Poly2016-Item 120 – UE 5 Ménopause et andropause


Ménopause
Objectifs pédagogiques
Diagnostiquer la ménopause et ses conséquences pathologiques.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi d’une femme ménopausée (voir item 3263).
Diagnostiquer une andropause pathologique
I. Définition et diagnostic
A. Définition
La ménopause est un phénomène naturel défini par la disparition des règles (aménorrhée) depuis au moins un an, associée dans environ 50–70 % des cas à un syndrome climatérique (bouffées vasomotrices, sécheresse vaginale, douleurs articulaires…). La majorité des symptômes sont liés à une carence oestrogénique qui est secondaire à l’épuisement du capital folliculaire ovarien.
La ménopause survient en moyenne vers l’âge de 51 ans, et en moyenne un an plus tôt chez les femmes fumeuses. Elle est précédée d’une phase dite de préménopause (cf. encadré à la fin de cette section) qui est caractérisée par une irrégularité des cycles, d’abord raccourcis puis allongés, une dysovulation puis une anovulation, qui s’installe environ 5 ans avant l’interruption définitive des règles, et parfois déjà quelques bouffées de chaleur.
Cliniquement, la carence oestrogénique est associée aux bouffées de chaleur et à une sécheresse vaginale. Du fait de l’absence d’imprégnation oestrogénique, l’endomètre ne peut proliférer, ce qui conduit à l’absence d’hémorragies de privation, spontanées ou après administration de progestatifs.
Biologiquement, la ménopause se caractérise par une diminution de l’oestradiol plasmatique, associée suite au rétrocontrôle hypothalamo-hypophysaire, à une élévation des gonadotrophines, en particulier de la FSH (Follicle Stimulating Hormone).
B. Diagnostic
Le diagnostic est surtout clinique. Il est le plus souvent évident, associant aménorrhée et bouffées de chaleur chez une femme de plus de 50 ans. Aucune exploration biologique ne doit être réalisée pour affirmer le diagnostic, sauf en cas d’hystérectomie ou le signe clinique aménorrhée n’est pas interprétable.
Pour faire le diagnostic sans attendre systématiquement un an d’aménorrhée, surtout si la femme est symptomatique, et avant de mettre en place un traitement hormonal, il est fréquent de proposer un traitement par progestatif, administré seul, sans oestrogène, 10 jours par mois pendant 3 mois consécutifs ; l’absence de saignement à l’arrêt du progestatif signe dans ce contexte l’hypooestrogénie et donc la ménopause.
Chez la femme hystérectomisée, forcément aménorrhéique, il est possible de doser simultanément l’oestradiolémie qui, dans la littérature, est décrite comme inférieure à 20 pg/ml, et la FSH, qui est supérieure à 40 mUI/ml. Dans la réalité, les taux de FSH de ménopause confirmée sont le plus souvent supérieurs à 80 mUI/ml.
Avant l’âge de 45 ans, le dosage de FSH chez une femme en aménorrhée est systématique pour ne pas méconnaître une autre étiologie de l’aménorrhée. La survenue de l’aménorrhée avec un taux de FSH élevé avant l’âge de 40 ans est pathologique et rentre dans le cadre d’une insuffisance ovarienne prématurée (IOP), nécessitant des explorations spécialisées (cf. item 40 au chapitre 3). Le terme de ménopause précoce doit être remplacé par celui d’IOP.
II. Conséquences de la ménopause
Les conséquences de la ménopause sont résumées dans le tableau 8.1.
A. À court terme
La carence oestrogénique explique le syndrome climatérique, qui associe :
- des manifestations vasomotrices, souvent au premier plan, telles que bouffées de chaleur, crises sudorales, en particulier nocturnes et parfois très gênantes, entraînant ou majorant des troubles du sommeil ;
- des troubles du sommeil et de l’humeur, qui sont inconstants, à type d’irritabilité, d’anxiété, d’insomnie et parfois à l’origine d’une authentique dépression ;
- une atrophie de la muqueuse vulvovaginale et une diminution des sécrétions vaginales qui peuvent entraîner une dyspareunie (rapports sexuels douloureux) ;
- des altérations de l’état cutané, avec en particulier un amincissement et une perte de l’élasticité de la peau par raréfaction des fibres élastiques et du collagène.
La durée de ces symptômes (en particulier des bouffées de chaleur), après le début de la ménopause, est très variable d’une femme à l’autre mais, le plus souvent, les bouffées de chaleur s’atténuent spontanément après quelques années d’évolution. Parmi les femmes ménopausées, 20 % des femmes ne souffrent jamais de bouffées de chaleur et 20 % les trouvent supportables.


B. À moyen terme
La ménopause s’accompagne de douleurs ostéoarticulaires fréquentes (environ 40 %), qui sont liées à la diminution des oestrogènes.
Au niveau du squelette, le déficit oestrogénique aboutit à une accélération rapide de la perte osseuse, qui peut atteindre 4 % par an après la ménopause.
Le degré d’ostéopénie, voire d’ostéoporose, constaté après la ménopause, dépend de facteurs de risque associés :
- antécédent d’insuffisance ovarienne prématurée spontanée ou iatrogène ;
- antécédents de fractures non traumatiques à l’âge adulte chez la femme ou chez un parent au premier degré ;
- masse adipeuse faible, antécédent d’anorexie ;
- prise de certains médicaments (glucocorticoïdes de synthèse) ;
- consommation de tabac et d’alcool ;
- déficit en calcium et en vitamine D ;
- certaines affections potentiellement inductrices d’ostéoporose (hypogonadisme quelle que soit l’étiologie, hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie).
La perte osseuse au cours de la ménopause se surajoute à la perte physiologique de la masse osseuse liée au vieillissement, le tout pouvant entraîner des fractures à l’occasion de traumatismes mineurs.
Ainsi, vers l’âge de 80 ans, une femme sur trois est victime de fractures liées à l’ostéoporose. L’ostéoporose post-ménopausique, liée à la carence oestrogénique, touche surtout l’os trabéculaire, spongieux (vertèbres et poignets), alors que l’ostéoporose sénile atteint surtout l’os cortical (os longs).
L’ostéodensitométrie est l’examen de référence pour évaluer le risque fracturaire. Elle est recommandée chez les femmes à risque d’ostéoporose. Elle est maintenant prise en charge par la Sécurité sociale uniquement dans le contexte de femmes à risque (cf. item 124 au chapitre 10 « Ostéoporose »).
C. À long terme
1. Risque cardiovasculaire et ménopause
L’incidence des accidents cardiovasculaires, infarctus ou accident vasculaire cérébral, augmente chez les femmes après la ménopause, lorsque la « protection » cardiovasculaire des femmes tend à s’annuler. Ce risque chez la femme ménopausée rejoint celui observé chez l’homme.
Cette protection cardiovasculaire chez la femme semble liée aux oestrogènes plutôt qu’à un effet de l’âge, puisque l’ovariectomie chez une femme jeune est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire.
2. Ménopause et système nerveux central
Certains troubles liés au climatère, tels que la baisse de la libido, les troubles de l’humeur, l’irritabilité, le syndrome dépressif, semblent en rapport avec une hypooestrogénie au niveau du système nerveux central. Cependant, il n’existe pas actuellement de preuves formelles liant carence oestrogénique et troubles cognitifs ou prévalence de maladie d’Alzheimer.
III. Traitement hormonal de la ménopause, bénéfices et risques
Le traitement hormonal de la ménopause (THM), longtemps dénommé traitement hormonal substitutif (THS), consiste à administrer des oestrogènes chez une femme ménopausée dans le but de contrebalancer les effets de la carence oestrogénique.
Un traitement progestatif est associé à l’oestrogénothérapie pour contrecarrer l’effet prolifératif des oestrogènes au niveau endométrial et éviter la survenue d’un cancer de l’endomètre.
L’association d’un progestatif avec les oestrogènes est impérative chez les femmes non hystérectomisées.
A. Bénéfices du traitement hormonal de la ménopause
Les bénéfices du THM sont résumés dans le tableau 8.2.
1. Bénéfices à court terme
Les effets du THM sur les bouffées de chaleur, l’atrophie de la muqueuse vaginale et la sexualité sont bien démontrés. À plus long terme, l’effet bénéfique des oestrogènes sur le tractus urogénital pourrait jouer un rôle dans la prévention de l’apparition de prolapsus et/ou d’incontinence chez la femme ménopausée.
Les effets du THM sur la qualité de vie ont été pendant longtemps un argument majeur de prescription. Les effets du traitement sur la qualité de vie sont en fait surtout nets chez les femmes qui sont très gênées par leurs bouffées de chaleur, c’est-à-dire surtout dans les 5 à 10 ans suivant la ménopause.


2. Bénéfices à long terme
– Prévention de l’ostéoporose
Les oestrogènes entraînent une diminution de la résorption osseuse et de nombreuses études épidémiologiques ainsi que des essais cliniques ont montré une diminution significative de la perte osseuse chez les femmes ménopausées traitées par les oestrogènes :
- augmentation de 2 à 5 % de la densité minérale osseuse dans les premières années de traitement ;
- diminution de l’incidence des fractures ostéoporotiques (diminution de 40 % des fractures du rachis, du poignet et du col fémoral après 5 ans de traitement dans les dernières études prospectives randomisées versus placebo).
Cependant, cet effet protecteur au niveau de l’os ne dure que pendant l’utilisation du THM : dans les années qui suivent son interruption, une dégradation rapide de la masse osseuse se produit.
– Prévention cardiovasculaire
Un objectif longtemps revendiqué du THM était la prévention des événements cardiovasculaires.
Cet objectif paraissait logique pour de nombreuses raisons :
- les études épidémiologiques d’observation avaient montré un bénéfice cardiovasculaire du THM aussi bien en prévention primaire qu’en prévention secondaire (risque relatif : RR = 0,5 à 0,6) ;
- de nombreuses études expérimentales chez l’animal et chez l’humain démontrent que les oestrogènes ont un effet bénéfique sur le métabolisme lipidique (augmentation du HDLcholestérol, ou HDLc), sur la prévention de la plaque d’athérome sur l’endothélium vasculaire et qu’ils favorisent la vasodilatation des artères.
Cependant, une étude prospective randomisée, contrôlée et contre placebo, dénommée étude HERS (Heart Estrogen Replacement Study), n’a pas confirmé le bénéfice cardiovasculaire en prévention secondaire. Un antécédent cardiovasculaire de type infarctus ou accident vasculaire cérébral représente à l’heure actuelle une contre-indication à un traitement par oestrogènes.
Une autre étude prospective randomisée, contrôlée et contre placebo, dénommée WHI (Women Health Initiative), menée à large échelle aux États-Unis en prévention primaire suggère l’absence de bénéfice à introduire un traitement de ménopause après 60 ans.
Il semble exister un avantage cardiovasculaire en prévention primaire chez les femmes récemment ménopausées.
– Prévention des troubles cognitifs
Un autre objectif longtemps revendiqué du THM est la prévention des troubles cognitifs, en particulier de la démence. Cependant, les résultats de plusieurs études prospectives randomisées, contrôlées contre placebo, n’ont pas confirmé cet effet bénéfique du THM sur la fonction cognitive chez les femmes de plus de 65 ans. Au contraire, il semble même que l’incidence des démences soit légèrement supérieure chez les femmes traitées par THM.
– Prévention du cancer du côlon
Certaines études, y compris les études prospectives, ont montré une réduction de 20 à 30 % de l’incidence du cancer du côlon chez les femmes sous THM par rapport aux femmes sous placebo.
– Discordance entre les études prospectives et d’observation.
Les études concernant les traitements de ménopause représentent un bel exemple de discordance entre les études de cohorte (Nurses’ Health Study) et les études prospectives, randomisées contre placebo. La plus grande étude de cohorte pour le traitement de ménopause est la Nurses’ Health Study, réalisée dans une population d’infirmières aux États-Unis.
Dans les études de cohorte ou d’observation, il existe différents biais :
- un « biais de recrutement » : ce sont déjà des femmes soucieuses de leur santé et à niveau socio-économique élevé qui consultent pour demander un traitement de ménopause ;
- un « biais de prescription » : les médecins vont prescrire chez des femmes sans facteur de risque vasculaire ;
- un « biais de compliance » : on sait que les populations compliantes sont d’une façon générale à moindres risques.
B. Risques du traitement hormonal de la ménopause
1. Cancer du sein
Son risque de survenue est corrélé à la durée du traitement et à la dose : il augmente après 5 ans de traitement ; il est d’autant plus important que les femmes sont âgées ; il est en moyenne augmenté de 20 à 30 % par le THM après 10 ans d’utilisation.
En chiffres absolus, à l’échelon individuel, le risque de cancer du sein reste minime. Ainsi, sur 10 000 femmes sans traitement de ménopause, 450 présenteront un cancer du sein entre 50 et 70 ans (ce risque augmentant avec l’âge), alors que sous THM pendant 5 ans, le nombre de cas supplémentaires pour 10 000 femmes est de 8, chaque année.
Dans l’étude d’observation anglaise, appelée Million Women Study, il existe une augmentation de l’incidence du cancer du sein chez les femmes sous traitement hormonal de 6 pour 1 000 après 5 ans de traitement hormonal oestroprogestatif et de 19 pour 1 000 après 10 ans de traitement. Ce risque n’est présent que chez les utilisatrices en cours de traitement. Il disparaît après l’arrêt du THM, en 2 ans. Le risque de cancer du sein est aussi important, voire légèrement supérieur, chez les femmes prenant une association d’oestrogènes et de progestatifs que chez celles prenant des oestrogènes seuls.
2. Accidents veineux thromboemboliques (AVTE)
Le risque d’AVTE (phlébite et/ou embolie pulmonaire) est multiplié par deux. En chiffres absolus, le risque reste néanmoins minime : ainsi, sur 5 années et pour 1 000 femmes non traitées par THM, 3 feront un AVTE entre 50 et 59 ans et 11 en feront un entre 60 et 69 ans ; si elles sont traitées par THM, ces chiffres passent à 7 chez les femmes de 50 à 59 ans (4 AVTE en plus) et à 20 (9 AVTE en plus) chez les femmes de 60 à 69 ans.
Une étude cas-témoins, réalisée en France, dénommée ESTHER, montre que ce risque semble limité au THM donné par voie orale : lorsque les oestrogènes sont administrés par voie transcutanée, ils ne sont pas associés à un risque supérieur d’AVTE.
3. Accidents vasculaires cérébraux (AVC)
Le risque pourrait être augmenté de 30 % dans certaines études. Il s’agit d’une augmentation du risque des AVC ischémiques, mais non des accidents hémorragiques, possiblement en rapport avec l’effet prothrombotique des oestrogènes oraux.
4. Lithiases biliaires
Le risque des lithiases biliaires serait augmenté de 50 % environ par le THM.
IV. Moyens thérapeutiques
A. Oestrogènes
En France, l’oestrogène utilisé est surtout l’oestrogène naturel, appelé 17bêta-oestradiol.
L’oestrogène peut être administré par voie orale ou par voie percutanée (gel) ou par voie transdermique (patch) (tableau 8.3).
Les oestrogènes conjugués équins (extraits d’urine de jument) ne sont plus utilisés en France, alors qu’il s’agit des oestrogènes les plus utilisés aux États-Unis. Ce sont les oestrogènes utilisés dans les grandes études épidémiologiques.
Les oestrogènes administrés par voie percutanée ou transdermique ont l’avantage d’éviter le premier passage hépatique. Cette voie limite l’augmentation des facteurs de la coagulation, ce qui explique peut-être l’absence de surrisque d’accidents veineux thromboemboliques, alors que la voie orale est associée à un excès de risque. Les gels sont appliqués sur les cuisses et/ou le ventre mais jamais les seins. Les patchs sont changés deux fois par semaine.
La dose quotidienne de 17bêta-oestradiol permettant une prévention de l’ostéoporose est de 1 à 2 mg per os ou de 50 à 100 µg par voie transdermique.
Le 17bêta-oestradiol est habituellement administré au minimum 25 jours par mois, généralement associé à un progestatif, au moins les 12 derniers jours, parfois en continu (tableau 8.4). En l’absence d’utérus (hystérectomie), le traitement oestrogénique peut être administré seul, alors qu’en présence d’utérus, l’association à un progestatif est obligatoire afin de prévenir le risque d’hyperplasie de l’endomètre et donc de cancer de l’endomètre.
L’adaptation de la dose d’oestrogène se fait sur la clinique et non sur des dosages hormonaux.
Les signes de sous-dosages ou de surdosages sont mentionnés dans le tableau 8.5. Les signes de sous-dosage en oestrogène sont essentiellement la persistance des bouffées de chaleur, les signes de surdosage sont la tension mammaire.


B. Progestatifs
Leur prescription est obligatoire chez toute femme n’ayant pas été hystérectomisée et recevant une thérapeutique par les oestrogènes. Les produits utilisés sont habituellement la progestérone naturelle (ou la rétroprogestérone) et les dérivés de la 17-hydroxyprogestérone, les norprégnanes et les prégnanes (tableau 8.6).
Les progestatifs dérivés de la 19-nortestostérone doivent être évités compte tenu de leur effet androgénique délétère sur les paramètres métaboliques. Ils peuvent être administrés per os ou en transdermique.
Les progestatifs dérivés de la 19-nortestostérone doivent être évités compte tenu de leur effet androgénique délétère sur les paramètres métaboliques. Ils peuvent être administrés per os ou en transdermique.
Une hémorragie de privation survient lors de la période d’interruption du THM chez environ 20 % des femmes traitées. Ce saignement est fonctionnel et ne justifie donc pas d’exploration.
Si les saignements surviennent pendant la période des 25 jours de traitement, ils doivent être considérés comme possiblement organiques et déclencher des explorations (échographie pelvienne, hystéroscopie) à la recherche d’une cause comme un polype ou un cancer endométrial.
Si la patiente ne souhaite pas de saignements, il est possible de lui proposer un traitement continu oestroprogestatif. Cependant des saignements intercurrents peuvent survenir dans 40 à 70 % des cas, posant alors le problème de leur organicité possible (tableau 8.6).






V. Contre-indications et indications du traitement hormonal de la ménopause
A. Contre-indications
1. Cancer du sein et de l’endomètre
Le cancer du sein est un cancer hormonodépendant dont la prolifération est favorisée par les oestrogènes. Il contre-indique formellement l’utilisation d’une oestrogénothérapie. Par conséquent, un cancer du sein doit être systématiquement éliminé avant toute prescription d’oestrogènes par l’examen clinique et la réalisation d’une mammographie. Le dépistage du cancer du sein sera, par ailleurs, un élément essentiel de la surveillance du traitement substitutif. Les antécédents familiaux de cancer du sein, en particulier parmi les apparentés au premier degré (mère, soeur), peuvent constituer une contre-indication relative.
Il existe également d’autres tumeurs oestrogénodépendantes connues ou suspectées : par exemple, le cancer de l’endomètre.
2. Antécédents thromboemboliques
– Artériels
Le traitement hormonal est contre-indiqué en cas d’antécédent artériel ischémique, qu’il soit coronarien ou cérébral, en cas de cardiopathie emboligène, et doit être arrêté en cas de survenue d’événement de ce type.
– Veineux
Le traitement hormonal, surtout utilisé par voie orale, est formellement contre-indiqué en cas d’antécédents de phlébite, d’embolie pulmonaire ou d’accidents thromboemboliques veineux survenus sous contraception oestroprogestative ou dans le post-partum.
La voie transdermique peut se discuter dans un centre expert.
3. Autres
Les autres contre-indications du THM sont :
- hémorragie génitale sans diagnostic établi ;
- affection hépatique aiguë ou chronique.
La présence de facteurs de risque coronarien (diabète, tabagisme, HTA) doit amener à bien évaluer le rapport bénéfice/risque avant de prescrire un THM.
B. Indications et mise en route du THM
1. Interrogatoire et examen clinique rigoureux (tableau 8.7)
L’interrogatoire :
- confirme la réalité de la ménopause (aménorrhée accompagnée de bouffées de chaleur depuis plus d’un an) et apprécie l’importance des signes de carence oestrogénique ;
- recherche les facteurs de risque cardiovasculaire (obésité, tabagisme, sédentarité, diabète, hyperlipidémie) et les antécédents thromboemboliques veineux ou artériels ;
- recherche les antécédents personnels et familiaux de cancer du sein ou de l’endomètre.
La patiente sera informée des risques à court, à moyen et à long terme pouvant être induits par le THM (+++).
L’examen clinique comprend : la prise du poids, la prise de la pression artérielle, un examen gynécologique avec un frottis cervico-vaginal et une palpation des seins.
Dans les examens complémentaires avant la mise sous THM, la mammographie est nécessaire.
La réalisation d’une échographie pelvienne, non obligatoire, est utile pour visualiser l’endomètre et la présence d’éventuels myomes sous-muqueux (pouvant être à l’origine de saignements sous THM). Il est utile de faire un dosage du cholestérol et des triglycérides, ainsi qu’une glycémie veineuse à jeun.


2. En pratique
Haute Autorité de Santé (juillet 2014)
La HAS propose un maintien des remboursements des traitements de ménopause mais recommande des doses minimales et une durée limitée. La HAS rappelle que les risques connus de ces traitements se confirment et recommande un traitement aux doses les plus ajustées et le plus court possible, réévalué au moins chaque année.
– En présence de troubles fonctionnels
Lorsque des troubles fonctionnels liés à la carence oestrogénique sont gênants ou considérés comme tels, un THM peut être instauré en première intention, si la patiente le souhaite, à la dose minimale efficace et tant que durent les symptômes.
Dans cette indication, le bénéfice/risque du THM reste favorable à court terme (moins de 5 ans).
– En présence de risques élevés d’ostéoporose
Chez les femmes ménopausées ayant un risque élevé de fractures ostéoporotiques (cf. supra) et éventuellement après mesure de la densité minérale osseuse (DMO), un THM peut être administré en deuxième intention en cas d’intolérance ou de contre-indications aux autres traitements indiqués dans l’ostéoporose.
Le THM doit être instauré à la ménopause, le plus précocement possible.
– En l’absence de trouble fonctionnel
Chez les femmes ne présentant ni trouble ni facteur de risque d’ostéoporose, le THM ne doit pas être prescrit de manière systématique. Il doit être décidé au cas par cas, en fonction de la situation et des souhaits de la femme, en l’informant de l’ensemble des bénéfices attendus et des risques potentiels.
VI. Surveillance et durée du traitement
A. Après quelques mois de traitement
Une nouvelle consultation est nécessaire à 3–6 mois, pour évaluer la tolérance et l’efficacité du traitement, pour vérifier le bon dosage de l’oestrogénothérapie (tableau 8.5) :
- une dose insuffisante d’oestrogène se traduit par une persistance des bouffées de chaleur, éventuellement d’autres symptômes du climatère et une sécheresse vaginale ;
- le surdosage d’oestrogènes est très souvent accompagné de l’apparition de tension et de douleurs mammaires (mastodynies) ; dans ce cas, la dose d’oestrogènes doit être diminuée.
B. À moyen terme
La surveillance comprend, outre l’examen clinique tous les 6 à 12 mois, une mammographie tous les 2 ans et un frottis cervico-vaginal tous les 3 ans. L’échographie pelvienne voire l’hystéroscopie seront réalisées en cas de saignements utérins anormaux.
À l’heure actuelle, la durée maximale recommandée de traitement est de 5 ans, avec réévaluation tous les ans du rapport bénéfice/risque. L’arrêt du traitement est mieux supporté quand il est progressivement dégressif.
Qu’elle soit traitée ou non, la surveillance d’une femme ménopausée devrait être la même.
VII. Alternatives thérapeutiques au traitement hormonal
Ces alternatives sont utiles en cas de contre-indications au THM classique.
A. Modulateurs spécifiques du récepteur des oestrogènes (SERM)
Il s’agit de molécules capables de se comporter comme des anti-oestrogènes dans certains tissus cibles et comme des oestrogènes dans d’autres tissus. Un exemple est le raloxifène (Evista®) qui possède les effets bénéfiques de l’oestradiol au niveau de l’os et du système cardiovasculaire,alors qu’il se comporte comme un anti-oestrogène au niveau de l’endomètre et du sein. Parmi ses inconvénients, sous raloxifène, les bouffées de chaleur persistent, voire sont augmentées, et il existe des effets prothrombotiques (RR = 3) proche du THM. Ce produit n’est pas pris en charge par la Sécurité sociale.
B. Autres molécules
La tibolone (Livial®) est un progestatif qui a une activité triple : oestrogénique, progestative et androgénique. Il diminue les bouffées de chaleur, améliore la trophicité vaginale et la DMO.
Toutefois, il a les contre-indications des oestrogènes sur le cancer du sein, les effets métaboliques délétères des nor-stéroïdes et un effet prothrombotique. Ce produit n’est pas pris en charge par la Sécurité sociale.
Lorsque les bouffées de chaleur sont très symptomatiques, en cas de contre-indication aux oestrogènes, plusieurs molécules peuvent être proposées : certains proposent des traitements par bêta-alanine (Abufène®), clonidine (Catapressan®) ou par des inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine.
Les dérivés de soja contenant des phyto-oestrogènes n’ont pas fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité.
En cas d’ostéopénie, outre une thérapeutique vitaminocalcique, un traitement par les bisphosphonates peut être proposé (cf. item 124 au chapitre 10, « Ostéoporose »).
À ne pas oublier
Chez toutes les femmes ménopausées, surtout celles ayant une contre-indication ou une non-indication aux oestrogènes, il est possible de proposer un traitement local par oestrogènes (ovules ou crèmes) afin de préserver une bonne trophicité du tractus urogénital.
Il est nécessaire :
- de réaliser le dépistage et la prise en charge des différents facteurs de risque cardiovasculaire, de façon à limiter la survenue d’événements cardiovasculaires indésirables, favorisés par la carence oestrogénique chronique ; l’arrêt du tabac doit être envisagé ;
- de promouvoir un exercice physique régulier, une alimentation riche en calcium et un régime supplémenté en vitamine D afin de limiter les autres facteurs de risque d’ostéopénie et d’ostéoporose.
VIII. Conclusion
Le THM a été préconisé très largement dans les années 1980–1990 à beaucoup de femmes ménopausées. La publication d’études prospectives randomisées versus placebo a permis ces vingt dernières années de confirmer l’efficacité de ce traitement sur la prévention du risque fracturaire lié à l’ostéoporose ménopausique, mais elle a fait apparaître un surrisque vasculaire avec des oestrogènes par voie orale, surtout chez des femmes à risque vasculaire, ainsi qu’une augmentation du risque de cancer du sein chez les femmes traitées.
L’efficacité du traitement sur les manifestations climatériques est supérieure à toute autre thérapeutique.
Ainsi, la prescription du THM est à envisager chez toute femme symptomatique qui le souhaite, à condition qu’elle ne présente pas de contre-indication, que la nécessité du traitement soit régulièrement évaluée et que la patiente soit clairement informée des bénéfices et risques du traitement.
La préménopause
Il s’agit d’un état transitoire chez la femme de 40 à 50 ans, où s’éteint progressivement la fonction exocrine de l’ovaire, avec raréfaction des ovulations précédant leur disparition totale, tandis que persiste de façon incomplète et dissociée sa fonction endocrine. La préménopause peut elle-même être divisée en trois phases.
- Première phase dite de « phase folliculaire courte »
Cette phase s’installe vers l’âge de 41 à 43 ans. Le premier signe clinique de l’installation de la préménopause est un raccourcissement de la durée des cycles. Les taux plasmatiques de FSH commencent à s’élever, alors que les taux plasmatiques d’oestradiol (E2) et de LH, le pic ovulatoire de gonadotrophines et la sécrétion de progestérone sont encore normaux. Cette période correspond à une nette réduction de la fertilité.
- Seconde phase dite de « corps jaune inadéquat »
Elle est caractérisée par l’appauvrissement progressif du capital folliculaire en nombre et en qualité, et par l’inefficacité croissante de la FSH. Les cycles sont longs, les ovulations tardives, la phase lutéale raccourcie et le taux de progestérone diminué. Il existe souvent une hyperoestrogénie relative. Le déséquilibre, aux dépens de la progestérone, favorise oedème (syndrome prémenstruel) et hyperplasie. L’irrégularité des cycles peut être corrigée par l’administration séquentielle d’un progestatif à titre substitutif, du 16e au 25e jour du cycle.
- Troisième phase:
Elle se traduit par une anovulation. Elle est le témoin de l’épuisement folliculaire. Les concentrations plasmatiques de FSH approchent des valeurs observées après la ménopause. Les fluctuations imprévisibles du taux d’oestradiol aboutissent à des hémorragies de privation irrégulières et espacées. L’administration d’un progestatif 10 jours par mois permet de régulariser les « règles ».
POINTS CLES
- La ménopause est un processus physiologique, survenant vers l’âge de 51 ans, défini par la disparition des règles depuis au moins un an, associé à un syndrome climatérique (bouffées de chaleur). Biologiquement, l’oestradiol est bas, les gonadotrophines (FSH ++) élevées, en rapport avec la perte du capital folliculaire.
- Le diagnostic est cependant clinique et ne nécessite pas de dosages hormonaux, sauf en cas d’antécédent d’hystérectomie.
- Les conséquences de la carence oestrogénique sont : un syndrome climatérique associant bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, sécheresse vaginale, troubles du sommeil et de l’humeur ; une perte osseuse favorisant les fractures ostéoporotiques ; un risque cardiovasculaire plus important.
- Les effets du THM ont été récemment réévalués par de nombreuses études anglo-saxonnes : il améliore notablement le syndrome climatérique et donc la qualité de vie ; il diminue la résorption osseuse et prévient les fractures (mais l’effet protecteur est limité à la période d’utilisation).
- Dans les études anglo-saxonnes randomisées, réalisées chez des femmes âgées recevant des oestrogènes oraux et un progestatif de synthèse peu utilisé en France, il n’a été observé ni effet protecteur sur la survenue des événements cardiovasculaires (coronariens ou vasculaires cérébraux), tant en prévention primaire que secondaire, ni d’effet démontré sur la fonction cognitive.
- Le traitement hormonal est associé à une augmentation de 20 à 30 % de l’incidence du cancer du sein et, en cas de traitement oestrogénique oral, à un doublement du risque d’accident veineux thromboembolique.
- Le rapport bénéfice/risque du THM doit donc être discuté de façon individuelle, et si l’indication est retenue (après vérification des contre-indications), on recommande maintenant de proposer le THM pour une période limitée et de renforcer par ailleurs les conseils hygiénodiététiques (exercice, apport vitaminocalcique, arrêt du tabac).
- On utilise le 17bêta-oestradiol par voie percutanée ou orale, 20 jours par mois, associé à la progestérone naturelle ou à un dérivé non androgénique, 12 jours par mois, le plus souvent en discontinu.
- La réévaluation du traitement et de son indication doit être au moins annuelle et la surveillance mammaire attentive (examen clinique tous les 6 mois, mammographie tous les 2 ans).
Pour en savoir plus
Traitements hormonaux de la ménopause. HAS, juillet 2014.
Andropause
Le terme « andropause » est couramment utilisé pour désigner la baisse de la testostérone circulante à partir de l’âge de 40 ans chez l’homme. Un autre terme en vogue est celui d’« hypogonadisme » de l’homme âgé ou de déficit androgénique partiel du sujet âgé — connu sous le sigle anglais de PADAM (Partial Androgen Deficiency in Aged Male) ou DALA (déficit androgénique lié à l’âge) en français.
Des études transversales et longitudinales ont en fait montré que chez la majorité des hommes mûrs ou âgés, la baisse de la testostérone circulante est inconstante ou relativement modérée lorsqu’ils sont en bonne santé et non obèses. De plus, pour une tranche d’âge donnée existe une importante variabilité des valeurs des concentrations de testostérone chez les hommes normaux (figure 8.1). L’obésité et des comorbidités associées, en particulier vasculaires, peuvent entraîner une diminution de la testostérone.


Le mécanisme intime de la baisse de la testostérone chez l’homme âgé n’est pas connu avec précision, mais il semble qu’il comprenne à la fois une atteinte de la commande hypophysaire et une altération directe des fonctions testiculaires intervenant dans la sécrétion de testostérone.
Une baisse cliniquement significative de la testostérone totale circulante ne semble concerner qu’une minorité d’hommes. En effet, dans une importante enquête européenne (étude EMAS, European Male Aging Study) ayant étudié 3 369 hommes âgés entre 40 et 79 ans, il a été montré que seul 4,1 % des hommes avaient un taux circulant inférieur à 2,3 ng/ml (< 8 nmol/l).
Si on prend des hommes à la fois avec une testostérone totale en dessous de cette valeur et chez qui existent trois symptômes significatifs d’hypogonadisme (troubles de l’érection avec diminution de l’érection matinale et diminution des pensées sexuelles), la prévalence n’est plus globalement que de 2,1 %. Mais la prévalence de cette entité clinico-hormonale augmente avec l’âge : elle n’est que de 0,6 % entre 50 et 59 ans, de 3,2 % entre 60 et 69 ans et 5,1 % entre 70 et 79 ans.
Comme on le voit, l’hypogonadisme de l’homme mûr ou âgé ne concerne qu’une minorité d’entre eux.
Le rôle du médecin est d’identifier les situations où la baisse de la testostérone est cliniquement significative : c’est-à-dire qu’elle altère la qualité de vie de façon spécifique et/ou révèle un hypogonadisme réel. Dans ces cas s’impose toujours une enquête étiologique et les symptômes peuvent être améliorés par une androgénothérapie (figure 8.2).
En pratique, il s’agit donc de dépister par l’interrogatoire et l’examen clinique avec à l’aide d’examens hormonaux simples les situations qui relèvement réellement d’une prise en charge médicale.
Le médecin doit tout d’abord pouvoir établir avec une probabilité élevée le diagnostic d’hypogonadisme.
Il doit ensuite être capable de faire le diagnostic différentiel entre un déficit en gonadotrophines (hypogonadisme dit central) et un hypogonadisme dit périphérique où la maladie est primitivement testiculaire. L’enquête étiologique pertinente qui suit découlera de cette première classification. En fonction des pathologies retrouvées, des traitements étiologiques seront initiés.


I. Symptômes conduisant à une consultation médicale
Les symptômes révélant un hypogonadisme chez l’homme sont variables. Certains, par leur spécificité, sont évocateurs, comme la diminution de la libido (baisse du désir sexuel et des pensées érotiques) et de l’activité sexuelle (nombre de rapports sexuels).
D’autres bien qu’orientant vers la recherche d’un hypogonadisme sont moins spécifiques, comme les troubles de l’érection. Ces derniers peuvent en effet survenir très souvent chez des sujets eugonadiques (avec testostérone plasmatique normale) mais avec des comorbidités et ne sont pas améliorés de façon claire par l’androgénothérapie.
Enfin, des symptômes très peu spécifiques comme le manque d’entrain, la diminution de la force et de l’activité physiques et la dépression ont été associés à l’« andropause », mais leur valeur sémiologique est remise en cause devant leur médiocrité en termes de performances diagnostiques et le lien souvent incertain avec la baisse de la testostérone.
II. Affirmer l’hypogonadisme
Pour démontrer l’existence d’un hypogonadisme (altération de la sécrétion de testostérone par les cellules de Leydig), il faut mettre en évidence une baisse significative de la testostérone circulante. Les seuils diagnostiques ont été beaucoup discutés dans la littérature médicale au cours de ces trente dernières années. La première discussion concernait les populations à partir desquelles devaient être définies les valeurs de référence, certains auteurs proposant les valeurs normales de testostérone de l’homme jeune, d’autres préférant celles des hommes âgés en bonne santé sans signes d’hypogonadisme. Depuis quelques années, un accord pragmatique semble s’établir :
- le diagnostic d’hypogonadisme pourrait être raisonnablement suspecté en dessous d’une testostérone totale de 3,2 ng/ml (11 nmol/l) ;
- pour certains experts, une valeur inférieure à 2,3 ng/ml (8 nmol/l) serait associée de façon significative à des signes cliniques évoquant un déficit en testostérone et aurait une très bonne spécificité.
En pratique (figure 8.3), il faut retenir la notion simple que la probabilité d’un hypogonadisme réel est liée à l’importance de la baisse de la testostérone circulante. Ainsi, une testostérone totale inférieure à 2,3 ng/ml est très évocatrice d’un hypogonadisme réel. Chez les patients en dessous de ce seuil, l’enquête étiologique doit être rigoureuse car la probabilité de trouver une cause est importante. De plus, ces patients avec testostérone basse répondent souvent favorablement à l’androgénothérapie, ce qui va renforcer le lien de causalité entre les plaintes fonctionnelles et la baisse de la testostérone.
Lorsque la testostérone totale est supérieure à 3,2 ng/ml, la probabilité d’être en présence d’un hypogonadisme réel est faible. Chez ces hommes les symptômes sont souvent moins spécifiques et leur correction par l’androgénothérapie est aléatoire. La recherche de causes spécifiques d’hypogonadisme est souvent négative. Parfois, on retrouve des morbidités associées (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, etc.) qui peuvent contribuer aux symptômes.
Une situation délicate, plus difficile à trancher est celle des hommes consultant pour des symptômes plus ou moins spécifiques et présentant une testostérone totale comprise entre 2,3 et 3,2 ng/ml. Chez ces hommes, l’hypogonadisme est possible mais non obligatoire. C’est dans ces situations que l’on procède, en deuxième intention, au calcul de l’index de testostérone libre (ITL), de façon à préciser la fraction de la testostérone qui serait active. Pour calculer l’ITL, il faut au préalable avoir dosé par des immunodosages de qualité suffisante la testostérone totale et sa protéine porteuse SHBG (Sex Hormone Binding Globulin, dénommée jadis TeBG).
En pratique, la testostérone totale sera au mieux mesurée par un dosage radio-immunologique (RIA) ou par des techniques faisant appel à la spectrométrie de masse, et on utilisera des immunodosages de type IRMA pour la SHBG.
Le calcul de l’ITL fait appel à la formule proposée par Alex Vermeulen :Testostérone totale [nmol/l] × 100/SHBG [nmol/l].
Dans ces situations intermédiaires où le diagnostic d’hypogonadisme est incertain, certains auteurs complètent l’exploration hormonale en faisant appel à des mesures de la testostérone « biodisponible », ou non liée à la SHBG.
Cette technique manuelle nécessite une précipitation de la SHBG du sérum par le sulfate d’ammonium, suivie d’un dosage de la testostérone sur le surnageant obtenu après centrifugation. La précision et la fiabilité de ce type de dosage ont été peu étudiées ; ils sont de plus limités par la disponibilité restreinte à quelques laboratoires et par l’absence de valeurs de référence réellement établies par les laboratoires qui la pratiquent. Enfin, certains médecins mesurent la « testostérone libre » à l’aide d’un analogue radioactif de ce stéroïde. Ce dosage présente au moins deux écueils :
- l’absence de vraies valeurs de référence établies par les laboratoires la pratiquant et
- une tendance importante à sous-estimer les valeurs réelles de testostérone libre établies par la méthode de référence dite de dialyse à l’équilibre.
Le dosage commercial de « testostérone libre » est donc à déconseiller car il induit des diagnostics et des traitements souvent inappropriés.


III. Différencier un hypogonadisme hypogonadotrope d’une insuffisance testiculaire primitive
Une fois que le diagnostic positif d’hypogonadisme réel est établi, la deuxième étape est d’en déterminer le cadre étiologique, c’est-à-dire de préciser s’il s’agit d’une atteinte testiculaire primitive ou d’un déficit hypophysaire en gonadotrophines.
Différencier une atteinte de l’axe gonadotrope, c’est-à-dire un hypogonadisme hypogonadotrope (hypogonadisme central), d’une atteinte primitivement testiculaire appelée aussi hypogonadisme hypergonadotrope (insuffisance testiculaire primitive) fait appel à la mesure dans le sérum des gonadotrophines hypophysaires FSH et LH :
- en présence d’une baisse de la testostérone totale, lorsque la concentration de ces deux hormones hypophysaires est élevée, il s’agit d’une insuffisance testiculaire primitive (le plus souvent avec une FSH > LH) ;
- si la testostérone totale est basse et si LH et/ou FSH sont dans les valeurs normales (inappropriées) ou basses, on est en face d’un hypogonadisme hypogonadotrope.
Dans cette dernière éventualité il est obligatoire d’évaluer l’ensemble des fonctions antéhypophysaires pour ne pas méconnaître une insuffisance hypophysaire et tout particulièrement une insuffisance surrénale par déficit en ACTH qui pourrait exposer le patient à une décompensation aiguë (cf. item 243 au chapitre 20 « Insuffisance surrénale »).
Une autre priorité est de dépister une hyperprolactinémie (cf. item 242 au chapitre 19 « Adénome hypophysaire »).
Dans ce contexte, une imagerie par IRM de la région hypothalamo-hypophysaire doit être réalisée pour dépister un processus expansif de la région hypothalamo-hypophysaire.
IV. Diagnostic étiologique
Devant un profil hormonal d’insuffisance testiculaire primitive, il faudra à l’aide de l’interrogatoire et de l’examen clinique rechercher des arguments en faveur des étiologies indiquées dans le tableau 8.8.
Des antécédents de traumatisme de la région scrotale seront recherchés ainsi que des traitements gonadotoxiques (chimiothérapie ± radiothérapie) ou des infections.
La palpation du volume testiculaire sera systématique à la recherche d’une hypotrophie. Lorsque le volume testiculaire est très diminué (< 4 ml), il est utile de demander un caryotype pour dépister une maladie chromosomique ayant pu passer inaperçue (figure 8.2).


V. Hypogonadismes hypogonadotrophiques acquis à l’âge adulte
Les hypogonadismes hypogonadotrophiques acquis à l’âge adulte (HHA) sont plus souvent et plus efficacement diagnostiqués actuellement grâce à la meilleure connaissance de la présentation de cette pathologie associée à l’amélioration de la qualité des dosages hormonaux et de l’imagerie de la région hypophysaire.
Les causes les plus fréquentes sont les adénomes hypophysaires (cf. item 242 au chapitre 19 « Adénome hypophysaire »), en particulier les prolactinomes, ainsi que d’autres processus tumoraux de la région comme les craniopharyngiomes, les méningiomes, etc.
Cependant, il ne faut pas oublier que d’autres étiologies peuvent être en cause comme les processus infiltratifs ou les surcharges, tels que respectivement les hypophysites ou l’hémochromatose.
À côté des classiques lésions chirurgicales et radiothérapiques de la région sellaire, une origine post-traumatique est de plus en plus recherchée (AVP avec traumatisme crânien).
Certains traitements médicamenteux peuvent aussi provoquer des HHA : citons les corticoïdes, les analogues de la GnRH utilisés dans le traitement du cancer de la prostate ou les stéroïdes anabolisants utilisés en automédication, dans le cadre du dopage (cf. item 78 au chapitre 7 « Dopage ») ou pour améliorer les « performances sexuelles ».
Les causes les plus importantes d’HHA sont résumées dans le tableau 8.9.


Les manifestations cliniques de l’HHA dépendent de la profondeur et de la durée du déficit gonadotrope. Un des meilleurs signes cliniques est la perte de la libido, qui est malheureusement souvent négligée par le malade ou son médecin.
Cette baisse de la libido s’accompagne parfois ou est confondue avec des troubles de l’érection, mais une dysfonction érectile avec une libido conservée est plus rarement en rapport avec un déficit en testostérone.
L’examen clinique peut être sans particularité quand l’HHA est récent.
La diminution de la pilosité et du volume testiculaire tout comme la diminution des masses musculaires n’interviennent que lorsque le déficit en gonadotrophines hypophysaires est ancien et profond, comme par exemple dans certains cas d’adénomes hypophysaires.
L’exploration hormonale montre habituellement une baisse importante de la testostérone totale sérique associée à une baisse des gonadotrophines, mais ces dernières peuvent demeurer dans l’intervalle des valeurs de référence pour l’âge.
La mesure de l’inhibine B, non nécessaire au diagnostic et faite dans le cadre de la recherche clinique, est le plus souvent normale, mais elle décroît lorsque le déficit en gonadotrophines est profond et prolongé.
La baisse importante de la testostérone circulante chez les hommes atteints d’HHA explique l’efficacité fréquente de l’androgénothérapie sur l’ensemble des symptômes liés à l’hypogonadisme.
Pour en savoir plus
– Basaria S, et al. Adverse events associated with testosterone administration. N Engl J Med 2010 ; 363 : 109–22.
– Handelsman DJ, et al. Age-specific population centiles for androgen status in men. Eur J Endocrinol 2015 ; 173 : 809–17.
– Huhtaniemi IT. Andropause – Lessons from the European Male Ageing Study. Ann Endocrinol (Paris) 2014 ; 75 : 128–31.
– Rastrelli G, et al EMAS Study Group. Development of and recovery from secondary hypogonadism in aging men : prospective results from the EMAS. J Clin Endocrinol Metab 2015 ; 100 : 3172–82.
– Snyder PJ, et al. Effects of testosterone treatment in older men. Testosterone Trials Investigators. N Engl J Med 2016 ; 374 : 611–24.
– Snyder PJ, et al. Effects of testosterone treatment in older men. Testosterone Trials Investigators. N Engl J Med 2016 ; 374 : 611–24.
– Wu FC, et al EMAS Group. Identification of late-onset hypogonadism in middle-aged and elderly men. N Engl J Med 2010 ; 363 : 123–35.