Item 265 – UE 8 – Désordres hydroélectrolytiques: hyperkaliémie, hypokaliémie : causes endocrines

 

Objectifs pédagogiques

Savoir diagnostiquer et traiter une hypokaliémie, une hyperkaliémie, une hyponatrémie, une hypocalcémie

 

 

Plan

I. Introduction

II. Hyperkaliémie

II. Hypokaliémie

Points clés

 

 

Introduction

 

Le potassium est le cation le plus abondant de l’organisme et le principal cation cellulaire. La kaliémie normale se situe entre 3,5 et 4,5 mmol/l sous réserve d’un dosage fait dans de bonnes conditions. Toutefois une kaliémie < 3,8 mmol/l peut déjà être considérée comme une hypokaliémie. Les dyskaliémies (essentiellement < 3 mmol/l ou > 5,5 mmol/l) peuvent avoir des conséquences vitales du fait de leur retentissement cardiaque, en particulier si elles sont d’installation rapide.

Le diagnostic étiologique des dyskaliémies permet de mettre en place un traitement adapté.

 

 

Hyperkaliémie

 

L’étiologie endocrinienne des hyperkaliémies fait l’objet du tableau 21.3.

 

Tableau 21.3

Principales causes d’hyperkaliémie. Les causes endocriniennes ou mises en jeu dans des pathologies endocriniennes sont en italique et commentées dans ce chapitre. (Source: CEEDMM, 2019.)

 

Augmentation de la sortie cellulaire du potassium

Acidose

– Insulinopénie

– Catabolisme cellulaire

– Iatrogènes (surdosage de digitaliques, transfusion…)

– Hypothermie

Diminution de l’excrétion urinaire

– Insuffisance rénale

– Hypoaldostéronisme

– Défaut d’action de l’aldostérone = pseudo-aldostéronismes

– Hypovolémie efficace

– Urétérojéjunostomie

 

 

1. Acidose et insulinopénie

Ces deux mécanismes sont mis en jeu dans la cétoacidose diabétique (cf. Item 245 – Diabète sucré de type 1 et 2 de l’enfant et de l’adulte).

L’acidose tend à faire sortir le potassium de la cellule et l’insulinopénie en réduit l’entrée.

Dans un premier temps, la sortie du potassium des cellules est accrue en raison de l’acidose et de l’insulinopénie. La phase hyperkaliémique est suivie d’une normokaliémie car la diurèse osmotique due à l’hyperglycémie entraîne une augmentation de l’excrétion rénale du potassium. Le traitement par insuline permet au potassium de rentrer dans les cellules et est à risque d’induire une hypokaliémie.

Il est impératif d’apporter du potassium lors de l’insulinothérapie dès que la kaliémie est normalisée.

 

2. Hyperaldostéronisme

 

A. Insuffisance surrénale périphérique (comprenant hypocorticisme et hypoaldostéronisme)

Cf. Chapitre 20, Item 243 – Insuffisance surrénale.

 

B. Hypoaldostéronisme secondaire ou hyporéninisme-hypoaldostéronisme

Le tableau est celui d’une hyperkaliémie chronique isolée. On l’observe chez les sujets âgés (plus de 65 ans) et chez les diabétiques : il est la manifestation d’une neuropathie autonome avec diminution de la sécrétion de rénine stimulée physiologiquement par le système sympathique innervant le rein.

Parfois en cas d’IRC, c’est le caractère disproportionné de l’hyperkaliémie face à une insuffisance rénale légère ou modérée qui va faire évoquer le diagnostic. Le risque lié à la méconnaissance du diagnostic est l’aggravation lors de la prescription d’un IEC ou d’un ARA II préconisés chez le diabétique.

 

C. Pseudo-hypoaldostéronisme

Il s’agit d’une résistance à l’aldostérone du fait d’une anomalie génétique qui touche les canaux sodiques tubulaires ou le récepteur de l’aldostérone. Les causes en sont génétiques ou acquises (en particulier dans les maladies rénales et les colectomies avec iléostomie).

 

 

Hypokaliémie

 

L’étiologie endocrinienne des hypokaliémies (figure 21.2) fait l’objet du tableau 21.4.

 

Figure 21.2

Diagnostic étiologique d’une hypokaliémie. (Source: CEEDMM, 2019.)

 

 

 

Tableau 21.4

Principales causes d’hypokaliémie. Les causes endocriniennes ou mises en jeu dans des pathologies endocriniennes sont en italique et commentées dans ce chapitre. (Source: CEEDMM, 2019.)

 

Diminution des apports

Dénutrition sévère, anorexie
Augmentation de l’entrée intracellulaire

Insulinothérapie

Augmentation de l’activité béta-adrénergique

– Alcalose

Paralysie périodique familiale

– Iatrogènes: chloroquine

Pertes digestives

– Vomissements, diarrhées

– Abus de laxatifs

Pertes urinaires

– Diurétiques

Hyperaldostéronisme

Hypercorticisme

Polyuries

– Hypomagnésémie

Acidoses tubulaires, tubulopathies de Barterr, de Gitelman

– Iatrogènes (corticoïdes, amphotéricine B)

Bloc de la 11-béta-hydroxystéroïde déshydrogénase (glycyrrhizine de la réglisse)

Pertes cutanées Sueurs…

 

1. Dénutrition sévère (Cf. Item 248)

L’hypokaliémie de l’anorexique est bien connue, chronique et, de ce fait, bien supportée ; mais elle ne doit pas être négligée dans le traitement de ces patients.

La dénutrition sévère est parfois observée chez les patients obèses opérés d’une chirurgie bariatrique et qui ne sont pas suivis. Un suivi nutritionnel est indispensable chez ces patients.

 

2. Insulinothérapie et troubles digestifs

Lors de la cétoacidose (cf. Item 245 – Diabète sucré de type 1 et 2 de l’enfant et de l’adulte), si les troubles digestifs sont majeurs, le patient peut être en hypokaliémie au diagnostic. Cette hypokaliémie est donc extrêmement sévère puisqu’en partie masquée par l’acidose. L’insuline facilite l’entrée couplée du glucose et du potassium dans de nombreuses cellules.

 

Pour que la kaliémie reflète le pool potassique, enlever 1 mmol/l par 0,1 point de pH en dessous de 7,4.

 

Les recommandations actuelles des sociétés savantes sont de ne jamais commencer linsulinothérapie sans avoir obtenu le résultat de la kaliémie — que l’on a très rapidement sur les gaz du sang — et de ne commencer l’insulinothérapie qu’une fois la kaliémie normalisée — on ne met alors en place que l’hydratation sans insuline et une seringue électrique de potassium. Le risque en insulinant trop précocement est le trouble du rythme avec arrêt cardiocirculatoire. Il faut dans cette situation ne jamais prescrire de bicarbonate de sodium qui, en alcalinisant, aggrave l’hypokaliémie.

 

3. Hyperaldostéronisme et hypercorticisme

L’aldostérone a un rôle majeur dans la régulation de l’excrétion rénale du potassium. Environ 700 mmol de potassium sont filtrés par le glomérule. La réabsorption s’effectue pour 60 % dans le tube contourné proximal et 20 à 30 % dans l’anse de Henlé. L’adaptation ultime des sorties se fait sur les 10 % du potassium qui atteignent le tube contourné distal. L’aldostérone est active à la partie terminale du tube distal et au tube collecteur cortical.

L’excès de cortisol qui caractérise les syndromes de Cushing (cf. Item 221 – Hypertension artérielle de l’adulte) conduit à un dépassement du catabolisme intra-rénal du cortisol en cortisone inactive par la 11-béta-hydroxystéroïde déshydrogénase. Le cortisol en excès se fixe sur les récepteurs de l’aldostérone d’où l’effet « aldostérone-like ».

Hyperaldoste?ronisme et hypercorticisme doivent être évoqués devant une HTA avec hypokaliémie avec kaliurèse augmentée (> 20 mmol/24 heures).

La quantité de potassium sécrétée dépend de la quantité de sodium disponible dans le tube distal, pour l’échange Na+/K+ et/ou H+. La kaliurèse diminue lors d’un régime restrictif en sel : les dosages ioniques et hormonaux doivent donc être réalisés en régime normosodé (natriurèse > 100 mmol par 24 heures).

L’hypokaliémie elle-même inhibe partiellement la synthèse d’aldostérone : les dosages de rénine-aldostérone doivent donc être réalisés en normokaliémie obtenue par substitution potassique.

Les médicaments interférant avec le SRAA doivent être arrêtés.

L’HTA n’est pas constante et son absence ne doit pas faire éliminer ces diagnostics.

 

4. Polyuries

(Cf. Item 242 et Item 245.)

La kaliurèse augmente en cas de forte diurèse, surtout les diurèses osmotiques : une hyperglycémie élevée, dépassant le Tm de réabsorption, entraîne une polyurie accompagnée d’une perte ionique dont le potassium.

On observe parfois des hypokaliémies dans les polyuries majeures non osmotiques des diabètes insipides.

 

5. Hypomagnésémies

L’hypomagnésémie est à l’origine d’une fuite rénale de potassium parfois associée à une hypocalcémie par hypoparathyroïdie fonctionnelle. L’hypomagnésémie peut être liée :

  • à des pertes digestives (la magnésurie est alors basse) : malabsorptions, pertes digestives liées à la prise d’IPP, cause encore méconnue mais qui devient fréquente du fait de la prescription courante de ces molécules ;
  • à des pertes urinaires (la magnésurie est alors élevée) :
  • acquises et parfois communes à la perte de potassium, entraînant un effet synergique pour la survenue de l’hypokaliémie : diurétiques, polyurie du diabète déséquilibré ;
  • génétiques (dont certaines étiologies communes avec l’hypokaliémie, comme le Bartter ou surtout le Gitelman).

 

6. Blocage de la 11-béta-hydroxystéroïde déshydrogénase

Cette enzyme transforme le cortisol actif en cortisone inactive sur les récepteurs minéralocorticoïdes. Son blocage entraîne le même tableau qu’un hyperaldostéronisme primaire mais avec une aldostérone basse, d’où le nom d’« excès apparent de minéralocorticoïdes ».

Devant une HTA avec hypokaliémie, le patient doit être systématiquement interrogé sur la prise de réglisse ou de pastis sans alcool contenant de la glycyrrhizine, principe actif inhibiteur de l’enzyme.

En cas de survenue dans l’enfance, un bloc génétique doit être suspecté.

 

 

Points clés

 

 La principale cause endocrine d’hyperkaliémie est l’insuffisance surrénale primitive.

– La principale cause endocrine d’hypokaliémie est l’hyperaldostéronisme primaire (syndrome de Conn), suivi des syndromes de Cushing sévères.

 

© CEEDMM – Mai 2020