Item 5 – Indications et stratégies d’utilisation des principaux examens d’imagerie: Imagerie TEP des tumeurs endocrines
Imagerie par tomographie d’émission de positons (TEP) des tumeurs endocrines
II. Principes de l’imagerie métabolique |
I. Contexte
Les tumeurs développées aux dépens des glandes endocrines sont souvent révélées par des manifestations cliniques, en relation avec une hypersécrétion hormonale. En pareil cas, la tumeur primitive, parfois de petite taille, peut être difficile à localiser par l’imagerie conventionnelle. Inversement, les progrès de l’imagerie conduisent de plus en plus fréquemment à la découverte fortuite de néoformations, en particulier surrénaliennes ou pancréatiques, dont il importe alors de rechercher la nature. L’imagerie fonctionnelle facilite la localisation tumorale, le bilan d’extension et la surveillance. Les techniques scintigraphiques conventionnelles utilisant des isotopes radioactifs émetteurs de rayons gamma monophotoniques détectés à l’aide d’une gamma-caméra ont une capacité de résolution limitée, de l’ordre de 10-15 mm.
On dispose depuis quelques années d’une nouvelle technique d’imagerie fonctionnelle très performante, la tomographie par émission de positons (TEP), qui a modifié de manière importante les stratégies d’exploration en oncologie. Cette technique entre progressivement dans la pratique courante en cancérologie endocrinienne.
II. Principes de l’imagerie métabolique par tomographie d’émission de positons
La tomographie par émission de positons (TEP) est une technique d’imagerie isotopique utilisant des traceurs marqués avec des radioéléments émetteurs de positons (b+). Une fois émis, le positon entre en collision avec un électron du cortège, ce qui conduit à une réaction d’annihilation et à la production de deux photons de 511 keV, émis à 180° l’un de l’autre (figure 1.41). Ceux-ci sont détectés par coïncidence, à l’aide d’une caméra TEP possédant des détecteurs en couronne, en utilisant une collimation électronique. Les coïncidences sont converties en images tomographiques par des techniques mathématiques de reconstruction qui sont corrigées pour l’atténuation des tissus et pour la demi-vie physique du traceur, ce qui permet l’obtention d’images en 3D. La résolution spatiale des images TEP obtenues est théoriquement de l’ordre de 3 à 4 mm. En pratique clinique, elle est probablement de l’ordre de 5 à 10 mm. On dispose depuis peu de caméras TEP couplées à un scanner (TEP-TDM ou « PET-SCAN ») qui permettent notamment d’améliorer la précision anatomique grâce à la réalisation d’images de fusion.
Fig. 1.41. Principes de la TEP.
Il est possible de marquer une grande variété de molécules. On peut ainsi substituer à un atome de carbone, d’azote, d’oxygène ou de fluor, les isotopes 11C, 13N, 15O ou 18F, respectivement, qui sont des isotopes radioactifs émetteurs de positons, produits par un cyclotron. Cette simple substitution n’altère pas les propriétés biochimiques de la molécule marquée. Cela permet d’explorer grâce à la TEP des processus métaboliques tels que la perfusion, le métabolisme glucidique ou les synthèses protéiques. Les inconvénients de la TEP tiennent principalement à son coût, à la nécessité d’utiliser des caméras dédiées et à la courte période physique des traceurs. Cela explique qu’à l’heure actuelle, seul le déoxy-glucose marqué au fluor 18F (18FDG avec une demi-vie de 110 minutes) soit utilisé dans les centres TEP cliniques. Le principe de l’examen est fondé sur l’augmentation de la consommation tissulaire du glucose, induite par la transformation maligne. Une fois capté, le 18FDG est phosphorylé au cours de la première étape de la glycolyse mais ne peut être ensuite métabolisé par cette voie. Phosphorylé, il ne peut quitter la cellule où il s’accumule en fonction de l’activité métabolique du tissu considéré.
III. Méthode
La scintigraphie est réalisée 40 à 60 minutes après administration par intraveineuse de 5 à 6 MBq/kg de 18FDG. Celui-ci s’accumule physiologiquement dans le cerveau et le cœur et son élimination est rénale (figure 1.42). Sa fixation est particulièrement marquée dans les tumeurs malignes et est d’autant plus importante que la tumeur est agressive. La scintigraphie corps entier permet alors la détection des localisations tumorales sans connaissance a priori des sites de dissémination. L’accumulation du FDG n’est cependant pas spécifique des tumeurs malignes et peut se rencontrer au cours de tumeurs bénignes et de pathologies inflammatoires, voire de simples contractures musculaires, qui peuvent être sources de faux positifs de l’examen. Il faut également souligner que la fixation cérébrale du traceur ne permet pas son utilisation dans les tumeurs du système nerveux central ou pour la recherche d’éventuelles métastases cérébrales. La captation du 18FDG s’effectue en compétition avec le glucose par l’intermédiaire des transporteurs du glucose. Cela explique d’une part la nécessité de réaliser l’examen à jeun et d’autre part la mauvaise qualité des images obtenues chez les diabétiques mal équilibrés (glycémie recommandée < 7 mmol/L).
Fig. 1.42. Imageries d’une patiente présentant un cancer thyroïdien différencié métastatique.
a et b – Scintigraphie FDG. Le traceur s’accumule physiologiquement dans le cerveau et le cœur, et il est éliminé par les reins. La scintigraphie objective un foyer tumoral lombosacral correspondant à une localisation secondaire osseuse.
c – La localisation tumorale est confirmée secondairement par l’IRM.
IV. Indications
En cancérologie endocrinienne, les indications concernent principalement la surveillance des cancers thyroïdiens, l’aide au diagnostic de nature des incidentalomes surrénaliens et, à un moindre degré, l’exploration des tumeurs neuroendocrines.
A. Cancers thyroïdiens différenciés
On estime que 20 % des patients présenteront une récidive au cours de l’évolution, locorégionale dans plus de la moitié des cas, ou à distance dans 5 % des cas. Les récidives sont le plus souvent suspectées devant une élévation isolée de la thyroglobuline et/ou des anomalies échographiques suggérant une récidive ganglionnaire ou du lit thyroïdien.
La sensibilité du 18FDG pour le diagnostic de localisation des récidives est comprise entre 70 et 90 %, avec une spécificité de 80-90 %. La valeur prédictive positive de l’examen est excellente mais sa valeur prédictive négative médiocre en raison de la possibilité de faux négatifs en cas de micrométastases, en particulier pulmonaires ou cervicales. La TEP doit être réservée aux patients présentant une suspicion de récidive. Elle modifie alors la décision thérapeutique dans 30 à 40 % des cas. Son utilité est particulièrement démontrée en cas d’élévation de la concentration plasmatique de thyroglobuline et d’absence de fixation des foyers tumoraux à l’iode 131. L’examen peut permettre de mettre en évidence une ou des lésion(s) accessibles à un geste chirurgical potentiellement curatif (figure 1.43) ou de révéler des lésions à risque de complications, notamment neurologiques (métastases vertébrales), confirmées par l’imagerie orientée et susceptibles de bénéficier d’un traitement préventif (figure 1.42).
Fig. 1.43. Récidive ganglionnaire cervicale objectivée par la scintigraphie 18FDG (flèche).
Récidive chez un patient dont la scintigraphie à l’iode 131I était négative.
L’imagerie TEP au 18FDG donne, également, une indication pronostique. La survie des patients métastatiques a été reliée à l’intensité de la fixation des foyers métastatiques et à leur étendue.
B. Incidentalomes thyroïdiens
La TEP-18FDG n’est pas un outil de dépistage du cancer thyroïdien. Cependant, dans 2 à 3 % des cas, lors d’un examen TEP-FDG prescrit dans le cadre de la surveillance ou du bilan d’extension d’un cancer, on retrouve une hyperfixation thyroïdienne focalisée. Ces nodules sont malins dans environ la moitié des cas. Ils doivent donc être explorés par cytoponction lorsque le contexte clinique le justifie.
C. Incidentalomes surrénaliens
L’imagerie a pour principal objectif de différencier les lésions bénignes des lésions malignes. Lorsqu’il existe une suspicion de lésion maligne, après une étude tomodensitométrique approfondie (densité spontanée tumorale, wash out), éventuellement complétée par l’IRM, la scintigraphie 18FDG est utile car elle a une excellente valeur prédictive négative. La fixation physiologique des surrénales au 18FDG est peu intense. La positivité est généralement retenue lorsque la fixation surrénalienne est supérieure à la fixation hépatique (rapport > 1,45). La possibilité de fixation TEP d’une lésion bénigne doit, cependant, être connue et prise en compte dans la décision thérapeutique (sensibilité environ de 88 %).
D. Corticosurrénalomes malins
Ces tumeurs sont très agressives et la TEP-FDG est actuellement considérée comme le meilleur examen pour le bilan d’extension (photo 9, cf. cahier couleur).
E. Phéochromocytomes et paragangliomes
La TEP-FDG a une très bonne sensibilité dans ces tumeurs, comparable à celle de la MIBG dans les formes bénignes, supérieure dans les formes malignes où la TEP-FDG est devenue l’examen de référence pour le bilan d’extension et le suivi thérapeutique (figure 1.44).
Fig. 1.44. Identification d’une tumeur maligne thoracique par scintigraphie au FDG.
a – Tumeur carcinoïde pulmonaire identifiée par la scintigraphie FDG. Cette tumeur peu différenciée ne fixait pas lors de la scintigraphie des récepteurs de la somatostatine.
b – Scintigraphie FDG chez un patient porteur d’un paragangliome. La localisation cervicale (1) n’avait pas été identifiée par la MIBG qui ne montrait que le foyer surrénalien (2).
F. Autres tumeurs endocrines
La place de la TEP-FDG n’est pas clairement définie dans les cancers médullaires de la thyroïde et les tumeurs endocrines gastro-entéro-pancréatiques, où la TEP-FDG s’est montrée décevante. Dans les tumeurs gastro-entéro-pancréatiques sa sensibilité est inférieure à celle de l’Octréoscan® en dehors des formes dédifférenciées. La positivité de l’examen pourrait avoir une valeur pronostique défavorable.
V. Perspectives
Elles reposent sur l’utilisation de nouveaux traceurs plus spécifiques, ciblant par exemple la captation d’un précurseur, la biosynthèse hormonale ou l’expression de récepteurs spécifiques. L’exemple en est la 18F-dihydroxy-phénylalanine (18F-DOPA) qui vient d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour l’exploration des tumeurs endocrines. Ces tumeurs sont capables de capter la DOPA, puis de la décarboxyler en amines biogènes avant de la stocker dans les vésicules. Des résultats prometteurs ont été obtenus dans les phéochromocytomes et les paragangliomes, dans les cancers médullaires de la thyroïde et les tumeurs endocrines gastro-entéro-pancréatiques (figure 1.45).
Fig. 1.45. Scintigraphies F-DOPA.
a – Multiples foyers de fixation chez un patient porteur d’une tumeur carcinoïde métastatique.
b – Récidive de paragangliome, non visualisée par l’imagerie morphologique et fonctionnelle de référence.
Citons également l’utilisation d’analogues de la somatostatine de haute affinité et marqués avec un radioélément émetteur de positons qui pourrait améliorer les performances de l’imagerie des récepteurs pour la somatostatine, qui repose actuellement sur la scintigraphie Octréoscan®.