Poly2016-Item 245 – UE 8 Diabète sucré de types 1 et 2 de l’enfant et de l’adulte. Complications

Objectifs pédagogiques
Item 245
Diagnostiquer un diabète chez l’enfant et l’adulte.
Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
Argumenter l’attitude thérapeutique nutritionnelle et médicamenteuse et planifier le suivi du patient (voir item 326).
Décrire les principes de la prise en charge au long cours.
Reconnaître les signes d’une rétinopathie diabétique à l’examen du fond d’oeil.
Item 153
(…) Diagnostiquer et connaître les principes du traitement d’une infection osseuse sur pied diabétique.
 

Définition et diagnostic

D’après les recommandations de l’OMS :
  • glycémie à jeun normale < 1,10 g/l ;
  • hyperglycémie modérée à jeun si la glycémie > 1,10 g/l et < 1,26 g/l, seuil d’augmentation du risque vasculaire ;
  • diabète sucré si :
    • glycémie à jeun > 1,26 g/l (constatée à deux reprises), car seuil d’apparition de la microangiopathie diabétique (rétinopathie) dans de grandes cohortes ;
    • ou glycémie aléatoire > 2 g/l et signes cliniques d’hyperglycémie. 
Le diagnostic du diabète en utilisant l’HbA1c avec une valeur seuil de 6,5 % proposée par l’OMS en 2011 n’est pas recommandé en France.
Les conditions de diagnostic du diabète au cours de la grossesse (diabète gestationnel) sont particulières (cf. item 252 au chapitre 25).
 
Le diagnostic du diabète doit s’accompagner d’une annonce au patient.
Il ne convient pas de banaliser la situation d’« hyperglycémie modérée à jeun » car elle constitue un facteur de risque de diabète et de pathologie cardiovasculaire.
Le diabète est un syndrome et la découverte de cette anomalie doit être suivie de l’identification de sa cause chaque fois que cela est possible. La différenciation des diabètes de type 1 et 2 selon leurs caractéristiques propres est résumée dans le tableau 22.1.
Mais il existe de nombreuses autres causes de diabète résumées dans le tableau 22.2.
Une enquête étiologique est d’autant plus nécessaire que certaines étiologies ont des pronostics et/ou des traitements spécifiques.
 


Diabète de type 1

I. Épidémiologie

Il existe une notion de gradient décroissant de l’incidence du diabète de type 1, du nord vers le sud de l’Europe, avec une exception, la Sardaigne.
La prévalence en France est de 200 000 (soit 10 à 15 % des patients diabétiques).
L’incidence est de 7,8 pour 100 000 et par an.
Le diabète de type 1 survient habituellement avant 35 ans (pic à l’adolescence), mais peut survenir à tout âge.
L’augmentation de l’incidence de + 4 % par an, surtout avant l’âge de 5 ans, suggère l’implication de facteurs d’environnement propices sensibles aux changements de mode de vie.
Le sex-ratio est de 1.

II. Physiopathologie

Le diabète de type 1 est caractérisé par une carence absolue en insuline, due à la destruction des cellules bêta pancréatiques, dont le mécanisme le plus plausible est représenté par une réaction auto-immune spécifique d’organe à médiation cellulaire.
L’ancienne définition fondée sur des critères cliniques (diabète insulinodépendant, ou DID) n’est pas opératoire car certaines formes cliniques n’exigent pas un traitement par l’insuline.
Ainsi, le prédiabète de type 1, la phase de rémission et le diabète de type 1 lent, ou LADA (Latent Autoimmune Diabetes in Adult), sont d’authentiques diabètes de type 1 non « insulinodépendants ».
 
On distingue dans la classification de l’American Diabetes Association, qui fait référence, deux sous-types :
  • le diabète de type 1 auto-immun, le plus fréquent (il représente plus de 90 % des cas en Europe), incluant le type 1 lent (LADA) ;
  • le diabète de type 1 idiopathique (caractérisé par l’absence d’auto-anticorps) : il s’agit d’un cadre nosologique mal défini, incluant les diabètes cétosiques du sujet noir originaire d’Afrique subsaharienne et les diabètes suraigus japonais ou les diabètes de type 1 sans preuve immunologique mise en évidence (pour lesquels il est indispensable de rechercher des causes génétiques rares et/ou d’envisager le recours à des spécialistes).

A. Prédisposition génétique

Une prédisposition génétique est impliquée (tableau 22.3), même si dans 85 % des cas il n’existe pas d’antécédents familiaux de diabète de type 1.
 
Les principaux gènes de prédisposition appartiennent au complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Il s’agit de différents antigènes de classe II, appelés HLA (Human Leukocytes Antigens), HLA-DR3 et DR4, DQB1*0201 et DQB1*0302.
Il existe aussi des HLA protecteurs : HLA-DR2, DQB1*0602.
Le typage HLA dans le diabète de type 1 est rarement utile et doit être laissé à l’initiative de centres spécialisés.
 
En fait, il semble que la prédisposition au diabète de type 1 soit oligogénique, avec au moins une vingtaine de locus identifiés. Outre les gènes du CMH impliqués dans la prédisposition au diabète de type 1, il existe :
  • des éléments répétitifs de longueur variable (VNTR, Variable Number Tandem Repeats) à proximité du gène de l’insuline, qui peuvent être responsables d’une sous-expression de l’insuline au niveau des cellules épithéliales thymiques (entraînant un défaut de sélection négative de clones autoréactifs) ;
  • le gène codant la molécule CTLA-4, récepteur lié au phénomène d’immunomodulation des lymphocytes T ; 
  • et le PTP-N22, codant une tyrosine phosphatase qui module l’activation du récepteur T ; le lien avec cette mutation est retrouvé pour beaucoup de maladies auto-immunes.
Le gène codant l’Interferon-Induced with Helicase C domain 1 (IFIH1) a aussi été incriminé, ce qui suggère une susceptibilité à un mode particulier de réponse aux entérovirus.
Faut-il le rappeler, l’étude de ces gènes hors CMH n’a aucune utilité en pratique clinique.
 

B. Facteurs environnementaux

Leur existence est suggérée par le fait que 50 % des paires de jumeaux sont non concordantes pour le diabète de type 1 et que l’incidence du diabète de type 1, notamment en Europe, augmente à une vitesse plus rapide que celle d’une pathologie qui serait causée par une éventuelle sélection génique. 
De nombreux virus ont été incriminés, notamment des entérovirus (coxsackies, cytomégalovirus, virus de la rubéole, des oreillons), sans preuve formelle, d’autant que chez l’animal à risque de diabète certains virus peuvent être protecteurs et d’autres facilitateurs.
Quelques substances alimentaires (introduction trop précoce des protéines du lait de vache) ou toxiques ont aussi été suspectées ; mais là encore la preuve directe de leur implication dans le diabète commun manque. Le microbiote intestinal pourrait aussi jouer un rôle.
Il ne faut pas confondre ces facteurs environnementaux avec les facteurs précipitants du diagnostic (grippe, stress, etc.).
 
Une théorie hygiéniste voudrait enfin que notre environnement trop propre, trop protégé par les mesures d’hygiène et les vaccinations, empêche un développement normal du système immunitaire et favorise l’émergence de l’atopie et des maladies auto-immunes, dont le diabète.
Il en serait de même du développement de l’obésité qui pourrait, par la surdemande imposée aux cellules bêta par l’insulinorésistance périphérique, accélérer les mécanismes de destruction cellulaire — accentuation du stress du réticulum endoplasmique et suractivation de l’UPR (Unfolded Protein Response) conduisant à une réaction d’apoptose.

C. Processus auto-immuns

Les principaux auto-antigènes ciblés par la réponse immune sont :
  • l’insuline et la pro-insuline ;
  • la GAD (décarboxylase de l’acide glutamique) ;
  • IA-2 (Islet Antigen Number 2, apparenté à une tyrosine phosphatase).
Les ICA (Islet Cell Antibodies) sont des anticorps dirigés contre des antigènes insulaires révélés par immunofluorescence sur des coupes de pancréas humain. Pour des raisons méthodologiques (reproductibilité, standardisation), ils ont été supplantés par les anticorps dirigés contre des molécules chimiquement caractérisées (GAD, IA-2, insuline…).
Il existe des arguments pour suggérer que l’insuline puisse être le premier antigène impliqué (diabète explosif du modèle de souris NOD pro-insuline 2 knock-out n’exprimant plus le gène de l’insuline au niveau du thymus ; premier anticorps à être détectés dans la phase préclinique chez l’homme).
Un nouvel auto-anticorps a été identifié. Il s’agit de la molécule ZnT8, ou Slc30A8. Ce transporteur contrôle les mouvements du zinc, cation dont on connaît par ailleurs l’activité sur la stabilisation de la molécule d’insuline. Les anticorps dirigés contre ZnT8 sont retrouvés dans 60 à 80 % des cas de diabète de type 1, contre seulement 2 % chez les contrôles et 3 % dans le diabète de type 2. De surcroît, cette immunoréactivité est retrouvée chez environ un quart des patients souffrant de diabète de type 1 par ailleurs négatifs pour les auto-anticorps traditionnels.
Curieusement, des polymorphismes du gène codant cette molécule ont été associés au diabète de type 2.
Mais tous ces auto-anticorps paraissent être des témoins de la réponse immune plutôt que les agents responsables de la destruction des cellules bêta. Les mécanismes cellulaires sont vraisemblablement prédominants.
 
La lésion pancréatique est l’insulite (inflammation avec infiltration cellulaire de l’îlot de Langerhans), siège de la destruction des cellules bêta par les lymphocytes T (au phénotype CD8 essentiellement chez l’homme) mais aussi vraisemblablement par des cytokines macrophagiques.
L’implication des divers types d’immunocytes est encore relativement mal connue, sinon qu’il apparaît que plusieurs populations cellulaires concourent au mécanisme auto-immun : lymphocytes T CD4 et CD8, cellules T régulatrices, macrophages…
Au moins l’un des auto-anticorps témoins circulants suivants est détectable dans 97 % des cas au diagnostic (+++) :
  • les anticorps anti-îlots (ICA) ;
  • les anticorps anti-GAD ;
  • les anticorps anti-IA2 ;
  • les anticorps anti-insuline ;
  • les anticorps anti-ZnT8
Les auto-anticorps anti-insuline sont surtout observés chez les sujets âgés de moins de 15 ans. Les anticorps anti-GAD s’observent à tout âge et persistent pendant toute la durée de l’évolution.
Nous manquons encore de moyens standardisés et fiables pour explorer la réaction immune cellulaire dirigée contre des peptides insulaires.
La destruction des cellules bêta est un processus étalé dans le temps, avant et après l’apparition du diabète (cf. infra).
La fréquence des autres maladies auto-immunes associées (10 à 15 %) et/ou des anticorps spécifiques d’organes (30 %) fait entrer le diabète de type 1 dans le cadre des syndromes polyendocriniens auto-immuns (PEA-2 principalement). Les maladies auto-immunes spécifiques d’organe associées au diabète de type 1 sont essentiellement des thyroïdopathies (Basedow et thyroïdite), la maladie d’Addison, l’atrophie gastrique de Biermer, la maladie coeliaque et le vitiligo. Ces maladies peuvent être précédées d’une réaction humorale isolée comme le montre ce travail portant sur 28 671 patients allemands souffrant de diabète de type 1 (tableau 22.4).
 
La fréquence des associations avec d’autres maladies auto-immunes incite à informer les patients des risques qu’ils ont de développer ces affections en leur décrivant quelques signes d’alerte (par exemple, hypoglycémies récidivantes et fatigue pour la maladie d’Addison). Un dépistage systématique des marqueurs biologiques peut être envisagé pour les affections fréquentes et à début torpide et/ou pour des maladies potentiellement graves : 
  • anticorps anti-thyropéroxydase et/ou TSH pour la thyroïdite auto-immune ;
  • anticorps anti-surrénale (ou anticorps anti-21-hydroxylase) pour la maladie d’Addison ;
  • anticorps anti-transglutaminase ± anti-endomysium pour la maladie coeliaque ;
  • anticorps anti-paroi gastrique ± anti-facteur intrinsèque et/ou gastrinémie à jeun pour la maladie de Biermer.
En cas de positivité des anticorps, la surveillance annuelle des marqueurs hormonaux correspondants s’impose (TSH, ACTH/cortisol, gastrinémie…) pour permettre un diagnostic précoce de ces affections.
Les modèles animaux auto-immuns spontanés (souris NOD et leurs variants transgéniques, rat BB) ont été riches d’enseignements sur les mécanismes auto-immuns impliqués (rôle du thymus dans la sélection des clones autoréactifs, des cellules T régulatrices, de l’ambiance cytokinique, etc.), mais ils ont été décevants pour le choix de futures thérapeutiques curatrices.
Il y a tout lieu de penser qu’ils ne peuvent pas résumer la totalité des mécanismes impliqués dans le diabète humain, d’autant plus que ceux-ci pourraient varier d’un patient à l’autre.

III. Signes cliniques

A. Présentation clinique initiale habituelle

Les signes cliniques initiaux habituellement rencontrés sont les suivants :
  • début rapide ou explosif (quelques semaines) : « le coup de tonnerre dans un ciel calme » ;
  • syndrome cardinal (polyuro-polydypsie, amaigrissement, polyphagie) ; chez l’enfant, la manifestation d’alerte peut être une énurésie secondaire ;
  • troubles visuels transitoires (anomalies de la réfraction, constatées surtout dans les jours qui suivent la normalisation glycémique après introduction de l’insuline) ;
  • examen clinique pauvre : fonte musculaire (quadriceps), exceptionnelle hépatomégalie (syndrome de Mauriac), recherche de signes d’acidose (dyspnée de Kussmaul, odeur acétonique de l’haleine) ;
  • diagnostic par mesure de la glycémie veineuse (souvent franchement élevée) ; comme rappelé en introduction, en présence d’un syndrome cardinal, il n’est pas nécessaire de vérifier la glycémie à jeun pour poser le diagnostic lorsque la glycémie dépasse 2 g/l ;
  • autres éléments, tels que la glycosurie massive et surtout la cétonurie (+++) ;
  • révélation possible par une acidocétose inaugurale.
Il faut noter que cette forme de début très classique ne résume pas les modes d’entrée dans la maladie, tels que l’hyperglycémie de découverte fortuite, le diabète gestationnel ou le bilan familial, par exemple. En outre, l’augmentation de l’obésité dans les sociétés industrialisées fait que la maigreur peut être absente.

B. Formes du diabète de type 1

1. Formes particulières selon le mode de révélation

– Diabète de type 1 lent, ou LADA (Latent Autoimmune Diabetes in the Adult)
Le début est tardif et progressif, voisin de celui du type 2, mais les anticorps sont positifs (anti-GAD surtout) et le recours à l’insulinothérapie va s’avérer nécessaire en 2 à 10 ans. Le LADA représenterait jusqu’à 10 % des diabètes apparemment de type 2 (données de l’étude United Kingdom Prospective Diabetes Study, UKPDS) (++).
 
– Diabète révélé par une acidocétose
C’est une forme qui était surtout fréquente chez l’enfant. Elle faisait en général suite à une méconnaissance du syndrome cardinal par l’entourage et le médecin traitant. On ne devrait pratiquement plus l’observer depuis que les généralistes, les médecins scolaires et les pédiatres ont été sensibilisés à un diagnostic précoce du diabète de type 1.
 
– Formes non insulinodépendantes
Il peut s’agir d’un diagnostic préclinique à l’occasion d’une évaluation du risque au sein des fratries. Le dosage des anticorps anti-ICA, anti-GAD, anti-IA2, anti-ZnT8 et anti-insuline permet de quantifier le risque présenté par ces populations encore indemnes. Par exemple, la présence de trois auto-anticorps positifs confère un risque proche de 100 % de développer un diabète dans les 5 ans (++). L’analyse des groupes HLA est d’un moindre intérêt du fait de la fréquence des antigènes de susceptibilité dans la population générale — en revanche, l’identification de gènes protecteurs aurait plus d’intérêt pour le calcul du risque. Cette démarche de dépistage est réservée à des centres de recherche car actuellement aucune immunomodulation préventive ne s’est avérée efficace pour empêcher l’apparition du diabète (immunosuppresseurs, insulinothérapie sous-cutanée ou orale, nicotinamide, vaccination BCG, etc.). Une intervention préventive ne peut donc se concevoir que dans le cadre d’un protocole expérimental reconnu.
 
– La « rémission » ou la « lune de miel » du diabète de type 1 est une période qui peut survenir à la suite du diagnostic d’un diabète de type 1 typique après une insulinothérapie intensive. Il est dans ce cas possible d’équilibrer les glycémies avec de très faibles doses d’insuline, voire d’arrêter transitoirement ce traitement. Cette période, qui peut durer quelques mois, traduit la persistance d’une sécrétion insulinique et donc l’existence de cellules bêta fonctionnelles. Il faut néanmoins prévenir les patients et leur famille qu’il s’agit d’une rémission et non d’une guérison.

2. Diabète cétosique du sujet noir d’origine africaine

Cette forme a pu être rattachée au diabète de type 1 par l’existence d’une cétose en dépit de l’absence de mécanisme auto-immun. Il s’agit du diabète cétosique du sujet noir d’origine africaine subsaharienne (Antillais, Africain, Afro-Américain). Le début se caractérise par une décompensation cétosique suivie, après normalisation de la glycémie, d’une possibilité d’arrêt de l’insuline dans 50 % des cas. Les épisodes de cétose peuvent se répéter, entrecoupés de phases de rémission. L’obésité est inconstante. Les anticorps spécifiques du diabète de type 1 sont négatifs. Le mécanisme de ce diabète demeure méconnu. Une origine virale a été avancée.
Cette forme de diabète paraît plus proche du diabète de type 2 que du diabète de type 1.

C. Affirmer le type 1 (+++)

Le diagnostic peut être clinique si l’hyperglycémie est associée à la triade classique « maigreur ou amaigrissement/cétose/âge < 35 ans ».
Si un des critères manque, il est préférable de s’aider de paramètres immunogénétiques, autoanticorps essentiellement (+++). La mesure du peptide C basal ou après stimulation par le glucagon ou un repas test pour évaluer la sécrétion endogène résiduelle est rarement nécessaire, hors protocole de recherche.
 
Si ces marqueurs immunogénétiques sont négatifs, il faudra éliminer les autres formes de diabète pouvant ressembler au type 1, tels que les Maturity Onset Diabetes of the Young (MODY). On y pensera devant un arbre généalogique suggérant une hérédité de type dominant. Les MODY 1 et 3 en particulier peuvent simuler un diabète de type 1. Les diabètes secondaires à une mutation des gènes SUR1 ou KIR 6-2, du gène de la glucokinase (forme homozygote) ou du gène de l’insuline seront envisagés s’il existe une histoire familiale ou personnelle de diabète néonatal transitoire ou définitif. Certains diabètes monogéniques seront considérés s’il existe des « associations illégitimes », c’est-à-dire des symptômes inhabituels dans le diabète. Par exemple, le syndrome de Wolfram (ou DIDMOAD, Diabetes Insipidus, Diabetes Mellitus, Optic Atrophy, Deafness) sera recherché en cas d’atrophie optique, de surdité et/ou de diabète insipide d’apparition avant l’âge de 20 ans. Les diabètes mitochondriaux seront suspectés sur l’existence d’une surdité neurosensorielle, d’une dystrophie maculaire dite « poivre et sel » et/ou d’une cardiomyopathie avec une transmission matrilinéaire. Cette analyse clinique fine permettra de justifier et d’orienter la demande de confirmation par le diagnostic moléculaire de l’anomalie génétique envisagée.
 
Chez le sujet d’âge moyen, il faudra aussi penser aux diabètes secondaires pancréatiques (cancer du pancréas ou pancréatite chronique, en cas d’alcoolisme) nécessitant une imagerie de la glande (scanner plutôt qu’échographie externe), ou bien encore l’hémochromatose au contexte évocateur. Certains traitements peuvent induire un diabète : neuroleptiques atypiques, inhibiteurs de la calcineurine (ciclosporine A, tacrolimus), corticoïdes…
Cette démarche nosographique est résumée sur la figure 22.1.
 

IV. Évolution

A. Histoire naturelle du diabète de type 1

L’histoire naturelle reconstruite d’après l’étude des modèles animaux et des études de familles est illustrée par la figure 22.2 — schéma dit de G. Eisenbach.
 
Il fait se succéder les phases suivantes :
  • une phase préclinique où les mécanismes immuns détruisent les cellules bêta ;
  • un diagnostic clinique correspondant à la destruction de plus de 85 % de la masse des cellules bêta ;
  • une phase clinique séquellaire où les quelques cellules restantes seraient appelées à disparaître plus ou moins complètement.
Rappelons que ce modèle laisse persister encore beaucoup d’inconnues sur la rapidité des phénomènes (en mois ou années), l’existence d’étapes de non-retour, le rôle des phénomènes de régénération des cellules bêta, etc.
C’est ce schéma théorique qui sous-tend tous les essais actuels de prévention ou de traitement radical du diabète de type 1 par des immunomodulations.

B. Maladie chronique

Le diabète de type 1 est une maladie chronique nécessitant un engagement permanent du patient pour la gestion du traitement et sa participation active pour les soins quotidiens (+++). 

L’acceptation (même si cela revient à accepter « l’inacceptable ») de la maladie est absolument nécessaire pour que le patient assume les grands principes du traitement et de sa surveillance, garants de l’obtention d’un contrôle glycémique permettant d’éviter ou de retarder les complications.
Cette acceptation passe par plusieurs stades intermédiaires dont la sidération (« Sous le choc, je ne peux pas imaginer ce qui m’arrive. »), le marchandage (« Le corps médical doit se tromper, je ne peux pas être ainsi diabétique ! »), le déni (« Je refuse ce diabète qui m’ampute de mon insouciance. ») ou encore la dépression. L’arrêt au niveau de l’une de ces étapes intermédiaires va singulièrement gêner la prise en charge thérapeutique.
Un soutien empathique par l’équipe soignante est alors particulièrement précieux, quand bien même une prise en charge spécifique peut s’avérer nécessaire.
 
Il existe aussi d’autres freins à une bonne adhésion du patient à son traitement. Nous citerons :
  • la peur des hypoglycémies (surtout nocturnes) (++) ;
  • la peur de prendre du poids ;
  • la non-acceptation (pseudo-acceptation) de la maladie (cf. supra) ;
  • le refus des contraintes (autosurveillance, régime, injection), en particulier au moment de l’adolescence ;
  • les schémas d’insuline inadaptés à la physiologie ou aux modes de vie ;
  • les erreurs techniques : injections trop profondes ou trop superficielles, réalisées toujours au même endroit et responsables de lipodystrophies (essentiellement lipo-hypertrophies) ;
  • une maladie surajoutée méconnue (infection, candidose génitale).
 
À l’extrême, on peut citer le diabète dit « instable », qui se caractérise par :
  • des épisodes itératifs de cétoacidoses et/ou d’hypoglycémies sévères ;
  • des facteurs psychologiques au premier plan (manipulation de l’insulinothérapie, troubles du comportement alimentaire, sous-insulinisation volontaire pour contrôler le poids, oublis répétés des injections, grande labilité émotionnelle, etc.).
Il convient néanmoins d’éliminer les autres causes d’instabilité : la gastroparésie et le déficit des systèmes contra-insuliniques, tel que les insuffisances endocriniennes (essentiellement insuffisance surrénale ou hypophysaire), et, plus rarement, la présence d’anticorps anti-insuline bloquants à un titre élevé.

V. Prise en charge thérapeutique

A. Principes généraux

Le traitement du diabète de type 1 demande beaucoup au patient lui-même puisque celui-ci doit assurer les contrôles glycémiques, effectuer les injections d’insuline, prévenir les complications métaboliques, adapter son traitement aux activités quotidiennes, contrôler son alimentation et adopter un mode de vie prévenant le développement des complications vasculaires à long terme.
 
L’éducation thérapeutique, visant à l’autonomisation maximale du patient, est en conséquence absolument nécessaire. Il s’agit d’un acte reconnu officiellement inscrit dans la loi HPST et éventuellement financé sous certaines conditions. Il doit comporter :
  • bilan éducatif préalable ;
  • transfert des connaissances par l’enseignement collectif ou individualisé ;
  • vérification des comportements ;
  • importance des consultations infirmières et diététiques ;
  • promotion de comportements sains (tabac, activité physique…) ;
  • éventuellement participation de patients dits « experts » ou « ressources » comme soutien ;
  • il est aussi souvent nécessaire d’éduquer les membres de la famille sur des sujets particuliers (par exemple, reconnaître le malaise hypoglycémique et savoir y remédier : resucrage oral ou injection de glucagon) ;
  • évaluation.
Dans le diabète de type 1, l’éducation aux principes de l’« insulinothérapie fonctionnelle » est prônée par de nombreuses équipes.
Chez les patients incapables de se prendre en charge personnellement, il est possible d’envisager que les soins soient réalisés par une IDE à domicile.
 
Définir des objectifs thérapeutiques personnalisés et acceptés (tableau 22.5), y compris les objectifs de réduction du risque cardiovasculaire (cf. « Diabète de type 2»). S’appuyer sur les principaux enseignements des études DCCT/EDIC (cf. encadré).
 
 
Les objectifs du traitement du diabète de type 1 sont un compromis entre le fait d’assurer la vie la plus libre possible et la prévention des complications aiguës ou chroniques de la maladie. Un grand essai clinique nord-américain, l’essai DCCT/EDIC, est à l’origine des recommandations thérapeutiques actuelles.
 
Une insulinothérapie intensifiée réduit l’hémoglobine glyquée, retarde et réduit la gravité des complications micro- et macroangiopathiques. Il existe une certaine mémoire du déséquilibre métabolique qui retentit sur l’histoire naturelle des complications, même après l’amélioration du contrôle glycémique, ce qui oblige à avoir des exigences de bon contrôle dès le début de la maladie. L’insulinothérapie intensifiée augmente le risque d’hypoglycémie sévère.
 
L’objectif métabolique, la valeur cible de l’HbA1c, est en conséquence une cote mal taillée entre ces deux risques. On remarquera toutefois que l’étude DCCT remonte aux années 1980–1990 et que les insulines utilisées étaient constituées exclusivement d’insuline humaine.
 
Les analogues de l’insuline de durée d’action courte ou longue ont le mérite de diminuer significativement le risque d’hypoglycémies sévères chez les patients avec diabète de type 1, même s’ils ne l’annulent pas complètement. Cela conduit à des exigences actuelles renforcées en termes d’objectif d’HbA1c :
  • l’objectif raisonnable recommandé par l’American Diabetes Association est ainsi une HbA1c < 7 % (certains tolèrent « autour de 7 % » sans dépasser 7,5 %) pour un sujet adulte (hors grossesse) ;
  • pour les enfants, un objectif supérieur (entre 7,5 et 8,5 % pour les enfants de moins de 6 ans, < 8 % pour les enfants prépubères et < 7,5 % pour les adolescents de 13 à 19 ans) est envisageable compte tenu du risque de retentissement des hypoglycémies sévères sur le développement cérébral ;
  • il en est de même des diabètes compliqués d’épisodes d’hypoglycémie sévère, des sujets à espérance de vie réduite ou du sujet âgé, ou bien encore de patients présentant des complications vasculaires avancées ou une comorbidité grave pour lesquels les objectifs sont < 8,0 %.
On le voit, il existe une réelle personnalisation des objectifs glycémiques dans le diabète de type 1.
 
Mais l’objectif glycémique ne résume pas la prévention des complications chroniques du diabète.
En effet, la prise en charge thérapeutique d’une HTA, d’une hypercholestérolémie, d’une microalbuminurie et la lutte contre les facteurs de risque d’athérosclérose (sédentarité, tabagisme, alimentation athérogène) doivent être aussi envisagées.
 
Ces objectifs pourront être obtenus grâce à l’établissement d’un contrat de confiance entre le patient et l’équipe soignante. Il faut signaler certaines attitudes médicales contre-productives assez fréquentes, telles que menacer le malade des complications (la peur n’est pas un bon moteur au volontarisme, elle paralyse plutôt), banaliser les contraintes (vivre avec un diabète n’est pas si simple que cela), répondre aux problèmes par une escalade technologique (la pompe n’améliorera pas un patient en plein déni de son diabète ou une femme présentant des troubles du comportement alimentaire), se résigner au déséquilibre sans avoir tout tenté encore et encore pour améliorer l’HbA1c, ignorer les demandes du patient en termes de contrôle du poids, de mode de vie, etc.
 
Études DCCT et DCCT/EDIC (+++)
Objectifs
Montrer la possibilité de diminuer la fréquence des complications microangiopathiques du diabète de type 1 en maintenant la glycémie à un niveau proche de la normale.
 
Plan expérimental
Étude prospective randomisée sur 6 ans, incluant 1 441 patients.
 
Patients
1 441 patients sur vingt-neuf centres aux États-Unis, recrutés pendant 6 ans avec un suivi moyen de 6,5 ans, présentant les critères classiques majeurs de diabète de type 1, diabétiques depuis au moins 1 an, ayant une moyenne d’âge de 26 ans. Deux cohortes sont définies parmi ces patients : une cohorte est indemne de toute complication, donc suivie en prévention primaire ; une cohorte avec présence de complications débutantes est suivie en prévention secondaire d’aggravation.
 
Intervention
  • Un groupe traité par insulinothérapie dite « conventionnelle », consistant en une ou deux injections quotidiennes d’insuline sans adaptation des doses.
  • Un groupe traité par insulinothérapie dite « intensive », consistant en trois à quatre injections quotidiennes ou la mise en place d’une pompe à insuline, avec autocontrôle glycémique quatre fois par jour et adaptation des doses d’insuline visant à obtenir une glycémie inférieure à 1,20 g/l à jeun et inférieure à 1,80 g/l en postprandial.
Critères du jugement
Fond d’oeil tous les 6 mois avec cotation de la rétinopathie sur une échelle de 25 points ; microalbuminurie annuelle ; recherche clinique d’une neuropathie ; évaluation clinique de la macroangiopathie ; incidence des hypoglycémies sévères.
 
Principaux résultats
99 % des patients sont restés jusqu’au bout dans l’étude. La différence d’équilibre glycémique entre les deux groupes est significative et stable pendant toute la durée de l’étude : 2 points d’HbA1c de différence, p < 0,001 : 9 % versus 7 % environ. L’insulinothérapie « intensive » réduit de manière significative le risque d’apparition d’une rétinopathie (incidence diminuée de 50 % sur 6 ans) ou d’aggravation de la rétinopathie (risque de progression diminué de 50 % sur 6 ans). L’insulinothérapie « intensive » diminue le risque d’apparition ou d’aggravation de la microalbuminurie de 30 à 40 %. De même, le risque d’apparition d’une neuropathie diminue de 70 % sur 5 ans. Les résultats ont conduit à l’arrêt prématuré de l’étude. Le risque de complications macroangiopathiques était faible compte tenu de l’âge moyen bas des patients et de l’absence de facteurs de risque cardiovasculaire associés. Celui-ci ne diffère pas significativement d’un groupe à l’autre.
Le nombre d’hypoglycémies sévères est plus important dans le groupe traité de manière intensive mais sans séquelles neurologiques ni coma mortel.
 
Poursuite de l’étude DCCT : étude EDIC
Une grande partie des sujets de la première étude a continué à être suivie. Les patients du groupe contrôle ont intensifié leur insulinothérapie et ceux du groupe intensif, un peu moins sollicités, ont relâché leur effort. 
Les deux groupes se sont retrouvés avec des valeurs proches d’HbA1c autour de 7,8 %. Cette prolongation de l’étude a permis de montrer que l’incidence des complications de macroangiopathie avait aussi été influencée favorablement par la qualité de l’équilibre pendant la période DCCT dans le groupe intensif. Elle a aussi permis de mettre en évidence cette mémoire métabolique du déséquilibre qui retentit sur l’histoire naturelle des complications micro- et macroangiopathiques, même après amélioration du contrôle glycémique.
 
Conclusion
Obtenir une moyenne glycémique proche de la normale permet de retarder l’apparition ou de ralentir la progression de la rétinopathie, de la néphropathie, de la neuropathie et de la coronaropathie dans le diabète de type 1. Un déséquilibre pendant plusieurs années pénalise le patient, même après amélioration du contrôle glycémique.
 
DCCT : The Diabetes Control and Complications Research Group. N Engl J Med 1993 ; 329 : 97.
DCCT/EDIC : The Diabetes Control and Complications Trial/Epidemiology of Diabetes Interventions and Complications (DCCT/EDIC) Study Research Group. N Engl J Med 2007 ; 356 : 1842.
 

B. Autosurveillance

Pour le patient, les buts de l’autosurveillance sont :
  • de suivre son diabète ;
  • d’adapter ses doses d’insuline ;
  • d’avoir une idée de l’équilibre moyen ;
  • de gérer les situations d’urgence.
La place de l’autosurveillance urinaire est faible : acétonurie matinale en cas d’hyperglycémie, de troubles digestifs, de grossesse ou de maladie intercurrente. À noter qu’il est actuellement possible de mesurer les corps cétoniques sur le sang capillaire avec certains appareils.
 
L’autosurveillance glycémique doit être réalisée idéalement au moins quatre fois par jour (trois points préprandiaux à chaque injection d’insuline rapide et au coucher) et de temps en temps à 3 h du matin et en postprandial. Les lecteurs portables sont de plus en plus simples et rapides à la condition d’une bonne technique de production de la goutte de sang. Leur exactitude, environ 15 % de variation par rapport à la glycémie de laboratoire, suffit pour l’autocontrôle glycémique par le patient ou les soignants. Beaucoup de lecteurs offrent des services annexes : mémoire, carnet électronique, conseils adaptés, calcul de doses d’insuline dans un contexte d’insulinothérapie fonctionnelle…
 
La télémédecine est dans ce domaine une voie très prometteuse.
 
Les progrès des dispositifs de mesure du glucose sous-cutané en continu permettent actuellement de proposer à certains patients le port d’un tel appareil en ambulatoire, soit en guise de « Holter glycémique » soit, surtout, d’outil d’auto-adaptation de l’insulinothérapie. Ceux-ci sont recommandés chaque fois que les objectifs thérapeutiques ne sont pas remplis (HbA1c élevée et/ou hypoglycémies itératives) en dépit d’un traitement insulinique intensifié ou une pompe à l’insuline (recommandation SFD). Cependant, on notera que la prise en charge de ces dispositifs reste médiocre alors même qu’ils ont démontré une efficacité certaine chez les utilisateurs réguliers.

C. Surveillance

1. Hémoglobine glyquée

Fixation non enzymatique (glycation d’une protéine par la réaction de Maillard) et irréversible (suite au réarrangement d’Amadori) du glucose sur toutes les hémoglobines.
Fraction la plus spécifique d’hémoglobine glyquée : HbA1c.
Les méthodes autorisées sont standardisées et certifiées pour donner des résultats similaires à ceux de l’étude DCCT/EDIC. Il s’agit notamment des méthodes HPLC (High Pressure Liquid Chromatography) ou immunologiques, avec une valeur normale entre 4 et 6 %.
Le résultat d’HbA1c est habituellement exprimé en « unités NGSP/DCCT », c’est-à-dire en pourcentage de l’hémoglobine totale (mode d’expression des références dans ce chapitre). De nouvelles unités peuvent aussi figurer sur la feuille des résultats : les unités « IFCC », exprimées en mmol HbA1c/mol Hb. Un tableau de correspondance entre valeur d’HbA1c et glycémie moyenne estimée peut aussi être fourni à titre indicatif sur la feuille de résultat (tableau 22.6).
 
L’objectif pour le diabétique adulte (hors grossesse) est une valeur d’HbA1c < 7 % (ou autour de 7 % et < 7,5 %) chez le diabétique de type 1, tolérance jusqu’à 8 % pour l’enfant de 6 à 12 ans et 8,5 % pour le jeune enfant (< 6 ans).
Chez le sujet âgé, l’objectif est à discuter en fonction de l’état clinique (cf. supra).
 
Les cas où la mesure de l’HbA1c perd toute signification clinique sont liés soit à une interférence de dosage soit à une modification de la durée de vie moyenne des globules rouges : hémoglobinopathie, anémie hémolytique, urémie, traitement par EPO, saignées.
Dans ces cas, on accordera beaucoup d’attention aux résultats de l’autocontrôle glycémique. Le dosage de la fructosaminémie (glycation des protéines circulantes) est discuté dans son intérêt clinique ; on retiendra qu’il intègre les résultats métaboliques sur une durée qui est moindre que pour l’HbA1c (3 semaines).

2. Autres éléments de surveillance

Le diabète de type 1 doit être suivi par un diabétologue ou un pédiatre endocrinologue.
Consultation spécialisée au moins trois à quatre fois par an et surveillance des éléments suivants :
  • profil lipidique, créatinine, microalbuminurie, ECG (une fois par an) ;
  • examen ophtalmologique (fond d’oeil ou rétinographie par caméra non mydriatique) au moins une fois par an pour ce qui est du dépistage ; dès qu’il y a des lésions de rétinopathie diabétique, la prise en charge par l’ophtalmologiste peut être plus rapprochée ;
  • consultation de cardiologie annuelle chez les patients symptomatiques, âgés ou de longue durée d’évolution ou compliqués ;
  • consultation annuelle chez le dentiste.

D. Traitement insulinique

Le traitement du diabète de type 1 est encore aujourd’hui un traitement palliatif de remplacement hormonal pour la vie entière.

1. Variétés d’insuline

– Insuline humaine recombinante
L’insuline humaine recombinante est strictement identique à l’insuline humaine. Les insulines disponibles se nomment : Actrapid®, Umuline rapide Lilly® ou Insuman®. Elles peuvent être administrées par voie IV, IM ou SC. Injectées par voie sous-cutanée, leur temps de latence est d’environ 30 à 45 minutes, leur pic d’activité maximale survient à 2–3 heures et leur durée totale d’action est de 7 à 8 heures. Elles sont considérées comme des insulines à visée prandiales.
Elles sont aussi utilisées quand il faut corriger rapidement une hyperglycémie.
 
– Analogues rapides de l’insuline
Les analogues rapides de l’insuline sont des molécules à activité insulinique, structurellement modifiés pour obtenir des propriétés pharmacodynamiques intéressantes quand ils sont injectés par voie sous-cutanée (raccourcissement du temps de latence, diminution de la durée d’activité), notamment en période prandiale. Les analogues rapides sont obtenus en modifiant la partie de la molécule participant à la formation des hexamères d’insuline pour tendre vers une forme quasi monomérique. Les analogues rapides ont l’avantage d’être rapidement actifs (délai de 15 minutes environ, pic vers 30–90 minutes, durée totale d’action de 4–6 heures) au moment de la prise alimentaire et de ne pas persister pendant la phase interprandiale. Ils seront injectés juste avant de passer à table. Ils sont aussi utiles pour des corrections d’hyperglycémie.
Les analogues rapides disponibles sont lispro (Humalog®), aspart (Novorapid®) et glulisine (Apidra®). Ils peuvent être utilisés par voie IV, IM et SC. Ils constituent l’insuline de choix pour les pompes à insuline.
 
– Formes lentes d’insuline humaine (et mélanges avec des analogues rapides)
L’insuline humaine peut être ralentie par divers procédés : par l’adjonction de protamine ou excès de zinc. Les insulines NPH (Neutral Protamine Hagedorn) sont des insulines d’action intermédiaire (9 à 16 heures).
Il existe aussi des formes proposant des mélanges préconditionnés d’analogue rapide et d’insuline NPH à 25, 30, 50 ou 70 % d’analogue rapide. Ces formes ne peuvent être administrées que par voie sous-cutanée. Elles exigent une remise en suspension soigneuse avant l’injection.
 
– Analogues lents de l’insuline
Les analogues lents sont obtenus soit en modifiant le point isoélectrique de la molécule (glargine ou Lantus®), insuline parfaitement soluble à pH acide dans le flacon et précipitant au pH physiologique pour former un dépôt sous-cutané à libération lente, soit en formant un analogue acylé (adjonction d’un acide gras à courte chaîne), susceptible d’être adsorbé par l’albumine et ralenti dans sa libération (détémir ou Levemir® d’une part, degludec ou Tresiba® d’autre part, en attente de commercialisation pour 2015). Les analogues lents ont une action prolongée (16–40 heures selon les molécules), sans pic d’activité, et relativement reproductible d’un jour à l’autre. Ils seront administrés en 1 ou 2 injections à heure fixe. Ils constituent des outils particulièrement utiles pour assurer une insulinisation basale. Ils ne peuvent être administrés que par voie sous-cutanée. Il s’agit de solutions limpides ne nécessitant pas de remise en suspension.

2. Facteurs de résorption sous-cutanée

Ces facteurs de résorption sont :
  • la profondeur (l’injection non souhaitée dans le muscle induit un passage plus rapide de l’insuline) ;
  • la zone ;
  • la dose (variation intra-individuelle de 15 à 50 %) ;
  • l’environnement thermique (résorption plus rapide si chaleur plus élevée) ;
  • l’activité musculaire au niveau du membre où a été réalisée l’injection (la vasodilatation accélère le passage de l’insuline dans le sang).
On évitera le développement des lipodystrophies, susceptibles de modifier la pharmacocinétique de l’insuline, en variant les points d’injection.

3. Vecteurs

Les vecteurs sont de deux types :
  • les stylos à insuline réutilisables ou jetables pour toutes les insulines, plus pratiques que les seringues jetables ;
  • les pompes portables pour l’administration continue, modulée et sous-cutanée d’insuline humaine ou, mieux, d’analogue rapide : plus efficaces, plus flexibles mais plus contraignantes et plus chères que le traitement basal-bolus par injections multiples ; à réserver aux échecs de l’insulinothérapie optimisée.

4. Schémas

Ces schémas, représentés dans la figure 22.3, sont à choisir suivant l’acceptation, l’autonomisation du patient et les objectifs thérapeutiques. Actuellement, le traitement le plus utilisé est un schéma type basal-bolus utilisant les analogues lents en 1 ou 2 injections pour assurer l’insulinisation basale et des injections prandiales d’analogues rapides pour assurer la métabolisation des repas. Ce schéma à 4 ou 5 injections quotidiennes est bien accepté parce qu’il limite le risque d’hypoglycémie, permet de moduler l’insulinothérapie aux diverses circonstances de la vie (possibilité de retarder l’heure ou de sauter un repas, grasse matinée, etc.) et de pratiquer de fréquentes corrections de doses de rapide en fonction des glycémies.
 

5. Doses

En général, moins de 1 U/kg de poids, auto-adaptation en fonction des glycémies (rétrospective instantanée), de l’activité physique et de l’alimentation prévues.
Une méthode personnalisée dite « insulinothérapie fonctionnelle » est développée dans de nombreux centres. Elle vise à éduquer le patient diabétique pour qu’il puisse adapter son insulinothérapie à son mode de vie.
Elle est fondée sur une étude analytique des raisonnements d’adaptation des doses d’insuline, distinguant :
  • l’insuline « pour vivre » (basale) : en moyenne 0,35 U/kg, mais il y a de grandes variations individuelles ; les besoins de base peuvent éventuellement être évalués lors d’un jeûne glucidique de 24 heures ;
  • l’insuline « pour manger » (schématiquement fondée sur un ratio d’unités d’insuline par unité alimentaire de 10 g de glucides) ;
  • l’insuline « pour traiter » : l’adaptation de l’insuline rapide pour corriger une hypoglycémie ou une hyperglycémie (par exemple 1 unité d’insuline rapide fait baisser la glycémie de ce patient de 0,40 g/l) ;
  • l’insuline pour l’activité physique et autres situations de vie.
Une éducation nutritionnelle est impérative pour le calcul des quantités de glucides des rations alimentaires.
Cette méthode vise à conférer plus d’autonomie et à libérer le patient de certaines contraintes qui retentissent défavorablement sur la qualité de vie. Elle peut aussi améliorer la stabilité et l’équilibre du diabète. Elle exige un schéma basal-bolus et un autocontrôle glycémique fréquent.
Elle est incluse dans un programme d’ETP (éducation thérapeutique du patient).

6. Effets secondaires de l’insulinothérapie

Les effets secondaires sont les suivants :
  • hypoglycémies (cf. « C. Hypoglycémies » à la fin de ce chapitre et également l’item 238 au chapitre 15) ;
  • prise de poids (+ 5 kg dans l’essai DCCT) : l’optimisation du contrôle glycémique a tendance à faire prendre un peu de poids (augmentation de la masse maigre, suppression de la glycosurie, effet calorique du resucrage des hypoglycémies) ;
  • allergie rarissime ;
  • lipoatrophies insuliniques d’origine immunologique ;
  • lipohypertrophies si les piqûres reviennent trop souvent au même endroit.

E. Traitement non insulinique

Accompagnement et soutien psychologique comme pour toute maladie chronique.
 
Alimentation variée et sans interdits. Les horaires et les apports glucidiques seront réguliers pour les patients ne pratiquant pas l’« insulinothérapie fonctionnelle » (notion d’équivalence, d’index glycémique, de collations même si celles-ci sont moins de mise avec les analogues rapides, cf. infra). Pour les autres, ils adapteront leur dose d’insuline rapide à la quantité de glucides qu’ils comptent ingérer.
 
Exercice physique (plutôt en aérobiose) à recommander en prenant en compte le risque d’hypoglycémie parfois différée de plusieurs heures pour les doses d’insuline et les prises alimentaires (cf. infra). Un bilan clinique est nécessaire quand il s’agit d’une reprise d’activité après une longue période d’arrêt.
 
Utilité des associations de patients (FFD, Fédération française des diabétiques ; AJD, Aide aux jeunes diabétiques) pour le soutien psychologique et comme sources d’information, d’activités de groupe, de défense des intérêts communs auprès des pouvoirs publics, d’accès à des tarifs préférentiels de compagnies d’assurances, de conseils juridiques, etc. 

F. Voies d’avenir

Parmi les voies d’avenir, nous proposons des notions générales à travers les points suivants :
  • amélioration des capteurs de glycémie : implantabilité, lecture directe, commutation au matériel d’injection permettant un rétrocontrôle partiel ou total (pancréas artificiel), etc. ;
  • insuline inhalée ou autres voies d’administration : orale, patch percutané ;
  • nouveaux analogues de très longue durée d’action ;
  • pompes « patch » jetables ;
  • pompes « intelligentes » plus ou moins rétrocontrôlées par le capteur de glucose souscutané (pancréas artificiel) ;
  • apports de la télémédecine ;
  • greffes de pancréas (cette dernière est déjà la règle, sauf contre-indication, chez le diabétique néphropathe) et d’îlots ;
  • développement des programmes de transplantation de cellules souches ;
  • prévention : immunothérapie, vaccination des sujets à risque, thérapie génique ;
  • action permettant la régénération des cellules bêta.

VI. Cas particuliers

A. Diabète de l’enfant et de l’adolescent

La fréquence des cétoacidoses doit être signalée pour inciter à mettre en place des mesures de prévention (éducation des médecins généralistes et scolaires, des patients et de leur famille).
Risque d’oedème cérébral accru en cours de réanimation de ces épisodes (se méfier d’une normalisation trop rapide de la glycémie au cours de la réanimation).
Hypoglycémie : l’innocuité cérébrale des hypoglycémies sévères chez l’enfant de moins de 6 ans n’est pas prouvée. Les objectifs thérapeutiques sont pour cette raison un peu plus lâches que chez l’adulte (cf. supra).
Diabète difficile à équilibrer (augmentation des besoins en insuline pendant la puberté d’environ 50 %) et mal accepté psychologiquement pendant l’adolescence.
 
Intérêt de la pompe chez le très petit enfant.
Il convient aussi d’envisager chez l’enfant pour lui assurer une scolarité sereine un « projet d’accueil individualisé » (PAI) faisant intervenir les familles, le médecin traitant, les enseignants, l’infirmière et le médecin scolaire.
Noter la fréquence croissante de la part du diabète de type 2 chez l’adolescent aux États-Unis du fait de l’épidémie d’obésité massive.

B. Diabète au féminin

1. Diabète gestationnel

Un véritable diabète de type 1 peut être dépisté pendant la grossesse (intérêt de la mesure des anticorps au cours du diabète gestationnel : cf. item 252 au chapitre 26).

2. Contraception

On ne peut pas parler de programmation de la grossesse chez la femme diabétique si l’on n’organise pas la contraception dans les périodes de préparation. Le choix du mode de contraception sera discuté entre le diabétologue et le gynécologue. Les pilules oestroprogestatives peuvent être utilisées chez des femmes jeunes, sans complication, non fumeuses et dont le diabète est relativement bien équilibré. Les dispositifs utérins sont aussi une possibilité même chez la nullipare si les oestroprogestatifs sont mal supportés ou relativement contre-indiqués par l’existence de complications métaboliques (hypertriglycéridémie) ou vasculaires.
 
Chez certaines femmes, des contraceptions progestatives soit microdosées soit macrodosées peuvent être proposées.
Les nouveaux dispositifs de contraception par patch (oestroprogestatifs), implants (progestatifs) ou anneau vaginal (oestroprogestatifs) sont aussi envisageables. Le choix du mode de contraception dépend de l’ancienneté du diabète, de l’existence ou non de complications, de la parité, du mode de vie (tabagisme, sexualité), d’éventuelles contre-indications gynécologiques, nutritionnelles ou métaboliques. Une surveillance clinique et métabolique est nécessaire.

3. Grossesse

La prise en charge de la grossesse survenant chez une femme souffrant de diabète de type 1 est particulièrement développée dans le chapitre 25 (item 252 « Diabète gestationnel »).
Le pronostic est quasi normal si l’équilibre est parfait dès la conception (grossesse programmée) et ce jusqu’à l’accouchement, et si le diabète n’est pas compliqué. En cas de désir de grossesse, utiliser des analogues de l’insuline, qui ont reçu l’agrément pour leur utilisation chez la femme enceinte.
 
Se souvenir que la grossesse peut retentir sur le diabète :
  • baisse physiologique de l’hémoglobine glyquée et surtout recul trop important pour assurer une réactivité thérapeutique ;
  • augmentation des besoins en fin de grossesse et diminution dans le post-partum précoce ;
  • risque d’aggravation de la rétinopathie et de la néphropathie si celles-ci ne sont pas parfaitement stabilisées auparavant.
Il existe une contre-indication absolue, l’insuffisance coronaire instable. D’où l’importance de réaliser un bilan des complications dans la période de « programmation » de la grossesse.
Les objectifs glycémiques sont très stricts (HbA1c < 6,5 %, glycémies à jeun < 0,9 g/l, en postprandial < 1,20 g/l), l’autosurveillance est répétée, l’insulinothérapie optimisée et le suivi diabétoobstétrical au moins mensuel. L’hospitalisation peut devenir nécessaire en cas de déséquilibre.

4. Ménopause

Lors de la ménopause, l’hormonothérapie substitutive par voie percutanée ne sera envisagée que si elle s’avère médicalement indiquée.

C. Diabète chez la personne âgée

L’insulinothérapie ne doit pas être crainte chez la personne âgée. Elle permet de diminuer le nombre des comprimés pris quotidiennement, d’éviter certains risques d’interférence médicamenteuse et surtout d’assurer un accompagnement sûr de la personne âgée — venue une ou plusieurs fois par jour d’une infirmière au domicile du patient pour réaliser la mesure de la glycémie et l’injection d’insuline.

D. Diabète en situation de jeûne (+++)

En cas d’intolérance gastrique, ne jamais arrêter l’insuline. Essayer des collations liquides fractionnées, sinon hospitaliser pour l’administration de solutés glucosés IV. Toujours penser à vérifier la cétonurie ou la cétonémie car les troubles digestifs peuvent être révélateurs d’une cétose débutante.
 
Lorsqu’un examen ou un soin nécessite d’être à jeun peu de temps (quelques heures), il suffit en général de laisser agir l’analogue lent et de surveiller la glycémie capillaire. Si le jeûne est prolongé ou la situation particulièrement stressante (gestes opératoires ou examens agressifs, maladie intercurrente inflammatoire, insulino-résistance), il convient d’assurer un apport parentéral de sucre en administrant en continu une perfusion de soluté glucosé associé à une insulinothérapie à la seringue électrique. L’adaptation du débit glucosé et/ou de la vitesse de la seringue d’insuline sera dictée par les glycémies capillaires.
 
 
POINTS CLES
 
  • Le diabète de type 1 est lié à une carence absolue en insuline par destruction auto-immune des cellules bêta pancréatiques. Il s’agit d’une maladie auto-immune spécifique d’organe où dominent les processus cellulaires.
  • Le principal gène de prédisposition est représenté par les antigènes de classe II du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH II) : HLA-DR3, DR4, DQB1*0201 et DQB1*0302.
  • Il survient habituellement avant 35ans (pic à l’adolescence) mais peut survenir à tout âge.
  • Le diagnostic peut être clinique devant la triade classique « maigreur ou amaigrissement + cétose + âge < 35 ans ».
  • Si un de ces critères manque, valeur diagnostique des auto-anticorps ICA, anti-GAD, anti-IA2 et anti-insuline.
  • Le diabète de type 1 est une maladie chronique qui demande une participation active du patient pour les soins quotidiens.
  • Une insulinothérapie intensifiée dès le diagnostic réduit l’hémoglobine glyquée, retarde et réduit la gravité des complications microangiopathiques et macroangiopathiques.
  • Le schéma d’insulinothérapie « basal-bolus » (par injections multiples ou par pompe) est le gold standard du traitement du diabète de type 1.
  • Les autres facteurs de risque vasculaire doivent être aussi contrôlés.
  • L’éducation du patient (ETP) à la maîtrise de l’insulinothérapie en fonction des aléas de la vie pour éviter les conséquences aiguës et chroniques de la maladie fait partie intégrante de l’acte thérapeutique.
 

Diabète de type 2

I. Épidémiologie

Le diabète de type 2 représente 80 à 90 % des diabètes.
Sa prévalence est de 2,78 % de la population dépendant du régime général (traitement par hypoglycémiants oraux et/ou insuline). La prévalence extrapolée à la population générale est de 3,95 % (2007), dont 0,41 % traités par l’insuline seule.
Il existe plus de 2 millions de diabétiques en France ; de 200 000 à 300 000 diabétiques sont traités par le régime seul.
La prévalence augmente avec l’âge : près de 10 % de la tranche 65–79 ans. L’accroissement de la prévalence en France est de 5,7 % par an (CNAM 2000–2007).
 
Les personnes à risque sont les personnes obèses, présentant une anomalie du métabolisme glucidique, ayant des antécédents familiaux de diabète de type 2. Certaines ethnies (noirs, hispaniques) sont plus touchées.
Le diabète de type 2 est découvert le plus souvent à l’âge adulte. L’insulinorésistance, qui prédomine au début de la maladie (figure 22.4), permet un traitement oral dans les premières années. Il existe probablement plusieurs causes différentes de ce type de diabète.

II. Physiopathologie

La physiopathologie commune du diabète de type 2 est représentée dans la figure 22.5.
L’insulinorésistance se caractérise par l’incapacité de l’insuline à obtenir une réponse maximale au niveau de ses organes cibles :
  • au niveau du muscle lors de la charge en glucose, elle aboutit à un défaut de captation musculaire du glucose ;
  • au niveau hépatique, on note un accroissement de la production hépatique de glucose, à l’origine de l’hyperglycémie à jeun ;
  • il existe également une insulinorésistance adipocytaire, qui se traduit par une lipolyse accrue et une élévation des acides gras libres circulants.
 
L’insulinopénie relative est caractérisée par une insuffisance de sécrétion d’insuline, compte tenu du niveau de la glycémie. Ce trouble, qui est présent dès le début de la maladie, est évolutif, inéluctable et s’aggrave avec l’âge et la durée du diabète, jusqu’à conduire au maximum au diabète insulinonécessitant.

A. Facteurs génétiques

L’importance des facteurs génétiques peut s’apprécier dans le tableau 22.7.
 
Plusieurs gènes sont incriminés dans l’apparition d’un diabète de type 2, ces gènes ayant un rôle dans le développement pancréatique ou la synthèse de l’insuline. En utilisant les études d’analyse pangénomique (GWAS, Genome Wide Association Study), on a mis en évidence plus de quatre-vingts locus associés au risque de diabète de type 2 avec des odds ratio relativement faibles ne dépassant pas 1,5. 
Parmi ces gènes, on peut citer TCF7L2, qui a été trouvé depuis longtemps et de façon très consistante dans la plupart des populations.

B. Glucotoxicité

L’hyperglycémie aggrave le déficit de l’insulinosécrétion pancréatique ainsi que l’insulinorésistance, notamment par l’élévation du seuil du « glucose sensor » des cellules bêta. 

C. Lipotoxicité

La non-freination de la lipolyse en raison de l’insulinopénie et de l’insulinorésistance des adipocytes est responsable d’une augmentation des acides gras libres. Cette augmentation des acides gras libres augmente le « seuil sensor » de l’insulinosécrétion et aggrave la diminution de l’insulinosécrétion. Elle augmente également l’utilisation du glucose stimulée par l’insuline.

D. Adipokines

L’insulinorésistance est en partie liée à la sécrétion d’adipokines par les adipocytes, comme le TNF.
 
Physiopathologie du diabète de type 2 : ce que le patient doit savoir
 
Définie comme une réponse diminuée à l’administration d’insuline exogène, l’insulinorésistance (figure 22.6) est favorisée par l’obésité androïde, l’âge et la sédentarité.
 
Elle s’accompagne d’anomalies comme dans le cas du syndrome métabolique (2005), caractérisé par une obésité androïde associée à deux des anomalies suivantes :
  • une hypertriglycéridémie ;
  • un niveau d’HDLc diminué ;
  • une HTA ;
  • une hyperglycémie à jeun ou un diabète.
NB : Cette définition de l’insulinorésistance est un peu différente de celle proposée dans le chapitre sur les facteurs de risque cardiovasculaire car coexistent plusieurs définitions.
Le profil est à haut risque cardiovasculaire.
Les causes de l’insulinorésistance sont les suivantes :
  • non modifiables : la génétique ;
  • modifiables :
  • la sédentarité ? activité physique ;
  • l’excès pondéral ? alimentation équilibrée et adaptée au poids.
Les conséquences de l’insulinorésistance sont un risque vasculaire accru du fait du diabète et des autres anomalies souvent associées : hypertension artérielle (HTA), dyslipidémie, etc.

 

III. Signes cliniques et dépistage

A. Signes cliniques

Les signes cliniques sont secondaires à l’hyperglycémie.
Cette forme de diabète passe souvent inaperçue car l’hyperglycémie se développe graduellement et les patients, bien qu’asymptomatiques, sont à risque de développer des complications micro- et macrovasculaires.
La décompensation sévère du diabète peut entraîner les symptômes suivants :
  • polyurie ;
  • polydipsie (soif) ;
  • amaigrissement ;
  • prurit vulvaire chez la femme et balanite chez l’homme ;
  • infections récidivantes ou traînantes.

B. Dépistage par la glycémie veineuse à jeun

Quand doit-il être réalisé ?
La situation de dépistage (sujet asymptomatique) doit bien être distinguée de la situation de suspicion diagnostique (sujet avec symptôme). Une recommandation ANAES de 2003 reste active pour fixer le cadre du dépistage par la seule glycémie à jeun chez les sujets concernés :
  • chez tous les sujets présentant des signes cliniques évocateurs de diabète ;
  • chez tous les sujets âgés de plus de 45 ans : à répéter tous les 3 ans en l’absence de facteur de risque de diabète existant, plus précocement en cas d’apparition d’un facteur de risque, le risque de développer un diabète de type 2 augmentant avec l’âge ;
  • chez les patients qui présentent un ou plusieurs facteurs de risque (à répéter tous les ans en cas de bilan normal).
Le dépistage est réalisé dans les cas suivants :
  • origine non caucasienne et/ou migrant ;
  • marqueurs du syndrome métabolique :
    • excès pondéral mesuré à partir de l’IMC, défini comme > 28 kg/m2 ;
    • hypertension artérielle (PAS > 140 mm Hg et/ou PAD > 90 mm Hg et/ou hypertension artérielle traitée) ;
    • HDL-cholestérol < 0,35 g/l (0,9 mmol/l) et/ou triglycérides > 2 g/l (2,3 mmol/l) et/ou dyslipidémie traitée ;
    • antécédents :
      • diabète familial (du premier degré) ;
      • diabète gestationnel ou enfant de poids de naissance de plus de 4 kg ;
      • diabète temporairement induit (consensus d’experts).

D. Diagnostics différentiels (+++)

On rappellera ici les notions déjà développées dans la partie sur le diabète de type 1 :
cf. figure 22.1 et tableau 22.2.

1. Diabète de type 1 lent (LADA)

Ce diabète est caractérisé par la minceur du patient, l’absence d’antécédents familiaux et par la présence de taux d’IA2 et de GAD positifs.

2. Diabètes génétiques

Il s’agit de diabètes survenant dans un contexte d’antécédents familiaux et d’atypie :
  • diabète MODY 2 (Maturity Onset Diabetes of the Young) : diabète modéré du sujet jeune ;
  • diabète MODY et notamment le type 3 : diabète sévère du sujet jeune ou rapidement insulinorequérant ; pseudo-type 1 ;
  • MIDD (Maternaly Inherited Diabetes & Deafness) : diabète mitochondrial à transmission maternelle, rétinite pigmentaire, surdité.
Les autres anomalies génétiques sont rarement confondues avec les diabètes de type 2.

3. Diabètes secondaires

Il s’agit des diabètes secondaires à des pancréatopathies (pancréatite chronique calcifiante notamment), à l’hémochromatose et à la mucoviscidose, aux causes médicamenteuses et aux endocrinopathies (tableau 22.8).
 

IV. Evolution

L’insulinopénie s’aggrave avec le temps et le diabète de type 2 devient insulinorequérant dans la majorité des cas. Cette insulinopénie s’aggrave selon l’équilibre glycémique (glucotoxicité et lipotoxicité) décrit dans la figure 22.7.
 
Le pronostic de la maladie repose sur les complications, elles-mêmes dépendantes de l’équilibre glycémique, lipidique et tensionnel.
Les différentes complications font l’objet d’une section spécifique (cf. infra).

V. Traitement

A. Principes généraux

Les objectifs du traitement sont (+++) :
  • la normalisation de l’HbA1c (< 6,5 % au début de la maladie, tenant compte de la personnalisationdes objectifs glycémiques) ;
  • l’amélioration des glycémies et de l’insulinosensibilité ;
  • la prise en charge globale des facteurs de risque cardiovasculaire (tabac, HTA, dyslipidémie).
 
Les moyens pour traiter sont :
  • l’activité physique ;
  • le régime hypocalorique en cas de surcharge pondérale, sans sucres d’absorption rapide ;
  • les traitements oraux (tableaux 22.9 et 22.10, figure 22.8) ;
  • les analogues du GLP-1 (tableau 22.11) ;
  • l’insuline.
 
Une recommandation récente proposée par la HAS en 2013 a proposé des guides de personnalisation des objectifs glycémiques d’une part, et une priorisation des moyens de traitement, fondée notamment sur des arguments économiques liés au prix des médicaments. Il existe donc une possible discordance entre cette recommandation et les indications des médicaments tels que notés dans leurs AMM.
On notera aussi la publication en 2014 du document HAS intitulé Guide Parcours de soins –Diabète de type 2 de l’adulte, qui fixe les situations suivantes :
  • le repérage, le diagnostic et la prise en charge initiale ;
  • la prescription et les conseils d’une activité physique adaptée ;
  • la prescription et les conseils diététiques adaptés ;
  • l’initiation d’un traitement par insuline ;
  • la découverte d’une complication ;
  • le dépistage et la prise en charge du diabète gestationnel

B. Surveillance glycémique

1. Surveillance de l’HbA1c

Elle est essentielle à la surveillance du traitement et à l’évaluation du risque de complications.
Un objectif personnalisé est à transmettre au patient.
Les recommandations concernent le dosage à faire tous les 3 mois.
Les objectifs d’HbA1c seront modulés selon le profil du patient qui tiendra compte de l’âge (personnes âgées et niveau de fragilité, la durée du diabète, les événements cardiovasculaires et le degré de fonction rénale) (tableau 22.12, HAS 2013).
 

2. Autosurveillance glycémique

– Traitement oral
L’autosurveillance glycémique n’est pas systématique ; elle est nécessaire en cas de pathologie déséquilibrant le diabète ou de modification du traitement du diabète.
L’assurance maladie a introduit la notion de 200 bandelettes réactives remboursées par an pour les sujets diabétiques qui ne reçoivent pas d’insuline, avec une possibilité de dépasser ce nombre pour les sujets recevant des traitements susceptibles de provoquer des hypoglycémies.
L’autosurveillance glycémique est un outil précieux d’éducation :
  • pour sensibiliser le patient à l’intérêt de la diététique et de l’exercice physique régulier ;
  • pour déterminer la posologie d’un sulfamide hypoglycémiant au début ou lors d’un changement d’hypoglycémiant, ou après ajout d’un traitement pouvant modifier l’insulinosécrétion ou l’insulinosensibilité (inhibiteur de l’enzyme de conversion, par exemple) ;
  • lors d’une maladie intercurrente ou de la prescription d’un médicament diabétogène ;
  • pour suivre l’évolution de l’insulinopénie.
Le traitement est le plus souvent de 1 à 3 cycles hebdomadaires, à jeun au réveil, à 12 h avant le déjeuner et à 17 h.

– Diabète insulinotraité
L’autosurveillance glycémique est nécessaire pour l’adaptation des doses d’insuline.
Il faut au minimum autant de contrôles capillaires que d’injections.
 
La surveillance glycémique : ce que le patient doit savoir
 
HbA1c : fraction de l’hémoglobine susceptible de se glyquer de façon stable ; elle permet d’estimer l’équilibre glycémique des 2 à 3 mois précédant le prélèvement.
 
Ce n’est pas une moyenne des glycémies, le sucre collé à l’Hb ne se « décolle » pas en cas d’hypoglycémie.
 
Dosage à faire tous les 3 à 4 mois.
 
Objectif d’HbA1c défini pour chaque patient : objectif dont le patient doit être informé.
 
L’absence d’hypoglycémie est également un critère d’équilibre du diabète.

C. Prise en charge thérapeutique (+++)

1re étape – Règles hygiénodiététiques

Activité physique
Elle peut nécessiter au préalable une évaluation cardiologique et podologique.
Un référentiel de la SFD publié en 2013 fait le point sur cette question de façon exhaustive.
Intérêt de l’exercice physique régulier
Les intérêts sont nombreux :
  • diminution de l’incidence du diabète de type 2 dans une population à risque ;
  • amélioration de l’insulinorésistance et des paramètres métaboliques (action brève, de 24 à 30 heures) ;
  • amélioration des chiffres tensionnels à l’effort ;
  • augmentation de la masse maigre et diminution de la masse grasse, sans modification pondérale notable en l’absence de contrôle alimentaire associé.
– Type d’exercice physique
On conseille de combiner exercices d’endurance (marche, vélo ou natation) et exercices de résistance (renforcement).
Les exercices d’endurance sont assez simples à mettre en oeuvre.
Leur intensité doit être adaptée :
  • exercice d’intensité modérée (40 à 60 % VO2max ou 3 à 6 MET) et longue durée (? 30 minutes) ;
  • exercice intense (> 60 % VO2max ou > 6 MET, le patient transpire et a une accélération franche de la fréquence respiratoire).
Ces séances peuvent être ajoutées à l’exercice modéré avec des durées plus courtes (3 sessions de 20 minutes à forte intensité au lieu de 5 sessions de 30 minutes d’intensité modérée).
Un début progressif pourra bénéficier de l’aide de professionnels de sport et santé.
Profiter des actes de la vie courante, ludiques et professionnels.
L’intensité est progressive et adaptée au contexte personnel de sédentarité, sans dépasser 50 à 70 % de la FMT — fréquence cardiaque maximale théorique, qui se calcule selon la formule :
FMT = 220 – âge ; par exemple, pour un sujet de 50 ans, la FMT est de 170 et la fréquence cardiaque à l’effort ne doit pas dépasser (170 × 70 %) 119 battements/min.
 
– Durée de l’exercice physique
Au moins 30 minutes par jour, par tranches d’au moins 10 minutes.
Insister sur la lutte contre les comportements sédentaires et favoriser les déplacements à pied ou à vélo ; la montée des escaliers peut constituer une activité physique urbaine.
L’objectif est d’obtenir au minimum 150 minutes par semaine (3 à 5 sessions) et au moins 3 séances par semaine et pas plus de 2 jours sans activité physique.
 
– Contre-indications
Les contre-indications sont les suivantes :
  • insuffisance coronarienne non stabilisée ;
  • rétinopathie proliférante non stabilisée ; une rétinopathie stable ne doit pas conduire à l’éviction de l’activité.
– Surveillance
Surtout en cas de risque d’hypoglycémie, dans la période de reprise d’activité ou d’intensité ou durée inhabituelles, avec résultats consignés sur un carnet de surveillance et au moins au départ des résultats avant et après l’activité.
Le bénéfice de l’activité notamment d’endurance est marqué notamment en période postprandiale.
Il faut surveiller aussi les pieds avant et après exercice et s’assurer que l’équipement est adapté (notamment le chaussage).
Noter que la prescription de l’exercice physique est un acte médical nécessitant une évaluation des risques du patient et de ses capacités.
 
Activité physique : ce que le patient doit connaître
 
Faire connaître :
  • l’effet bénéfique de l’exercice physique ;
  • l’amélioration de la masse musculaire ;
  • l’intérêt des activités quotidiennes, telles que ménage, bricolage, jardinage, économiser sa voiture, monter les escaliers à pied, etc. ;
  • la progression, la durée et l’intensité de l’exercice ainsi que l’adaptation à chacun selon l’avis médical
 
Alimentation
On rappellera ici les éléments issus du référentiel 2014 de la SFD consacré à la nutrition :
régime diabétique hypocalorique (si excès pondéral), équilibré, sans sucres d’absorption rapide. Les objectifs sont la perte de 5 à 10 % du poids au diagnostic de la maladie en cas de surcharge pondérale, et la correction avant tout des troubles du comportement alimentaire (grignotages).
 
Prescription diététique
La prescription diététique doit tenir compte :
  • du poids du sujet ;
  • de son activité physique ;
  • de ses habitudes alimentaires ;
  • de ses interdits éventuels (+) ;
  • de ses coutumes ethniques (+) ;
  • de ses contraintes professionnelles (+).
– Principes généraux
Apport calorique adapté au poids.
La répartition est la suivante, à raison de trois repas journaliers :
  • glucides : 50–55 % (moins en cas d’hypertriglycéridémie ou d’obésité morbide) ;
  • lipides : 30–35 % ;
  • protides : 20 %, représentant 1 g/kg (poids) par jour.
– Particularités des glucides
Il s’agit de limiter les sucres purs sans les « diaboliser » : sucre, bonbons, miel, confiture, boissons sucrées.
Les glucides doivent être pris au sein d’un repas mixte (la consommation de légumes et de féculents permet une meilleure absorption des glucides et abaisse le pic prandial d’hyperglycémie) et les aliments à index glycémique bas seront privilégiés, tels que pâtes, légumes secs, céréales, pain complet.
À titre d’exemple, 100 g de féculents cuits (soit 20 g de glucides) sont l’équivalent de :
  • 100 g de pommes de terre, pâtes, riz, semoule cuits ;
  • 60 g de légumes secs (lentilles, haricots blancs) ;
  • 40 g de pain ;
  • 30 g de farine ou de céréales.
Autre exemple, un fruit de 150 g (soit 15 g de glucides) correspond à :
  • 1 pomme, orange, poire, pêche ou brugnon ;
  • ½ pamplemousse ;
  • 2 clémentines ;
  • 3 abricots ;
  • 4 prunes ;
  • ½ banane ;
  • 250 g de fraises, framboises ou groseilles ;
  • 100 g de raisins ;
  • 12 cerises.

2e étape – Règles hygiénodiététiques associées au traitement médicamenteux

Antidiabétiques oraux
Ils sont regroupés dans les tableaux 22.9 et 22.10. Ils sont largement abordés dans la recommandation SFD sur les stratégies médicamenteuses pour la prise en charge du diabète de type 2 publiées en 2013.
Nous ne parlerons pas ici des thiazolidine diones, retirées du marché français (mais pas européen), en rappelant que la metformine est la prescription première, suivie des sulfamides (selon la HAS) et, selon les cas, les inhibiteurs de la DPP-4 ou les inhibiteurs de l’alpha-glucosidase (beaucoup moins utilisés cependant).
 
Le tableau de la recommandation HAS avec les différents moyens de traitement en fonction de l’écart entre l’objectif d’HbA1c et le niveau actuel doit être bien connu.
 
De façon simple, et dans le cas le plus général, il va de la monothérapie orale par metformine à la bithérapie avec les sulfamides, à une possible trithérapie avec les inhibiteurs de la DPP-4 avant le recours aux  injectables, notamment l’insuline.
Cet algorithme est rappelé en figure 22.9.
 
Insulinothérapie
– Quand ?
Plusieurs signes entrent en jeu pour déterminer la mise en place d’une insulinothérapie :
  • signes d’insulinorequérance (amaigrissement, asthénie, amyotrophie) qui peuvent s’exprimer par le syndrome polyuro-polydipsique ;
  • après avoir vérifié l’observance thérapeutique du patient ;
  • lorsque l’HbA1c reste supérieure aux objectifs fixés avec le patient, notamment sous antidiabétiques oraux (ce qui définit en général l’échec du traitement oral) : on suivra alors l’algorithme de la HAS ;
  • contre-indications ou intolérance aux hypoglycémiants oraux ou aux analogues du GLP-1 ;
  • dans certaines situations transitoires telles que des affections intercurrentes (plaie de pied, chirurgie, après un accident coronarien, grossesse, etc.).
– Comment ?
Insulinothérapie combinée
Elle consiste en une injection d’insuline combinée à des hypoglycémiants oraux.
La poursuite des antidiabétiques oraux autres que la metformine n’est pas obligatoire.
Elle est réalisée en l’absence de contre-indication aux hypoglycémiants oraux et lorsque l’insulinorequérance n’est encore que partielle.
La procédure est la suivante :
  • commencer par une injection d’insuline intermédiaire (NPH) au coucher ou d’analogue lent (Lantus®, Lévémir®) ; on notera que la HAS 2013 met en avant l’insuline NPH en première intention ;
  • possibilité de faire l’injection à d’autres moments que le coucher en cas d’utilisation du Lantus® ;
  • débuter par 0,2 U/kg de poids par jour, en adaptant progressivement la dose selon la glycémie capillaire à jeun (dose moyenne de 40 U par jour ou 0,45 U/kg et objectif glycémique habituel au réveil 1,10 g/l).
Les intérêts d’une insulinothérapie combinée sont les suivants :
  • simplicité de l’adaptation de la dose d’insuline sur la glycémie du matin ;
  • efficacité comparable de ce schéma à 2 injections d’insuline par jour pour une moindre prise de poids ;
  • nécessité d’une insulinosécrétion résiduelle ; ne peut donc être que transitoire.
Insulinothérapie exclusive
Elle consiste habituellement en 2 à 4 injections d’insuline. Avec l’aggravation progressive de l’insulinorequérance, l’insulinothérapie peut avec le temps nécessiter 3 voire 4 injections quotidiennes pour atteindre les objectifs fixés.
À ce stade, il est recommandé de prendre l’avis du spécialiste en diabétologie (Guide Parcours de soins, HAS 2014).
Différents schémas et différentes insulines peuvent être utilisés :
  • mélange rapide/intermédiaire ;
  • schéma basal-bolus.
Dans ces situations, l’autosurveillance glycémique pluriquotidienne est nécessaire et la gestion de l’insulinothérapie rejoint celle du diabète de type 1.
L’insulinothérapie est une contre-indication au renouvellement du permis poids lourd (C, D, E), sauf avis spécialisé favorable. Les conditions d’accès au permis de conduire se sont modifiées et sont disponibles en ligne (Permis de conduire et contrôle médical pour raisons de santé, mise à jour le 16 janvier 2014). La personne diabétique doit se soumettre elle-même à un contrôle médical auprès d’un médecin agréé par la préfecture du lieu de résidence.
 
Traitement du diabète de type 2 : ce que le patient doit savoir
 
La prise en charge est globale.
Le patient doit connaître ses objectifs thérapeutiques personnalisés :
  • pondéral ;
  • HbA1c ;
  • lipidiques ;
  • tensionnels.
Il doit connaître les moyens utilisés :
  • sevrage tabagique ;
  • activité physique ;
  • diététique ;
  • médicamenteux ;
  • nécessité de l’observance thérapeutique.
Il doit rapidement être informé de la nécessité probable d’utiliser l’insuline dans l’évolution naturelle de la maladie, du fait de l’aggravation de l’insulinopénie.
 

 

POINTS CLES

  • Le diabète de type 2 correspond à la forme la plus fréquente d’hyperglycémie chronique.
  • La physiopathologie associe une anomalie de l’insulinosécrétion et de l’insulinosensibilité.
  • L’objectif du traitement repose sur des objectifs glycémiques (HbA1c < 6,5 % au début de la maladie puis 7 %, à personnaliser) mais également tensionnels, lipidiques et pondéraux ; le diabète de type 2 nécessite une prise en charge globale de la pathologie et de ses complications.
  • À long terme, l’objectif est de limiter les complications qui sont l’enjeu de cette pathologie chronique.
  • Le traitement repose sur un trépied de moyens thérapeutiques : modifications alimentaires, activité physique régulière et intervention médicamenteuse (antidiabétiques oraux, analogues du GLP-1 et/ou insuline).
  • L’évolution naturelle de la maladie se fait vers une insulinopénie qui nécessitera à moyen ou long terme le recours à une insulinothérapie.

 

Complications dégénératives et métaboliques du diabète

 
La souffrance vasculaire au cours du diabète concerne l’intégralité des vaisseaux de l’organisme, quels que soient leur taille et les tissus qu’ils irriguent. Cette souffrance a parfois une traduction clinique : on distingue classiquement les complications microangiopathiques (rein, oeil, nerf) des complications macroangiopathiques, qui consistent en une athérosclérose accélérée, avec certaines spécificités. La présence d’un diabète augmente considérablement plus le risque d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (augmentation de 6 à 10 fois), que celui de coronaropathie (augmentation de 2 à 4 fois) ou d’accident vasculaire cérébral ischémique (2 fois).
L’hyperglycémie chronique est la force motrice de ces complications, de façon majeure pour les complications microangiopathiques et de façon importante, au même titre que l’hypertension artérielle, la dyslipidémie ou le tabagisme, pour les complications macroangiopathiques (+++).
On rappellera que la place du spécialiste en diabétologie est difficile pour une maladie qui intéresse les médecins généralistes en premier lieu. Mais il faut rappeler que l’avis du diabétologue est recommandé en cas de complications du diabète (Guide Parcours de soins, HAS 2014).

I. Physiopathologie des complications vasculaires

Bien que secondaire à un facteur unique, l’hyperglycémie, la physiopathologie des complications vasculaires ne se résume pas à une voie biochimique pathologique. De plus, des anomalies associées (par exemple, une dyslipidémie fréquente) exercent leurs propres effets, isolément ou en synergie avec ceux de l’hyperglycémie.
 
La physiopathologie des complications combine une agression des vaisseaux, surtout patente au niveau endothélial, et une inhibition de mécanismes cellulaires de défense ou de réparation (figure 22.10).
L’agression découle de l’excès de glucose disponible du fait du diabète, qui entre en abondance dans les cellules endothéliales, mais aussi dans les cellules musculaires lisses, les péricytes et les cellules apparentées, dont la captation de glucose, dépendante du transporteur GLUT 1, n’est pas régulée par l’insuline (figure 22.10). Pour ces cellules, en particulier la cellule endothéliale, cette abondance de substrat énergétique est profondément anormale.
 
Le flux dans la voie de la glycolyse est très augmenté : des voies habituellement mineures — voie du sorbitol, voie des hexosamines, activation de la PKC, synthèse de produits avancés de la glycation (AGE), qui sont des modifications irréversibles de molécules, notamment de protéines, par le glucose — sont débordées et leurs produits nuisent à l’équilibre de la cellule (figure 22.11). 
 
Par ailleurs, ce flux dans la voie de la glycolyse aboutit à la mitochondrie, dont les systèmes de protection dans les transferts d’électrons (mécanismes antioxydants) sont inondés et insuffisants.
Des espèces oxygénées réactives (ROS) sont générées en excès et vont aléatoirement réagir avec telle ou telle molécule, la modifiant définitivement : c’est le stress oxydant lié à l’hyperglycémie. La cellule va être modifiée, ne pas assurer correctement sa fonction (dysfonction endothéliale), voire disparaître.
D’autres systèmes participent à l’agression tissulaire et endothéliale :
  • inflammation ;
  • activation du système rénine-angiotensine ;
  • voies profibrosantes ;
  • voies induites par l’hypoxie.
Tandis que les systèmes de protection qui sont rendus moins efficaces par le diabète incluent :
  • antioxydants ;
  • anti-inflammatoires ;
  • cellules progénitrices vasculaires ;
  • angiogenèse, artériogenèse.
Selon les tissus, ce déséquilibre entre agressions et mécanismes de défense induira des conséquences soit communes (épaississement des membranes basales, troubles de la perméabilité vasculaire), soit spécifiques (plutôt prolifération vasculaire comme dans la rétine ou perte progressive et fibrose comme dans le rein).

II. Rétinopathie diabétique

La rétinopathie diabétique est une caractéristique du diabète : la définition du diabète repose sur la mesure du risque de voir apparaître une rétinopathie. C’est une complication chronique de l’hyperglycémie : elle n’est jamais présente au début du diabète de type 1. Sa présence au moment du diagnostic du diabète de type 2 est le témoin du retard au diagnostic de diabète, marqué par des années d’hyperglycémie modérée et ignorée. La démonstration par l’étude DCCT que l’on peut prévenir l’apparition de la rétinopathie ou retarder sa progression par le contrôle des glycémies est une date important de l’histoire de la diabétologie. 
 
C’est la complication dont on peut éviter les conséquences cliniques graves (cécité) dans quasi tous les cas :
  • examen ophtalmologique au diagnostic et surveillance annuelle ;
  • optimiser le contrôle glycémique et lutter contre l’HTA ;
  • traitement par laser (photocoagulation) si rétinopathie proliférante ou pré-proliférante sévère ;
  • laser et/ou injections intravitréennes d’anti-VEGF dans la maculopathie oedémateuse.

A. Épidémiologie

Les données épidémiologiques classiques indiquaient une prévalence de plus de 90 % de la rétinopathie après 30 ans de diabète, dont 30 à 40 % de formes menaçant le pronostic visuel. Dans le diabète de type 1, les données plus récentes, après le DCCT, montrent à durée égale de diabète une réduction du risque de rétinopathie, conséquence de l’amélioration de la prise en charge du diabète. Quant à la cécité, elle ne devrait plus se voir, car nous avons les moyens de prévenir les formes graves de rétinopathie, de les dépister et de traiter les lésions à risque.
 
En France, selon l’étude ENTRED, 3,9 % des diabétiques déclarent la perte de la vision d’un oeil, quelle que soit son origine ; de plus, 16,6 % des patients ont déclaré avoir bénéficié d’un traitement ophtalmologique par laser, en raison d’une atteinte oculaire due au diabète ou à une autre pathologie.
 
Le diabète reste pourtant la première cause de cécité acquise en France chez les moins de 50 ans (+++).
Les deux principaux facteurs de risque de diabète sont la durée de l’hyperglycémie et l’intensité de celle-ci. Les facteurs de risque de rétinopathie sont présentés dans le tableau 22.13.
 

B. Physiopathologie

Ce qu’on connaît le mieux de la rétinopathie concerne les anomalies que l’on peut voir des vaisseaux du plexus vasculaire interne (microangiopathie). Il est possible qu’elles soient précédées par des anomalies du tissu neural lui-même qu’on ne sait pas bien évaluer. Globalement les anomalies vasculaires peuvent prendre deux directions distinctes mais non mutuellement exclusives (figure 22.12) : une voie va conduire à l’occlusion des capillaires rétiniens avec, en conséquence, une ischémie de la rétine et la sécrétion de facteurs proangiogéniques, au premier rang desquels le VEGF. Cette sécrétion de facteurs proangiogéniques par la rétine ischémique aboutit à la formation de néovaisseaux, situés en avant de la rétine, à l’interface avec le vitré.
 
Trois complications de la présence de ces néovaisseaux menacent immédiatement le pronostic visuel :
  • le saignement entre la rétine et le vitré, improprement appelé hémorragie intravitréenne ;
  • la traction exercée sur la rétine, c’est le décollement de rétine ;
  • l’hypertonie oculaire, lorsque les néovaisseaux et la fibrose qui les entoure obstruent les canaux de résorption de l’humeur aqueuse.
La rétinopathie peut prendre une deuxième voie, plus fréquemment dans le diabète de type 2, avec altérations de la perméabilité des capillaires aboutissant à un oedème de la rétine, dangereux lorsqu’il se situe au niveau de la macula, siège de la vision fine. Le VEGF est aussi impliqué dans cette évolution de la rétinopathie, par ses propriétés de perméabilisation de la paroi.
La lésion élémentaire de la rétinopathie est le microanévrisme, ectasie de la paroi des capillaires, secondairement associée à des micro-hémorragies puis à l’occlusion capillaire.
La première lésion anatomique visible est la perte des péricytes, cellules apparentées aux cellules musculaires lisses, disparition dont on ne sait pas quel rôle elle joue dans l’histoire naturelle de la rétinopathie.

C. Examens

L’évolution est perfide : les signes fonctionnels (baisse de l’acuité visuelle) sont tardifs, tel patient peut avoir une acuité visuelle à 10/10 avec une rétinopathie proliférante et perdre la vue du jour au lendemain par hémorragie d’un néovaisseau. C’est dire l’importance du dépistage et du traitement préventif, par le laser, des lésions menaçantes.
Selon les recommandations de la HAS (2010), une observation du fond d’oeil ne paraît pas indispensable tous les ans pour tous les patients diabétiques diagnostiqués :
  • en l’absence de rétinopathie diabétique, chez les diabétiques non insulino-traités, équilibrés pour l’hémoglobine glyquée (HbA1c) et la pression artérielle, un intervalle de dépistage de 2 ans est suffisant après un examen du fond d’oeil de référence ;
  • en cas de diabète et/ou de pression artérielle mal contrôlés, un examen au moins annuel est nécessaire ;
  • pour la femme enceinte diabétique (hors diabète gestationnel), il est recommandé un dépistage avant la grossesse, puis trimestriel et en post-partum.
Les outils de la surveillance des yeux de diabétiques sont :
  • l’examen ophtalmologique, qui doit être complet avec examen de la rétine au biomicroscope et prises de clichés rétiniens standardisés, examen du cristallin et du segment antérieur de l’oeil, mesure de tonus oculaire et de l’acuité visuelle de près et de loin ;
  • la prise de photographies standardisées au rétinographe avec lecture différée par l’ophtalmologue. C’est la méthode de référence pour le dépistage, mais ça n’est qu’une méthode de dépistage : c’est un examen inapproprié pour la surveillance d’une rétinopathie ;
  • la tomographie de cohérence optique (OCT) qui évalue l’épaisseur et la structure de la rétine, examen essentiel pour l’évaluation de l’oedème maculaire ;
  • l’angiographie rétinienne, d’indication maintenant réduite.

D. Diagnostic de gravité

Certaines illustrations sont reprises ci-après (figure 22.13).
 
Les différents signes de rétinopathie permettent une classification selon une échelle de gravité (tableau 22.14).
 
On distingue souvent l’atteinte de la rétine périphérique responsable de lésion de type ischémique et celle de la rétine centrale (macula) responsable de lésions oedémateuses.

1. Signes au fond d’oeil (+++)

– Les signes retrouvés sont initialement :
  • les microanévrismes, apparaissant comme de petites taches rouges (ectasie de la paroi des capillaires rétiniens), premier signe de la rétinopathie diabétique. La rupture des microanévrismes est la source d’hémorragies, punctiformes ou en flammèche.
  • L’occlusion des capillaires au niveau des microanévrismes est la source de l’ischémie rétinienne, prélude aux néovaisseaux ;
  • les exsudats, dépôts jaunâtres qui sont des accumulations extracellulaires de lipides.
Signes plus sévères (utilisés pour définir le stade de rétinopathie pré-proliférante) :

A un stade plus tardif, sont témoins de l’ischémie rétinienne et définissent la rétinopathie pré-proliférante :

  • les nodules cotonneux, blancs, provoqués par l’occlusion des artères rétiniennes terminales ; c’est aussi un signe d’hypertension artérielle non contrôlée ;
  • les irrégularités de calibre des veines et boucles veineuses ;
  • l’ischémie rétinienne est surtout visible en angiographie ;
  • les anomalies microvasculaires intrarétiniennes (AMIR) sont des capillaires dilatés et télangiectasiques, établissant des ponts entre artérioles et veinules ;
On admet à ce stade d’atteinte non proliférante sévère (ou pré-proliférante) un diagnostic fondé sur la règle 4/2/1 : 4 quadrants avec nombreux microanévrismes ; 2 quadrants au moins avec anomalies veineuses en chapelet (ou moniliformes) ; 1 quadrant au moins avec nombreuses AMIR.
 
Néovascularisation :
Les néovaisseaux, partent d’une région perfusée en amont d’une ischémie rétinienne ; ils se développent en avant de la rétine, accompagnés d’un tissu fibro-glial et s’attachent à la hyaloïde postérieure. Ils exposent :
  • au décollement de rétine en cas de rétraction du vitré ;
  • aux hémorragies dans l’espace entre la rétine et la hyaloïde postérieure ;
  • au glaucome néovasculaire lorsque les néovaisseaux obturent les canaux de résorption de l’humeur aqueuse. Ces formes sont associées à la rubéose irienne : apparition de néovaisseaux sur l’iris.
L’oedème maculaire
Il atteint environ 10 % des personnes diabétiques. C’est la principale cause de malvoyance chez le sujet diabétique. C’est un épaississement de la région maculaire lié à l’accumulation de liquide extracellulaire, associé à la rupture de la barrière hématorétinienne interne. L’étude UKPDS a montré un rôle important de l’hypertension artérielle dans sa physiopathologie.
Le rôle du syndrome d’apnées du sommeil est incertain. Il se manifeste par un épaississement de la région maculaire, parfois difficile à voir au biomicroscope. 
L’OCT (tomographie par cohérence optique) est un examen essentiel pour le diagnostic.
  • Au niveau maculaire, on peut également observer les signes suivants :
    • épaississement rétinien : oedème maculaire (figure 22.14a) ;
    • aspect cystoïde dans les cas sévères, par formation de microkystes intrarétiniens ;
    • exsudats : dépôts de lipoprotéines, blanc jaunâtre, en couronne autour des anomalies microvasculaires ; aspect sévère de placard exsudatif centromaculaire.
  • La maculopathie et la rétinopathie pré-proliférante ou proliférante peuvent coexister et évoluer indépendamment l’une de l’autre.
     

2. Diabète et baisse d’acuité visuelle

Causes de baisse de l’acuité visuelle liées à la rétinopathie :
  • hémorragie intravitréenne ;
  • décollement de rétine ;
  • glaucome néovasculaire ;
  • maculopathie diabétique (baisse de l’acuité visuelle lente, à la différence des causes ci-dessus).

3. Examens complémentaires

– Angiographie à la fluorescéine
C’est un complément non systématique du fond d’oeil, pour préciser le stade et l’évolutivité d’une rétinopathie au moment de son diagnostic. Elle permet de visualiser particulièrement bien les zones ischémiques et les problèmes de perméabilité capillaire (diffusion de la fluorescéine) (figure 22.14b).
 
– Tomographie en cohérence optique
L’OCT (Optical Coherence Tomography) permet de détecter l’oedème maculaire (+++) (figure 22.14c).
 
– Échographie en mode B
Seul moyen d’investigation possible en cas d’hémorragie et de perte de transparence (hémorragie du vitré), rarement, à la recherche d’un décollement de rétine sous-jacent.

E. Situations à risque d’évolution rapide

Ces situations nécessitent une surveillance rapprochée :
  • adolescence, puberté ;
  • grossesse : la « programmation d’une grossesse » concerne également le bilan préalable des complications rétiniennes et leur prise en charge avant la grossesse. Une fois celle-ci débutée, il faudra prévoir une surveillance trimestrielle.
    La grossesse est une situation à risque d’aggravation de la rétinopathie, avec parfois des rétinopathies proliférantes florides nécessitant un traitement par laser en urgence ;
  • après des années de mauvais contrôle, au moment de l’instauration d’un traitement par pompe à insuline ou plus généralement au moment de l’intensification de l’insuline. Les jeunes femmes ayant des antécédents de trouble du comportement alimentaire sont particulièrement à risque ; il s’agira de modérer les objectifs glycémiques à très court terme s’il existe une rétinopathie importante, par un traitement préalable d’une zone ischémique avant l’intensification du traitement. Un examen ophtalmologique à 3 mois est essentiel pour dépister l’aggravation possible ;
  • chirurgie de la cataracte : une aggravation est possible, mais également une meilleure évaluation d’une atteinte rétinienne dont l’intensité ne pouvait être correctement précisée du fait de la « barrière » de la cataracte ;
  • une poussée hypertensive ou une dégradation de la fonction rénale peuvent entraîner une aggravation de la rétinopathie diabétique.

F. Traitement

Il existe plusieurs modalités de traitement.

1. Équilibre glycémique et tensionnel (+++)

La figure 22.15 illustre le bénéfice du bon contrôle glycémique d’après une étude qui compare, sur une période de 9 ans, l’incidence cumulée de l’aggravation de la rétinopathie chez des diabétiques de type 1, indemnes de rétinopathie initialement, avec un bon contrôle (groupe intensif, environ 7 % d’HbA1c) ou un mauvais contrôle (groupe dit conventionnel, HbA1c de 9 %).
 

2. Panphotocoagulation rétinienne

Le laser réduit de plus de 50 % le risque de cécité et entraîne une régression de la néovascularisation dans 70 à 90 % des cas. Le laser détruit des photorécepteurs fortement consommateurs en oxygène, supprimant ainsi une partie du stimulus lié à l’hypoxie. En amincissant l’épaisseur de la rétine, il permet à l’oxygène de la circulation choroïde d’atteindre les couches internes. Le meilleur moment pour commencer le laser est la rétinopathie préproliférante, lorsque l’ischémie fait craindre l’apparition à court terme de néovaisseaux.
 
La panphotocoagulation rétinienne (PPR) est réalisée en ambulatoire, progressivement. Elle fixe la rétine et fait régresser la néovascularisation en périphérie des zones ischémiques (figure 22.16).
 
 
Dans les formes sévères, florides, ou lorsque les saignements persistent, les traitements par injection intraoculaire d’inhibiteurs du VEGF ont connu un développement rapide et sont associés à une amélioration du pronostic visuel. Ils servent souvent à préparer la chirurgie : vitrectomie avec laser peropératoire.
L’oedème maculaire pose des problèmes thérapeutiques mal résolus :
  • l’équilibre de la pression artérielle est essentiel ;
  • le laser voit ses indications se réduire aux zones d’exsudats ;
  • les traitements par anti-VEGF (ranibizumab, Lucentis®) sont bénéfiques chez 50 % des patients, mais leur effet est transitoire, nécessitant la répétition des injections ;
  • les injections intravitréennes de corticoïdes (acétate de triamcinolone, Kénacort®) ont vu leur champ d’application se réduire avec la mise en place de protocole de traitement par anti-VEGF. 
 
Rétinopathie : ce que le patient doit savoir
 
Le diabète est la première cause de cécité dans les pays industrialisés avant l’âge de 50 ans.
 
Rôle péjoratif :
  • du mauvais équilibre glycémique ;
  • de l’ancienneté du diabète ;
  • de l’existence d’une HTA mal contrôlée.
 
Le diabétique doit connaître les points suivants :
  • un examen ophtalmologique doit être effectué tous les ans ou tous les 2 ans, dès le diagnostic du diabète ;
  • une acuité visuelle normale n’élimine pas une rétinopathie.
 
Par ailleurs, il doit savoir que les signes suivants, baisse de l’acuité visuelle, troubles de la vision des couleurs, déformations des images et sensation de voile, sont des signes beaucoup trop tardifs.
Les troubles de la réfraction sont fréquents quand la glycémie varie de façon importante et ne doivent pas conduire à la prescription intempestive de nouvelles lunettes.

 

Autres complications oculaires
 
Les autres complications oculaires rencontrées peuvent être :
  • la cataracte, plus fréquente et plus précoce chez les diabétiques (+++) ;
  • le glaucome néovasculaire, complication redoutable de la rétinopathie proliférante ; en revanche, le glaucome chronique n’est pas associé à la rétinopathie ;
  • les paralysies oculomotrices, qui peuvent concerner les nerfs oculomoteurs III, IV ou VI, régressant habituellement spontanément en quelques mois ; il s’agit d’une manifestation de mononeuropathie diabétique.

 

III. Néphropathie diabétique

A. Épidémiologie

Le diabète est la première cause d’insuffisance rénale terminale en Europe (12 à 30 %).
Aux États-Unis, il représente plus de la moitié des cas de dialyse. Cette proportion de patients diabétiques dans les centres de dialyse va en croissant, du fait de l’augmentation de la prévalence du diabète de type 2 et de l’espérance de vie prolongée des diabétiques grâce à une meilleure prévention cardiovasculaire primaire et secondaire.
Les diabétiques de type 2 représentent environ trois quarts des diabétiques dialysés.
Pour des raisons essentiellement génétiques, tous les diabétiques ne sont pas concernés par cette évolution péjorative.
Seuls 30 % des diabétiques de type 1 environ seront exposés à cette menace, à exposition comparable à l’hyperglycémie chronique.
 
Associés à la néphropathie :
  • risque cardiovasculaire : × 10 chez les diabétiques de type 1 ; × 3–4 chez les diabétiques de type 2 ;
  • décès en insuffisance rénale terminale : 25 à 30 % des diabétiques de type 1 ; 5 % des diabétiques de type 2.

B. Physiopathologie (+++)

La néphropathie diabétique est une atteinte glomérulaire, s’accompagnant d’une élévation de la pression intraglomérulaire, secondaire à la souffrance endothéliale décrite dans la section consacrée à la physiopathologie des complications : on constate un déséquilibre du tonus des artères afférentes et efférentes, et les glomérules sont moins à l’abri de la pression artérielle systémique.
Sous l’augmentation de la pression intraglomérulaire, les glomérules se dilatent (les reins des diabétiques sont gros) et filtrent mieux à court terme (les diabétiques ont initialement une hyperfiltration).
Les glomérules réagissent, sur l’échelle de plusieurs années, par l’épaississement de leur membrane basale et par la prolifération des cellules mésangiales. Mais progressivement, les qualités fonctionnelles du filtre glomérulaire s’altèrent, il laisse passer de plus en plus d’albumine, elle-même toxique pour les segments distaux du néphron. Les glomérules se sclérosent, la filtration glomérulaire, jusque-là élevée, s’abaisse — la figure 22.17 illustre le point d’inflexion entre l’augmentation de l’excrétion urinaire d’albumine et l’élévation, puis le déclin de la filtration glomérulaire : ce point
d’inflexion constitue le seuil définissant l’albuminurie pathologique, la « microalbuminurie ».
 
Lorsque l’excrétion urinaire d’albumine atteint des niveaux détectables par de simples bandelettes urinaires, on parle de macroalbuminurie ou protéinurie.
La toxicité directe du glucose en excès au niveau des différents types cellulaires vulnérables du néphron, dont les podocytes, est une agression en synergie avec les anomalies hémodynamiques décrites ci-dessus.
Ces anomalies hémodynamiques et métaboliques induisent l’activation des voies de l’inflammation et de la fibrose.
Il y a encore 15–20 ans, la protéinurie précédait de 3 à 10 ans l’insuffisance rénale (histoire naturelle illustrée figure 22.18).
Aujourd’hui, les traitements néphroprotecteurs limitent cette évolution.
 

C. Dépistage (+++)

Recommandations officielles concernant l’insuffisance rénale dans le diabète (HAS 2014, Parcours de soins du diabète de type 2 ; HAS 2011, Évaluation du rapport albuminurie/créatininurie ; ANAES 2002, Diagnostic de l’insuffisance rénale chronique chez l’adulte) :
  • il convient de pratiquer au moins une fois par an chez le diabétique de type 2 (et une fois par an chez le diabétique de type 1, au-delà de la cinquième année), la recherche d’une protéinurie par la bandelette urinaire standard ; ce test a aussi pour but de rechercher une hématurie et/ou une infection urinaire, qui demandent des explorations spécifiques et qui peuvent fausser l’interprétation de l’albuminurie ;
  • détecter l’excrétion urinaire d’albumine par le rapport Albuminurie/Créatininurie sur échantillon d’urine recueilli à tout moment de la journée plutôt que le recueil des urines des 24 heures ; le résultat sera considéré comme pathologique (ce qui est mesuré est l’albuminurie ; microalbuminurie et macroalbuminurie sont des résultats pathologiques) s’il est confirmé à deux reprises (un dépistage, deux confirmations) ;
  • vérifier à 6 mois que la microalbuminurie ou la protéinurie régresse ou se stabilise (HAS, 2011).
Ces recommandations s’appliquent aux sujets diabétiques quel que soit le type.
 
Il faut garder à l’esprit les conditions favorisant un résultat faussement positif de la recherche de microalbuminurie (tableau 22.15).
 
La recherche de microalbuminurie peut aussi — ce n’est pas la recommandation de la HAS — être effectuée sur les urines des 24 heures ou sur un échantillon sans mesure de la créatininurie.
Les différents seuils définissant les anomalies de l’excrétion urinaire d’albumine sont rappelés dans le tableau 22.16.
 

D. Diagnostic

1. Signes cliniques

Les signes cliniques sont tardifs : HTA habituelle quand la protéinurie est établie, oedèmes accompagnant la protéinurie quand elle est abondante et quand l’insuffisance rénale s’installe (cf. items 261 et 258).

2. Signes associés

Une rétinopathie est en général présente au diagnostic de néphropathie, surtout chez le diabétique de type 1.
L’albuminurie excessive, dès le stade de microalbuminurie, constitue un facteur de risque cardiovasculaire indépendant. Le débit de filtration glomérulaire abaissé est également un facteur de risque cardiovasculaire, indépendant des facteurs de risque classiques et de l’albuminurie.
Il n’est donc pas surprenant qu’une atteinte artérielle (macroangiopathie) soit observée quand la néphropathie est patente. En particulier, et surtout chez le type 2 qui cumule souvent les facteurs de risque, on doit facilement suspecter une sténose des artères rénales (10 à 50 % dans le type 2, selon les séries), qui peut se manifester par une HTA résistante aux traitements et/ou une dégradation rapide de la fonction rénale.
 
L’hyperkaliémie est plus fréquente chez les diabétiques (hypoaldostéronisme-hyporéninisme), et ce à des stades plus précoces d’insuffisance rénale qu’en l’absence de diabète.
Elle est favorisée par les IEC ou sartans préconisés dans la néphropathie.
Elle justifie des mesures de vigilance (attention à la déshydratation), des mesures diététiques et une surveillance régulière adaptée. Parfois des chélateurs du potassium sont nécessaires.

3. Signes histologiques

Le diagnostic de la néphropathie diabétique est histologique. Cependant, la ponction-biopsie rénale est rarement pratiquée : en présence d’une rétinopathie affirmant l’exposition prolongée à l’hyperglycémie, d’une excrétion urinaire d’albumine augmentée de façon répétée et progressivement croissante, on retient le diagnostic de néphropathie diabétique (stricto sensu à partir du stade de macroalbuminurie, avant la néphropathie est dite incipiens ou silencieuse).
La ponction-biopsie rénale sera réservée aux situations atypiques :
  • absence de rétinopathie associée ;
  • apparition précoce (moins de 10 ans après le diagnostic de diabète) de la néphropathie chez un diabétique de type 1 ;
  • évolution rapide vers l’aggravation, vers l’insuffisance rénale ;
  • hématurie ou HTA sévère (rechercher une pathologie rénovasculaire) ou protéinurie non sélective ou oedèmes importants à un stade précoce ;
  • signes extra-rénaux (cutanés, pulmonaires, etc.) évoquant une autre cause : lupus, sarcoïdose, etc.
La démarche diagnostique est alors celle d’une glomérulopathie (cf. item 258, « Néphropathies glomérulaires »). Les caractéristiques histologiques sont, dans le diabète de type 1 :
  • précocement, une hypertrophie mésangiale, une hypertrophie glomérulaire ;
  • puis un épaississement de la membrane basale et la formation de dépôts mésangiaux nodulaires ou diffus ;
  • une hyalinose artériolaire (touchant les artères glomérulaires afférente et efférente) ;
  • tardivement, un aspect de glomérulosclérose nodulaire (nodules de Kimmestiel-Wilson).
Dans le diabète de type 2, les atteintes sont hétérogènes : un tiers des patients ont des atteintes typiques (comme dans le type 1) qui prédominent, un tiers des lésions vasculaires majoritaires (néphroangiosclérose) et un tiers des lésions d’une autre nature que la néphropathie diabétique.

E. Classification

La classification des néphropathies diabétiques est représentée dans le tableau 22.17.
 
Diagnostic de néphropathie incipiens :
  • microalbuminurie entre 30 et 300 mg par 24 heures à plusieurs reprises (20 à 200 ?g/min ou 20 à 200 mg/l) ;
  • en l’absence d’un déséquilibre aigu du diabète ;
  • HTA normale (si > 160/95 ? HTA idiopathique avec néphroangiosclérose) ;
  • le plus souvent rétinopathie sévère (mais son absence ne permet pas de récuser le diagnostic de néphropathie diabétique débutante).
Dans le diabète de type 2, signification double : souffrance glomérulaire, mais aussi facteur de risque cardiovasculaire à prendre en compte dans l’évaluation du risque global.

F. Traitement (+++)

1. Prévention primaire

La prévention primaire (éviter l’apparition d’une albuminurie excessive et d’un déclin de la fonction rénale) repose sur le traitement du diabète et des facteurs de risque associés, en  particulier de l’HTA (cf. item 219 au chapitre 13 et item 221 au chapitre 14).

2. Prévention dès le stade de microalbuminurie

L’essentiel est :
  • le contrôle de la glycémie : HbA1c < 7 % et plus bas si possible sans risque d’hypoglycémie (HAS, 2013) ;
  • le contrôle de la pression artérielle : < 140/85 mm Hg (HAS, 2014 ; 140/90 mm Hg selon les sociétés savantes européennes) ; le recours à l’automesure et à l’enregistrement ambulatoire de la pression artérielle est recommandé ;
  • l’utilisation d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou d’antagonistes des récepteurs de type 1 de l’angiotensine II (sartans) ; recommandation ANAES 2004 : diabète de type 1, plutôt IEC, diabète de type 2, plutôt sartan, et cela parce que les essais cliniques ont été respectivement conduits dans le type 1 avec des IEC et dans le type 2 avec des sartans ; toutefois, les quelques données en face-à-face suggèrent la similitude des effets.
    En revanche, l’association IEC + sartan a un rapport bénéfices/risques défavorable.
Mais aussi :
  • prise en charge de tous les facteurs de risque associés, dont le tabac. La prescription de statine repose sur l’évaluation du risque cardiovasculaire global mais, chez les diabétiques avec micro- ou macroalbuminurie, elles sont souvent indiquées (HAS, 2014) ;
  • régime hypoprotidique : 0,8 g/kg par jour ;
  • apports en sel modérés, de l’ordre de 6 g par jour.

3. Au stade de macroalbuminurie

La priorité absolue est le contrôle tensionnel : objectif < 140/85 mm Hg.
On associe aux bloqueurs du système rénine-angiotensine (IEC ou sartan, cf. supra) un diurétique thiazidique et souvent également un inhibiteur calcique.
Un objectif important est de ramener le débit de protéinurie < 0,5 g par 24 heures.
Vérifier à 6 mois que la microalbuminurie ou la protéinurie régresse ou se stabilise (HAS, 2013).

4. Au stade d’insuffisance rénale

Les mêmes principes s’appliquent :
  • selon les recommandations de la HAS (2013) :
    • l’objectif d’HbA1c est < 8 % si la filtration estimée est < 30 ml/min/1,73 m2 ;
    • pour un DFG entre 30 et 60 ml/min/1,73 m2, adapter les posologies, en particulier pour la metformine qui doit être réduite à demi-dose (elle n’a PAS de toxicité rénale, mais est à élimination rénale) et porter une attention particulière aux interactions médicamenteuses (adapté de HAS, 2013) ;
    • à partir du stade 4 (DFG < 30 ml/min/1,73 m2), les seules classes thérapeutiques autorisées (AMM) sont l’insuline, le répaglinide, les inhibiteurs des ?-glucosidases jusqu’à 25 ml/min/1,73 m2 et à moins de 25 ml/min/1,73 m2 les inhibiteurs de la DPP-4 à posologie adaptée (HAS, 2013). Les hypoglycémies sont plus fréquentes quand le stade est 3B ou plus sévère ;
  • surveillance de l’équilibre glycémique par l’HbA1c : l’HbA1c est souvent perturbée en cas d’IRC, en particulier faussement élevée en cas d’acidose, faussement diminuée en cas d’hémolyse, de carence martiale (HAS, 2012) ;
  • l’objectif cible de la pression artérielle systolique est ramené à moins de 130 mm Hg pour prévenir la progression des complications (HAS, 2013).
Il faut aussi prendre en charge les anomalies phosphocalciques, l’anémie arégénérative (traitement par érytropoïétine) et la préparation de la suppléance rénale qui, en pratique, est nécessaire à un niveau moyen de filtration glomérulaire supérieur chez les diabétiques (vaccination VHB, fistule ou, le plus souvent possible, dialyse péritonéale) : référer au néphrologue.
La transplantation est à envisager systématiquement.
   
       À tous stades, mais d’autant plus que la filtration est abaissée, il faut éviter les situations à risque d’accélération de la progression de la néphropathie :
  • éviter les AINS ;
  • si cure courte d’AINS nécessaire : ne pas associer aux IEC/sartan, prévenir toute déshydratation ;
  • limiter au strict nécessaire les injections de produits de contraste iodés, hydrater abondamment, éventuellement par voie IV si insuffisance rénale.
 
Recours au néphrologue
Le recours au néphrologue est conseillé dès qu’il existe un doute diagnostique sur l’origine diabétique de l’atteinte rénale, dès que le DFG est inférieur à 45 ml/min/1,73 m2 (stade 3B d’insuffisance rénale chronique), indispensable en cas d’apparition brutale d’une protéinurie chez un patient qui en était indemne jusque-là (HAS 2013).
 
IEC et sartans
 
Se méfier d’une sténose des artères rénales : doser kaliémie et créatininémie dans la semaine qui suit l’introduction.
 
Une baisse limitée (de l’ordre de 10 % de la filtration glomérulaire estimée) est cependant un effet normal de ces classes thérapeutiques.
 
L’introduction des IEC et sartans peut être à posologie croissante, mais la dose à atteindre dans la limite de la tolérance est la pleine dose (pas d’efficacité sur les critères durs dans les essais des « petites doses »).

 


Néphropathie : ce que le patient doit savoir
 
Le diabète est la première cause d’insuffisance rénale dans les pays industrialisés.
Rôle péjoratif :
  • du mauvais équilibre glycémique ;
  • de l’ancienneté du diabète ;
  • de l’existence d’une HTA.
Le diabétique doit savoir :
  • qu’un examen des urines doit être effectué tous les ans, dès le diagnostic du diabète, et que si son médecin ne le prescrit pas, il doit le lui rappeler ;
  • que l’atteinte rénale du diabète ne fait pas mal et qu’on urine normalement ;
  • qu’il n’y a pas de signe d’alerte, sauf l’analyse des urines.
 
Autres complications rénales, infections urinaires
 
Leur fréquence est multipliée par 3 à 4 ; 90 % des infections urinaires basses sont asymptomatiques.
 
Dépistage : sur signes d’appel et bandelette urinaire une fois par an.
 
Conséquences :
  • le risque est essentiellement la contamination du haut appareil urinaire, avec :
    • la pyélonéphrite, elle-même compliquée, en particulier chez le diabétique ;
    • la nécrose papillaire (à soupçonner si l’évolution sous antibiotiques n’est pas favorable ; aspect échographique évocateur) ;
    • l’exceptionnelle pyélonéphrite emphysémateuse, avec douleurs lombaires violentes, syndrome septique sévère (intérêt de l’échographie et surtout du scanner abdominal, sans injection si la fonction rénale est altérée) ;
  • risque à moyen terme d’aggravation d’une néphropathie glomérulaire débutante ou avancée.

Traitement :

  • oui, selon les mêmes modalités que chez les autres patients, si l’infection urinaire est symptomatique ;
  • si l’infection est asymptomatique, le dogme du traitement systématique chez le diabétique est remis en question, la stérilisation des urines étant de courte durée et la fréquence ultérieure des infections, symptomatiques cette fois, n’étant pas modifiée. Il n’y a donc pas de consensus actuel.
Les récidives sont fréquentes : 70 % des cas.

 

IV. Neuropathie diabétique

On distingue :
  • la neuropathie périphérique sensitivomotrice (anciennement appelée polynévrite),
  • et la neuropathie autonome, qui touche les fibres neurovégétatives.
Leur expression clinique et leur délai d’apparition sont différents.

A. Épidémiologie

La neuropathie autonome diabétique est une complication plutôt tardive. Il est rare qu’elle précède la rétinopathie.
À l’inverse, la neuropathie périphérique est une complication multifactorielle (glycémie, lipides, alcool…) et donc précoce dans le diabète de type 2. Sa prévalence est très variable selon les études et croît avec la durée du diabète, de 10 à 60 %.
On peut retenir qu’elle concerne 50 % des patients diabétiques après 20 ans d’évolution de la maladie.
 
À exposition identique à l’hyperglycémie, la présence et l’expression de la neuropathie périphérique sont très variables. Des facteurs favorisants ont été identifiés, parmi lesquels :
  • une grande taille (sans doute en raison de la plus grande longueur des fibres) ;
  • le tabagisme ;
  • l’âge (la fréquence est très grande au-delà de 65 ans) ;
  • la présence d’une artériopathie des membres inférieurs ;
  • des carences nutritionnelles, vitaminiques ;
  • l’alcool ;
  • l’insuffisance rénale.

B. Physiopathologie

L’hyperglycémie chronique est le déterminant du développement de la neuropathie.
Elle est la conséquence d’une atteinte métabolique qui ne semble pas se distinguer histologiquement d’autres étiologies métaboliques, telles que l’alcoolisme ou l’urémie pour la localisation périphérique.
S’y associe une atteinte vasculaire, par oblitération du fin réseau des vasa nervorum qui est intimement mêlé aux différentes fibres nerveuses présentes dans le nerf périphérique.

C. Dépistage

Le dépistage de la neuropathie périphérique sensorimotrice repose uniquement sur l’examen clinique et l’interrogatoire. Il n’y a pas de place pour l’électromyogramme, sauf en cas d’atypie.
Il faut rechercher à l’examen les déficits sensitifs et à l’interrogatoire les caractéristiques typiques de la douleur neuropathique.
Le dépistage de la neuropathie autonome repose sur l’examen clinique et l’interrogatoire et le diagnostic doit être confirmé par des examens complémentaires.
D’autres atteintes neurologiques peuvent se voir chez le patient diabétique, mais elles sont plus rares.

D. Classification

La classification des neuropathies diabétiques est représentée dans le tableau 22.18.
 

E. Diagnostic, présentation clinique

Plusieurs présentations sont possibles et peuvent coexister. Quoi qu’il en soit, la neuropathie débutante est souvent silencieuse et doit être recherchée activement. En particulier, l’examen des pieds est aussi important et systématique en consultation de diabétologie que l’auscultation cardiaque en cardiologie (+++) : toute consultation chez un patient diabétique doit comporter l’examen des pieds.

1. Neuropathie sensorimotrice

Les fibres les plus longues sont altérées les premières : les symptômes ont une topographie ascendante avec le temps, dite « en chaussettes » (et beaucoup plus tardivement ensuite au niveau des membres supérieurs, « en gants »). Exceptionnellement, des douleurs abdominales « en bandes » sont possibles. Elles sont alors de diagnostic difficile et peuvent faussement orienter vers un abdomen chirurgical.
Il existe deux types de fibres :
  • les fibres les plus petites concernent les sensations thermiques, algiques et du toucher fin (tact épicritique) ; la souffrance des petites fibres peut se traduire aussi par des sensations douloureuses (impression de pieds glacés ou brûlants, décharges électriques…) ;
  • les fibres les plus grosses concernent les sensations de position des articulations (proprioception), la sensibilité vibratoire, la sensibilité à la pression explorée par le monofilament, éventuellement la force motrice.
L’examen clef du diagnostic est l’examen clinique pour la perte de sensibilité, qui n’est pas consciente, et l’interrogatoire pour les sensations douloureuses.
L’électromyogramme (EMG) est inutile le plus souvent et ne sera prescrit que lorsqu’il existe un doute quant à l’étiologie des signes neurologiques. Il n’explore que les grosses fibres et pourra donc être normal alors qu’il existe une authentique neuropathie des petites fibres. Normal, il n’élimine donc pas le diagnostic.
 
– Polynévrite symétrique distale
Cette forme de neuropathie diabétique, la plus fréquente, concerne plus de 40 % des diabétiques de plus de 25 ans d’évolution. Elle est chronique et progressive ; la régression est rare, même après normalisation glycémique prolongée.
Elle se manifeste par :
  • une hypoesthésie à la pression et/ou au tact et/ou thermique et/ou proprioceptive, totalement ignorée du patient, qui se recherche à l’examen clinique des pieds et des jambes ;
  • parfois associée à des paresthésies distales, initialement orteils et plantes des pieds puis plus proximales (fourmillements, sensation de cuisson, de peau cartonnée, de douleurs « électriques », de crampes) ;
  • parfois des douleurs, pouvant être atroces, sensation d’« arc électrique », sensation d’écrasement, de brûlure ; ces sensations douloureuses peuvent cohabiter avec un examen clinique normal mais doivent faire évoquer une neuropathie douloureuse des petites fibres ; le diagnostic est confirmé par le questionnaire DN4 (figure 22.19) ;
  • des réflexes achilléens abolis, ainsi que plus tardivement les rotuliens ;
  • tardivement, par des déformations de la voûte plantaire qui se creuse, des orteils en griffes, le maintien de positions vicieuses, l’acquisition de points d’appui anormaux.
 
Une complication de la neuropathie est la neuroarthropathie, qui se manifeste par des microfractures passant inaperçues et qui, non traitées, peuvent conduire à un effondrement de la voûte plantaire avec une dislocation des os du tarse, dénommé le pied « cubique » de Charcot.
Les autres formes sont plus rares (5 à 15 %). Leur début est brutal, faisant suspecter une pathologie ischémique, mais parfois il s’agit seulement de la compression radiculaire ou tronculaire d’un nerf « fragilisé par le diabète ». Ces mononeuropathies se traduisent essentiellement par des signes moteurs déficitaires, des douleurs évocatrices par leur exacerbation nocturne.
 
– Polynévrite asymétrique proximale, ou amyotrophie diabétique
Il s’agit d’une forme beaucoup plus rare, dont la présentation caractéristique est celle d’une radiculopathie touchant L2, L3 et parfois L4, avec une cruralgie suivie d’une fatigabilité et d’une amyotrophie douloureuse proximale, stable pendant des mois.
Il s’agirait peut-être d’une forme intermédiaire entre la polynévrite diabétique et une vascularite, impressionnante par l’amyotrophie et la cachexie associées.
 
– Polyradiculopathie thoracique
Rare, elle se présente comme des douleurs abdominales correspondant à un ou plusieurs niveaux entre T4 et T12, faisant longtemps errer le diagnostic vers une étiologie gastro-intestinale, hépatique, etc.
 
– Mononévrite et multinévrites
La mononévrite représente 5 à 10 % des neuropathies sensorimotrices. Manifestée sur un mode aigu, elle est asymétrique par définition. Aucun nerf n’est théoriquement épargné (bien moins fréquent que la polynévrite), mais les situations rencontrées généralement sont les paralysies des nerfs crâniens, notamment la paralysie du VI, voire du III, du IV ou du facial, d’un côté.
Les membres supérieurs sont moins souvent touchés. Il s’agit alors souvent d’une neuropathie compressive, telle une compression du médian dans le canal carpien.
Le syndrome du canal carpien est le plus souvent bilatéral, même s’il est asymétrique, comme dans le cadre de l’hypothyroïdie et de l’acromégalie.
Les membres inférieurs peuvent être touchés sur le mode sensitif (cruralgies intenses).
Les multinévrites quant à elles, caractérisées par plusieurs nerfs et souvent d’un seul côté, sont rares et le diagnostic différentiel est surtout constitué des vascularites, à rechercher.

2. Neuropathie autonome diabétique

C’est une complication d’un diabète ancien et mal équilibré, où les nerfs vague et du système sympathique ont été lésés. La régression est rare, même après normalisation glycémique prolongée.
 
– Neuropathie autonome cardiovasculaire
Elle se manifeste par l’un ou l’autre des signes suivants :
  • une tachycardie sinusale quasi permanente, dont la fréquence, de l’ordre de 110/min, ne varie que très peu pendant l’effort ; elle participe à l’intolérance à l’effort ;
  • rarement, une bradycardie permanente ;
  • un allongement du QT à l’ECG, participant peut-être au surrisque et certainement à la mort subite chez les diabétiques.
Elle est peut-être la cause de l’absence de douleur angineuse à l’occasion d’une ischémie myocardique : l’ischémie silencieuse.
 
– Neuropathie autonome vasomotrice
Elle se manifeste par les signes suivants :
  • hypotension orthostatique, sans accélération du pouls : la PAS baisse physiologiquement de 5 à 15 mm Hg, avec une accélération du pouls < 20/min. L’hypotension orthostatique se définit par une baisse de 30 mm Hg ou plus de la PAS et survient dès les premières minutes d’orthostatisme. Elle peut aussi être iatrogène chez des patients souvent polymédicamentés (antihypertenseurs) ; 
  • trouble de la microcirculation périphérique, sous dépendance nerveuse, dont les symptômes sont : hyperémie, rougeur, oedème. Ces symptômes, et les troubles de la sudation, ont fait qualifier la neuropathie diabétique évoluée d’« auto-sympathectomie ».
– Troubles de la sudation
Par anomalie de la régulation nerveuse, la sudation est altérée au niveau des membres inférieurs (anhidrose), avec une sécheresse cutanée qui va favoriser l’hyperkératose, les cors et les plaies. 
On constate parfois une hypersudation de la partie supérieure du corps (hyperhidrose) ou de territoires plus limités, de topographie « neurologique », comme une hémiface.
La sécheresse cutanée peut s’accompagner de prurit, avec lésions de grattage facilement impétiginisées, et de perte de la pilosité.
 
Neuropathie digestive gastro-intestinale
Elle peut se manifester par les signes suivants :
  • parésie du tractus digestif, à quelque niveau que ce soit ;
  • dysphagie (motricité oesophagienne réduite), rare ;
  • gastroparésie fréquente : satiété rapide, pesanteur abdominale, régurgitations ou vomissements alimentaires, par exemple le lendemain matin du dîner de la veille ; souvent elle est peu symptomatique et soupçonnée sur la survenue d’hypoglycémies paradoxales car observées en postprandial (on découvre parfois un bézoard, qu’il faudra rechercher par une fibroscopie oesogastrique) ;
  • diarrhée d’allure banale ou diarrhée motrice, mais toujours d’évolution capricieuse ; rare dans le type 2, plus fréquente dans le type 1, mais toujours avec une longue durée de diabète et d’autres complications neurologiques autonomes. C’est un diagnostic d’élimination.
Il faut éliminer en premier la maladie coeliaque (associée au diabète de type 1 dans 7 % des cas, qui s’accompagne d’une malabsorption, absente dans la neuropathie digestive) et une pullulation microbienne, mais aussi d’autres causes de diarrhée chronique, notamment endocrines ; une cause également fréquente est la pancréatite chronique ;
  • constipation, alternant ou non avec la diarrhée. Cependant, la durée de la phase diarrhéique s’étend sur plusieurs semaines ou mois et diffère donc du rythme plus rapide de l’alternance diarrhée/constipation du constipé chronique.
    Les explorations sont les mêmes que chez un sujet non diabétique, l’étiologie diabétique étant retenue après la recherche d’autres causes, dont une tumeur colique recherchée par coloscopie ;
  • incontinence fécale, rare, à la fois due aux troubles du transit cités et à une baisse du tonus sphinctérien ; elle peut être déclenchée par une hypoglycémie.
– Neuropathie vésicale
Elle est caractérisée par un défaut de perception de la plénitude vésicale et par une hypoactivité du détrusor, mais elle est aussi favorisée par la polyurie de l’hyperglycémie. De nombreux médicaments peuvent aggraver la symptomatologie.
Un résidu postmictionnel permanent va favoriser l’incontinence urinaire, la rétention aiguë d’urines et surtout les infections urinaires, avec un risque de retentissement sur le haut appareil et la fonction rénale.
Il faut souligner ici l’importance de l’évaluation clinique et échographique de la prostate, du bilan urodynamique et de l’échographie vésicale postmictionnelle (quantifier le résidu, anormal en cas de valeur supérieure à 100 ml).
 
– Dysfonction érectile
Elle est souvent multifactorielle :
  • la participation psychogène est constante ;
  • de rares syndromes de Leriche avec artériopathie sténosante aorto-iliaque peuvent être impliqués.
Sont incriminés le rôle de la fibrose des corps caverneux et une forte composante de neuropathie (plexus pelvien).
 
La dysfonction érectile est caractérisée par une difficulté à initier l’érection, à la maintenir, également par une anéjaculation ou une éjaculation rétrograde.
Il s’agit peut-être de l’un des premiers signes de neuropathie autonome, à rechercher à l’interrogatoire systématiquement. Là aussi, le diagnostic différentiel est à envisager, avec examen génital, testostéronémie, prolactinémie.
C’est une complication fréquente, dont le retentissement sur la qualité de vie est important, et que l’on peut presque toujours traiter efficacement, notamment par les injections intracaverneuses d’inducteurs de l’érection (cf. item 122 au chapitre 9).
Cependant, elle n’est que rarement évoquée spontanément : c’est donc le rôle du médecin que d’interroger les patients sur leur sexualité.

3. Examens diagnostiques utiles

Le seul examen impératif est clinique :
  • interrogatoire (signes d’hypotension orthostatique, diarrhée, etc.) ;
  • inspection des pieds ;
  • recherche des réflexes ostéotendineux, abolis au même niveau que la symptomatologie sensitive (par exemple, les achilléens sont abolis dans la polynévrite « en chaussettes ») ;
  • un test global simple et standardisé est validé, le monofilament : il s’agit d’un fil de nylon rigide (10 G) que l’on applique en appuyant doucement jusqu’à ce qu’il se plie sur la face plantaire des pieds (figure 22.20).
On cote le résultat en fonction du nombre d’applications détectées. Mais ce test ne détecte qu’une atteinte des grosses fibres. Il laisse passer 30 % des neuropathies périphériques. En cas de doute, il faut rechercher d’autres atteintes sensitives et des douleurs typiques à l’interrogatoire (DN4) ;
  • test de la sensibilité épicritique (pique-touche, sans blesser les pieds, etc.), thermoalgique, vibratoire (diapason), proprioceptive.
  • De plus, un ECG est réalisé annuellement au minimum chez tout diabétique.
Les examens complémentaires éventuels sont :
  • l’EMG, seulement en cas d’atypie, indication relevant du spécialiste : une asymétrie, etc.
    En effet, après 10 à 15 ans de diabète, l’EMG est anormal chez tout diabétique et il a donc une valeur diagnostique médiocre. Inversement, il peut être normal en cas d’atteinte isolée des petites fibres, en particulier de neuropathie douloureuse. Les anomalies typiques sont une axonopathie distale démyélinisante ; les VCN (vitesse de conduction nerveuse) et l’amplitude des potentiels d’action des nerfs sensitifs puis moteurs sont réduites ;
  • l’étude de la variation du rythme cardiaque au cours de manoeuvre telle qu’un effort ou certains tests dans la neuropathie autonome cardiaque ;
  • la gastroparésie, parfois évidente à la fibroscopie en raison de la persistance du bol alimentaire ou d’un lac muqueux de grande abondance ou bien d’un bézoard, peut être authentifiée par une scintigraphie d’un bol alimentaire marqué dont le transit est ralenti (images itératives montrant une stagnation du marqueur radioactif dans la poche gastrique) ;
  • la mesure par échographie du résidu vésical postmictionnel, un bilan urodynamique dans la neuropathie vésicale.

4. Tests permettant de rechercher une dénervation cardiaque parasympathique

– Variations de la fréquence cardiaque lors de la respiration profonde
Le malade est laissé au repos pendant 15 minutes, puis un enregistrement d’une dérivation de l’ECG lors de la respiration profonde est réalisé (6 expirations et 6 inspirations en une minute).
La différence entre fréquence inspiratoire maximale et fréquence cardiaque expiratoire minimale est normalement supérieure à 15 ; elle est considérée comme anormale lorsqu’elle est inférieure à 10.
La variation de la fréquence cardiaque lors de la respiration profonde est le test le plus sensible, permettant de dépister une dénervation cardiaque parasympathique partielle. Mais il n’est pas interprétable chez les patients ayant une pathologie bronchorespiratoire et après l’âge de 60 ans.
 
– Épreuve de Valsalva
Après une inspiration profonde, le malade réalise une expiration forcée à glotte fermée pendant 15 secondes. Une dérivation de l’ECG est enregistrée pendant l’épreuve et dans la minute qui suit l’épreuve. On mesure le rapport entre l’espace RR le plus long après l’épreuve (bradycardie réflexe) et l’espace RR le plus court en fin d’épreuve (tachycardie). Le rapport est normalement supérieur à 1,20. Il est considéré comme anormal s’il est inférieur à 1,20.
La manoeuvre de Valsalva est contre-indiquée en cas de rétinopathie proliférante, en raison de la poussée hypertensive qu’elle induit, qui serait susceptible de provoquer une hémorragie rétinienne.
 
– Variations de la fréquence cardiaque lors du passage de la position couchée à la position debout
Une dérivation de l’ECG est enregistrée, malade couché puis malade debout pendant 1 minute.
On mesurera le rapport de l’espace RR le plus long vers la 20e seconde (ou le 30e battement) après le lever (bradycardie réflexe) sur l’espace RR le plus court à la 10e seconde (ou 15e battement) après le lever (tachycardie initiale).
Ce rapport est normalement supérieur à 1,03. Il est considéré comme anormal lorsqu’il est inférieur à 1.

5. Diagnostic différentiel de la neuropathie chronique sensitive

Il faut toujours analyser la situation avec précaution et se poser la question d’une autre étiologie que le diabète. En effet, les traitements spécifiques existent parfois et peuvent transformer le tableau clinique. Dans le tableau 22.19 sont répertoriées les autres étiologies.
 

F. Traitement

Le seul traitement réellement efficace à ce jour est préventif : l’équilibre glycémique. Il convient également d’éviter les autres facteurs favorisants, tels que :
  • l’alcool ;
  • le tabac ;
  • l’insuffisance rénale ;
  • les carences en vitamines du groupe B ;
  • les effets secondaires de certains médicaments.
Une fois la neuropathie installée, on ne peut guère plus que la stabiliser, à nouveau par l’équilibre glycémique. L’enjeu est alors la prévention des complications de la neuropathie, avec en premier le mal perforant plantaire (cf. infra) (+++).
 
Le reste du traitement est symptomatique en cas de neuropathie douloureuse :
  • antalgiques, dont les antalgiques banals, mais surtout certains antiépileptiques (gabapentine [Neurontin®], prégabaline [Lyrica®]), certains antidépresseurs (tricycliques, fluoxétine, paroxétine, duloxétine [Cymbalta®]), les phénothiazines ;
  • hydratation des tissus cutanés (crème, pommade).

V. Macroangiopathie

L’atteinte vasculaire concerne également les artères musculaires, de calibre > 200 ?m.
Elle est qualifiée de macroangiopathie et se distingue dans le diabète par sa précocité (athérosclérose accélérée), sa plus grande fréquence et sa sévérité (par exemple, les infarctus du myocarde sont plus souvent mortels). De plus, la paroi artérielle subit un vieillissement accéléré, avec calcification diffuse de la média (médiacalcose). À la radiographie standard, les artères sont alors visibles spontanément, en rail.

A. Épidémiologie

La prévention cardiovasculaire est le problème majeur des sujets diabétiques de type 2 : trois quarts d’entre eux mourront d’une cause cardiovasculaire, la moitié d’un infarctus du myocarde.
Le risque cardiovasculaire est multiplié par 2 à 3 par le diabète, indépendamment des autres facteurs de risque fréquemment associés comme l’HTA. Chez la femme, il est multiplié par 3 à 4.
En effet, le diabète réduit considérablement le bénéfice du genre féminin face au risque cardiovasculaire.
Le surrisque associé au diabète varie selon le lit artériel :
  • risque coronarien multiplié par 2 à 4 ;
  • risque d’accident vasculaire ischémique multiplié par 1,5 à 2 ;
  • risque d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs multiplié par 5 à 10.
La mortalité des AVC et des infarctus du myocarde est supérieure en cas de diabète (risque de décès multiplié par 2 environ).

B. Physiopathologie

Les processus de l’athérosclérose, détaillés dans le chapitre 13 « Facteurs de risque cardiovasculaire et prévention », sont potentialisés par l’hyperglycémie qui entraîne une souffrance endothéliale liée à l’afflux de substrats glucidiques dans la cellule et au stress oxydant généré (cf. supra « Physiopathologie microvasculaire »).

C. Dépistage et évaluation du risque

Le risque est évalué selon une approche globale, comme détaillé précédemment (items 219 et 220 au chapitre 13) ou dans les recommandations de la HAS. On évalue ainsi le risque de décès cardiovasculaire à 10 ans. Un risque supérieur à 1 % par an, ou de 10 % sur les 10 ans, est généralement retenu comme élevé (ou un risque supérieur à 20 % de faire un événement coronarien dans les 10 ans). Un moteur de calcul du risque spécifique du diabète de type 2 a été élaboré à partir de l’étude UKPDS. D’autres moteurs sont disponibles, comme le programme européen SCORE (cf. figure 13.2 au chapitre 13). Le risque obtenu est alors à multiplier par 2 à 4, puisqu’il ne tient pas compte de la présence du diabète.

1re étape – Identifier les facteurs de risque

– Facteurs de risque cardiovasculaire
Voici la liste des éléments d’estimation du risque cardiovasculaire global qui permettent de calculer l’objectif du LDLc :
  • l’âge (> 50 ans chez l’homme et > 60 ans chez la femme) ;
  • la durée du diabète : au-delà de 10 ans, le surrisque s’accroît et ce de façon très marquée si le diabète a été mal contrôlé (révélé alors par la présence de la rétinopathie) ;
  • les antécédents familiaux d’accident cardiovasculaire précoce : infarctus du myocarde ou mort subite avant 55 ans chez le père ou chez un parent du premier degré de sexe masculin ; infarctus du myocarde ou mort subite avant 65 ans chez la mère ou chez un parent du premier degré de sexe féminin ;
  • les antécédents familiaux d’AVC constitué précoce (< 45 ans) ;
  • le tabagisme (tabagisme actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans) ;
  • l’HTA permanente, traitée ou non ;
  • un taux de HDLc < 0,4 g/l, quel que soit le sexe ;
  • une microalbuminurie > 30 mg par 24 heures (double signification de la microalbuminurie : rénale et cardiovasculaire).
À l’inverse, une concentration de HDL > 0,6 g/l retire un facteur de risque dans l’équation.
 
– Autres facteurs à prendre en compte (mais qui n’entrent pas dans le calcul de l’objectif du LDLc)
Il s’agit des facteurs suivants :
  • l’obésité abdominale (périmètre abdominal > 102 cm chez l’homme et 88 cm chez la femme) ou l’obésité (IMC > 30 kg/m2) ;
  • la sédentarité (absence d’activité physique régulière : soit environ 30 minutes trois fois par semaine) ;
  • la consommation excessive d’alcool (plus de trois verres de vin par jour chez l’homme et deux verres par jour chez la femme) ;
  • les aspects psychosociaux (activité professionnelle, problèmes psychologiques, psychosociaux, troubles de l’alimentation, dynamique familiale, facilité d’adaptation, éducation, emploi).

2e étape – Mettre en évidence une atteinte artérielle patente

– Coronaropathie
  • Mise en évidence par un ECG de repos annuel systématique.
  • Réalisation d’une scintigraphie myocardique couplée à une épreuve d’effort, voire à une coronarograpie d’emblée si les signes cliniques ou l’ECG sont évocateurs (se référer au cardiologue).
  • Recherche ciblée vis-à-vis des patients à risque élevé d’une ischémie myocardique silencieuse par une épreuve d’effort, si un effort d’intensité élevée et amenant à la fréquence cardiaque maximale théorique est possible, sinon on effectue une épreuve d’effort couplée à la scintigraphie myocardique (se référer au référentiel Alfediam/SFC).
– Atteinte carotidienne
  • Auscultation des carotides à chaque consultation.
  • Effectuer une échographie-Doppler des carotides (angio-IRM si anomalie auscultatoire) en cas de symptomatologie évocatrice d’AIT à l’interrogatoire.
Pour certains, elle sera systématique tous les 2 à 3 ans si le risque cardiovasculaire est élevé (en particulier si une HTA est associée). Dans ce cas, il semble utile de disposer d’une mesure de l’épaisseur intimamédia, dont il est démontré qu’elle apporte un éclairage valide sur l’état des autres artères périphériques, notamment des artères coronaires.
 
– Artériopathie des membres inférieurs
On effectuera les examens suivants :
  • inspection soigneuse des pieds ;
  • recherche des pouls, auscultation des trajets artériels à chaque consultation ;
  • recherche d’une symptomatologie de claudication ;
  • mesure de l’indice de pression systolique (IPS) cheville/bras : c’est le rapport entre la pression artérielle systolique mesurée au bras et celle mesurée à la cheville (avec une sonde Doppler pour mesurer la pression occlusive ou, plus simplement, avec un appareil de mesure automatique de la pression artérielle), chez un patient en décubitus parfait ; une valeur supérieure à 0,9 est rassurante, inférieure à 0,7 elle oriente vers une artériopathie, intermédiaire elle oriente vers une artériopathie probable.
    Des valeurs supérieures à 1,3 évoquent une rigidité artérielle excessive aux membres inférieurs (médiacalcose) et ne permettent pas de conclure sur la présence ou non de sténoses ;
  • recherche de claudication ou de plaie des pieds, IPS abaissé, échographie-Doppler des artères des membres inférieurs (à partir de l’aorte abdominale) ;
  • angio-IRM ou artériographie ne seront demandées que si une revascularisation est envisagée ; il s’agit donc d’un examen préthérapeutique et non seulement diagnostique.

D. Diagnostic et présentation clinique

On se reportera aux items 334 et 335. Quelques spécificités liées au diabète peuvent être retenues.
 
On notera une grande fréquence de l’ischémie myocardique silencieuse (multipliée par 1,8 chez les sujets de moins de 65 ans par rapport aux non-diabétiques), ce qui signifie que le myocarde peut souffrir d’une perfusion insuffisante sans qu’une douleur de type angineux (c’est-à-dire constrictive) ne soit présente de façon typique. Cela a deux traductions :
  • un infarctus peut être classiquement douloureux, mais il faut aussi y penser systématiquement devant la survenue soudaine de symptômes par ailleurs inexpliqués :
    • troubles digestifs et parfois douleurs épigastriques ;
    • asthénie en particulier à l’effort ;
    • troubles du rythme cardiaque, embolie ;
    • et parfois simple déséquilibre inexpliqué du diabète ;
    • ou baisse de la pression artérielle ;
  • le dépistage de cette ischémie silencieuse est systématique chez les sujets à risque cardiovasculaire élevé.
Certaines situations sont à risque vasculaire extrême, telles que :
  • le diabétique de type 1 ou de type 2 avec une microangiopathie sévère, dont une glomérulopathie avec protéinurie > 1 g/l ;
  • le diabétique ayant déjà une atteinte vasculaire : davantage encore que chez le non-diabétique, l’athérosclérose est une maladie systémique ; autrement dit, un souffle fémoral fera aussi rechercher une atteinte coronarienne ou carotidienne, par exemple.
On notera également une autre spécificité : l’artériopathie des membres inférieurs chez le diabétique.
 
Outre l’association fréquente à une neuropathie responsable du caractère indolore de l’ischémie, l’artérite des membres inférieurs du diabétique est caractérisée par sa topographie :
  • une fois sur trois, elle est proximale, bien corrélée aux facteurs de risque classiques (HTA, hyperlipidémie, tabagisme) ;
  • une fois sur trois, elle est distale, siégeant en dessous du genou, bien corrélée à l’équilibre glycémique et à la durée du diabète ;
  • une fois sur trois, elle est globale, proximale et distale.
Par chance, même lorsqu’elle est distale, une artère au-dessous de la cheville reste le plus souvent perméable. La palpation d’un pouls pédieux n’élimine donc en rien l’existence d’une artérite sévère des axes jambiers sous-jacents, mais il est sûrement un des meilleurs arguments pronostiques de l’artérite diabétique. En effet, cette persistance permet de réaliser des pontages distaux (utilisant la veine saphène interne dévalvulée in situ, ou inversée) dans le cadre d’un sauvetage de membre nécessité par une gangrène du pied.
La gangrène, même limitée, n’est jamais secondaire à une microangiopathie diabétique ; elle témoigne toujours d’une atteinte des artères musculaires, même s’il s’agit d’artères de petit calibre, et elle doit donc bénéficier, à chaque fois que cela est possible, d’une revascularisation.
Un geste d’amputation a minima, réalisé sans exploration vasculaire, risque de ne jamais cicatriser et d’entraîner une aggravation secondaire de l’ischémie avec amputation majeure.

E. Traitement

La prévention est essentielle, primaire ou secondaire.
Les stratégies de revascularisation sont similaires à celles des non-diabétiques, avec quelques spécificités pour l’atteinte coronaire :
  • étant donné le risque accru chez le diabétique de resténose, la pose de stents, si possible actifs (stents couverts), est la règle ;
  • atteinte tritronculaire : chirurgie (pontage aortocoronarien) plutôt qu’angioplastie percutanée.

1. Contrôle glycémique

L’association entre contrôle glycémique et risque de macroangiopathie est nette, mais on peine à identifier un seuil d’HbA1c en dessous duquel le risque est réduit à celui des nondiabétiques. 
On a longtemps pensé que viser le meilleur contrôle glycémique était bénéfique pour le patient. Les études récentes, ACCORD, ADVANCE et VADT, suggèrent qu’en dessous de 7 % d’HbA1c moyenne sur le long terme, le bénéfice est faible, cependant que le risque thérapeutique (hypoglycémies, iatrogénie) devient significatif. Ainsi, si un objectif de 6,5 % est souhaitable pour un patient jeune et en prévention primaire, 7 % paraît plus raisonnable chez des patients plus âgés ou à plus fort risque, comme rappelé dans les recommandations HAS 2013 sur la prise en charge thérapeutique des sujets diabétiques de type 2.
Rappelons que la metformine est de prescription systématique chez le diabétique de type 2 en surpoids, ce qui est généralement le cas.
C’est sans doute encore plus vrai chez le diabétique coronarien (+++).
 
En phase aiguë (syndrome coronarien aigu, mais peut-être aussi AVC ischémique), le contrôle glycémique le plus proche de la normale semble être un élément pronostique important ; or la crainte phobique de l’hypoglycémie fait souvent laisser les patients en hyperglycémie marquée, alors que le risque d’hypoglycémie est très limité par la simple surveillance rapprochée des glycémies capillaires.

2. Activité physique

Elle est systématiquement recommandée, à un niveau adapté au patient.
Cette partie n’est pas différente, en dehors de la rééducation après coronaropathie patente, des recommandations rappelées dans la section consacrée aux règles hygiéno-diététiques du diabète de type 2.

3. Contrôle lipidique (+++)

On rappellera les données du chapitre sur les facteurs de risque cardiovasculaire et les objectifs de concentration du LDL-cholestérol :
  • diabète sans facteurs de risque cardiovasculaire additionnels et pas de néphropathie : LDLc < 1,3 g/l ;
  • diabète et risque cardiovasculaire élevé ou néphropathie avérée : LDLc < 1,0 g/l.
Les recommandations consistant à cibler un LDLc < 0,7 en prévention secondaire ou en prévention primaire à risque majeur reposent sur un niveau de preuve limité.
Afin d’atteindre ces objectifs, il est recommandé d’intensifier le traitement du diabète, de recourir à un régime restreint en graisses d’origine animale et, si nécessaire, de prescrire un hypolipidémiant (statine).
Parmi les statines, le plus haut niveau de preuve a été obtenu pour la simvastatine à 40 mg par jour, la pravastatine à 40 mg par jour et l’atorvastatine à 10 mg par jour. Les statines doivent être prises le soir (meilleure efficacité).
 
L’objectif d’hypertriglycéridémie exclusive est : LDLc 2 g/l et HDLc < 0,4 g/l, ou hypertriglycéridémie importante (TG > 4 g/l).
Il est recommandé d’intensifier le traitement du diabète, de recourir à un régime restreint en graisses d’origine animale, de proscrire l’alcool et, si nécessaire, de prescrire un hypolipidémiant (l’utilisation d’un fibrate apparaît rationnelle).
L’association statine-fibrate est exceptionnelle et du domaine du spécialiste.

4. Contrôle de la pression artérielle

L’objectif tensionnel, y compris chez les patients avec maladies rénales, est d’obtenir une PAS comprise entre 130 et 139 mm Hg et une PAD inférieure à 90 mm Hg, confirmées par une mesure de la PA en dehors du cabinet médical.
L’objectif est à adapter suivant les patients, suivant le risque d’hypotension orthostatique chez la personne âgée, chez les personnes atteintes de neuropathie cardiaque autonome et suivant les traitements associés.
Application de mesures hygiénodiététiques et association à un antihypertenseur en cas d’échec (cinq classes : bêtabloquant cardiosélectif, diurétique thiazidique, IEC, ARA II, inhibiteur calcique).
Après échec de la monothérapie, proposer la bithérapie puis la trithérapie.

5. Prévention du risque thrombotique

L’administration de faibles doses d’aspirine (75 à 150 mg) est recommandée chez le diabétique ayant au moins un facteur de risque cardiovasculaire associé.

6. Contrôle du poids

Les objectifs sont : IMC < 25 kg/m2 ; tour de taille optimal < 94 cm (chez l’homme) et < 80 cm (chez la femme).
L’application de mesures hygiénodiététiques est systématique.
Le recours aux traitements pharmacologiques, de type orlistat et sibutramine, reste optionnel.

7. Sevrage tabagique

Arrêt du tabac, associé si besoin à un accompagnement du sevrage tabagique.
En première intention, chez les patients dépendants : substituts nicotiniques (patch, gomme, pastille, inhaleur). En deuxième intention : bupropion.
Une prise en charge spécialisée est recommandée chez les personnes fortement dépendantes ou souffrant de co-addictions multiples ou présentant un terrain anxiodépressif.
Il est nécessaire d’anticiper les risques de déséquilibre du diabète par la polyphagie réactionnelle et la modification transitoire de la sensibilité à l’insuline.

VI. Pied diabétique

(Cf. également l’item 153 – UE 6 « Infections ostéo-articulaires ».)
Actuellement au cours de sa vie, un patient diabétique sur dix risque de subir au moins une amputation d’orteil. Il y a encore 10 000 amputations non traumatiques par an en France chez des diabétiques. Mais cela n’est pas une fatalité.
Au moins la moitié pourrait être évitée.
L’amputation complique toujours une plaie du pied. En évitant les plaies on prévient l’amputation.

A. Physiopathologie

La neuropathie et l’artériopathie sont le terrain de l’apparition des plaies podologiques, seules ou en combinaison. L’éventail des plaies va du mal perforant plantaire (neuropathie pure) à la plaie ischémique d’orteil ou de membre (artériopathie pure).
L’infection peut survenir sur l’un ou l’autre de ces processus et constitue un facteur aggravant.
La plaie est quasi toujours d’origine mécanique (kératose, chaussure, agression externe).

B. Dépistage

Les patients à risque de faire une plaie chronique sont dits « à risque podologique ».
Ce risque concerne :
  • les patients diabétiques artéritiques : pouls abolis ou faibles ;
  • les patients diabétiques ayant une neuropathie compliquée d’un trouble de la statique du pied ;
  • les patients diabétiques ayant des troubles de la sensibilité algique, vibratoire, thermique et profonde ;
  • tout patient diabétique ayant des antécédents d’ulcération au niveau des pieds.
La classification internationale du risque de plaie podologique chez le diabétique indique les grades suivants :
  • grade 0 : absence de neuropathie sensitive et d’artériopathie ;
  • grade 1 : présence d’une neuropathie sensitive isolée ;
  • grade 2 : association de la neuropathie à l’artériopathie ou aux déformations des pieds ;
  • grade 3 : antécédents d’ulcération ou d’amputation.
À chaque grade correspondent des mesures de prévention.

C. Mal perforant plantaire, ou plaie neuropathique

Les points d’appui du pied normal sont au nombre de sept, dont :
  • les cinq têtes des métatarsiens ;
  • la styloïde du 5e métatarsien au bord latéral du pied ;
  • le talon.
La neuropathie entraîne une hypoesthésie et favorise les déformations ostéoarticulaires.
C’est au niveau de ces points d’appui que se développent les durillons (hyperkératose) qui feront le lit des maux perforants plantaires (figure 22.21).
 
 
C’est en effet le durillon qui creuse la plaie.
Après ces déformations, les points d’appui anormaux subissent une pression permanente excessive. La réaction de l’organisme, favorisée par la sécheresse cutanée, est l’hyperkératose.
Elle peut être majeure et constituer un durillon, équivalent de corps étranger.
C’est l’absence de douleur (c’est-à-dire de signe d’alerte) qui va être responsable de la deuxième étape : à chaque pas, à chaque appui, le durillon s’appuie dans les tissus mous sous-jacents. 
Cette pression répétée mille fois par jour va conduire à une dilacération des tissus mous et à la formation de collections stériles sous la corne, le durillon peut se fissurer en créant une porte d’entrée pour les germes cutanés vers la collection, milieu de culture idéal.
À cette étape peut se former une collection infectée, c’est-à-dire un abcès sous le durillon, qui peut évoluer vers la dermo-hypodermite et après au moins 3 semaines d’évolution vers l’ostéite.
Le mal perforant peut donc se révéler par l’une des manifestations suivantes :
  • du pus va sourdre par l’une des fissures du durillon, tachant la chaussette ;
  • une infection plus marquée de type cellulite avec fonte purulente localisée des tissus adipeux et musculaires sera une révélation bruyante, parfois avec signes systémiques (fièvre, frissons, syndrome inflammatoire biologique et hyperleucocytose), absents dans les autres cas.
Pourquoi décrire cette forme clinique par « mal perforant plantaire » ?

 

Le terme « plantaire » est utilisé parce que, par définition, il est causé par un point d’appui anormal ou anormalement sollicité.
Cela peut se voir aussi sous les pulpes des orteils en griffes.
Mais sur le dos du pied, en périphérie ou au niveau de la cheville, il ne s’agit pas d’un mal perforant plantaire en général : c’est une plaie plus probablement d’origine artériopathique secondaire à un frottement.

D. Ischémie ou nécrose

Si une AOMI est présente, la physiopathologie est une oblitération ou une sténose des artères de moyen à petit calibre. La peau sera froide, fine, dépilée, avec un aspect de livedo, parfois plutôt pourpre.
 
Si une petite plaie survient, les besoins pour lutter contre la micro-infection locale et pour cicatriser sont multipliés par 10 à 20, la moindre petite plaie (piqûre de la peau lors du coupage des ongles, couture un peu saillante dans la chaussure, fissure au fond d’un banal intertrigo candidosique) va déséquilibrer la situation et cette petite zone va être en ischémie relative, elle va noircir. Le processus est alors engagé et peut aller très vite (quelques heures à quelques jours) : l’organisme devrait fournir encore plus d’oxygène pour cette zone et, comme il ne peut le faire, cette boucle vicieuse se répète jusqu’à ce que l’orteil entier, l’avant-pied ou le pied entier soit noir. L’urgence est de revasculariser.

E. Lésions complexes

Très souvent la neuropathie et l’artériopathie coexistent. Le mal perforant peut alors se compliquer de nécrose. L’urgence est la revascularisation. L’infection nécessite une antibiothérapie.

F. Dermo-hypodermite nécrosante

Survenant dans de très rares cas, il s’agit d’une urgence infectieuse vitale. Le tableau septique est au premier plan, le teint est gris, l’hémodynamique altérée, l’odeur de la plaie fétide.
Il faut débrider la plaie en urgence au bloc et mettre des antibiotiques.
 
Un cas particulier exceptionnel est la gangrène gazeuse, dont le germe responsable est en général le Clostridium perfringens. La présence de gaz dans les chairs se manifeste par des crépitations à la palpation (crissement de la marche dans la neige) et des clartés (taches de 1 mm environ) dans les parties molles à la radiographie standard. Il s’agit d’une urgence vitale, l’amputation est nécessaire dans les heures qui suivent, ainsi qu’une réanimation comprenant une antibiothérapie parentérale par pénicilline.

G. Conduite à tenir en urgence devant une plaie de pied diabétique

Voici ce que doit faire l’interne de garde aux urgences devant une plaie de pied chez un patient diabétique :
  • recueillir les données de l’interrogatoire et de l’examen permettant de dater l’apparition de la lésion du pied et de qualifier celle-ci de neuropathique (antécédents podologiques, sensibilité atténuée du pied controlatéral, hyperkératose, déformations) et/ou d’artériopathique (facteurs de risque et antécédents cardiovasculaires, pouls distaux abolis, souffles vasculaires) ;
  • localiser la plaie : plutôt en regard d’un point d’appui très sollicité, d’un durillon, neuropathique ;
  • vérifier la couleur de la plaie, l’odeur, etc. ;
  • vérifier les signes locaux de diffusion : lymphangite, oedème, fusée plantaire, érysipèle, etc.
Le diagnostic d’infection est en effet clinique.
  • vérifier les signes généraux, présents (fièvre, frissons, teint gris) ou non ;
  • coter la douleur.
Au terme de cette approche, seront précisés :
  • le terrain : neuropathie et/ou artériopathie ;
  • la présence d’une complication : infection, ischémie ;
  • la sévérité : urgence vitale (gangrène, tableau de septicémie) ou non.
Les décisions à prendre sont :
  • quel avis demander ?
    • l’orthopédiste uniquement s’il est nécessaire de drainer une infection purulente ;
    • le chirurgien vasculaire en cas de doute sur une participation ischémique, pour discuter d’une revascularisation en urgence ;
    • rarement, le réanimateur si le tableau septique est sévère ;
  • quel examen prescrire le jour même ?
    • radiographie des pieds, centrée sur la zone atteinte, bilatérale pour comparaison, à la recherche d’une ostéite (cf. infra) ;
    • en cas d’infection clinique seulement : NFS, ionogramme sanguin avec créatininémie, CRP, hémocultures s’il y a lieu ;
  • quelle surveillance prescrire ? Uniquement si l’état clinique le justifie, on surveillera pouls, pression artérielle, température/8 heures, diurèse, glycémie horaire, initialement ;
  • quel traitement prescrire ? :
    • la mise en décharge (suppression totale de l’appui sur la plaie) est systématique ; si le patient est traité en ambulatoire, il doit repartir avec une ordonnance de « chaussure de décharge » et un arrêt de travail ;
    • excision de l’hyperkératose par une IDE à domicile ;
    • en cas d’infection clinique uniquement, parage et drainage de la plaie si nécessaire et prélèvement en profondeur (écouvillon et cathéter souple utilisé pour les prélèvements sanguins, visant à aspirer une sérosité et du pus en profondeur), et rechercher un contact osseux avec un stylet à pointe mousse ;
    • antibiothérapie non systématique : uniquement si infection clinique ;
    • anticoagulation à dose préventive uniquement si hospitalisation et alitement ;
    • traitement antalgique ;
    • réhydratation en fonction de l’état hémodynamique ;
    • protocole de normalisation de la glycémie par insulinothérapie à la seringue électrique (par exemple) si le diabète était déséquilibré ;
    • matelas anti-escarre ou coussin relève-jambe en cas de participation ischémique ;
    • mise à jour de la vaccination antitétanique [l’oublier expose à des déconvenues majeures lors des ECN…].
L’antibiothérapie est indiquée en urgence en cas de signes généraux ou d’infection locale. Elle doit couvrir les cocci Gram-positifs et les anaérobies. Pour exemple, citons l’amoxicilline-acide clavulanique (per os ou IV, selon la situation), avec une première dose d’aminoside rapidement administrée si présence de signes systémiques.

H. Grandes lignes du traitement

  • Décharge pour toutes les plaies :
    • pour l’obtenir, il est nécessaire de supprimer l’appui : la marche est limitée au strict nécessaire (aller aux toilettes, etc.) avec des chaussures de décharge adaptées (type Barouk®), parfois d’autres systèmes comme des bottes Aircast® ou, encore assez expérimental, des plâtres de décharge (jamais en cas de participation artériopathique) ;
    • pour les plaies neuropathiques non infectées, la prise en charge est ambulatoire ;
    • cette décharge, associée à une détersion manuelle de l’hyperkératose entourant les maux perforants plantaires non infectés, peut suffire à obtenir leur cicatrisation en un mois et demi environ.
  • Revascularisation : il est nécessaire de revasculariser par angioplastie ou pontage pour les plaies à participation artériopathique. Nécessité de préserver le capital veineux (saphène) pour les pontages.
  • Antibiothérapie : elle n’est pas systématique, mais réservée aux plaies infectées cliniquement (inflammation, pus, etc.). Pour une plaie récente, on doit couvrir les cocci Gram-positifs (infection à staphylocoque ou streptocoque). Pour une plaie ancienne, on doit couvrir les bacilles Gram-négatifs courants (Proteus mirabilis). Les patients fréquentant l’hôpital peuvent avoir une infection à staphylocoque résistant à la méticilline. Les patients immunodéprimés (greffe rénale) avec une infection sévère doivent avoir une antibiothérapie initiale à large spectre.
    Après récupération des résultats microbiologiques, on cherchera à restreindre le spectre si la plaie va cliniquement mieux. Le traitement de l’infection des tissus mous est de 15 jours.
     
Ostéite
 
C’est une complication grave mais ce n’est pas une urgence médicale. Le diagnostic repose le plus souvent sur la radiographie standard, qu’il faut savoir répéter car les signes sont retardés. Une radiographie typique en regard de la plaie avec un contact osseux positif recherché à l’aide d’une pointe mousse a une très bonne valeur prédictive positive.
 
En cas de doute, on peut avoir recours à des examens plus complexes ou à la biopsie osseuse, passant en peau saine et effectuée après 15 jours d’arrêt des antibiotiques. Le traitement repose soit sur une résection chirurgicale de l’articulation infectée, soit sur une antibiothérapie de 6 à 12 semaines avec suppression totale de l’appui.
 

 

Pied diabétique : ce que le patient doit savoir
 
Patient diabétique sans risque (grade 0)
Il doit savoir comment le rester :
  • avec un bon équilibre glycémique ;
  • avec une prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire, en particulier l’arrêt de l’intoxication tabagique.
Patient à risque, dit de grade 1, 2 ou 3
Il doit savoir comment protéger ses pieds :
  • éviter les situations qui mettent le pied en danger :
  • ne pas marcher pieds nus, par exemple à la plage ;
  • ne pas couper les ongles, mais plutôt les limer ;
  • ne pas enlever les cors ou les callosités avec des instruments tranchants, mais les poncer ;
  • ne pas utiliser de substances corrosives telles que des coricides ;
  • ne pas utiliser de bouillotte ou de coussin électrique pour se réchauffer les pieds ;
  • favoriser les méthodes qui protègent le pied :
    • inspecter les pieds chaque jour, avec l’aide d’un miroir si nécessaire ;
    • vérifier en y passant la main ou en les secouant l’absence de corps étranger dans les chaussures avant de les enfiler, surtout si le patient est à risque de pied diabétique ;
    • laver les pieds chaque jour à l’eau tempérée et les sécher soigneusement, surtout entre les orteils ;
    • hydrater les pieds quotidiennement en cas de sécheresse de la peau (crème hydratante) ;
  • recourir régulièrement à des soins de pédicurie auprès d’un professionnel ayant l’habitude de suivre les patients diabétiques (si le risque podologique est de grade 2, quatre consultations par an sont prises en charge par la CPAM ; si le risque est de grade 3, six consultations par an). Une ordonnance doit être remise avec ces indications (niveau de risque et nombre de consultations) ;
  • porter des chaussures adaptées en cuir, larges, avec des semelles souples, sans brides ou lanières, sans coutures intérieures, et fermées ; le fait que la chaussure soit confortable n’est pas une garantie de qualité ;
  • changer de paire de chaussures dans la journée ; ne porter les nouvelles chaussures que durant une heure les premiers jours et inspecter les éventuels points de frottement ;
  • porter des chaussettes de coton, de laine ou de soie, si possible ; les changer tous les jours ;
  • éviter les élastiques qui serrent le mollet.

VII. Autres complications

A. Peau et diabète

1. Nécrobiose lipoïdique

La nécrobiose lipoïdique est une complication rare (0,3 % à 1 % des patients) et non spécifique du diabète. Sa physiopathologie est incertaine. Elle survient plutôt chez des diabétiques de type 1 jeunes. Il n’y a pas d’association démontrée avec le contrôle glycémique, ni avec les complications plus spécifiques du diabète. Son traitement est mal codifié (figure 22.23).

2. Dermopathie diabétique

La dermopathie diabétique est fréquente, elle pourrait concerner jusqu’à 50 % des diabétiques, mais elle est aussi très fréquente dans la population générale. Elle s’associe aux autres complications spécifiques du diabète. Elle réalise des cicatrices atrophiques brunâtres, en particulier sur la face antérieure des tibias. Il n’y a pas de traitement et les lésions tendent à régresser spontanément.

3. Bullose diabétique

Des bulles sont parfois observées, elles s’associent à la neuropathie, chez le sujet âgé. Elles sont de taille variées, de quelques millimètres à plusieurs centimètres. Elles cicatrisent spontanément en quelques semaines.

4. Lipodystrophies

Les lipodystrophies, le plus souvent hypertrophiques, sont la conséquence d’erreurs dans la technique d’injection d’insuline : injections faites trop souvent au même endroit (figure 22.24).
 
Elles altèrent la cinétique de résorption de l’insuline, source importante d’instabilité glycémique.
Histologiquement, il s’agit de prolifération d’adipocytes sous-cutanés.
Elles réalisent un épaississement local de la peau et doivent être recherchées au niveau des points d’injection chez tous les diabétiques traités par insuline.
Les lipoatrophies sont devenues exceptionnelles avec les insulines modernes.

5. Acanthosis nigricans

L’acanthosis nigricans se manifeste par des placards cutanés brunâtres du cou, à surface veloutés, donnant un aspect « sale ». Les formes sévères se localisent aussi aux aisselles et plis inguinaux. 
C’est un signe d’insulinorésistance (figure 22.25).
 

6. Vitiligo

Le vitiligo est une pathologie auto-immune des mélanocytes se manifestant par des taches achromiques. Il s’associe au diabète de type 1 (figure 22.26).
 

7. Xanthomatose éruptive

La xanthomatose éruptive se voit dans les grandes hypertriglycéridémies et se manifeste par des nodules rouge-jaune mesurant jusqu’à 0,5 cm. On les observe sur les cuisses, les fesses et les paumes des mains.

B. Infections et diabète

De multiples infections bactériennes sont plus fréquentes chez les diabétiques.
Les fonctions des polynucléaires sont altérées lorsqu’ils sont exposés à des concentrations de glucose supérieures à 20 mmol/l (2 g/l).
Deux infections, rares mais graves et spécifiques du diabète doivent être connues : l’otite maligne externe et la mucormycose.

1. Otite maligne externe, ou otite nécrosante

C’est une infection à pyocyanique le plus souvent ; des formes fongiques sont aussi décrites.
Le tableau est celui d’un écoulement auriculaire avec douleur intense, insomniante, et, à l’examen, inflammation du conduit auditif externe avec granulome ou nécrose du plancher du conduit.
Lorsque le diagnostic est retardé, elle peut se compliquer de paralysie faciale homolatérale qui ne régresse pas toujours et éventuellement d’une infection de la base du crâne. C’est une urgence thérapeutique, qui fait appel à des ORL spécialisés en pathologie infectieuse.

2. Mucormycose

C’est une infection à champignon qui peut s’associer à l’acidocétose.
Elle réalise une infection rhino-cérébro-orbitale avec destructions osseuses et nécrose de la muqueuse de la paroi des sinus. Les signes principaux en sont la fièvre, l’obstruction et l’écoulement nasal, l’oedème jugal et palpébral. Dans les formes graves, mortelles, c’est toute la base du crâne et les orbites qui sont impliquées. C’est une grande urgence thérapeutique, en milieu hautement spécialisé en infections fongiques systémiques.

C. Foie et diabète

Les complications hépatiques de la surnutrition étaient déjà connues des Égyptiens de l’Antiquité puis des Romains, grands connaisseurs du foie gras de canard et oie. Obésité et résistance à l’action de l’insuline sont des déterminants majeurs des hépatopathies métaboliques :stéatose hépatique, stéato-hépatite et leur complication, la cirrhose.
Cinquante à soixante pour cent des diabétiques de type 2 ont une hépatopathie métabolique.
On estime que 5 % des diabétiques ont des lésions de fibrose hépatique sévère, une prévalence deux fois supérieure à celle de la population générale. Le risque relatif de cirrhose est 2,5 fois celui de la population générale. L’hépatopathie métabolique est un facteur de risque de mortalité, par cancer et maladie cardiovasculaire.
Il est nécessaire de référer le patient diabétique à l’hépatologue, pour bilan, dès anomalie même modérée des transaminases ou des gamma-GT.

D. Diabète et articulations

1. Capsulite rétractile

La capsulite est une complication fréquente qui se manifeste par des douleurs diffuses des épaules et une limitation des mouvements actifs et passifs de l’épaule. La capsule est épaissie et adhère à la tête de l’humérus. Elle est quatre fois plus fréquente chez les diabétiques et un quart des patients ayant une capsulite sont diabétiques. Le traitement repose sur les antalgiques, les corticoïdes locaux (qui peuvent déséquilibrer le diabète) et la physiothérapie. La guérison est habituelle mais peut prendre plus de 6 mois. Elle peut récidiver sur l’autre épaule.

2. Maladie de Dupuytren

La maladie de Dupuytren (sclérose rétractile de l’aponévrose palmaire moyenne) est plus fréquente chez les diabétiques. Vingt-cinq pourcent des patients ayant une maladie de Dupuytren sont diabétiques.

3. Chéiroarthropathie

C’est une manifestation de la glycation du collagène, dépendant donc de la durée et de l’importance de l’hyperglycémie chronique. C’est une raideur des doigts ; la peau est épaissie, cireuse. L’arthropathie se manifeste par l’impossibilité d’accoler les deux annulaires l’un sur l’autre (signe de la prière).

4. Arthrose

L’arthrose est fréquente chez les diabétiques de type 2, ce qui n’est pas étonnant vu que ces deux pathologies partagent des facteurs de risque commun : âge et surpoids. Les articulations portantes (rachis, hanches et genoux) sont les plus fréquemment concernées. On décrit cependant chez l’obèse une plus grande fréquence des arthroses digitales, ce qui laisse penser que des facteurs autres que mécaniques sont en jeu.

E. Diabète et dents

La nécessité des soins des dents est une généralité particulièrement pertinente chez le diabétique, qui encourt essentiellement la maladie parodontale. Il s’agit d’une pathologie destructive, forme grave d’inflammation des gencives, qui est la principale cause de la perte des dents chez l’adulte. La dent saine est retenue dans la structure osseuse maxillaire par des tissus parodontaux.
La gencive qui entoure le collet de la dent forme un sillon profond, le sillon gingival.
Des bactéries provenant de la nourriture, des cellules et de la salive s’y accumulent.
À moins de fréquents nettoyages, ces bactéries causent la formation de plaque dentaire, produisent des toxines et favorisent le tartre dentaire. L’accumulation de ces facteurs va conduire à la désolidarisation de la gencive et de la dent, le sillon gingival va se creuser, avec la formation de poches parodontales. Le processus se poursuit par la désagrégation de l’os voisin et le déchaussage des dents.
Une autre complication du diabétique au niveau dentaire concerne la survenue d’infections et d’abcès dentaires, d’autant que le diabète est déséquilibré.
 
Pourquoi ce risque de pathologie parodontale ?
Plusieurs raisons peuvent être citées :
  • le diabétique produit plus de plaque dentaire ;
  • l’hyperglycémie modifie la flore buccale et favorise la production de toxines ;
  • la matrice extracellulaire, en particulier le collagène, est altérée dans l’hyperglycémie chronique ; ses propriétés mécaniques en sont modifiées ;
  • la vascularisation de la gencive est altérée comme dans tous les tissus.
Comment prendre en charge ?
La prise en charge nécessite :
  • le contrôle du diabète ;
  • une hygiène buccale : brossage pluriquotidien, utilisation de fil dentaire, de produits de rinçage dentaire réduisant la plaque dentaire ;
  • des soins dentaires de prévention primaire (lutte contre la plaque, le tartre, les caries) et secondaire (prise en charge des poches parodontales).
Connaître les signes
Ces signes sont les suivants :
  • dents branlantes ;
  • saignements gingivaux au brossage ou à la mastication.
À retenir
  • Hygiène buccale.
  • Consultation de prévention primaire chez le dentiste tous les 6 mois.
Suivi du diabètique de type 2
 
Nous nous fondons sur les recommandations de la HAS.
 
Recherche d’atteinte d’organes cibles
La recherche d’éventuelles complications (symptomatiques ou non) oculaires, rénales, neurologiques, cardiovasculaires (insuffisance myocardique, artériopathies) et de lésions du pied doit être effectuée de manière systématique au travers de l’interrogatoire, de l’examen clinique et d’actes et examens spécifiques.
 
Le bilan peut nécessiter plusieurs consultations et, dans certains cas, le recours à des avis spécialisés.
 
Examens complémentaires
Les actes techniques suivants sont réalisés :
  • fond d’oeil annuel avec dilatation systématique ;
  • ECG de repos annuel, systématique ;
  • bilan cardiologique approfondi pour dépister l’ischémie myocardique asymptomatique chez le sujet à risque cardiovasculaire élevé ;
  • échographie-Doppler des membres inférieurs avec mesure de l’index de pression systolique pour dépister l’artériopathie des membres inférieurs : chez les patients âgés de plus de 40 ans ou ayant un diabète évoluant depuis 20 ans, à répéter tous les 5 ans, ou moins dans le cas de facteurs de risque associés. En pratique, la clinique prime et si tous les pouls sont perçus et qu’il n’y a pas de trouble trophique, cette échographie-Doppler est superflue, puisqu’elle n’aura aucune sanction thérapeutique.
Suivi biologique
Le suivi biologique concerne :
  • l’HbA1c qui est suivi systématiquement (quatre fois par an) ;
  • la glycémie veineuse à jeun (contrôle de l’autosurveillance glycémique, chez les patients en autosurveillance glycémique, une fois par an) ;
  • le bilan lipidique (cholestérol total, HDLc, triglycérides, calcul du LDLc) une fois par an ;
  • la recherche de microalbuminurie, une fois par an ;
  • la créatininémie à jeun, une fois par an ;
  • le calcul de la clairance de la créatinine (formule de Cockroft), une fois par an ;
  • la TSH (en présence de signes cliniques).

VIII. Complications métaboliques du diabète

A. « Coma » cétoacidosique

La définition du « coma » cétoacidosique est la suivante :
  • acétonurie « ++ » ;
  • glycosurie > « ++ » ;
  • glycémie 2,5 g/l ;
  • pH veineux < 7,25 ;
  • bicarbonate < 15 mEq/l.
Il s’agit d’un coma vrai, au sens nosologique du terme, rare : inférieur à 10 %.
L’incidence est de 2 à 4 % par an et par patient.

1. Étiologie

Il peut s’agir :
  • d’un déficit absolu en insuline, inaugural dans le diabète de type 1 (10 % des cas) ou d’un arrêt, volontaire ou non, de l’insulinothérapie ; ou d’un 
  • d’un déficit relatif en insuline : association d’un diabète non obligatoirement insulinodépendant et d’un facteur surajouté (infarctus, infection, corticothérapie).
L’étiologie est inconnue dans 25 % des cas.

2. Diagnostic et évolution

– Phase de cétose
Un syndrome cardinal aggravé est observé, associé à des troubles digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales).
 
– Phase de cétoacidose
Elle est caractérisée par une dyspnée de Kussmaul associée à des troubles de la conscience (état stuporeux) et à une déshydratation mixte à prédominance extracellulaire.
Un diagnostic rapide peut être établi par bandelettes et pH veineux ou artériel (GDS).
L’ionogramme en urgence est réalisé pour le dosage de la kaliémie.
En cas d’absence d’urine, les nouvelles bandelettes pour le dosage des corps cétoniques sanguins peuvent être utiles.

– Critères de gravité
Les critères de gravité imposant l’hospitalisation en réanimation sont les suivants :
  • sujet âgé ;
  • pH < 7 ;
  • kaliémie 4 ou 6 mmol/l ;
  • coma profond ;
  • instabilité tensionnelle ;
  • non-reprise de diurèse après 3 heures ;
  • vomissements incoercibles.
– Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel s’établit selon :
  • l’urgence abdominale (augmentation physiologique des enzymes) ;
  • le coma hyperosmolaire (calcul de la natrémie corrigée).
– Évolution
On note l’évolution suivante :
  • régression sous traitement en 24 à 48 heures ;
  • complication iatrogène : oedème cérébral, surcharge hydrosodée.

3. Traitement

– Traitement préventif
Le traitement préventif consiste à établir des règles éducatives en cas de cétose (maintien des injections même si inappétence, supplément en insuline rapide, acétonurie systématique si glycémie > 2,5 g/l).
 
– Premiers gestes
Ils concernent le scope et la surveillance sang-urine.
Les gestes non systématiques concernent la sonde gastrique (sauf si vomissement), la sonde urinaire (sauf si absence de diurèse après 3 heures), le bilan infectieux et les enzymes (sauf orientation) et le cathéter central (sauf si désordre majeur).
 
– Traitement curatif
Le traitement curatif requiert :
  • l’insuline rapide ou ultrarapide à la seringue électrique IV en débit constant, tant que dure la cétose (10 à 15 unités par heure) ;
  • la recharge volumique par sérum salé isotonique, 4 à 7 litres au mieux au perfuseur électrique ;
  • les apports potassiques importants, si possible à la seringue électrique, à ajuster à la kaliémie répétée ;
  • les apports glucosés intraveineux à la demande (G10 %) pour maintenir la glycémie à 2,5 g/l ;
  • le traitement du facteur déclenchant éventuel.
Le traitement par bicarbonates est très discuté et souvent récusé car il augmente le risque d’oedème cérébral.

B. Coma hyperosmolaire

Il s’agit de la décompensation classique du sujet âgé diabétique de type 2, ou inaugurale du diabète, lorsque la polyurie a été compensée par des boissons sucrées ou insuffisamment compensée (rôle de l’inaccessibilité aux boissons).
Ce coma induit 20 à 40 % de mortalité chez le sujet âgé.
Les signes cliniques sont la déshydratation intense avec des troubles de la vigilance qui sont parfois révélateurs d’un diabète de type 2 méconnu.

1. Diagnostic biologique

Le diagnostic biologique s’établit selon les critères suivants :
  • glycémie > 6 g/l ;
  • osmolalité > 350 mmol/kg ; calculée selon la formule : (Na+ + 13) × 2 + Glycémie, où la concentration en sodium et la glycémie sont en mmol/l ;
  • natrémie corrigée > 155 mmol/l ; calculée selon la formule : Nap + 1,6 × (Glycémie – 1), où Nap représente le sodium plasmatique et la glycémie est en g/l ;
  • absence de cétose et d’acidose.

2. Étiologie

Les facteurs de risque sont :
  • l’âge > 80 ans ;
  • l’infection aiguë ;
  • les diurétiques ;
  • la mauvaise accessibilité aux boissons : maisons de retraite, état de démence, etc. ;
  • la corticothérapie.

3. Traitement

Le traitement concerne :
  • une mise en conditions : voie veineuse, éventuellement centrale, prévention des complications de décubitus ;
  • une réhydratation prudente et lente, selon le terrain, avec 6 à 10 litres de sérum salé isotonique dans les premières 24 heures :
    • la première heure : 1 litre ;
    • 1 à 4 heures : 2 à 3 litres ;
    • 4 à 24 heures : 4 à 6 litres ;
  • l’insulinothérapie intraveineuse continue à la seringue électrique : 2 à 3 unités par heure en maintenant la glycémie > 2,5 g/l, selon les glycémies capillaires horaires ;
  • la surveillance clinique (conscience, pouls, PA, température, diurèse) et biologique (ionogramme sanguin et créatininémie) ;
  • l’héparinothérapie préventive ;
  • le traitement de l’affection causale, si nécessaire ;
  • les soins des yeux, de la bouche, les aérosols, l’aspiration bronchique.
À distance de cet épisode aigu, il est souvent possible de reprendre un traitement hypoglycémiant oral.

C. Hypoglycémies

Nous invitons à voir le chapitre 15 (item 238 « Hypoglycémie ») et rappelons les points suivants :
  • l’hypoglycémie est inévitable chez tout diabétique de type 1 « bien équilibré » : trois à cinq hypoglycémies modérées en moyenne par semaine ;
  • nécessité de combattre les fausses croyances : l’hypoglycémie n’est pas mortelle et ne laisse pas de séquelles cérébrales (sauf cas extrêmes et hypoglycémie très profonde et prolongée) ; elle ne participe pas aux complications du diabète, ne déclenche pas directement d’accident vasculaire ou cardiaque, mais est un élément du diagnostic de fragilité du sujet qui, en cas d’hypoglycémie grave, a un risque deux à trois fois plus fort de décès de toute cause (cardiovasculaire mais aussi cancer ou maladie cutanée ou respiratoire) ;
  • nécessité de connaître les vrais dangers de l’hypoglycémie : peur n° 1 du diabétique (+++) l’incitant à se maintenir en hyperglycémie, déstabilisation du diabète, prudence chez le sujet âgé, danger réel en cas d’alcoolisme concomitant, danger dans certaines situations ou sports à risque ;
  • la non-perception et/ou la perception tardive des signes d’hypoglycémie accroît le risque d’hypoglycémie sévère ; les facteurs favorisants sont : les hypoglycémies mineures répétées plus ou moins ignorées (nocturne), la neuropathie végétative (longue durée du diabète) ;
  • les causes les plus fréquentes sont : les repas sautés, insuffisants ou retardés, l’effort physique non pris en compte dans les doses d’insuline, l’erreur d’injection d’insuline ;
  • utilité de l’éducation individuelle (sucre sur soi, etc.) et de la famille (glucagon, etc.).
 
POINTS CLES
 
  • Le facteur étiologique commun à toutes les complications du diabète est l’hyperglycémie chronique.
  • Il s’associe à d’autres facteurs modifiables aussi importants, comme l’hypertension artérielle.
  • Il est prouvé que lutter contre ces facteurs est efficace.
  • Les pathologies cardiovasculaires sont plus fréquentes chez le diabétique et, quand elles sont patentes, 
  • Elles sont plus graves : deux tiers des diabétiques en mourront.
  • Les complications ont toutes une longue phase asymptomatique : le dépistage est un impératif.
  • L’examen des pieds fait partie de toute consultation chez un patient diabétique.
  • Le premier traitement d’une lésion podologique est la décharge, c’est-à-dire l’absence d’appui.
 
 
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