Item 5 – Indications et stratégies d’utilisation des principaux examens d’imagerie: Imagerie surrénalienne
Imagerie des surrénales
I. Imagerie conventionnelle des surrénales
L’imagerie des glandes surrénales est principalement prescrite pour l’exploration d’une pathologie tumorale chez un patient présentant une hypersécrétion d’hormones surrénales (stéroïdes ou catécholamines), ou une insuffisance surrénale primaire. L’imagerie médicale réalisée pour explorer une pathologie a priori non surrénalienne peut aussi être l’occasion de découvrir fortuitement une masse de la loge surrénale (incidentalome).
A. Principales indications de l’imagerie surrénale
1. Hypersécrétion de stéroïdes
Cette hypersécrétion peut être observée dans différentes pathologies, d’où la nécessité de procéder à une imagerie des surrénales. Dans le cas du syndrome de Cushing ACTH-indépendant, on recherchera un adénome bénin ou un corticosurrénalome malin. Dans le cas d’un hyperaldostéronisme primaire, on recherchera un adénome de Conn. Dans le cas d’hyperandrogénie, ce sera un corticosurrénalome malin qui sera recherché.
2. Hypersécrétion de catécholamines
L’imagerie permettra, dans le cas de cette hypersécrétion, de rechercher un phéochromocytome.
3. Insuffisance surrénale primaire
L’imagerie sera effectuée lors de l’enquête étiologique afin d’écarter la possibilité de métastases bilatérales ou d’un processus infectieux ou infiltratif.
Dans toutes ces situations, l’imagerie sera réalisée une fois que le diagnostic de la pathologie endocrinienne aura été établi sur les explorations cliniques et hormonales, pour en préciser l’étiologie et pour discuter la thérapeutique. Dans le cadre de l’incidentalome, où l’exploration d’imagerie initiale ayant mis en évidence la masse de la loge surrénale n’était pas destinée à une exploration précise des surrénales, il peut être indiqué de réaliser un examen d’imagerie surrénale (en général un scanner) pour préciser le diagnostic radiologique, cela avant de réaliser les explorations hormonales.
B. Principales techniques d’imagerie des surrénales **
1. Examen par tomodensitométrie (TDM)
C’est en général l’examen de choix pour explorer les surrénales (figures 1.16 et 1.17), en particulier pour étudier une pathologie tumorale. Il doit être réalisé avec des coupes fines de 3 mm, centrées sur les loges surrénales, qui seront étudiées dans tous les cas en l’absence d’injection de produit de contraste, puis, le plus souvent dans un deuxième temps, après injection de produit de contraste (en respectant certaines précautions chez les patients allergiques, diabétiques ou en insuffisance rénale). Une masse surrénale visualisée au scanner sera évaluée par la mesure de la densité spontanée (avant injection), ainsi que son évolution aux temps précoce et tardif, après injection. Sa taille, son homogénéité et sa vascularisation seront ainsi déterminées.
Fig. 1.16. Schématisation des surrénales normales.
VCI : veine cave inférieure.
Surrénale droite : aspect en épingle à cheveux.
Surrénale gauche : aspect d’accent circonflexe.
Fig. 1.17. Examen par tomodensitométrie de surrénales normales (flèches).
Scanner des surrénales.
2. Imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM)
Cette technique a des performances assez similaires au scanner pour explorer les surrénales. L’expérience acquise dans l’exploration des incidentalomes est cependant moins importante et, pour des raisons de pratique et de coût, cet examen est actuellement moins souvent préconisé que le scanner. Il est habituel d’étudier les surrénales en IRM en séquence T1 et T2, avant et après injection de gadolinium. La mesure du déplacement chimique est utilisée pour la caractérisation des tumeurs de la corticosurrénale.
C. Résultats attendus par pathologie
La mesure de la densité spontanée avant injection est le paramètre clé permettant de distinguer les très probables adénomes corticosurrénaliens, de densité < 10 UH (unités Hounsfields), des autres tumeurs avec densité spontanée > 10 UH (adénomes pauvres en graisse, corticosurrénalome, phéochromocytome, autres…).
1. Tumeurs de la corticosurrénale
Ces tumeurs sont explorées après mise en évidence soit d’un incidentalome, soit d’un syndrome de Cushing ACTH-indépendant ou d’une hyperandrogénie. L’imagerie a pour but d’une part de localiser la tumeur et d’autre part d’en préciser la nature.
L’adénome bénin de la corticosurrénale est un nodule homogène, arrondi et bien limité, le plus souvent inférieur à 3 ou 4 cm (figure 1.18). L’adénome étant riche en graisse, le plus souvent sa densité spontanée au scanner est basse (< 10 UH).
Fig. 1.18. Adénome corticosurrénalien.
Adénome de la surrénale gauche (flèche).
Le corticosurrénalome apparaît comme une tumeur hétérogène, aux bords irréguliers et le plus souvent de grande taille (> 4 ou 5 cm) (figure 1.19). La densité spontanée au scanner est élevée (> 10 UH). Le scanner recherche aussi dans cette tumeur maligne une possible extension à la veine cave ou des métastases à distance (foie, poumon).
Fig. 1.19. Corticosurrénalome malin gauche (flèche).
Noter la grande taille et l’aspect hétérogène.
2. Hyperaldostéronisme primaire
Le scanner est réalisé dans cette indication pour rechercher un adénome de Conn. Ce dernier présente les caractéristiques d’un adénome bénin, de petite taille (par définition < 2 cm) et très souvent infracentimétrique. En l’absence d’une image typique d’adénome unilatéral, il est suggéré la possibilité d’une hyperplasie bilatérale de la glomérulée. Ce diagnostic étiologique conditionne de façon majeure le traitement : chirurgie (surrénalectomie unilatérale) pour l’adénome de Conn, et traitement médical pour l’hyperplasie de la glomérulée. L’absence d’image typique d’adénome (nodules multiples et/ou bilatéraux, absence de franc nodule, etc.) conduit souvent à réaliser un dosage d’aldostérone dans les veines surrénales par cathétérisme sélectif, à la recherche d’un gradient de sécrétion unilatéral d’aldostérone (cf. chapitre 10 : « Hypertension artérielle de l’adulte »). Un hyperaldostéronisme primaire associé à une tumeur de plus de 2 cm doit faire évoquer une tumeur maligne sécrétant de l’aldostérone.
3. Tumeurs de la médullosurrénale (phéochromocytome)
L’imagerie est réalisée après diagnostic d’une hypersécrétion de catécholamines (cliniques et dosages hormonaux) et a pour but de localiser la tumeur. Dans 90 % des cas, il s’agit d’une tumeur de la surrénale (phéochromocytome) (figure 1.20), et plus rarement d’une tumeur extrasurrénale (paragangliome). Il s’agit de tumeurs vasculaires avec une éventuelle composante kystique. La prise de contraste après injection est importante. L’analyse en séquence T2 par IRM retrouve de façon caractéristique un hypersignal, évocateur mais non spécifique.
Fig. 1.20. Aspect d’un phéochromocytome gauche (flèche) en IRM, en séquence T2.
4. Insuffisance surrénale primaire
L’insuffisance surrénale primaire est le plus souvent d’origine auto-immune mais peut aussi être causée par un processus infectieux (en particulier la tuberculose), infiltratif ou tumoral (métastases bilatérales) (figure 1.21). Lors du diagnostic d’une insuffisance surrénale primaire, l’imagerie est réalisée avant tout pour ne pas méconnaître des masses bilatérales pouvant orienter vers un processus malin.
Fig. 1.21. Métastases surrénales bilatérales (flèches).
II. Imagerie isotopique des surrénales
L’investigation isotopique des surrénales intervient le plus souvent en deuxième intention, après la réalisation d’une imagerie conventionnelle.
Deux grands types de scintigraphie peuvent être réalisés : l’exploration de la corticosurrénale à l’aide du 131I-6b – iodométhyl-19-norcholestérol (communément appelé « norchol » ou « iodocholestérol »), et l’exploration de la médullosurrénale et du tissu chromaffine à l’aide de la méta-iodobenzyl-guanidine (MIBG).
A. Exploration corticosurrénalienne au 131I-6b – iodométhyl-19-norcholestérol
1. Indications
La scintigraphie peut être utile dans différentes situations, que nous allons décrire ci-dessous.
a. Incidentalome surrénalien
Il s’agit de tumeurs surrénaliennes de découverte fortuite. La présence d’une fixation du traceur du côté de l’incidentalome, avec l’« extinction » de la surrénale controlatérale, est en faveur d’un adénome dit prétoxique (mise au repos de la surrénale controlatérale due à l’insuffisance corticotrope par rétrocontrôle négatif). L’absence de fixation du côté de l’incidentalome peut orienter vers la malignité.
b. Syndrome de Cushing
Voyons deux cas de figure de ce syndrome, selon la dépendance à l’hormone adrénocorticotrope (ACTH) :
– en cas de syndrome de Cushing ACTH-dépendant, la scintigraphie n’a pas d’indication ;
– en cas de syndrome de Cushing ACTH-indépendant et de tumeurs bilatérales ou en l’absence de tumeur évidente au scanner, elle permet de préciser si une ou les deux glandes surrénales sont impliquées dans le syndrome de Cushing.
2. Aspects méthodologiques
a. Type de traceur
Le 131I-6b – iodométhyl-19-norcholestérol est un analogue du cholestérol radiomarqué qui est administré par voie intraveineuse à la dose de 37 Mbq, soit 1 mCi.
b. Préparation du patient
Compte tenu de la désiodation partielle du traceur, il est nécessaire de bloquer la captation thyroïdienne de l’iode par l’administration d’iode stable sous forme de gouttes de Lugol*fort (30 gouttes à débuter 2 jours avant et à poursuivre 7 jours après l’administration du produit) ou d’iodure de potassium (une gélule par jour en débutant la veille de l’administration du traceur et en le poursuivant 3 jours après).
Afin de diminuer la contamination colique et d’améliorer la qualité des images, du Duphalac*ou du Colopeg*peuvent être prescrits.
Des clichés planaires, centrés sur les aires surrénaliennes en incidence antérieure et postérieure, sont réalisés 4 jours après administration du traceur radioactif (J4) dans le syndrome de Cushing.
3. Résultats attendus
a. Incidentalome surrénalien
Une fixation unilatérale, concordante avec la masse surrénalienne et avec l’extinction de la surrénale controlatérale, est en faveur d’un adénome cortisolique patent ou infraclinique (figure 1.22).
Une fixation bilatérale asymétrique au profit de la surrénale tumorale ou une fixation bilatérale symétrique est en faveur d’une masse corticale bénigne non hypersécrétante.
Lorsqu’il y a absence de fixation homolatérale à la tumeur, la masse peut correspondre soit à un corticosurrénalome malin, soit à une tumeur non corticale (métastase, phéochromocytome, etc.).
Fig. 1.22. Tumeur unilatérale droite.
a – Scanner surrénalien mettant en évidence une tumeur unilatérale droite (flèche).
b – Scintigraphie au noriodocholestérol, vue postérieure (aspect de fixation unilatérale avec extinction controlatérale en faveur d’un adénome cortisolique).
b. Syndrome de Cushing
En cas d’adénome surrénalien, une fixation unilatérale du côté de la masse est observée (extinction de la surrénale controlatérale).
Dans le cas de corticosurrénalome malin sécrétant, on observe le plus souvent une absence de fixation au niveau de la masse.
Dans le cas d’hyperplasie ou de dysplasie surrénalienne bilatérale, on observe une fixation bilatérale.
4. Limites de l’examen
Une accumulation importante du traceur au niveau de la vésicule biliaire peut faussement mimer la surrénale droite (plus antérieure, latérale et inférieure).
Une autre limite concerne l’absence d’identification d’une ou des deux surrénale(s), du fait du bruit de fond généré par le foie ou par la fixation digestive.
Les corticosurrénalomes malins, responsables d’un syndrome de Cushing, peuvent fixer le traceur.
Globalement, la lourdeur de l’examen, son caractère irradiant et l’absence de spécificité des images obtenues devraient limiter la pratique de cet examen au profit notamment de la TEP-FDG, plus performante pour la distinction des tumeurs bénignes et malignes. On craint, par ailleurs, pour la disponibilité de ce traceur dans le futur.
B. Exploration médullosurrénalienne à la méta-iodobenzyl-guanidine marquée à l’iode 123I ou 131I
1. Indications
La scintigraphie peut être utile dans les deux cas suivants :
– caractérisation et bilan d’extension d’un phéochromocytome (bénin ou malin) ;
– recherche des phéochromocytomes extrasurrénaliens (ou paragangliomes).
2. Réalisation de l’examen
a. Spécificité du traceur
La méta-iodobenzyl-guanidine est un analogue de la guanéthidine, marquée idéalement par l’iode 123I ou 131I. Elle est captée par les cellules chromaffines. Il ne s’agit pas d’un traceur reflétant la sécrétion mais uniquement le recaptage.
L’iode 131I se caractérise par une demi-vie longue (8 jours) et par une émission bêta, soit un rayonnement peu adapté aux caméras, aboutissant à un rapport signal sur bruit médiocre et à une qualité d’imagerie moyenne. L’iode 123I se caractérise par une demi-vie courte (13 h) et par un rayonnement adapté aux caméras, permettant des clichés précoces avec une bonne qualité d’image et des clichés tomographiques.
b. Préparation du patient
Compte tenu de la désiodation partielle du radiopharmaceutique, il est également nécessaire de bloquer la captation thyroïdienne de l’iode (cf. supra). Afin de diminuer la contamination colique et d’améliorer la qualité des images, du Duphalac*ou du Colopeg*peuvent être prescrits.
Il est nécessaire d’interrompre certains médicaments responsables d’interférences, tels que :
– le labétalol, la réserpine ;
– les inhibiteurs calciques ;
– les antidépresseurs tricycliques ;
– les sympathomimétiques.
c. Clichés
Des clichés sont réalisés à des temps différents, selon que l’on utilise la MIBG marquée à l’iode 123I ou 131I. Ils sont centrés sur la région abdominopelvienne et sur les aires surrénaliennes mais peuvent aussi être centrés sur la région cervicothoracique ou, en cas de suspicion de paragangliomes, être associés à un balayage corps entier pour dépister des métastases. Le couplage scintigraphie et scanner améliore la localisation anatomique des fixations scintigraphiques observées (photo 4, cf. cahier couleur).
3. Résultats
a. En situation normale
On note une absence de fixation du traceur au niveau des surrénales, sauf dans 20 % des cas lorsque le marquage est réalisé avec de l’iode 123I : à ce moment-là, il est possible d’observer une faible fixation du traceur.
On observe une fixation physiologique au niveau des glandes salivaires, du foie, de la rate, de la vessie, du cœur, et parfois au niveau des poumons.
b. En situation pathologique
La sensibilité de la scintigraphie au MIBG pour la visualisation des phéochromocytomes est de l’ordre de 80 % (90 % pour la scintigraphie au MIBG marqué à l’iode 123I), avec une excellente spécificité.
Dans les cas de phéochromocytome surrénalien, on peut observer une hyperfixation homolatérale à la masse, d’intensité supérieure à celle du foie.
Dans les cas de phéochromocytome bilatéral, on peut observer une hyperfixation bilatérale d’intensité supérieure à celle du foie.
Dans les cas de phéochromocytome extrasurrénalien, ou paragangliome, on observe une fixation dans une aire pouvant contenir du tissu chromaffine.
Enfin, dans les cas de phéochromocytome malin, on observe une fixation au niveau des aires normalement dépourvues en tissu chromaffine (métastases) (figure 1.23).
Fig. 1.23. Scintigraphie d’un phéochromocytome malin.
Scintigraphie MIBG à l’iode 123I, révélant de multiples foyers de fixation en relation avec un phéochromocytome malin chez un homme de 60 ans, opéré 12 ans plus t™t d’un phéochromocytome surrénalien droit.
La sensibilité de la MIBG est cependant moins bonne dans les tumeurs malignes, où elle est estimée à 60 % en raison d’une vraisemblable diminution de l’expression du transporteur noradrénergique. Elle est également médiocre dans les formes familiales, de l’ordre de 50 % en cas tumeur extrasurrénalienne, avec un risque élevé de faux négatif dans les localisations supradiaphragmatiques. Dans ces situations, les performances de la scintigraphie octréoscan et/ou de la TEP-FDG seraient supérieures.
4. Limites de l’examen
Une des limites concerne les faux positifs, caractérisés par la rétention du traceur au niveau des voies excrétrices urinaires, pouvant ainsi mimer un phéochromocytome surrénalien.
Par ailleurs, des faux négatifs peuvent être observés en raison d’interférences médicamenteuses (notamment avec le labétalol et les antidépresseurs tricycliques, à interrompre quelques jours avant l’examen).
** L’échographie n’est pas mentionnée ici car elle est peu performante pour l’exploration des loges surrénales.