Poly2016-Item 215 – UE 7 Pathologie du fer chez l’adulte et l’enfant : hémochromatose
Objectifs pédagogiques
Diagnostiquer (une carence ou) une surcharge en fer.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
I. Définition
L’hémochromatose primitive ou héréditaire est une maladie génétique conduisant à une surcharge en fer. Il s’agit de la maladie génétique la plus fréquente dans la population blanche.
Sa prévalence est de 3 à 5 pour 1 000 personnes, mais la pénétrance de la mutation principale, touchant le gène HFE (C282Y), est faible et variable.
Non traitée, elle s’accompagne fréquemment d’une atteinte endocrinienne, notamment d’un diabète, liée à la cytotoxicité du fer stocké en excès. La morbidité de la mutation n’est pas réellement évaluée au plan épidémiologique, mais les formes sévères peuvent conduire à une cirrhose et à une augmentation de la mortalité.
L’hémochromatose primitive doit être distinguée des nombreuses autres causes de surcharge en fer (tableau 12.1).


II. Physiopathologie
A. Rappel sur le métabolisme du fer
Du fait de sa capacité à échanger des électrons en situation aérobie, le fer est indispensable au fonctionnement cellulaire, notamment à la synthèse de l’ADN, à la respiration cellulaire et au transport de l’oxygène. L’excès de fer conduit, cependant, à des dommages tissulaires en catalysant la conversion du peroxyde d’hydrogène en radicaux libres susceptibles d’attaquer les membranes cellulaires, les protéines et l’ADN.
Le stock normal de fer est de 35–45 mg/kg chez l’homme, un peu inférieur chez la femme avant la ménopause (environ 35 mg/kg). La majorité du fer est incorporé dans l’hémoglobine (60 %), tandis que 10 à 15 % sont retrouvés dans la myoglobine musculaire et les cytochromes 10 %). Le fer circulant, lié à la transferrine, ne représente qu’une faible proportion (1 %). Le foie (1 000 mg) et les macrophages du tissu réticulo-endothélial constituent les principaux sites de stockage du fer.
1. Dans les conditions physiologiques
De 1 à 2 mg de fer sont éliminés chaque jour par la transpiration et la desquamation des cellules cutanées et intestinales ou, chez la femme, pendant les règles (figure 12.1a). Cette perte est compensée par l’apport alimentaire. L’absorption intestinale du fer s’effectue au niveau du duodénum. Le fer alimentaire, réduit à l’état ferreux, est capté au pôle apical de l’entérocyte puis internalisé grâce au DMT1 (Divalent Metal Transporter 1). Il peut alors être stocké dans l’entérocyte sous forme de ferritine ou être relargué dans la circulation au pôle basolatéral grâce à la ferroportine. Dans le sang, le fer circule lié à la transferrine. Le complexe est capté par les cellules utilisatrices, en particulier l’hépatocyte, grâce aux récepteurs de la transferrine (TRF1 et TRF2) et s’accumule dans les cellules sous forme de ferritine. Les macrophages récupèrent le fer ferrique des érythrocytes vieillissants et le refixent sur la transferrine pour une distribution aux tissus.
Il n’y a pas de régulation de l’élimination du fer : c’est donc son absorption intestinale qui conditionne le stockage du fer dans l’organisme et explique qu’une dysrégulation de l’absorption puisse conduire à une surcharge en fer.
L’expression des transporteurs (DMT1 et ferroportine) dépend des stocks de fer intracellulaire.
L’hepcidine, peptide de 25 acides aminés synthétisé par le foie, est l’hormone de régulation de l’absorption du fer. Elle agit sur la ferroportine pour inhiber le transport du fer, entraînant une diminution de son absorption et une augmentation de sa rétention dans les macrophages et les cellules de Kupffer. La synthèse de l’hepcidine diminue lorsque les besoins en fer augmentent.


2. Dans l’hémochromatose primitive
L’expression des transporteurs DMT1 et ferroportine est augmentée de manière inappropriée, ce qui conduit à une absorption de fer supérieure aux pertes journalières et à son accumulation progressive dans l’organisme (figure 12.1b).
L’hepcidine est effondrée, d’où une majoration du transport en fer ; le mécanisme par lequel les protéines impliquées dans la survenue d’une hémochromatose régulent l’expression de l’hepcidine est mal connu. Le rôle important de l’hepcidine est souligné par le fait que, chez les souris transgéniques présentant une hémochromatose, une surexpression de l’hepcidine prévient la survenue de la surcharge en fer.
En cas d’inflammation, la synthèse de l’hepcidine est augmentée.
De ce fait, dans les anémies inflammatoires, il existe une diminution de l’absorption du fer et une rétention élevée dans le système macrophagique.
B. Aspects génétiques
On sait depuis 1996 que la forme classique de l’hémochromatose primitive, représentant plus de 95 % des cas, est liée au gène HFE (tableau 12.2). Il code une protéine du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I, HLA3. Deux mutations ponctuelles, C282Y et H63D, ont été identifiées.
La mutation C282Y (Cys 282 Tyr : remplacement, en position 282, d’une cystéine par une tyrosine) est la plus fortement associée à l’hémochromatose. En France, 90 % des patients porteurs d’une hémochromatose sont homozygotes pour la mutation C282Y (hémochromatose de type 1).
La transmission s’effectue sur un mode autosomique récessif mais la pénétrance est incomplète et l’expressivité variable.
L’hétérozygotie simplex C282Y n’a pas d’expression clinique.
La seconde mutation H63D du gène HFE (His 63 Asp : remplacement, en position 63, d’une histidine par un acide aspartique) n’est impliquée qu’en cas d’association à la précédente chez des patients hétérozygotes composites C282Y/H63D.
D’autres mutations touchant d’autres gènes ont également été identifiées ; elles sont exceptionnelles (tableau 12.2).


III. Manifestations cliniques
Le fer s’accumule progressivement dans le foie, le coeur et les tissus endocrines. Les premiers symptômes sont observés entre 40 et 50 ans chez l’homme. Chez la femme, l’accumulation du fer est retardée par les menstruations et la maladie ne devient généralement patente qu’après la ménopause. Les facteurs de variabilité de l’expression de la maladie sont, outre le sexe, les facteurs génétiques, qui conditionnent le degré de surcharge en fer, et les facteurs d’environnement (rôle aggravant d’une hépatopathie préexistante ou d’un alcoolisme chronique associé). La pénétrance clinique de l’homozygotie C282Y étant très faible, un pourcentage élevé de patients n’aura aucune expression phénotypique de la maladie. En pratique, il est impossible de prédire quels sujets homozygotes pour la mutation C282Y évolueront vers une hémochromatose symptomatique.
Dans sa forme historique, symptomatique, le tableau clinique de l’hémochromatose associe une mélanodermie diffuse (figure 12.2), un diabète sucré, une hépatomégalie (ou « cirrhose bronzée » avec diabète), une cardiomyopathie, des arthralgies et d’autres endocrinopathies (tableau 12.3).
À l’heure actuelle, le diagnostic est le plus souvent effectué à un stade plus précoce voire à un stade présymptomatique ; l’enjeu est alors de prévenir la survenue des complications. En effet, en l’absence de cirrhose ou de diabète, la maladie n’entraîne pas de réduction significative de l’espérance de vie. La fréquence respective des signes et symptômes présents au moment du diagnostic clinique est donnée dans le tableau 12.3. L’association d’une asthénie inexpliquée, d’arthralgies et d’une élévation des aminotransférases ALAT est considérée comme évocatrice— c’est la règle des trois « A ».




A. Atteinte hépatique
Une élévation des enzymes hépatiques, prédominant sur les ALAT, et/ou une hépatomégalie sont observées chez 95 % des patients symptomatiques. Les transaminases sont habituellement à deux fois la limite supérieure de la normale. L’évolution vers une cirrhose et ses complications explique 90 % des décès dus à l’hémochromatose. Les patients cirrhotiques, porteurs d’une hémochromatose, ont un risque de carcinome hépatocellulaire de 5 % par an.
B. Atteinte cardiaque
L’hémochromatose s’accompagne d’un risque de cardiopathie dilatée, de troubles du rythme, à type notamment de fibrillation auriculaire. La sévérité de l’atteinte myocardique n’est pas corrélée à celle des autres organes. L’atteinte cardiaque peut être responsable d’une mort subite.
C. Atteinte endocrinienne
1. Diabète (+++)
L’hémochromatose peut être responsable d’un diabète, retrouvé chez 25 % des patients dans une étude prospective récente. Le risque de diabète est d’autant plus important que le patient a déjà une atteinte hépatique. La présence d’un diabète témoigne d’une surcharge ferrique importante, et ces patients sont plus exposés au risque de cirrhose que les patients non diabétiques. Le mécanisme principal est une accumulation pancréatique du fer, conduisant à des phénomènes oxydatifs et favorisant la survenue d’une apoptose des cellules ? des îlots de Langerhans, les cellules ? responsables de la sécrétion de glucagon restant normales, comme la sécrétion exocrine. Il s’agit donc essentiellement d’un diabète lié à une insulinopénie ; mais la surcharge en fer pourrait également être responsable d’une insulinorésistance.
Il s’agit parfois d’un diabète instable difficile à traiter, devenant rapidement insulinorequérant et susceptible de complications micro- et macroangiopathiques. Une fois déclaré, le diabète évolue en effet pour son propre compte ; il n’y a pas de régression avec la déplétion martiale.
2. Hypogonadisme (+++)
C’est la cause la plus fréquente d’endocrinopathie au cours de l’hémochromatose, en dehors du diabète.
L’hypogonadisme peut se révéler par une impuissance chez l’homme, une aménorrhée chez la femme, une perte de la libido ou une ostéoporose. Il s’agit d’une insuffisance gonadotrope liée à une accumulation de fer dans l’hypophyse. Une atteinte gonadique primitive est exceptionnelle. Les saignées ne permettent pas d’obtenir une récupération.
3. Autres atteintes endocriniennes
En pratique, elle est exceptionnelle chez les patients avec mutation HFE.
D. Atteinte articulaire
L’arthropathie est fréquente, survenant chez un tiers à deux tiers des patients. L’atteinte la plus caractéristique est une arthrite chronique touchant les deuxième et troisième métacarpophalangiennes, responsable d’une « poignée de main douloureuse ». Les interphalangiennes proximales, les poignets, les genoux, les chevilles, les épaules et les hanches peuvent aussi être affectés. Le mécanisme en est mal connu.
L’hémochromatose est une cause importante de chrondocalcinose (+++).
E. Atteinte cutanée
La mélanodermie (figure 12.2) survient tardivement au cours de l’évolution, conduisant à une coloration grisâtre ou brune des téguments, parfois limitée aux zones découvertes (visage, cou, dos des mains, avant-bras, partie inférieure des jambes) et aux parties génitales. Elle est souvent visible sur la muqueuse buccale. Il peut s’y associer une atrophie cutanée, une perte des cheveux et des ongles cassants.
F. Autres signes
Les autres signes non spécifiques peuvent être la fatigue, la dépression, des douleurs abdominales, une perte de poids.
IV. Diagnostic de l’hémochromatose
La découverte du gène HFE a profondément modifié la stratégie diagnostique. Il faut cependant se rappeler que la mutation C282Y à l’état homozygote n’est pas suffisante pour produire la maladie.
On doit différencier deux situations :
- la suspicion d’hémochromatose devant des manifestations cliniques ou paracliniques ;
- le dépistage familial chez un patient asymptomatique, apparenté au 1er degré à un sujet génétiquement atteint.
A. Suspicion d’hémochromatose
Le diagnostic est souvent évoqué devant :
- des manifestations cliniques peu spécifiques : asthénie, perte de poids, douleurs articulaires, douleurs abdominales, diminution de la libido, myocardiopathie atypique ;
- des manifestations biologiques : élévation des marqueurs sériques du fer, élévation des transaminases, hyperglycémie ou diabète « de type 2 » ;
- des anomalies morphologiques : hépatomégalie, ostéoporose.
La stratégie diagnostique est schématisée sur la figure 12.3.


1. Première étape
La première étape consiste à affirmer biochimiquement l’anomalie du métabolisme du fer. Il faut mesurer le coefficient de saturation de la transferrine (CS-Tf), qui constitue le marqueur le plus sensible et spécifique de la maladie (+++). Pour un seuil fixé à 45 %, sa sensibilité pour dépister une hémochromatose primitive est de 81 % chez l’homme et de 48 % chez la femme, et sa spécificité est de 94 % et 97 %, respectivement.
Le dosage de la concentration plasmatique de la ferritine permet d’estimer les réserves en fer de l’organisme. Une valeur supérieure à 300 ?g/l chez l’homme et à 200 ?g/l chez la femme est en faveur d’une surcharge en fer, mais de fausses augmentations sont observées au cours des pathologies inflammatoires. Par ailleurs, au cours de l’hémochromatose, la ferritinémie n’augmente que tardivement lorsque survient la surcharge hépatique en fer. Son dosage permet d’apprécier le stade évolutif de la maladie (+++). Le risque de cirrhose serait nul tant que la ferritinémie est inférieure à 1 000 ?g/l et que les transaminases sont normales.
– CS-Tf supérieur à 45 % À cette condition, la suspicion d’hémochromatose primitive est forte. L’élévation de la ferritinémie renforce cette présomption mais sa normalité n’élimine pas le diagnostic (+++).
– CS-Tf inférieur à 45 % À cette condition, l’hémochromatose primitive peut être éliminée. La constatation fréquente d’une ferritinémie élevée associée à un CS-Tf bas doit faire évoquer une autre cause de surcharge en fer (tableau 12.1), en particulier :
- l’hépatosidérose dysmétabolique, ou NASH (Non Alcoholic Steatosis Hepatitis), observée au cours des syndromes d’insulinorésistance, associant une élévation des ALAT, des ?-GT et de la ferritinémie à un foie stéatosique à l’échographie : il s’agit d’une cause fréquente de surcharge en fer, susceptible d’évolution vers la fibrose hépatique, qui tire bénéfice de la prise en charge de l’insulinorésistance et éventuellement d’une déplétion martiale ;
- l’acéruléoplasminémie héréditaire, qui peut s’accompagner d’un diabète et d’une surcharge hépatique en fer, avec des signes neurologiques (syndrome extrapyramidal, ataxie, démence) n’existant pas dans l’hémochromatose : il s’agit d’une affection rare liée à un déficit de l’activité céruloplasmine ferroxidase (la céruloplasminémie est indétectable) ;
- la surcharge hépatique en fer par mutation du gène de la ferroportine 1 : il s’agit d’une maladie exceptionnelle, décrite récemment, de transmission dominante avec surcharge en fer macrophagique ; la réponse au traitement par déplétion martiale est faible ou nulle (tableau 12.2).
2. Deuxième étape
La deuxième étape consiste à rechercher une mutation C282Y ou H63D du gène HFE, par analyse génétique, après consentement écrit du patient.
– Patient homozygote C282Y ou hétérozygote composite
Si le patient est homozygote C282Y +/+ ou hétérozygote composite C282Y/H63D, le diagnostic d’hémochromatose est acquis (HFE1). La ferritinémie permet d’estimer la surcharge ferrique et d’orienter la prise en charge (tableau 12.4).


Lorsque la ferritinémie est élevée, il existe un risque de retentissement viscéral et métabolique :
- il est indispensable de pratiquer des examens complémentaires : glycémie à jeun, dosage des transaminases, échographie abdominale, ECG et, en fonction du contexte clinique, radiographies articulaires, échographie cardiaque, bilan hormonal avec dosage de testostérone chez l’homme, ostéodensitométrie osseuse s’il existe des cofacteurs d’ostéoporose ;
- en fonction des résultats, il sera nécessaire de confier le patient à un spécialiste. Le recours au spécialiste est systématique si la ferritine est supérieure à 1 000 ?g/l, pour discuter la réalisation d’examens complémentaires (mesure de la surcharge hépatique en fer par IRM quantitative). La ponction-biopsie hépatique n’est pratiquée qu’en cas de suspicion de fibrose et pour rechercher des signes de gravité (cirrhose, cancer hépatocellulaire).
– Patient hétérozygote simplex ou absence de mutation
Si la recherche de mutation est négative ou si le patient est hétérozygote simplex pour C282Y ou H63D, il faut être très critique vis-à-vis du diagnostic d’hémochromatose.
Il faut se souvenir qu’une élévation du CS-Tf n’est pas totalement spécifique de l’hémochromatose (tableau 12.5). Il faut donc toujours confronter les données clinicobiologiques.


Si le contexte est très évocateur et qu’il existe une élévation persistante de la ferritinémie, on évoquera une autre forme d’hémochromatose héréditaire (hémochromatose juvénile, mutation du gène du récepteur de la transferrine, tableau 12.2), à rechercher par des tests génétiques de seconde intention. En pareil cas, on proposera le plus souvent une ponction-biopsie hépatique qui pourra donner des arguments en faveur d’une probable hémochromatose héréditaire (index de surcharge ferrique, distribution hépatocytaire du fer).
Place de la biopsie hépatique
La biopsie hépatique, autrefois couramment utilisée pour le diagnostic, n’est donc utilisée actuellement que :
- soit à visée diagnostique, en cas d’anomalie ferrique avec enquête génétique négative ;
- soit à visée pronostique, en cas de suspicion d’atteinte hépatique sévère.
B. Dépistage familial
Le dépistage est proposé de manière systématique chez les apparentés du premier degré.
Compte tenu du caractère généralement tardif des manifestations cliniques, il est réalisé chez le jeune adulte. Un bilan martial perturbé conduit d’emblée à la réalisation d’un test génétique pour confirmer le diagnostic.
La normalité du bilan martial n’exclut pas le diagnostic. On peut proposer :
- une surveillance régulière du bilan martial ;
- un dépistage génétique qui, dans le cadre de la loi sur le dépistage des apparentés sains de patients porteurs de maladie génétique, sera réalisé avec l’aide du patient, chargé d’informer les apparentés et après accord de ces derniers, par un généticien ou un spécialiste oeuvrant dans le cadre d’un réseau spécialisé. Le dépistage permettra d’interrompre toute surveillance chez les sujets indemnes de la mutation et leurs descendants. Chez les sujets atteints, le diagnostic sera ainsi posé à un stade totalement asymptomatique et conduira à la réalisation d’un bilan martial tous les 3 ans, en se souvenant que tous les sujets porteurs de la mutation ne présenteront pas la maladie (tableau 12.4).
V. Stades de l’hémochromatose primitive
On identifie cinq stades (+++) (tableau 12.6) :
- les stades 0 à 2 correspondent aux phases présymptomatiques de la maladie ;
- les stades 3 et 4 sont des stades symptomatiques avec retentissement métabolique ou viscéral.


VI. Prise en charge thérapeutique
La prise en charge, conditionnée par le stade de la maladie (tableau 12.6), a fait l’objet de recommandations de la HAS (tableau 12.7).
Le but du traitement est à la fois d’éliminer l’excès de fer (traitement d’induction ou d’attaque) et d’éviter la reconstitution des stocks de fer (traitement d’entretien).


A. Moyens thérapeutiques
1. Saignées
Les saignées constituent le traitement de référence. Elles ont démontré leur efficacité sur la survie des patients et la régression d’un certain nombre de complications liées à la surcharge martiale (tableau 12.8).
De plus, elles permettent d’éviter l’installation de complications irréversibles, si l’observance est satisfaisante.
Les contre-indications permanentes à la réalisation des saignées sont l’anémie sidéroblastique, la thalassémie majeure et les cardiopathies sévères non liées à l’hémochromatose.
Les contre-indications temporaires sont :
- l’hypotension (PAS < 100 mm Hg) ;
- une concentration d’hémoglobine < 11 g/dl ;
- la grossesse ;
- une artériopathie sévère des membres inférieurs ;
- une fréquence cardiaque < 50/min ou > 100/min.
Dans ces situations ou lorsque le réseau veineux insuffisant ne permet pas la réalisation des saignées, on pourra avoir recours à l’érythraphérèse ou au traitement chélateur.


2. Érythraphérèse
L’érythraphérèse permet, à l’aide d’un séparateur de cellules, de soustraire en une seule fois un volume plus important d’hématies que les saignées. Il s’agit d’une alternative séduisante, mais la technique est coûteuse et plus difficile à mettre en oeuvre techniquement.
De ce fait, les saignées restent à l’heure actuelle le traitement de première intention.
3. Traitement par chélation du fer
Le traitement par chélation du fer constitue une alternative de seconde intention dans les cas de contre-indication permanente ou temporaire ou de non-faisabilité des saignées. La déféroxamine (Desféral®) dispose d’une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de l’hémochromatose primitive. Compte tenu de son coût, de ses effets indésirables potentiels (réactions érythémateuses au point d’injection, manifestations allergiques locales ou générales), du mode d’administration (voie parentérale), elle est réservée aux formes non curables par saignées.
4. Autres
L’approche thérapeutique doit également comporter :
- des conseils diététiques visant à supprimer les boissons alcoolisées, notamment tant que la désaturation n’est pas obtenue, et à éviter l’apport en vitamine C qui favorise l’absorption du fer ; en revanche, un régime pauvre en fer n’est pas indiqué ;
- le traitement symptomatique des complications viscérales et métaboliques, lorsqu’elles sont présentes. Leur prise en charge n’est pas différente de celle des mêmes pathologies survenant chez des patients ne présentant pas d’hémochromatose.
En cours de diabète, le traitement repose sur la lutte contre l’insulinorésistance, essentiellement par la metformine et rapidement, après une utilisation temporaire de sulfamides, sur un traitement insulinique. La surveillance sur le taux de l’hémoglobine glyquée est faussée du fait des saignées (+++).
B. Stratégie thérapeutique
La relation entre intensité de la surcharge martiale, risque de survenue des complications (notamment diabète, cirrhose) et surrisque de mortalité est bien démontrée. De ce fait, il est recommandé d’entreprendre les saignées dès que la ferritinémie est supérieure à 300 µg/l chez l’homme et 200 µg/l chez la femme, c’est-à-dire pour les stades 2, 3 et 4 (tableaux 12.4 et 12.6).
Les stades 3 et 4 imposent aussi la prévention et le traitement éventuel des atteintes viscérales et métaboliques.
Les stades 0 et 1 ne requièrent aucun traitement
1. Traitement d’induction
Au cours du traitement d’induction, le rythme des saignées est hebdomadaire ; il peut être adapté au niveau de la ferritinémie et à la tolérance du patient. Le traitement d’induction doit être poursuivi jusqu’à ce que la ferritinémie soit < 50 µg/l. Le volume de sang prélevé varie avec le poids du sujet et ne doit pas dépasser 550 ml. La surveillance régulière vise surtout à contrôler l’évolution de la réduction de la surcharge martiale et à éviter la survenue d’une anémie.
Les saignées sont effectuées dans un environnement sécurisant, en présence d’un médecin, chez un patient bien informé.
2. Traitement d’entretien
Lorsque la ferritinémie est inférieure à 50 ?g/l, on passe au traitement d’entretien, dont l’objectif est de maintenir la ferritine au même taux, en espaçant les saignées tous les 2 à 4 mois en fonction des patients.
C. Résultats
La déplétion martiale entraîne une amélioration de l’état général, en 3 à 6 mois, avec atténuation de la mélanodermie, régression de l’hépatomégalie en l’absence de cirrhose et amélioration de l’état myocardique, mais elle entraîne peu de changement de l’état articulaire (tableau 12.8).
En cas de cirrhose évoluée, une transplantation hépatique peut être envisagée, mais le résultat de la transplantation est moins bon dans cette indication, du fait notamment des complications cardiaques.
Le diabète ne disparaît pas avec la déplétion martiale, qui facilite cependant son équilibration.
On observe une mauvaise réponse de l’insuffisance gonadique, qui doit être compensée par un traitement hormonal substitutif en l’absence de contre-indication.
D. Suivi
Il nécessite une prise en charge coordonnée, le plus souvent multidisciplinaire. Le médecin traitant est l’interlocuteur privilégié des spécialistes impliqués. Son rôle est particulièrement important pour la surveillance et le dépistage des complications. Il s’agit d’une maladie prise en charge à 100 % dans le cadre d’une ALD. La surveillance repose sur des bilans ferriques réguliers dans les stades 0 et 1, des contrôles de la ferritinémie et de l’hémoglobine dans les stades 2 à 4 (tableau 12.6).
Lorsqu’il existe des complications viscérales ou métaboliques, une surveillance étroite est nécessaire. Cela est tout particulièrement vrai pour le diabète dont le suivi n’est pas différent d’un diabète d’autre cause mais dont l’équilibre est souvent difficile à obtenir.
POINTS CLES
- La physiopathologie de l’hémochromatose a été éclaircie par la découverte de l’hepcidine, nouveau régulateur du métabolisme du fer. Néanmoins, de nombreuses inconnues persistent encore.
- La suspicion diagnostique existe dès que le coefficient de saturation de la transferrine est > 45 %.
- La forme génétique la plus fréquente est due à la mutation homozygote C282Y du gène HFE.
- La recherche de complications est systématique dès que la ferritine est élevée.
- Le traitement par saignées dès que la ferritine est élevée a pour but d’éviter les complications.
- Les principales complications sont le diabète, la cirrhose et le cancer du foie, l’hypogonadisme, les atteintes articulaires.
- Le dépistage génétique a radicalement modifié la stratégie diagnostique.