandiaux, mais le risque d’hypoglycémie à distance des repas est augmenté, ce qui conduit à fractionner l’alimentation) et retour aux besoins d’avant la grossesse dès l’accouchement ;

  • risque d’aggravation de la rétinopathie (+++) et de la néphropathie si celles-ci ne sont pas parfaitement stabilisées auparavant. Une surveillance étroite de la rétine s’impose, au minimum trimestrielle, en particulier lorsque le diabète est ancien, lorsqu’une rétinopathie préexiste avant la grossesse et n’a pas fait l’objet d’une photocoagulation par laser avant la grossesse.

Les objectifs glycémiques sont très stricts (HbA1c < 6,5 %, glycémies à jeun < 0,9 g/l, en postprandial < 1,20 g/l), l’autosurveillance est répétée, l’insulinothérapie optimisée et le suivi diabéto-obstétrical au moins mensuel. L’hospitalisation peut devenir nécessaire en cas de déséquilibre.

 

D. Ménopause

Lors de la ménopause, l’hormonothérapie substitutive par voie percutanée ne sera envisagée que si elle s’avère médicalement indiquée et en l’absence de complications du diabète.

 

3. Diabète en situation de jeûne

En cas d’intolérance gastrique, ne jamais arrêter l’insuline basale (lente, intermédiaire). Essayer des collations liquides fractionnées, sinon hospitaliser pour l’administration de solutés glucosés IV. Mais avant tout, toujours penser à vérifier la cétonurie ou la cétonémie car les troubles digestifs sont les signes révélateurs d’une cétose débutante.

Lorsqu’un examen ou un soin nécessite d’être à jeun peu de temps (quelques heures), il suffit en général d’omettre l’insuline prandiale en maintenant l’insuline basale et de surveiller la glycémie capillaire.

 

 

 

Points clés

 

Le diabète de type 1 est lié à une carence absolue en insuline par destruction auto-immune des cellules bêta pancréatiques. Il s’agit d’une maladie auto-immune spécifique d’organe où dominent les processus cellulaires.

– Il survient habituellement avant 35 ans (pic à l’adolescence) mais peut survenir à tout âge.

– Le diagnostic peut être clinique devant la triade classique « maigreur ou amaigrissement + cétose + âge < 35 ans ».

– Si un de ces critères manque, valeur diagnostique des autoanticorps anti-GAD, anti-IA2 et anti-insuline.

– Le diabète de type 1 est une maladie chronique qui demande une participation active du patient pour les soins quotidiens.

– Une insulinothérapie intensifiée dès le diagnostic réduit l’hémoglobine glyquée, retarde et réduit la gravité des complications microangiopathiques et macroangiopathiques.

– Le schéma d’insulinothérapie « basal-bolus » (par injections multiples ou par pompe) est le gold standard du traitement du diabète de type 1.

– Les autres facteurs de risque vasculaire doivent être aussi contrôlés.

– L’éducation du patient (ETP) à la maîtrise de l’insulinothérapie en fonction des aléas de la vie pour éviter les conséquences aiguës et chroniques de la maladie fait partie intégrante de l’acte thérapeutique.

 

 

© CEEDMM – Juillet 2020