Item 252 – UE 8 – Nutrition et grossesse: diabète gestationnel

 

Objectifs pédagogiques

(…) Dépister et prendre en charge le diabète gestationnel

 

 

 

Plan

I. Introduction

II. Rappels physiologiques

III. Prise en charge du diabète connu avant la grossesse, ou diabète prégestationnel

IV. Prise en charge du diabète découvert pendant la grossesse, ou diabète gestationnel

Points clés

 

 

 

Introduction

Il faut distinguer le diabète gestationnel qui apparaît au cours de la grossesse, du diabète antérieur à la grossesse (diabète prégestationnel qui peut être de type 1 ou de type 2). Dans ce cas, la grossesse doit être programmée (préparée, avec des objectifs avant de l’autoriser médicalement). Parfois, le diabète prégestationnel est méconnu avant la grossesse : il s’agit dans ce cas d’un diabète de type 2, qui doit donc être dépisté en début de grossesse.

Rappels physiologiques

Après une phase d’anabolisme facilité en début de grossesse, il existe de manière physiologique en seconde partie de grossesse une insulinorésistance favorisée par les hormones placentaires (hormone lactogène placentaire [HLP] et progestérone) et l’augmentation des hormones maternelles de contre-régulation glycémique (cortisol, leptine, hormone de croissance). La finalité est de router les nutriments vers le fœtus pour faciliter son développement.

En situation physiologique, il existe une adaptation de la fonction pancréatique permettant un hyperinsulinisme réactionnel (prédominant en situation post-stimulative) et donc le maintien de l’euglycémie.

Si la fonction pancréatique est déficiente, l’insulinosécrétion est insuffisante pour compenser l’insulinorésistance, en particulier en période postprandiale, ce qui conduit à l’apparition d’un diabète gestationnel (donc typiquement en seconde partie de grossesse).

Le glucose, les corps cétoniques, les acides gras libres et les acides aminés passent la barrière hématoplacentaire, contrairement à l’insuline.

Il existe en parallèle une diminution physiologique du seuil rénal de filtration du glucose, d’où l’absence d’intérêt de la glycosurie pendant la grossesse.

Prise en charge du diabète connu avant la grossesse, ou diabète prégestationnel

1. Principes

La fécondité de la femme diabétique est normale (à distinguer des fausses couches accrues en cas d’équilibre glycémique insuffisant au moment de la conception). Il convient idéalement qu’une patiente diabétique de type 1 ou de type 2 qui envisage une grossesse soit prise en charge en période préconceptionnelle car la grossesse présente des risques supérieurs chez la femme diabétique, à la fois pour la mère et pour l’enfant, dominés par l’embryofœtopathie diabétique et par l’évolution des complications du diabète chez la mère. Les objectifs sont de :

  • faire le bilan du retentissement du diabète (rechercher les éléments pronostiques pour la grossesse, voire des contre-indications) ;
  • fixer et obtenir un contrôle glycémique strict plusieurs semaines avant la conception et pendant les 8 premières semaines de grossesse (HbA1c < ou = à 6,5 % idéalement, mais grossesse possible si < 7 %) ;
  • modifier le traitement en cours : adapter l’insulinothérapie, proposer un traitement par pompe à insuline dans le cas d’un diabète de type 1, débuter une insulinothérapie dans le diabète de type 2 après arrêt des antidiabétiques oraux soit en préconception soit dès le diagnostic de grossesse ;
  • adapter les éventuels traitements antihypertenseurs ;
  • arrêter les hypolipémiants ;
  • débuter un traitement par folates ;
  • anticiper la prise en charge multidisciplinaire de la grossesse.

2. Risques de la grossesse diabétique

A. Risques pour le fœtus

Il existe un lien continu entre des taux d’hémoglobine glyquée élevés à la conception et le risque d’avortement spontané précoce et/ou de mort fœtale ou de malformations fœtales. De même, un contrôle glycémique insuffisant durant la grossesse est associé à un risque accru de macrosomie fœtale et de mortalité périnatale.

a) En début de grossesse (période d’organogenèse)

Malformations congénitales

Elles sont plus fréquentes (incidence multipliée par 3 à 4).

Elles sont directement liées à l’équilibre glycémique en début de grossesse et se constituent au moment de l’organogenèse (c’est-à-dire pendant les 8 premières semaines de la grossesse) : absence de surrisque avec un contrôle glycémique optimal avant la conception et durant les premières semaines, et risque exponentiellement croissant avec l’élévation de l’HbA1c péri-conceptionnelle (20 % si HbA1c > 10 %).

Les conséquences de ces malformations sont les suivantes :

  • fausses couches spontanées accrues ;
  • mortalité fœtale et néonatale ;
  • malformations chez le nouveau-né:
    • malformations cardiaques (le plus souvent) :
    • persistance du canal artériel ;
    • communication interventriculaire ;
    • coarctation aortique ;
    • malformations neurologiques :
    • spina bifida ;
    • hydrocéphalie ;
    • anencéphalie ;
    • malformations rénales ;
    • syndrome de régression caudale, exceptionnel.

Fausses couches spontanées

Elles sont deux fois plus fréquentes que dans la population non diabétique et également corrélées au taux d’hémoglobine glyquée ; elles sont partiellement expliquées par les malformations congénitales. Pour exemple : 32 % si HbA1c > 8 % versus 15 % dans la population générale non diabétique.

b) Au cours du deuxième trimestre (période de développement fœtal)

L’hyperglycémie maternelle entraîne un hyperinsulinisme fœtal qui déclenche un hyperanabolisme fœtal avec les conséquences suivantes :

  • macrosomie (avec augmentation du périmètre abdominal principalement) ;
  • hypoxie tissulaire (d’où la production excessive d’érythropoïétine, qui peut provoquer une polyglobulie et une hyperbilirubinémie) ;
  • retard de la maturation pulmonaire ;
  • hypertrophie cardiaque septale.
c) Au cours du troisième trimestre

Il existe un risque de mort fœtale multiplié par 2 à 3, surtout en fin de grossesse, en lien avec la macrosomie, les anomalies du rythme cardiaque fœtal, le retard de maturation pulmonaire mais surtout des anomalies de la vascularisation placentaire.

d) Autour de l’accouchement

Le diabète prégestationnel est associé à une augmentation de la prématurité et des césariennes. On redoutera :

  • un traumatisme fœtal secondaire à la macrosomie (dystocie des épaules) ;
  • une hypoglycémie sévère du nouveau-né (enfant hyperinsulinique) ;
  • une hypocalcémie (carence brutale des apports maternels chez ces enfants en hyperanabolisme) ;
  • une hyperbilirubinémie/polyglobulie (secondaire à l’hypoxie) ;
  • une détresse respiratoire transitoire par retard de résorption du liquide amniotique ;
  • une maladie des membranes hyalines.

B. Risques chez la mère diabétique

La grossesse aggrave les complications microvasculaires, mais ne semble pas influer sur le pronostic des complications à long terme.

a) Hypertension artérielle

Elle survient dans 25 à 30 % des grossesses diabétiques. Si elle survient à 20 SA, l’HTA est probablement antérieure à la grossesse ; si elle apparaît après 20 SA, il y a un risque de toxémie gravidique ou prééclampsi, dont le risque est accru s’il existe des complications microvasculaires du diabète et surtout une néphropathie. Comparativement à la population non diabétique, le risque de prééclampsie est multiplié par 6 au cours du diabète de type 1, par 4 au cours du diabète de type 2. Il s’agit d’une complication grave pour la mère et l’enfant, pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Cette complication impose d’utiliser des antihypertenseurs non contre-indiqués chez la femme enceinte, et justifie le plus souvent de déclencher l’accouchement.

b) Rétinopathie

Elle peut être aggravée par la grossesse. Elle apparaît rarement sur une rétine normale.

Elle doit être dépistée avant la grossesse ou au tout début, puis tous les trimestres en l’absence d’anomalie, tous les mois en cas de rétinopathie. Il convient également de rechercher un œdème maculaire.

L’angiographie rétinienne et le traitement par laser ne sont pas contre-indiqués mais le mieux est le traitement préalable d’une rétinopathie proliférative. Seule une rétinopathie proliférative floride non traitée représente une contre-indication à la grossesse et éventuellement au maintien de la grossesse (décision à prendre avec l’ophtalmologue et la patiente).

Une rétinopathie proliférative peut également justifier d’un accouchement facilité (accouchement par voie basse possible sans efforts expulsifs en raison du risque d’aggravation lors des efforts de poussée).

c) Néphropathie

Le dépistage se fait par le dosage de la créatininémie et du rapport albuminurie/créatininurie (A/C). La néphropathie peut apparaître ou s’aggraver pendant la grossesse mais, en général, l’aggravation est transitoire si la fonction rénale est préalablement normale. Les facteurs de risque sont les suivants :

  • HTA ;
  • mauvais équilibre glycémique ;
  • rétinopathie évoluée au départ ;
  • ancienneté du diabète (donc plus fréquemment en cas de diabète de type 1).

La microalbuminurie augmente physiologiquement durant la grossesse mais revient le plus souvent au niveau antérieur à la grossesse 3 mois après l’accouchement.

L’insuffisance rénale entraîne des risques importants d’hypotrophie fœtale et de prééclampsie. Une insuffisance rénale préexistante à la grossesse est associée à la mortalité fœtale in utero dans 50 % des cas. Les risques obstétricaux sont accrus et concernent le retard de croissance in utero, l’accouchement prématuré et la toxémie gravidique.

Dans tous les cas, il convient de prendre en charge l’hypertension artérielle associée. Les traitements néphroprotecteurs (IEC et sartans) sont contre-indiqués en période préconceptionnelle et pendant la grossesse, en raison de leur tératogénicité avec notamment une toxicité rénale.

d) Coronaropathie

Elle est exceptionnelle, mais gravissime. Elle reste une contre-indication absolue à la grossesse car il existe un risque vital pour la mère. Elle doit être dépistée en cas de diabète ancien avec des complications microvasculaires : ECG de repos systématique et recherche d’ischémie myocardique (épreuve d’effort ou autre examen) au moindre doute.

e) Neuropathie

Aucune donnée n’est disponible concernant l’évolution d’une neuropathie périphérique ou autonome pendant la grossesse.

f) Risque infectieux

Le risque d’infection urinaire est majoré, avec risque de pyélonéphrite et de décompensation diabétique (acidocétose pour le diabète de type 1), justifiant une recherche d’infection urinaire et une prise en charge rapide au cours de la grossesse.

g) Dysthyroïdies auto-immunes

La femme diabétique de type 1 est plus exposée au risque de dysfonction thyroïdienne (à dépister systématiquement en préconceptionnel et en début de grossesse).

C. Prise en charge de la patiente diabétique avant et pendant la grossesse

a) Avant la grossesse
  • Programmation de la conception, sous contraception efficace, visant la normalisation des glycémies : objectif glycémique préprandial entre 0,70 et 1,20 g/l et postprandial entre 1 et 1,40 g/l, avec HbA1c au moment de la conception idéalement < ou = à 6,5 %. Une insulinothérapie intensifiée (basal-bolus ou pompe sous-cutanée) sera nécessaire, y compris dans le diabète de type 2. Les médicaments oraux hypoglycémiants sont arrêtés en préconceptionnel.
  • Dépistage des complications du diabète et d’une thyroïdite auto-immune en cas de diabète de type 1.
  • Adaptations des traitements associés si besoin.

Cette prise en charge est essentielle pour prévenir l’embryofœtopathie. La patiente est informée des risques de complications et du rythme de suivi. Le bilan et la prise en charge de la femme diabétique avant la grossesse sont répertoriés dans le tableau 20.1.

Tableau 20.1

Bilan et prise en charge de la femme diabétique avant la grossesse. (Source: CEEDMM, 2019.)

1 Mesure de l’HbA1c avec un objectif < ou = à 6,5 %
2 Insulinothérapie avec arrêt des hypoglycémiants oraux
3 Fond d’œil, ou rétinographie
4 Mesure de la créatininémie, rapport Albumine/Créatinine urinaires
5 Arrêt des IEC et des sartans si prescrits (utilisation d’antihypertenseurs autorisés pendant la grossesse)
6 ECG de repos
7 Explorations cardiologiques complémentaires si suspicion clinique de coronaropathie ou si risque cardiovasculaire augmenté (notamment diabète ancien avec microangiopathie)
8 Arrêt des statines et des fibrates
9 Recherche de foyers infectieux (stomatologique ++, urinaire)
10 Supplémentation en folates qui doit être poursuivie jusqu’au 1er trimestre de la grossesse (diminution des malformations neurologiques)
11 Doser le niveau de TSH dans le sang en cas de diabète de type 1

b) Pendant la grossesse

Équilibre glycémique

  • Essentiel quel que soit le type de diabète.
  • Besoins en insuline modifiés : diminution en début de grossesse, puis augmentation en raison de l’insulinorésistance, puis chute brutale après l’accouchement.
  • Diabète de type 2 : dès que le diagnostic de grossesse est posé, si cela n’a pas été fait avant, les hypoglycémiants oraux doivent être interrompus avec un relais par une insulinothérapie qui sera adaptée en fonction des profils glycémiques.
  • Effectuer six contrôles glycémiques par jour (surveillance capillaire ou mesure continue du glucose interstitiel). Objectifs glycémiques :
  • à jeun et avant repas de 0,60 à 0,90 g/l ;
  • postprandial (1 heure) < 1,40 g/l ou (2 heures) < 1,20 g/l.
  • Danger maternofœtal en cas d’acidocétose : recherche systématique de la cétonémie ou de la cétonurie si la glycémie est > 2 g/l.
  • Dosage de l’HbA1c une fois tous les trimestres ; c’est un moins bon reflet de l’équilibre glycémique pendant la grossesse qu’en dehors, en raison des modifications de l’hématopoïèse liées à la grossesse.

Alimentation

L’apport calorique ne doit pas être inférieur à 1 600 kcal par jour aux deuxième et troisième trimestres. L’alimentation est répartie le plus souvent en trois repas avec éventuellement des collations si besoin (fractionnement alimentaire).

Surveillance régulière des complications et des comorbidités

  • Poids.
  • Pression artérielle.
  • Fond d’œil ou rétinographie une fois tous les 3 mois (ou une fois par mois en cas de rétinopathie avérée).
  • Bandelette urinaire (pour recherche d’acétone et d’albumine) ou recherche de cétonémie notamment si la glycémie est ? 2 g/l.

Surveillance obstétricale

Les mesures à prendre sont répertoriées dans le tableau 20.2.

Tableau 20.2

Surveillance d’une femme diabétique lors d’une grossesse (diabète de type 1 et de type 2). * Maternité équipée d’un service de néonatalogie. (Source: CEEDMM, 2019.)

Diabétologue Obstétricien *
Début de la grossesse
– Fond d’oeil

– HbA1c, autosurveillance glycémique (carnet)

– Echographie à 12-14 SA: donne le terme
Suivi de la grossesse
Consultation présentielle au moins une fois par mois:

– poids, PA

– bandelette urinaire

HbA1c tous les 2 à 3 mois

Fond d’oeil au moins une fois par trimestre voire une fois par mois si rétinopathie

– Echographie à 22-24 SA: morphologie + échographie cardiaque

– Echographie à 32-34 SA: biométrie (croissance), structure placentaire, liquide amniotique, recherche d’une cardiomyopathie hypertrophique

– Surveillance du rythme cardiaque foetal à partir de 32 SA

Accouchement
Insulinothérapie IVSE

Surveillance spécifique de l’enfant en post-partum: dépistage et traitement des hypoglycémies néonatales avec surveillance de la glycémie capillaire de l’enfant pendant 48 h

Traitement du diabète après l’accouchement:

– diabète de type 1: besoin en insuline diminué (50% de la dose de fin de grossesse);

– diabète de type 2: si allaitement, poursuivre l’insuline si les objectifs ne sont pas atteints par diététique seule; si pas d’allaitement, reprise des hypoglycémiants oraux à posologie antérieure à la grossesse

Césarienne non systématique

Accouchement déclenché le plus souvent en raison du risque de souffrance foetale en fin de grossesse (mortalité foetale in utero augmentée

En cas de menace d’accouchement prématuré, ne pas utiliser les bêtamimétiques qui sont contre-indiqués en raison du risque d’acidocétose ; si une tocolyse est nécessaire, préférer les inhibiteurs calciques ou l’atosiban ; il n’y a pas de contre-indication à une corticothérapie pour accélérer la maturation pulmonaire mais elle est à effectuer en hospitalisation sous couvert d’une insulinothérapie optimisée avec surveillance glycémique intensive (++).

D. Accouchement et post-partum

a) Accouchement

Les mesures à prendre sont répertoriées dans le tableau 20.2.

L’accouchement est volontiers programmé après 38 SA, par voie basse ou césarienne en fonction des conditions obstétricales. L’expulsion sera facilitée s’il existe une rétinopathie sévère.

La patiente est traitée par insulinothérapie intraveineuse à la seringue électrique et perfusion de sérum glucosé, avec une surveillance glycémique horaire car l’hyperglycémie maternelle est la cause principale de l’hypoglycémie néonatale.

b) Après l’accouchement

L’allaitement est recommandé.

L’insulinorésistance physiologique disparaissant, les besoins en insuline diminuent dès l’accouchement :

  • en cas de diabète de type 1 : on poursuit bien sûr l’insulinothérapie mais en reprenant les doses antérieures à la grossesse, sinon en diminuant de 50 % les doses de fin de grossesse ;
  • en cas de diabète de type 2 : reprise du traitement antérieur et donc éventuellement des hypoglycémiants oraux, sauf en cas d’allaitement (l’insuline est alors poursuivie sans reprise des hypoglycémiants oraux).

L’allaitement augmente le risque d’hypoglycémie : il convient dans ce cas d’adapter l’insulinothérapie et de contrôler la glycémie avant et après la tétée.

Prise en charge du diabète découvert pendant la grossesse, ou diabète gestationnel

1. Définition du diabète gestationnel

Il s’agit d’un trouble de la tolérance glucidique de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois pendant la grossesse, quels que soient le traitement et l’évolution dans le post-partum.

Le diagnostic différentiel entre un diabète lié uniquement à la grossesse et un diabète se déclarant pendant la grossesse ou un diabète préexistant (mais méconnu) est parfois difficile.

La prévalence des diabètes gestationnels pris en charge est actuellement d’environ 10 % de l’ensemble des grossesses en France.

2. Risques

Si le diabète n’est lié qu’à la grossesse, il apparaît classiquement en seconde partie de grossesse (période d’insulinorésistance « physiologique ») et n’entraîne donc pas de risque de malformations fœtales car la glycémie était normale au moment de l’organogenèse.

Les données disponibles sur les complications maternelles du diabète gestationnel indiquent essentiellement des risques de prééclampsie et de césarienne qui sont corrélés de façon positive et linéaire au degré de l’hyperglycémie maternelle. Le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque de prééclampsie et de césarienne, indépendamment de l’hyperglycémie maternelle.

En revanche, les risques de complications fœtales et néonatales liées à l’hyperinsulinisme réactionnel du fœtus sont les mêmes que dans le diabète prégestationnel, avec en particulier la macrosomie, également favorisée par le statut pondéral maternel, la prise de poids pendant la grossesse et la multiparité. En effet, il existe une relation linéaire et continue entre le poids de naissance et le niveau de glycémie maternelle. Cette macrosomie est le facteur explicatif de la plupart des complications rapportées en fin de grossesse en cas de diabète gestationnel. L’obésité maternelle reste un facteur de risque de complications surajouté en cas de diabète gestationnel.

3. Dépistage du diabète gestationnel

A. Qui dépister ?

En France, il est recommandé de réaliser un dépistage sélectif (et non systématique) et donc de rechercher un diabète gestationnel chez les patientes qui ont au moins un facteur de risque parmi les suivants :

  • âge supérieur ou égal à 35 ans ;
  • index de masse corporelle supérieur ou égal à 25 kg/m2 en début de grossesse ;
  • antécédent de diabète gestationnel ;
  • antécédent de macrosomie ;
  • antécédent de diabète de type 2 chez un ou plusieurs apparentés du « premier » degré (père, mère, frères, sœurs).

NB : Le diabète de type 1 chez les apparentés n’est pas un facteur de risque de diabète gestationnel ; le premier degré désigne habituellement père, mère et enfants.

B. Quand et comment dépister ?

a) En début de grossesse

Le dépistage en début de grossesse a pour objectif de ne pas méconnaître un diabète de type 2 préexistant à la grossesse mais méconnu, qui est associé à une morbidité maternofœtale importante.

Un dosage de glycémie à jeun est préconisé (figure 20.1) :

  • une glycémie à jeun entre 0,92 et 1,25 g/l fait poser le diagnostic de « diabète gestationnel précoce » ;
  • une glycémie à jeun > ou = à 1,26 g/l définit un « diabète avéré découvert pendant la grossesse » (supposé correspondre à un diabète de type 2 méconnu avant la grossesse).

Figure 20.1

Stratégie de dépistage du diabète gestationnel. (Source : CEEDMM, 2019, d’après les Recommandations CNGOF-SFD, 2010.)

Un diabète gestationnel précoce ou un diabète avéré découvert pendant la grossesse conduit à une prise en charge immédiate, sans nécessité d’un nouveau dépistage après 24 SA.

b) Entre 24 et 28 semaines d’aménorrhée (SA)

L’insulinorésistance augmente à ce terme et justifie un nouveau dépistage chez une femme présentant au moins un facteur de risque, si la glycémie à jeun initiale était < 0,92 g/l (ou non réalisée). Il convient de réaliser une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) à 75 grammes de glucose avec mesure de la glycémie à jeun, à 1 heure et à 2 heures.

Les seuils pour poser le diagnostic de diabète gestationnel après HGPO 75 g sont les suivants :

  • glycémie à jeun entre 0,92 g/l et 1,25 g/l [entre 5,1 mmol/l et 6,9 mmol/l] ;
  • et/ou glycémie à 1 heure > ou = à 1,80 g/l [> ou = 10,0 mmol/l] ;
  • et/ou glycémie à 2 heures entre 1,53 g/l et 1,99 g/l [entre 8,5 mmol/l et 11 mmol/l].

Une seule valeur supérieure ou égale à ces normes suffit pour poser le diagnostic de diabète gestationnel.

Si la glycémie est > ou = à 1,26 g/l à jeun et/ou > ou = à 2,0 g/l 2 heures après la charge, il s’agit d’un diabète avéré découvert pendant la grossesse.

 

4. Traitement du diabète gestationnel

 

La prise en charge intensive du diabète gestationnel découvert après 24 SA permet de réduire les complications maternelles, fœtales et néonatales.

A. Diététique

Les recommandations existantes conseillent un apport calorique quotidien de :

  • 30 à 35 kcal/kg de poids chez la femme de poids normal ;
  • 25 kcal/kg de poids chez la femme en surpoids ou obèse.

Dans tous les cas, il ne faut pas descendre en dessous de 1 600 kcal par jour.

Le fractionnement de l’alimentation en trois repas et deux à trois collations a pour but de répartir l’apport glucidique dans la journée pour contrôler la glycémie postprandiale tout en maintenant un apport nutritionnel satisfaisant.

Le pourcentage de glucides recommandé dans l’apport calorique total se situe entre 40 et 50 %. Il n’y a pas de consensus pour la proportion de lipides et protides. Toutefois, une restriction protéique n’est pas souhaitable au cours de la grossesse.

B. Activité physique

Une activité physique modérée et régulière (30 minutes trois à cinq fois par semaine) est recommandée en dehors de contre-indications obstétricales.

C. Autosurveillance glycémique

L’autosurveillance glycémique pluriquotidienne à domicile est recommandée : initialement six fois par jour (trois glycémies préprandiales et trois glycémies postprandiales) ; puis au minimum quatre fois par jour : le matin à jeun et après chacun des trois repas.

Il est recommandé d’avoir une glycémie < 0,95 g/l avant les repas, < 1,20 g/l en postprandial (2 heures après les repas).

Il n’est pas recommandé de mesurer l’HbA1c au cours du diabète gestationnel.

D. Insuline

L’insuline est indiquée dès que les objectifs glycémiques ne sont pas atteints grâce aux mesures hygiéno-diététiques, les hypoglycémiants oraux étant contre-indiqués en France.

L’insulinothérapie est adaptée aux profils glycémiques : analogue de l’insuline rapide avant les repas pour lesquels les glycémies postprandiales restent élevées, insuline semi-lente (NPH) ou analogue d’action prolongée si les glycémies préprandiales sont élevées.

5. Après l’accouchement

A. Post-partum

L’insuline est arrêtée et les glycémies sont surveillées pendant une journée pour s’assurer qu’un diabète antérieur à la grossesse n’a pas été méconnu.

Un dépistage d’une anomalie de la glycorégulation est recommandé avant la consultation postnatale afin d’identifier les femmes diabétiques de type 2 ou présentant un prédiabète (hyperglycémie modérée à jeun et/ou intolérance au glucose) (cf. Item 245 – Diabète sucré de type 1 et 2 de l’enfant et de l’adulte). Une mesure de la glycémie à jeun est l’option la plus pratique bien que moins sensible que la réalisation d’une charge en glucose.

En cas de diabète, une prise en charge spécifique sera débutée. En cas de prédiabète, les mesures de prévention du diabète seront renforcées (cf. Item 245).

B. À plus long terme

  • Pour les femmes, le risque de développer une hyperglycémie (prédiabète ou diabète) à 10 ans est de 50 %, le risque de diabète de type 2 étant d’environ 10 %. Le risque augmente avec l’âge et un dépistage par mesure de la glycémie à jeun est préconisé tous les 1 à 3 ans suivant le niveau de risque (cf. Item 245).
  • Pour les descendants d’une femme ayant eu un « diabète gestationnel » pendant leur grossesse, il existe un risque augmenté :
  • d’obésité dans l’enfance et l’adolescence ;
  • de diabète de type 2 ;
  • et d’HTA dès l’adolescence.

Points clés

 

– Il est recommandé de dépister le diabète gestationnel en présence d’au moins un facteur de risque dès la première consultation prénatale et au 6e mois de la grossesse en cas de dépistage négatif à la première consultation.

– Le traitement du diabète gestationnel repose sur les mesures hygiéno-diététiques (intervention diététique et activité physique) et, si besoin, une insulinothérapie.

– Les hypoglycémiants oraux sont contre-indiqués au cours de la grossesse.

– Les femmes ayant fait un diabète gestationnel sont à très haut risque de devenir diabétique de type 2 et par conséquent d’excellentes candidates à la prévention du diabète, notamment en cas de prédiabète en post-partum précoce.

 

 

Pour en savoir plus:

Collège national des gynécologues et obstétriciens français, Société francophone du diabète. Diabète gestationnel. Recommandations. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris), 2010; (8 Suppl 2) : S139, S338–42.

 

© CEEDMM – Mai 2020