Poly201-Item 78 – UE 3 Dopage


Objectifs pédagogiques
Connaître les principales substances utilisées à des fins de dopage dans la pratique du sport.
Connaître les circonstances du dépistage, la prise en charge médicale de l’utilisateur et les principes de la lutte contre le dopage dans le sport.
Le dopage est très répandu chez les sportifs aussi bien de haut niveau, professionnels, qu’amateurs et chez les adolescents participant à des compétitions locales ou régionales. Les techniques sont variables mais font fréquemment appel à des substances non hormonales (érythropoïétine…) ou très souvent hormonales de nature soit peptidique ou stéroïdienne.
Les substances dopantes sont inscrites sur une liste établie chaque année par l’Agence mondiale antidopage (AMA, ou WADA, World AntiDoping Agency).
Étant donné la grande diffusion du dopage, avec tous les effets secondaires et les morbidités qui en découlent, il est essentiel que tout médecin connaisse les principales molécules utilisées et soit averti de leur impact médical. Nous ne traiterons ici que des principales substances ayant un effet hormonal qui sont utilisées à des fins de dopage.
I. Conduite dopante et objectifs du dopage
Conduite dopante et objectifs du dopage sont bien définis par les instances officielles du sport comme l’Institut national de la pratique sportive (INPES).
« On parle de conduite dopante lorsqu’une substance (médicament, stupéfiant, hormone, etc.) est utilisée dans le but de surmonter un obstacle, que celui-ci soit réel ou supposé, à des fins de performance. La recherche de performance constitue donc le motif principal du dopage.
Le consommateur de substances dopantes ou l’utilisateur de procédés dopants cherche à augmenter ses performances physiques ou intellectuelles ou, à l’inverse, éviter que ses performances diminuent.
Il va donc tenter d’agir sur les éléments qu’il perçoit comme pouvant favoriser sa performance — une masse musculaire développée, une endurance élevée, une forte confiance en soi, de la combativité, une plus grande concentration et une plus grande vigilance intellectuelle… — ou lutter contre les éléments pouvant s’y opposer : la fatigue, l’anxiété, le stress, etc. »
(Source : INPES, http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1131.pdf)
L’incitation à prendre des substances dopantes est en général le fait de proches : camarades, « amis » de l’entraîneur, etc
Mais il faut savoir qu’au final, lors d’un contrôle antidopage, le sportif est seul responsable de ce que l’on retrouve dans ses urines et seul pour en assumer les effets sur sa santé.
Situations à risque à connaître par les médecins et conseils à donner pour les éviter, exemple de conseil de prévention :
- Question : « On me dit qu’il s’agit de “vitamines” : suis-je certain que c’est le cas ? »
- Réponse : « Il vaut mieux s’abstenir de prendre un produit si :
- on ne connaît pas la personne qui le propose ;
- on n’a aucun moyen de vérifier de façon fiable sa nature (par exemple, pas d’emballage, pas d’étiquette) ;
- le nom du produit est écrit dans une langue étrangère ou inconnue ;
- la personne se montre très insistante pour inciter à la prise. »
II. Substances hormonales utilisées
A. Androgènes, anabolisants et substances visant à augmenter la testostérone circulante
- Les stéroïdes anabolisants et la testostérone sont utilisés pour augmenter la masse musculaire et la puissance.
- Ils ont également des effets sur la confiance en soi et la combativité.
- Ils peuvent être responsables de :
- polyglobulie, associée à un risque thrombotique ;
- ruptures musculo-tendineuses ;
- troubles de la personnalité (« rage » des stéroïdes) ;
- maladies du foie pouvant aller jusqu’à l’apparition de tumeurs (surtout voie orale) ;
- troubles de la libido et impuissance avec addiction aux androgènes, atrophie gonadique, infertilité chez les hommes
- risque d’adénome ou de cancer de la prostate en cas d’utilisation chronique.
- Chez les garçons d’âge prépubère, ils peuvent être responsables d’un tableau de « puberté précoce » (cf. item 47 au chapitre 4 « Puberté normale et pathologique ») avec accélération puis blocage de la croissance (maturation osseuse puis soudure des cartilages de conjugaison) chez les plus jeunes et développement précoce des caractères sexuels masculins (pilosité, raucité de la voix).
- Chez les femmes :
- masculinisation/virilisation (hypertrophie musculaire, golfes frontaux, involution mammaire) ;
- hirsutisme ;
- acné ;
- aménorrhée/oligoménorrhée ;
- infertilité par anovulation ;
- hypertrophie clitoridienne ;
- libido exacerbée.
1. Testostérone
La testostérone est interdite chez les sportifs depuis 1984. Les voies d’administration de testostérone sont multiples (percutanée : patchs, gels de testostérone ; orale : ester de testostérone ; injectables IM ou SC : ester de testostérone) (figure 7.1).
La testostérone peut être détectée en tant que telle ou, plus souvent, par une mise en évidence de ses nombreux métabolites : analyse métabolomique des urines par techniques de chromatographie couplées à la spectrométrie de masse (parfois en tandem) qui sont très sensibles et ont une spécificité quasi absolue (figure 7.2).




2. Dihydrotestostérone
La dihydrotestostérone (DHT) est un métabolite actif puissant de la testostérone suite à une 5 alpha-réduction. Il est utilisé en endocrinologie pour le traitement des gynécomasties sous forme de gel (prescription : médicament d’exception).
3. Anabolisants
« Les stéroïdes anabolisants sont les substances interdites les plus utilisées dans le dopage sportif, dans toutes les disciplines. Leur utilisation est interdite aussi bien pendant qu’avant une compétition. Ils constituent une classe d’hormones similaires à la testostérone, qui est l’hormone sexuelle naturelle de l’homme. Ils agissent sur la synthèse des protéines dans les cellules, entraînant une augmentation de tissus cellulaires, en particulier dans les muscles.
Ainsi, des molécules interdites telles que le stanazolol, le danazol, la nandrolone (19 nor-T), la noréthandrolone ou l’anadrol (liste non exhaustive, [cf. aussi figure 7.1]) augmentent efficacement la performance musculaire ; elles stimulent particulièrement l’agressivité et aident à la récupération. » (J.-L. Veuthey, 2011).
Effets secondaires :
- troubles du comportement vus plus haut ;
- rétention hydrosodée ;
- HTA ;
- risque de cardiomyopathie hypertrophique, d’infarctus du myocarde ;
- hépatite, tumeurs du foie.
Comme substance assimilée, citons le clenbutérol : il s’agit d’un bêta-agoniste d’utilisation vétérinaire qui a un effet lipolytique (perte de graisses).
4. Gonadotrophine chorionique humaine (hCG) ou non
L’utilisation de la gonadotrophine chorionique a comme objectif de stimuler les cellules de Leydig testiculaires et d’augmenter la production endogène de testostérone. Elle vise à atténuer le rapport épitestostérone/testostérone qui augmente après dopage à la testostérone exogène.
Elle peut être responsable de gynécomastie (cf. item 244 au chapitre 21 « Gynécomastie »).
Elle peut s’administrer par voie IM ou SC. Elle peut être détectée dans le sang et les urines.
5. Anti-oestrogènes et inhibiteurs de l’aromatase
Citons le clomifène et le nolvadex. Ils visent à inhiber le rétrocontrôle de l’oestradiol sur les gonadotrophines hypophysaires donc à augmenter leurs concentrations dans le but de stimuler la production testiculaire de stéroïdes. Ils sont interdits chez les sportifs de sexe masculin.
B. Hormone de croissance et IGF-1
L’hormone de croissance (GH, Growth Hormone) est une hormone peptidique de 191 acides aminés sécrétée par l’hypophyse (figure 7.3). Chez les enfants, elle est essentielle pour assurer une croissance normale (cf. item 51 au chapitre 6 « Retard de croissance staturo-pondérale »).
Théoriquement, la GH augmente la masse musculaire.
À doses supraphysiologiques, elle peut aussi modifier l’architecture du squelette (élargissement des pieds et des mains, notamment) et être responsable d’autres signes d’acromégalie (cf. item 242 au chapitre 19 « Adénome hypophysaire »).
Le dopage à la GH est, comme les stéroïdes, diffusé actuellement dans le sport de haut niveau. La GH est sur la liste des produits interdits de l’AMA. Elle a été introduite dans les milieux sportifs, en particulier chez les athlètes de haut niveau, puis interdite après que sa forme recombinante, fabriquée à grande échelle, a été commercialisée après les années 1990.
Pourtant de nombreux travaux indiquent que, même avec des doses supraphysiologiques, la GH recombinante n’a pas d’effet significatif sur le volume de d’activité physique d’un sportif. Ceci n’empêche pas son utilisation.
Le haut degré d’identité entre les formes endogène et recombinante de l’hormone de croissance (figure 7.3) fait que la détection de son abus est très difficile. De plus, du fait de la sécrétion très pulsatile et d’une variabilité interindividuelle très importante de la GH endogène, les simples mesures de sa concentration sérique ponctuelle chez le sportif ne sont pas utilisables comme telles dans le dépistage du dopage. Un dosage de la GH dans les urines a aussi été utilisé pour détecter un dopage. Actuellement, pour la détection du dopage à la GH, deux approches différentes sont proposées :
- la première est fondée sur la combinaison de plusieurs paramètres spécifiques de la cascade biologique affectée par des applications de GH ; cette approche est appelée l’approche indirecte ;
- la seconde, appelée de manière simplificatrice l’approche directe, consiste à mesurer les différentes formes circulantes de l’hormone par un test immunologique dit « permissif » ou « pituitaire » et comparer leur quantité globale à celle correspondant à l’hormone de croissance recombinante (r-hGH) correspondant à la molécule de 22 kDa.
Dans l’espèce humaine, l’IGF-1 (Insulin-Like Growth Factor 1) est une hormone protéique produite physiologiquement par le foie sous l’effet de la GH. Bien que moins répandu que celui à la GH, des cas de dopage à l’IGF-1 ont été suspectés depuis 2010. L’objectif est de mimer certains effets anaboliques de la GH.


C. Glucocorticoïdes et ACTH
Les corticoïdes sont utilisés comme antalgiques et psychostimulants afin de diminuer les douleurs et la fatigue. Ils agissent aussi sur la combativité. Leur usage répété est responsable d’HTA et, à fortes doses, d’oedème (rétention hydro-sodée) et de rupture ligamenteuse ou tendineuse.
Un arrêt brutal — pour éviter un contrôle positif lors d’une compétition — peut induire une insuffisance surrénalienne aiguë pouvant mettre en jeu le pronostic vital (+++) (cf. item 243 au chapitre 20 « Insuffisance surrénale »). yo estudiare hoy
Les sportifs peuvent utiliser des glucocorticoïdes de synthèse (médicaments utilisés contre l’inflammation, etc., cf. item 326), de l’hydrocortisone (précurseur naturel du cortisol) ou l’hormone hypophysaire ACTH (Synacthène® retard), qui peut stimuler la production de cortisol endogène par la corticosurrénale. Toutes ces médications, utilisées à doses supraphysiologiques et au long cours, peuvent induire une insuffisance surrénale secondaire ou insuffisance corticotrope (cf. item 243 au chapitre 20 « Insuffisance surrénale ») avec les risques que cela comporte.
III. Le concept de passeport biologique
Cf. « Profil biologique du sportif » sur le site de l’AFLD, https://acteurs-scientifiques.afld.fr/ profil-biologique-du-sportif/.
« Le concept de “Passeport biologique” a initialement été proposé par l’Agence mondiale antidopage (AMA) en 2002. L’approche du contrôle du dopage fondée sur la détection de marqueurs d’une substance ou de ses métabolites demeure efficace et perdurera. Cependant, cette approche atteint ses limites lorsqu’un sportif fait usage de substances illicites de façon intermittente, à faibles doses ou utilise des molécules inconnues.
Il se pourrait que ces substances ne soient pas détectées, en dépit de la robustesse des programmes de contrôle du dopage hors compétition. La nature des substances interdites, plus particulièrement les substances endogènes, et les méthodes de plus de plus sophistiquées de prise de substances auxquelles les sportifs ont recours soulignent le besoin de concevoir une nouvelle approche méthodologique.
Le concept de “passeport” repose sur la connaissance des effets principaux ou secondaires des médicaments dans un cadre médical. Un suivi régulier des données de contrôle du dopage facilite la détection indirecte de substances et de méthodes dopantes sur une base longitudinale.
Dans ce contexte, ce n’est pas la substance en soi qui est détectée mais ses effets. En règle générale, les effets d’un médicament sont perceptibles et détectables plus longtemps dans l’organisme que la substance elle-même, laquelle peut être excrétée rapidement.
Pour mettre en place un programme de suivi longitudinal systématique et robuste, les variables pertinentes et déterminantes d’une classe de substances (par exemple, les substances pouvant améliorer le transfert d’oxygène comme l’EPO) doivent être identifiées et vérifiées régulièrement chez le sportif. Les valeurs correspondant à ces variables constitueront le profil individuel et longitudinal du sportif. Ces profils sont la pierre angulaire du “Passeport biologique” de l’athlète dont il devient sa propre référence, contrairement à l’approche traditionnelle qui compare les variables d’un individu donné avec celles, moyennées, de la communauté sportive en général. En effet, chaque personne est unique, avec un métabolisme particulier, et ses caractéristiques biologiques peuvent, sans qu’il y ait eu dopage, s’éloigner de la norme définie statistiquement.
Les variables hématologiques seront évaluées afin de confirmer une éventuelle manipulation sanguine ou l’amélioration de la performance aérobique. Les marqueurs de stéroïdes dans l’urine pourront être utilisés pour détecter l’usage de stéroïdes anabolisants.
Le mode de collecte des données, leur traitement tant biologique que mathématique ou bio-informatique, leur contrôle, etc., sont prévus de manière très précise et standardisée, comme l’est le contrôle antidopage, afin de parer à toute possibilité de dérive. »
Adapté d’un texte du Pr J.-L. Veuthey, « La traque aux molécules dopantes » (2011), qui se fonde sur le Code mondial antidopage (Lignes directrices opérationnelles pour le Passeport Biologique de l’Athlète et liste des exigences, janvier 2010).
IV. La lutte contre le dopage en France
La lutte contre le dopage dans le sport repose en France sur la loi du 3 juillet 2008, codifiée dans le Code du sport.
– Est passible de sanctions disciplinaires tout sportif :
- qui utilise une substance/méthode interdite figurant sur la liste du Code mondial antidopage ;
- qui refuse de se soumettre à un contrôle antidopage.
– Est passible de sanctions pénales :
- tout sportif qui détient et utilise, sans raison médicale justifiée, une substance/méthode interdite (sanctions prévues : 1 an de prison et 3 750 € d’amende) ;
- toute personne (sportif, membre de l’entourage sportif, tiers) qui prescrit, administre, applique, cède, offre, produit, fabrique, importe, exporte, transporte, détient ou acquiert une substance/méthode interdite aux fins d’usage par un sportif sans raison médicale justifiée (sanctions prévues : 5 ans de prison et 75 000 € d’amende) ;
- toute personne qui s’oppose à la réalisation des contrôles (sanctions prévues : 6 mois de prison et 7 500 € d’amende) ;
- toute personne qui falsifie, détruit, dégrade un élément relatif au contrôle antidopage.
(Code du sport.)
La lutte contre le dopage en France est coordonnée par l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Son statut et ses missions sont les suivants (extraits de son site internet) :
- l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) est une autorité publique indépendante créée en 2006 ;
- elle est chargée de définir et de mettre en oeuvre les actions de lutte contre le dopage sur le territoire national, à l’égard des sportifs comme à l’égard des animaux participant à des compétitions sportives (contrôles, analyses, suivi des sanctions notamment) ;
- en 2013, elle a ainsi diligenté plus de 11 000 contrôles antidopage (analyses urinaires ou prélèvements sanguins) ; 600 contrôles ont également été réalisés sur des animaux ;
- l’AFLD peut aussi se substituer aux fédérations sportives chargées de sanctionner les sportifs qui seraient en infraction par rapport aux règles antidopage ;
- elle peut par exemple réformer des sanctions qu’elle juge trop lourdes ou au contraire rallonger la suspension d’un sportif prononcée par sa propre fédération ou se prononcer pour une fédération qui n’aurait pas sanctionné du tout un sportif contrôlé positif ;
- par ailleurs, l’Agence est chargée d’instruire les demandes d’autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) avec le concours d’experts médicaux. Cette procédure permet à des sportifs devant prendre un traitement de fond pour une maladie chronique (asthme par exemple) ou un traitement d’urgence, de ne pas être poursuivi pour violations des règles antidopage en cas de contrôle. Cette procédure est très stricte et non systématique ;
- enfin, l’AFLD est impliquée tant dans la prévention que dans le domaine de la recherche, notamment dans le domaine des méthodes de détection des substances et procédés interdits conformément aux exigences de l’Agence mondiale antidopage.