Item 265 – UE 8 – Désordres hydroélectrolytiques: hyponatrémies d’origine endocrinienne – SIADH

 

Objectifs pédagogiques

Savoir diagnostiquer et traiter une hypokaliémie, une hyperkaliémie, une hyponatrémie, une hypocalcémie

 

 

Plan

I. Définition

II. Physiopathologie de l’hormone anti-diurétique, ou vasopressin

III. Diagnostic positif du SIADH

IV. Diagnostic différentiel d’une hyponatrémie

V. Diagnostic étiologique d’un SIADH

VI. Traitement de l’hyponatrémie

Points clés

 

 

Définition

L’hyponatrémie, définie par une natrémie inférieure à 135 mmol/l, correspond à l’anomalie électrolytique la plus commune chez les patients hospitalisés (15 à 20 %), dont elle augmente la morbi-mortalité. Le diagnostic d’une hyponatrémie nécessite le dosage ou le calcul de l’osmolalité plasmatique (ou à défaut la mesure de la glycémie et des triglycérides) d’une part et l’évaluation clinique de la volémie d’autre part (figure 21.3).

 

Figure 21.3

Démarche étiologique et principes thérapeutiques devant une hyponatrémie. Na, natrémie ; K, kaliémie ; ICSA, insuffisance corticosurrénale aiguë ; SIADH, syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique. (Source : CEEDMM, 2019.)

 

 

 

L’osmolalité plasmatique peut être mesurée ou, à défaut, calculée selon la formule suivante :

Osmolalité calculée [mOsm/kg H2O] = 2 × (Natrémie + Kaliémie) + Glycémie [toutes les valeurs étant exprimées en mmol/l] + uréee (mmol/l].

Une dissociation entre la natrémie et l’osmolarité signifie en pratique qu’il existe une hyperglycémie (hyponatrémie hyperosmolaire) ou une hypertriglycéridémie (hyponatrémie normo-osmolaire).

Les hyponatrémies vraies sont des hyponatrémies hypo-osmolaires.

Ces hyponatrémies hypo-osmolaires sont elles-mêmes classées selon la volémie en trois groupes :

  • hyponatrémies hypovolémiques (avec pli cutané, correspondant à une déshydratation, parfois encore appelées hyponatrémies de déplétion) ;
  • hyponatrémies hypervolémiques (avec œdèmes, encore appelées hyponatrémie par hypovolémie efficace) ;
  • hyponatrémies normovolémiques, correspondant au syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH), ou syndrome de Schwartz-Bartter.

Le SIADH correspond donc à une hyponatrémie hypo-osmolaire normovolémique.

 

 

Physiopathologie de l’hormone antidiurétique, ou vasopressine

 

L’hormone antidiurétique (ADH, Antidiuretic Hormone), aussi appelée vasopressine, est un peptide de neuf acides aminés synthétisé dans les noyaux supraoptique et paraventriculaire hypothalamiques. Elle migre le long des axones neuronaux à travers la tige hypophysaire jusqu’à la posthypophyse où elle est sécrétée en fonction de stimuli principalement osmotiques et volémiques, mais aussi non osmotiques tels que les nausées, la douleur, le stress, l’hypoglycémie, l’hypoxie.

La vasopressine exerce son action par l’intermédiaire de trois types de récepteurs :

  • V1a sur les fibres musculaires lisses (action vasoconstrictive) ;
  • V1b sur les cellules corticotropes (réponse au stress) ;
  • V2 sur le tube collecteur rénal (action antidiurétique).

Les deux dénominations de l’ADH (hormone antidiurétique et vasopressine) rappellent les deux principales actions de l’hormone ; retenir l’eau en diminuant la diurèse et contracter les fibres musculaires lisses des vaisseaux, afin de maintenir une volémie efficace.

 

 

Diagnostic positif du SIADH

1. Diagnostic clinique

Le SIADH s’accompagne d’une pression artérielle et d’une fréquence cardiaque normales. Il n’y a pas de pli cutané et pas d’œdème. Les manifestations cliniques du SIADH, insidieuses et peu spécifiques, sont les suivantes.

Natrémie > 125 mmol/l
  • Asymptomatique.
  • Ou : anorexie, nausées, vomissements et/ou troubles de l’attention et de la marche.
120 mmol/l < Natrémie < 125 mmol/l
  • Confusion, crampes, céphalées, troubles de l’équilibre et troubles cognitifs.
  • Le risque de chute et de fracture est accru en raison d’une ostéoporose et d’une rhabdomyolyse (augmentation des CPK) favorisées par l’hyponatrémie chronique.
115 mmol/l < Natrémie < 120 mmol/l
  • Stupeur, troubles psychiatriques.
Natrémie < 115 mmol/l
  • Convulsions, coma.

Une hyponatrémie est d’autant plus symptomatique qu’elle est profonde mais surtout d’installation rapide.

 

2. Diagnostic biologique

Les critères diagnostiques du SIADH, ou hyponatrémie hypo-osmolaire normovolémique, sont les suivants :

  • hyponatrémie < 135 mmol/l et osmolalité plasmatique basse < 275 mOsm/kg H2O ;
  • euvolémie clinique (pas de plicutané, pas d’œdème) ;
  • azotémie < 0,1 g/l [3,5 mmol/l] ;
  • natriurèse conservée > 30 mmol/l en régime normosodé ;
  • absence d’insuffisance rénale, surrénale, thyroïdienne ;
  • osmolalité urinaire inappropriée > 100 mOsm/kg H2O ;
  • absence d’utilisation de diurétiques dans la semaine précédente ;
  • uricémie < 40 mg/l [0,25 mmol/l] ;

En cas d’hyponatrémie liminaire, un test de surcharge hydrique peut être réalisé en milieu spécialisé. Une personne normale excrète les trois quarts des 20 ml d’eau/kg de poids corporel ingérés dans les 4 heures suivant l’ingestion.

 

 

Diagnostic différentiel d’une hyponatrémie

 

Les différents éléments du diagnostic d’une hyponatrémie sont synthétisés dans la figure 21.3 et reposent sur la détermination de l’osmolalité plasmatique et de la volémie.

 

1. Hyponatrémies normo-osmolaire et hyperosmolaire

Une hyponatrémie normo-osmolaire correspond en général à une hypertriglycéridémie, encore dénommée pseudo-hyponatrémie, tandis qu’une hyponatrémie hyperosmolaire s’associe le plus souvent à une hyperglycémie majeure.

 

2. Hyponatrémie hypo-osmolaire hypovolémique

Quand l’osmolalité urinaire est élevée et qu’il existe une hypovolémie, il s’agit d’une perte de sel avec déshydratation extracellulaire marquée par un pli cutané. La perte de sel est d’origine:

  • digestive (diarrhées, vomissements, pancréatite, aspirations…) ;
  • rénale (diurétiques, insuffisance surrénale aiguë, néphropathie interstitielle) ;
  • l’insuffisance surre?nale aigue? associe une perte de sel d’origine re?nale par de?ficit en mine?-ralocorticoi?des entrai?nant une de?shydratation extra-cellulaire et une hyperhydratation intra-cellulaire par hypervasopressinisme ;
  • plus rarement cérébrale (hémorragies sous-arachnoïdiennes) ou cutanée (sudations profuses, brûlures, causes génétiques).

Le traitement repose sur une perfusion intraveineuse de sérum salé isotonique.

 

3. Hyponatrémie hypo-osmolaire hypervolémique

Une hyponatrémie hypo-osmolaire avec volémie augmentée se rencontre dans les situations d’œdèmes, qu’ils soient liés à une cirrhose décompensée, un syndrome néphrotique ou une insuffisance cardiaque. La volémie efficace est alors diminuée, expliquant la sécrétion d’ADH adaptée à la volémie réelle, même si elle est inappropriée à l’osmolalité plasmatique.

 

4. Hyponatrémie hypo-osmolaire normovolémique

Le SIADH correspond à une hyponatrémie hypo-osmolaire normovolémique et doit d’abord faire écarter une insuffisance corticotrope et une hypothyroïdie :

  • l’insuffisance corticotrope sera diagnostiquée par une mesure de la cortisolémie et de l’ACTH à 8 h ou en urgence. En insuffisance corticotrope l’hyponatrémie est liée à une sécrétion accrue d’ADH favorisée par la tendance hypoglycémique et l’hypotension artérielle, associée à la levée du frein physiologiquement exercé par le cortisol sur la sécrétion d’ADH et à une diminution de la filtration glomérulaire ;
  • l’hypothyroïdie protothyroïdienne ne s’accompagne d’hyponatrémie que dans les formes sévères, en général caractérisées par un myxœdème. Le diagnostic repose sur le dosage de la TSH, qui est franchement accrue. L’hyponatrémie est liée à une diminution de la filtration glomérulaire et une tendance hypovolémique entraînant une ascension de l’ADH ;
  • l’hypopituitarisme antérieur, qui associe insuffisance corticotrope et insuffisance thyréotrope, peut se révéler par une hyponatrémie, raison pour laquelle il faut doser non seulement la cortisolémie et la TSH, mais également la T4L.

Le traitement de ces différentes causes d’hyponatrémies liées à des déficits hormonaux repose sur l’hormonothérapie substitutive.

 

 

Diagnostic étiologique d’un SIADH

 

L’insuffisance en glucocorticoïdes et/ou hormones thyroïdiennes écartée, les quatre causes de SIADH les plus classiques sont les causes pneumologiques, neurologiques, tumorales et médicamenteuses (tableau 21.5).

 

Tableau 21.5

Causes des syndromes de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH). (Source: CEEDMM, 2019.)

 

Toujours éliminer une insuffisance surrénale primitive ou hypophysaire (+++)

Affections pulmonaires

Toutes, en particulier pneumopathie

Tumeurs

Surtout cancer bronchique à petites cellules

Affections cérébrales

Toutes

Médicaments

– Surdosage en desmopressine, ocytocine

– Surtout psychotropes

Divers

– Douleur

– Nausées

– Hypoglycémie

– Hypotension

– Effort musculaire intense

– Causes génétiques

 

 

1. Causes iatrogènes

Les causes iatrogènes doivent toujours être évoquées compte tenu de leur fréquence et de la simplicité de leur traitement. Les médicaments les plus souvent en cause sont les neuroleptiques, les antidépresseurs, notamment inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, les chimiothérapies, la carbamazépine et, bien sûr, l’administration de desmopressine (analogue synthétique de la vasopressine) ou de ses analogues. Les diurétiques engendrent initialement une hyponatrémie hypovolémique qui va secondairement induire un hypervasopressinisme compensateur en particulier lorsque les diurétiques sont associés aux bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone. Ces derniers interdisent en effet le développement d’un hyperaldostéronisme compensateur.

 

2. Causes neurologiques

Pratiquement toutes les affections neurologiques sont susceptibles, en altérant les osmorécepteurs, d’induire un SIADH.

 

3. Affections pulmonaires

De même, les affections pulmonaires sont capables de stimuler la sécrétion de vasopressine ou d’entraîner une levée du tonus inhibiteur exercé par le nerf vague.

 

4. Tumeurs malignes

Parmi les tumeurs malignes, le cancer bronchique à petites cellules est la cause la plus fréquente. Le SIADH peut précéder la découverte du néoplasme.

 

5. Cas particulier de l’intoxication aiguë par l’eau

L’intoxication aiguë par l’eau correspond à un épisode hyponatrémique sévère (< 115 mmol/l) à la suite de l’ingestion massive de boissons hypotoniques, fréquemment dans un contexte de psychose chronique. Le syndrome des buveurs de bière en est une variante, la bière étant une boisson très hypotonique.

 

 

 

Traitement de l’hyponatrémie

1. Traitement d’urgence de l’hyponatrémie sévère

Toute hyponatrémie menaçante, c’est-à-dire inférieure à 115 mmol/l et/ou s’accompagnant de signes neurologiques à type de délire, coma ou convulsions, nécessite un traitement urgent qui repose sur du sérum salé hypertonique à 20 %, administré en seringue autopulsée par voie intraveineuse à raison de 50 ml sur 12 heures, sous surveillance étroite du ionogramme sanguin toutes les 6 heures.

Cette infusion de sérum salé hypertonique sera interrompue dès que la natrémie atteint 120 mmol/l. Au-delà de 120 mmol/l, la correction de la natrémie sera obtenue par restriction hydrique.

 

La vitesse de correction ne doit pas dépasser 0,5 mmol par heure afin d’éviter la myélinolyse centropontine, qui donne un tableau d’accident vasculaire cérébral pseudobulbaire.

 

2. Moyens thérapeutiques devant un SIADH

A. Restriction hydrique

La restriction hydrique (qui commence par l’arrêt des perfusions…) reste un traitement peu coûteux, peu toxique, mais dont l’efficacité dépend de la rigueur de la restriction, souvent mal tolérée par les malades, surtout au long cours.

À titre indicatif, une natrémie < 120 mmol/l doit conduire à une restriction hydrique à 100 cm3 par 24 heures ; entre 120 et 125 mmol/l, la restriction sera de 300 cm3/24 heures, entre 125 et 130 de 500 cm3, entre 130 et 135 de 700 cm3, 135 à 138 de 1 litre, au-delà boissons libres. La restriction dans les situations aiguës doit être réévaluée quotidiennement en fonction du ionogramme sanguin.

B. Déméclocycline

Cette tétracycline induit un diabète insipide néphrogénique par effet post-récepteur, mais a été supplantée par les aquarétiques.

C. Aquarétiques

Les aquarétiques, ou antagonistes non peptidiques des récepteurs V2 de la vasopressine, s’administrent par voie orale et ont une AMM européenne dans les hyponatrémies euvolémiques (SIADH). Leur chef de file, le tolvaptan, est disponible en pharmacie hospitalière en France. Les complications potentielles du traitement sont la myélinolyse centropontine par correction trop rapide de l’hyponatrémie et l’hypotension, notamment si l’hyponatrémie comporte une composante hypovolémique.

 

3. Indications thérapeutiques dans le SIADH

En cas de symptômes cliniques sévères ou récents (moins de 48 heures), tels que coma, convulsions, détresse respiratoire, le premier traitement reste le sérum salé hypertonique à 20 %.

Si les symptômes sont plus modérés, tels que nausées, confusions, désorientation, troubles de l’équilibre, le sérum salé hypertonique garde une place ; le tolvaptan per os apporte un bénéfice lorsqu’il est disponible.

Lorsque les symptômes sont modérés ou absents ou en cas de troubles cognitifs discrets, la restriction hydrique reste de mise, associée au tolvaptan à faible dose s’il est disponible.

La correction d’une hyponatrémie profonde doit toujours être progressive avec une surveillance clinique et ionique étroite, en particulier au début. Il importe de corriger tous les facteurs en cause, l’étiologie étant souvent multifactorielle. La nécessité d’un traitement chronique doit être évaluée en fonction du retentissement de l’affection.

 

 

 

 

Points clés

– Toute situation d’hyponatrémie nécessite une anamnèse, un examen clinique soigneux à la recherche de signes de déshydratation ou d’œdèmes, l’analyse du traitement en cours.

– Le diagnostic positif repose sur l’osmolalité plasmatique mesurée ou calculée et l’évaluation clinique de la volémie (pli cutané, œdèmes).

– Toutes les hyponatrémies ne sont pas des SIADH.

– Le SIADH correspond à une hyponatrémie hypo-osmolaire normovolémique.

– Les causes iatrogènes des SIADH sont les plus fréquentes, mais il importe d’écarter une néoplasie.

– Les SIADH inexpliqués restent assez rares, les hyponatrémies étant souvent d’origine multifactorielle.

– Le sérum salé hypertonique dans les cas les plus sévères, la restriction hydrique et le tolvaptan dans les formes chroniques sont des traitements efficaces.

 

© CEEDMM – Mai 2020