Poly2016-Item 122 – UE 5 Trouble de l’érection

 

 

Objectifs pédagogiques
Argumenter les principales hypothèses diagnostiques, justifier les examens complémentaires pertinents.
Citer les moyens thérapeutiques (voir item 326).

 

I. Physiologie 

L’érection est un processus neuro-tissulo-vasculaire qui survient lors d’un stimulus sensoriel érotique parvenant à l’hypothalamus ou de manière réflexe. Il induit une inhibition du tonus sympathique et une libération d’oxyde nitrique (NO) à partir des terminaisons nerveuses et de l’endothélium érectile. Le NO active la guanylate cyclase qui induit la synthèse de GMPc, second messager intracellulaire du NO. Le GMPc active lui-même une kinase qui provoque une baisse du calcium libre cellulaire et la myorelaxation à l’origine de son action proérectile.
Cette relaxation des muscles lisses permet le remplissage des sinusoïdes caverneux et le développement de l’érection. L’inhibition du drainage veineux est un phénomène passif lié à la compression des plexus veineux par les sinusoïdes caverneux dilatés et qui contribue au maintien de l’érection.
La fin de l’érection résulte de la dégradation du GMPc par les phosphodiestérases de type 5.
À l’état basal, le le tonus sympathique alpha-adrénergique et la synthèse endothéliale d’endothéline induisent la myocontraction des muscles lisses caverneux qui maintient la flaccidité du pénis.
Ainsi, le processus complexe de l’érection nécessite une dilatation artérielle et une relaxation des muscles lisses, qui sont sous contrôle hormonal (cf. infra).
En résumé, l’érection nécessite :
  • un réseau vasculaire fonctionnel (le trouble de l’érection est un marqueur vasculaire clinique) ;
  • un appareil musculaire lisse fonctionnel ;
  • une réduction suffisante du retour veineux ;
  • un signal nerveux fonctionnel ;
  • un environnement hormonal adéquat ;
  • un psychisme adéquat.

II. Définition

Le trouble de l’érection, ou dysfonction érectile, est défini comme une incapacité persistante à obtenir ou à maintenir une érection permettant un rapport sexuel satisfaisant.
Il résulte souvent de facteurs multiples et intriqués.
L’âge est un facteur de risque majeur, dont l’influence s’explique par :
  • des déficits neurosensoriels d’installation progressive ;
  • une baisse progressive, physiologique, du taux de testostérone ;
  • l’apparition de comorbidités associées : maladies cardiovasculaires, hypertension artérielle, diabète, dyslipidémies et prise médicamenteuse. (usage d’antihypertenseurs notamment).
L’insuffisance rénale, la dialyse rénale, les troubles mictionnels, la chirurgie ou les traumatismes pelviens, la consommation d’alcool et de tabac, les états anxiodépressifs sont aussi des facteurs de risque de trouble de l’érection, qui peut être alors le seul indicateur d’une comorbidité.

III. Conduite diagnostique devant un trouble de l’érection

La conduite diagnostique est schématisée dans la figure 9.1.
Ses objectifs sont :
  • de préciser l’importance du trouble et son retentissement sur la qualité de vie dans tous ses paramètres (psychoaffectif, conjugal et socioprofessionnel) ;
  • de rechercher des éléments anamnestiques, cliniques et médicamenteux en faveur de l’étiologie de la dysfonction érectile ;
  • d’identifier ou de dépister des facteurs de risque d’un trouble de l’érection par l’interrogatoire et les examens paracliniques ou biologiques.

A. Bilan initial

Ces investigations sont résumées par le « bilan initial » (figure 9.1). La synthèse de ces éléments permettra d’établir le profil du patient ainsi que la stratégie thérapeutique envisagée.
 

 

 

1. Critères diagnostiques et pronostiques d’un trouble de l’érection

– Diagnostic positif : le trouble de l’érection est d’abord un diagnostic d’interrogatoire, qui permet de confirmer la plainte du patient sur le manque de rigidité de son érection.
Il importe d’emblée de distinguer le trouble de l’érection d’autres troubles sexuels :
  • perte du désir sexuel (en posant au patient la question de son intérêt pour la sexualité) ;
  • troubles de l’éjaculation (trop rapide, retardée voire absente ?) ;
  • douleurs lors des rapports (pendant l’érection, l’éjaculation ?) ;
  • anomalies morphologiques ressenties par le patient (dysmorphophobie) ou réelles (petite verge, déformation, asymétrie des corps caverneux ou maladie de La Peyronie, à vérifier lors de l’examen clinique).

2. Caractérisation du trouble érectile

Le trouble de l’érection confirmé, d’autres critères diagnostiques et pronostiques sont alors recherchés :
  • le caractère primaire (existant depuis le début de la vie sexuelle) ou secondaire, acquis, du trouble érectile ;
  • le caractère brutal (qui impose de rechercher une circonstance déclenchante), qui est en faveur d’une cause psychologique prédominante, ou progressif, qui oriente davantage vers une cause organique ;
  • le caractère permanent ou situationnel (selon le lieu, la partenaire) ;
  • la persistance d’érections nocturnes et/ou matinales spontanées en dehors de toute stimulation sexuelle, qui est en faveur d’une intégrité neuro-tissulo-vasculaire : l’interrogatoire recherchera un trouble psychogène à l’origine de la dysfonction ;
  • la sévérité du trouble érectile, qui s’apprécie :
    • par le délai entre l’apparition du trouble et la consultation (la difficulté de la prise en charge semble corrélée à la longueur de ce délai) ;
    • par l’existence ou non d’une capacité érectile résiduelle (avec une rigidité suffisante pour la pénétration) ;
    • par la capacité d’érections provoquées (masturbation).

3. Recherche des pathologies et facteurs pouvant favoriser ou aggraver un trouble érectile

La recommandation actuelle est la recherche systématique d’antécédents et/ou de symptômes qui évoquent autant une pathologie organique que psychologique : des difficultés psychologiques peuvent à elles seules déclencher ou aggraver un trouble érectile et bénéficier detraitements spécifiques.
 
En ce qui concerne un trouble érectile primaire, l’interrogatoire recherchera : un trouble psychogène personnel (anxiété, croyances erronées, antécédent de violences sexuelles), l’existence de complexes identitaires (identité de genre), un trouble relationnel (conjugopathie, timidité envers la partenaire, anxiété de performance), un conflit socioprofessionnel — chacun de ces facteurs pouvant constituer un facteur déclenchant — ou encore une anomalie génitale réelle (malformative) ou supposée (syndrome du « petit pénis », dysmorphophobie).
 
En ce qui concerne un trouble érectile secondaire, en dehors des facteurs précités qui peuvent exister et aggraver le trouble de l’érection, l’interrogatoire recherchera en priorité :
  • des antécédents abdomino-pelviens (chirurgie, irradiation, traumatisme) ;
  • un diabète (l’état de son équilibration et l’existence de complications, neuropathie des membres inférieurs, rétinopathie) ;
  • tous les facteurs de risque cardiovasculaire (HTA, syndrome métabolique, surcharge pondérale, dylipidémie, tabagisme, sédentarité) ;
  • une pathologie cardiovasculaire (angor, insuffisance cardiaque), le trouble érectile pouvant être un signe avant-coureur d’une coronaropathie ignorée ;
  • des maladies neurologiques (maladie de Parkinson, sclérose en plaques), des séquelles de traumatisme médullaire ;
  • l’existence de troubles mictionnels, en rapport le plus souvent avec une hypertrophie bénigne de la prostate ;
  • une endocrinopathie, liée de façon plus rare à un trouble de l’érection (hypo- ou hyperthyroïdie, maladie d’Addison) ;
  • des troubles du sommeil (apnées du sommeil, insomnie), pouvant altérer la fonction érectile ;
  • la liste des traitements, dont certains ont des effets secondaires néfastes sur la sexualité (même si le niveau de preuves pour la responsabilité d’un traitement incriminé est souvent faible) ;
  • des signes évocateurs de déficIt androgénique, notamment une perte ou une diminution du désir sexuel, de la qualité et du nombre des érections spontanées matinales et nocturnes —les autres signes (fatigabilité, troubles de l’humeur) étant moins spécifiques et se retrouvant dans bon nombre de maladies chroniques ;
  • un syndrome dépressif (simplement, en posant la question au patient de savoir si, au cours du dernier mois, il s’est senti abattu, déprimé et s’il a ressenti une baisse de plaisir dans sa vie quotidienne, on peut se faire une idée de l’existence d’une dépression chez ce patient qui répond positivement aux deux questions) ;
  • l’existence de troubles addictifs : toxicomanie, alcool, addiction sexuelle ;
  • et, enfin, tous les éléments du contexte psychoaffectif et relationnel entourant le patient et qui précèdent l’apparition du trouble de l’érection.

4. Examen clinique

Il est recommandé chez tous les patients consultant pour un trouble de l’érection.
 
L’examen urogénital apprécie les caractères sexuels secondaires (recherche d’une gynécomastie, d’un hypoandrisme, de petits testicules) et recherche d’éventuelles anomalies du pénis, en particulier l’existence de plaques péniennes traduisant une maladie de La Peyronie.
Un toucher rectal après 50 ans sera systématiquement pratiqué.
 
L’examen cardiovasculaire recherchera en particulier des signes vasculaires (HTA, pouls, souffle artériel), notamment la disparition des pouls orientant vers une cause vasculaire.
 
L’examen neurologique recherche des signes de neuropathie (sensibilité du périnée et des membres inférieurs). Outre les signes évoqués plus haut, d’autres signes endocriniens sont explorés (anomalie du champ visuel).

5. Bilan biologique

Le bilan recommandé dans le cadre du bilan initial est essentiellement biologique :
  • glycémie à jeun avec Hb glycosylée ;
  • bilan lipidique s’il n’a pas été effectué dans les 12 mois précédents ;
  • NFS, ionogramme, créatinémie ;
  • bilan hépatique s’il n’a pas été effectué dans les 5 ans précédents ;
  • recherche d’un déficit androgénique en cas de facteurs de risque (diabète, sida, corticothérapie, chirurgie testiculaire) ou en cas de signes cliniques évocateurs (baisse du désir sexuel, des érections nocturnes et matinales), avec un dosage initial de la testostéronémie totale.
Les explorations biologiques rechercheront également une endocrinopathie (hypogonadisme, hyperprolactinémie, dysthyroïdie) avec un dosage de la prolactine et des hormones thyroïdiennes pouvant induire un trouble de l’érection, et étudieront les facteurs de risque cardiovasculaire classiques (figure 9.1).

B. Bilan secondaire

Le « bilan secondaire » apportera des précisions sur les possibilités thérapeutiques en fonction du contexte psychique et somatique (figure 9.1).
Une consultation sexologique et/ou psychologique sera envisagée, au niveau individuel mais aussi au niveau conjugal.
 
Une épreuve pharmacologique sera réalisée par une injection intracaverneuse de 5 à 20 µg de prostaglandine E1 (alprostadil) ou par une prise orale d’inhibiteur de la phosphodiestérase 5 (IPDE5). Il teste la réactivité des tissus érectiles à un puissant agent érectogène et apporte des éléments tant diagnostiques (un test négatif est en faveur de lésions vasculaires ou tissulaires sévères) que pronostiques (test négatif de mauvais pronostic) et étiologiques (test positif en faveur d’une origine neurologique et/ou psychogène). Mais il existe des faux négatifs (stress) et des faux positifs (causes endocriniennes et neurologiques).

C. Bilan approfondi

Dans certains cas, d’autres examens complémentaires seront demandés par le médecin spécialiste des troubles de l’érection dans le cadre du « bilan approfondi », toujours dans l’optique de préciser le mécanisme ou l’étiologie d’un trouble érectile avec une perspective d’impact thérapeutique orienté par son résultat (figure 9.1).
 
L’érectométrie nocturne distinguera les causes psychogènes et organiques de dysfonctionnement érectile (un test positif exclut une lésion vasculo-nerveuse significative) ; en pratique, cet examen est quasiment abandonné car il n’est d’aucune valeur sans EEG simultané qui confirme des phases de sommeil normales.
 
Un Doppler pénien explorera la composante vasculaire artérielle, avant puis après injection intracaverneuse qui, après avoir provoqué une érection, permettra de détecter une éventuelle fuite veineuse.
 
Les tests électrophysiologiques préciseront le caractère neurogène du trouble et son niveau lésionnel.

IV. Étiologie

Les causes sont résumées dans le tableau 9.1.
Les plus fréquentes sont les causes neurologiques par lésion traumatique des cordons médullaires, les lésions neurologiques dégénératives ou la chirurgie pelvienne (en particulier prostatique).
 
Les lésions vasculaires sont également fréquentes, conséquence de l’athérosclérose et/ ou des antihypertenseurs. Enfin, le diabète constitue une cause fréquente de dysfonctionnement érectile, par un mécanisme mixte neurogène et vasculaire (cf. infra).
 
Les causes endocriniennes représentent, selon les séries publiées, de 4 à 29 % des causes de trouble de l’érection, ce qui justifie leur dépistage systématique (cf. infra). La mise en évidence d’une étiologie n’est pas obligatoire pour mettre en oeuvre une stratégie thérapeutique symptomatique (cf. infra).
 
 

V. Aspects endocriniens des troubles de l’érection

A. Androgènes et trouble de l’érection

1. Androgènes, libido et fonction érectile

Les androgènes circulants exercent une influence importante sur la libido et l’intérêt sexuel, comme l’indiquent les observations faites chez des hommes hypogonadiques qui ont des troubles de la libido, réversibles sous traitement androgénique substitutif.
 
Les relations entre la fonction érectile et les androgènes circulants sont moins claires. La testostérone circulante joue un rôle par ses actions centrales bien démontrées chez le rongeur : l’aire préoptique de l’hypothalamus antérieur concentre les androgènes circulants qui modulent le tonus alpha 2-adrénergique central.
 
Les androgènes exercent aussi une action périphérique sur les motoneurones de la moelle et sur le ganglion pelvien, composé de fibres sympathiques et parasympathiques. Les androgènes modulent la synthèse neuronale de NO et de GMPc impliqués dans la réponse érectile. Cependant, les androgènes ne semblent pas indispensables dans le processus de l’érection. Les hommes hypogonadiques privés d’androgènes sont pourtant capables de développer une érection après un stimulus érotique visuel, ce qui indique que la testostérone agit plus sur la libido et le comportement érotique que sur l’érection elle-même.
 
L’andropause s’accompagne d’une incidence accrue de troubles de l’érection et d’une réduction des concentrations plasmatiques de testostérone, mais ces deux phénomènes semblent se développer de manière indépendante.
 
D’un point de vue physiologique, les érections spontanées (nocturnes ou au réveil) mesurées par érectométrie sont clairement androgénodépendantes, alors que les érections induites par une stimulation sexuelle visuelle ou auditive sont seulement partiellement androgénodépendantes.
En effet, une réponse érectile parfaitement normale peut être observée après sevrage androgénique prolongé d’un hypogonadique traité, mais la qualité des érections est cependant optimisée chez ces sujets par un traitement androgénique bien conduit.
 
Le seuil du taux de testostérone plasmatique, au-dessus duquel une libido normale est maintenue, est mal connu et probablement différent d’un sujet à l’autre. Il semble se situer autour de 3,5 ng/ml, alors que celui permettant des érections spontanées nocturnes serait plus bas, autour de 1,5 à 2 ng/ml.
 
L’obtention thérapeutique de taux plasmatiques de testostérone supérieurs à 4,5 ng/ml ne semble pas apporter d’amélioration sensible de l’activité sexuelle.

2. Hypogonadisme

Le diagnostic d’hypogonadisme acquis chez l’homme adulte est souvent difficile et repose sur l’évaluation clinique : outre les troubles de la sexualité, on recherchera une asthénie, une gynécomastie, une dépilation, une perte de la force musculaire, une adiposité androïde.
Les formes débutantes sont pauci-symptomatiques, voire asymptomatiques.
 
Le dosage de la testostérone plasmatique totale est l’examen de référence pour la recherche d’un hypogonadisme.
Ce dosage est essentiel devant un trouble de l’érection isolé et sans signes d’hypoandrisme car il permettra parfois le diagnostic de déficit androgénique, même si cette circonstance de révélation n’est pas la plus fréquente.
L’obtention d’un chiffre situé à la limite inférieure de la normale ou légèrement au-dessous amènera à répéter la mesure de testostérone totale à quelques semaines d’intervalle et à compléter éventuellement par la mesure de la testostérone biodisponible (testostérone libre + liée à l’albumine) ou du rapport testostérone totale/SHBG, et de la prolactine (cf. infra). En cas de déficit androgénique avéré, le dosage des gonadotrophines LH et FSH précisera son origine primitive ou secondaire (basse ou haute).
 
Le traitement androgénique corrigera les troubles de l’érection avec une efficacité optimale après 6 à 12 mois de traitement. Les modalités de l’androgénothérapie sont décrites dans le chapitre 8, item 120 « Ménopause et andropause ».

B. Prolactine et dysfonctionnement érectile

L’hyperprolactinémie chez l’homme peut induire un trouble de l’érection par le biais de l’hypogonadisme hypogonadotrope qu’elle induit. Outre les troubles érectiles et de la libido, une galactorrhée peut révéler l’hyperprolactinémie — en fait très rare chez l’homme.
La découverte d’une hyperprolactinémie non médicamenteuse chez un homme souffrant d’un trouble de l’érection doit faire systématiquement :
  • rechercher une tumeur hypophysaire par IRM ;
  • étudier le champ visuel en cas de tumeur envahissant la région supra-sellaire (hémianopsie bitemporale) (cf. item 242 au chapitre 19 « Adénome hypophysaire ») ;
  • évaluer les autres fonctions antéhypophysaires (dosages de T4L, cortisol, IGF-1, testostérone) pour apprécier le retentissement fonctionnel de la tumeur.
L’élévation de la prolactine s’accompagne souvent d’un abaissement du taux plasmatique de testostérone et de LH, traduction biologique de l’hypogonadisme hypogonadotrope secondaire à l’hyperprolactinémie. Le mécanisme des troubles érectiles est principalement l’hypogonadisme, mais une action de la prolactine sur le système nerveux central et sur les corps caverneux péniens serait également impliquée.
 
Les troubles de l’érection sont généralement corrigés par l’utilisation des agonistes dopaminergiques, qui normalisent la prolactine et la testostérone plasmatiques, excepté pour les macroadénomes hypophysaires au cours desquels persiste parfois un déficit androgénique par lésion des cellules gonadotropes (cf. item 242 au chapitre 19 « Adénome hypophysaire »).

C. Diabète et dysfonctionnement érectile

1. Épidémiologie

Le diabète sucré est la première cause organique de dysfonctionnement érectile. Les troubles de la sexualité sont fréquents chez l’homme diabétique, de 20 à 67 % selon les études et le type de diabète (type 1 ou type 2) : la prévalence du trouble de l’érection serait plus élevée dans le diabète de type 2 que dans le diabète de type 1. Les troubles de l’érection sont trois à quatre fois plus fréquents et sous-tendus par des atteintes trois fois plus sévères chez le diabétique par comparaison à une population non diabétique de même âge.
Les facteurs augmentant leur prévalence sont :
  • un diabète mal équilibré ;
  • la présence de complications dégénératives, en particulier la rétinopathie (prévalence multipliée par 6,5) ;
  • l’âge (prévalence de 6 % dans la troisième décennie, jusqu’à 52 % dans la sixième décennie chez le diabétique de type 1) ;
  • l’ancienneté du diabète (prévalence de 50 % après 10 ans de diabète).
D’autres facteurs non spécifiques comme l’hypercholestérolémie, les affections cardiaques, l’hyperviscosité, l’HTA, la prise d’antihypertenseurs, de tabac ou d’alcool augmentent leur prévalence. L’existence d’une neuropathie autonome est fortement associée aux troubles de l’érection. Ceux-ci ont des conséquences délétères prouvées sur la qualité de vie du diabétique et sur sa relation de couple. Ils augmentent la prévalence des états dépressifs, souvent sousévalués chez le diabétique.

2. Physiopathologie et étiologie

La physiopathologie des troubles de l’érection du diabète est complexe : la neuropathie autonome des corps caverneux et la microangiopathie induisent toutes deux un défaut de relaxation musculaire lisse médiée par le NO et liée à la dysfonction endothéliale. La macroangiopathie induit une ischémie chronique des organes érectiles qui peut se compliquer d’une dégénérescence fibreuse. Le trouble de l’érection est souvent multifactoriel chez le patient diabétique ; parmi ces facteurs figurent l’âge et les comorbidités. Ils ont une action aggravante synergique (et pas simplement additive).
Le diabétique est à haut risque de trouble de l’érection :
  • en fonction de son âge et de la durée du diabète ;
  • parce qu’il cumule les facteurs de risque cardiovasculaire classiques qui sont tous des facteurs de risque de troubles de l’érection ;
  • parce qu’il est atteint d’une maladie chronique.
Les facteurs psychogènes, conséquence de la maladie chronique, et les facteurs environnementaux (familiaux, conjugaux, professionnels, etc.) sont souvent étroitement intriqués, voire prédominants, et il faudra se garder du schéma simpliste et par trop répandu « diabète = impuissance », souvent considéré par le patient ou par son médecin comme une fatalité de cette maladie chronique.
 
L’hypogonadisme est plus fréquent chez le diabétique que dans la population générale, avec une prévalence de 10 à 20 % selon les études, 40 % des hypogonadiques étant d’ailleurs asymptomatiques malgré une testostérone plasmatique abaissée. Cette prévalence est multipliée par 2 après 50 ans (versus avant 50 ans).
La prévalence élevée de l’hypogonadisme justifie la mesure systématique de la testostérone plasmatique chez tout patient diabétique souffrant d’un trouble de l’érection.

3. Clinique

Le trouble de l’érection peut être le premier symptôme révélateur d’un diabète méconnu. Tout trouble de l’érection après 40 ans justifie le dépistage d’un diabète par mesure de la glycémie à jeun. L’enquête clinique recherchera particulièrement, chez un diabétique souffrant d’un trouble de l’érection, un trouble endocrinien, plus fréquent dans ce contexte, une maladie vasculaire, une neuropathie, un médicament iatrogène, un état dépressif.
 
Un trouble de l’érection doit être considéré comme un marqueur de risque vasculaire (reflet direct ou indirect d’un dysfonctionnement endothélial) et doit, après 40 ans, être considéré comme un symptôme cardiovasculaire (jusqu’à preuve du contraire).
 
Un trouble de l’érection est aujourd’hui considéré comme un facteur de risque d’ischémie myocardique silencieuse à lui seul et sa présence justifie un dépistage par un test d’effort.

4. Thérapeutiques

La prise en charge des troubles de l’érection du diabétique est difficile et implique dans tous les cas l’optimisation de l’équilibre glycémique. Ces mesures ne sont cependant pas suffisantes pour restaurer une fonction érectile satisfaisante. Les traitements pharmacologiques tels que les inhibiteurs des phosphodiestérases de type 5 sont largement utilisés chez le diabétique.
Leur efficacité est moindre chez le diabétique que chez le non-diabétique, avec un taux de satisfaction d’environ 56 à 69 % chez le diabétique (contre 10 à 25 % avec le placebo), ce qui implique souvent un recours secondaire aux injections intracaverneuses.
 
Les traitements injectables de deuxième intention sont d’ailleurs le plus souvent utilisés par les patients diabétiques, notamment du fait de leur remboursement comme « médicaments d’exception » chez le seul patient diabétique.
 
La prévention des troubles de l’érection doit être réalisée par une information non alarmiste du patient diabétique et du couple sur les effets possibles du diabète sur la sexualité et les traitements possibles. Les recommandations de l’HAS (2007) précisent la nécessité d’un dépistage annuel des signes de neuropathie autonome, dont le trouble de l’érection fait partie, chez le patient diabétique.

VI. Prise en charge thérapeutique d’un trouble de l’érection

Le traitement étiologique d’un trouble de l’érection n’est possible que dans un nombre réduit de cas. Il s’agit essentiellement :
  • des troubles psychogènes purs (psychothérapie individuelle ou de couple, psychotropes) ;
  • d’une étiologie chirurgicalement curable (pathologie artérielle traumatique) ;
  • d’une cause endocrinienne.
Le plus souvent, le trouble de l’érection résulte de facteurs de risque multiples et associés, justifiant leur prise en charge spécifique (modification d’un traitement antihypertenseur, optimisation glycémique, arrêt du tabac, prise en charge psycho-sexologique, etc.).
Nous aborderons ici la prise en charge d’un trouble endocrinien à l’origine d’un trouble de l’érection et les traitements pharmacologiques.

A. Prise en charge d’un trouble endocrinien

Un hypogonadisme sera substitué par des androgènes administrés par voie orale ou, mieux, par voie intramusculaire ou transdermique. Précisons que seuls les patients atteints d’un hypogonadisme biologiquement prouvé relèveront sans équivoque d’une substitution androgénique.
 
Il s’agit de patients souffrant d’une baisse de la libido associée au trouble de l’érection et d’une testostéronémie basse (testostérone totale < 3 ng/ml).
 
En revanche, le niveau de preuve de l’efficacité d’un traitement androgénique pour un trouble de l’érection isolé sans hypogonadisme avéré (testostérone libre isolément abaissée et/ou testostérone normale ou discrètement abaissée) reste faible.
 
Le traitement androgénique est contre-indiqué en cas de nodule prostatique palpable, de PSA > 3 ng/ml ou de signes compressifs urologiques, et sa mise en place nécessitera une surveillance clinique régulière du volume prostatique et des PSA. Une surveillance du bilan hépatique et de l’hématocrite devra aussi être réalisée. Les modalités du traitement androgénique sont détaillées dans l’item 120 au chapitre 8 « Ménopause et andropause ».
 
L’hypogonadisme secondaire à une hyperprolactinémie sera corrigé le plus souvent grâce au traitement par agoniste dopaminergique (bromocriptine, quinagolide, cabergoline).

B. Traitements pharmacologiques d’un trouble de l’érection

La prise en charge thérapeutique d’un trouble de l’érection nécessite toujours celle des facteurs de risque du trouble de l’érection (HTA, diabète, dépression, etc.) qui doit précéder ou accompagner l’utilisation d’un traitement pharmacologique du trouble de l’érection.
 
L’obtention chez un diabétique d’une HbA1c < 7 % fait partie des cibles thérapeutiques prioritaires, mais aucune étude n’a démontré que l’obtention d’un tel objectif glycémique réduisait la prévalence des troubles de l’érection chez le diabétique. La prise en charge psycho-sexologique est un adjuvant thérapeutique important, même si aucune étude clinique n’a démontré une réduction de la prévalence des troubles de l’érection avec sa mise en oeuvre.
 
Le traitement pharmacologique de première intention sera le traitement oral par les inhibiteurs des phosphodiestérases de type 5 (IPDE5). Ces molécules bloquent la dégradation enzymatique du GMPc dans les corps caverneux et induisent une relaxation des fibres musculaires lisses et une vasodilatation pénienne. Elles ont prouvé leur efficacité dans l’amélioration des troubles de l’érection chez le non-diabétique comme chez le diabétique à condition d’une nécessaire stimulation sexuelle préalable. Leurs caractéristiques sont résumées dans le tableau 9.2.
 
Les études cliniques n’ont pas montré d’aggravation d’une coronaropathie par les IPDE5, mais l’usage d’un dérivé nitré par un patient porteur d’un trouble de l’érection contre-indique formellement les IPDE5 (risque d’hypotension artérielle majeure).
En cas d’intolérance ou de contre-indication aux IPDE5, d’autres molécules orales pourront être utilisées, telles que l’apomorphine la yohimbine (tableau 9.2), mais celles-ci sont très peu efficaces.
 
 
L’ensemble de ces traitements pharmacologiques oraux connaît malheureusement un taux d’abandon important, notamment en raison de leur non-remboursement par les caisses d’assurance maladie.
 
Le dispositif vacuum est une alternative intéressante en seconde intention, peu coûteuse et efficace, mais sa diffusion se heurte aux résistances psychologiques du patient ou de sa partenaire.
 
Les drogues vasoactives, administrées par voie intracaverneuse, seront utilisées en seconde intention après échec des traitements oraux. Elles fournissent un taux de succès élevé mais s’accompagnent d’effets indésirables parfois handicapants (tableau 9.2) et d’un taux d’abandon pouvant atteindre 68 % dans les 3 mois après leur introduction. Elles sont remboursées par les caisses dans certaines circonstances précises (neuropathie diabétique, séquelles de chirurgie ou de radiothérapie pelvienne, paraplégie ou tétraplégie, traumatisme du bassin avec troubles urinaires, sclérose en plaques).
 
Les prothèses péniennes posées chirurgicalement constituent une solution de dernière intention lorsque toutes les autres thérapeutiques ont échoué. Il s’agit de prothèses soit rigides, soit expansibles. Elles apportent l’indice de satisfaction le plus élevé parmi les traitements du trouble de l’érection et une solution définitive au trouble de l’érection. Elles peuvent engendrer des complications aiguës ou chroniques, de type infectieux ou par défaillance mécanique. Le diabète ne constitue pas une contre-indication à leur mise en place si l’équilibre glycémique est satisfaisant, mais le risque de complication infectieuse est plus élevé pour un diabétique que pour un non-diabétique. L’indication d’une prothèse pénienne ne peut être posée que par un chirurgien spécialisé dans la prise en charge des troubles de l’érection.
 
 
POINTS CLES
 
  • Les troubles de l’érection s’associent souvent à des facteurs de risque multiples et intriqués, tels que l’âge, les comorbidités (affections cardiovasculaires, diabète, HTA, dyslipidémies), les états anxiodépressifs, le tabac et l’alcool.
  • L’anamnèse du trouble de l’érection, l’interrogatoire précisant l’histoire médicale, sexuelle psychologique et relationnelle du patient ainsi qu’un examen clinique soigneux permettront d’évaluer la sévérité du trouble de l’érection et d’orienter la thérapeutique en fonction d’une cause psychogène, vasculaire, neurologique ou endocrinienne du trouble de l’érection.
  • Le bilan initial évaluera les paramètres métaboliques et hormonaux, le bilan secondaire la composante psycho-sexologique individuelle et de couple, le risque cardiovasculaire et les capacités érectiles par une injection intracaverneuse.
  • Le diabète et l’hypogonadisme constituent les principales causes endocriniennes d’un trouble de l’érection et doivent être recherchés systématiquement après 50 ans.
  • Le traitement pharmacologique de première ligne utilise les inhibiteurs des phosphodiestérases de type 5 par voie orale et, en cas d’échec, les drogues vasoactives par voie intracaverneuse.
 
Pour en savoir plus
Prise en charge diagnostique des neuropathies périphériques (polyneuropathies et mononeuropathies multiples). HAS, mai 2007.