Poly2016-Item 249 – UE 8 Amaigrissement : causes endocrines

Objectifs pédagogiques
Argumenter les principales hypothèses diagnostiques.
Justifier les examens complémentaires pertinents.
 
 
L’amaigrissement est une cause fréquente de consultation. Il peut s’observer dans un contexte de maladie évolutive entraînant une altération de l’état général ou témoigner d’un trouble du comportement alimentaire d’origine psychique.
Les buts du clinicien sont :
  • de déterminer la réalité de l’amaigrissement, ce qui signifie obligatoirement de comparer des mesures du poids réalisées effectivement par du personnel médical (médecin traitant) ou paramédical et de ne pas se contenter des déclarations des patients (+++) ;
  • d’identifier rapidement les signes de gravité nécessitant une hospitalisation immédiate ;
  • de trouver impérativement une cause, car tout amaigrissement important authentifié témoigne d’une maladie physique ou psychique potentiellement grave.
Ne seront évoquées dans ce chapitre que les causes endocriniennes d’amaigrissement ; évidemment elles s’inscrivent dans une enquête globale.

I. Interrogatoire général

  • Retracer l’histoire pondérale (+++) permet de connaître l’évolution pondérale et d’authentifier la réalité puis quantifier l’importance de la perte de poids, mais aussi de rechercher une maigreur ancienne ou séquellaire d’une pathologie antérieure.
  • La connaissance des conditions de vie (difficultés sociales et professionnelles) et le contexte psychologique font partie intégrante de l’évaluation.
  • Rechercher une activité physique excessive associée à des apports alimentaires insuffisants (sport d’endurance, marathon…).
  • De même, des signes associés sont à rechercher car ils peuvent rapidement orienter :
    • anorexie ;
    • troubles digestifs (douleurs abdominales, selles molles, diarrhée) ;
    • palpitations ;
    • syndrome polyuro-polydipsique.
  • Troubles de la libido/érection chez l’homme, témoignant d’un hypogonadisme (figure 23.1).
  • Aménorrhée chez la femme dans le cadre d’une anorexie mentale ou une aménorrhée hypothalamique fonctionnelle (cf. item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée »).
  • Rechercher des prises médicamenteuses responsables de nausée ou anorexie.
  • Rechercher une dépression masquée (+++).

II. Enquête alimentaire

L’enquête alimentaire est un élément essentiel (+++), afin de mettre en relation la perte de poids avec une diminution des apports nutritionnels.
Elle permet également de préciser la notion d’anorexie (+++) ou d’hyperphagie. En effet, un appétit conservé voire une hyperphagie pourront orienter vers une hyperthyroïdie, par exemple.
 

III. Examen clinique

Le poids, la taille et le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC) sont à la base de l’évaluation ; pour celle-ci, on ne peut pas se contenter de noter ce que déclare le patient mais on doit réaliser réellement les mesures (+++).
La mesure du pli cutané est aussi facile à réaliser en routine.
Il faudra également prêter attention à une fonte musculaire, à la présence de signes de carences vitaminiques, à une pâleur cutanéomuqueuse ou aux autres signes d’orientation étiologique (par exemple, goitre ou signes ophtalmologiques pour une maladie de Basedow…).

IV. Examens complémentaires

Les examens complémentaires sont utiles en cas d’amaigrissement sans orientation étiologique évidente. Le but des examens biologiques est d’aider à poser le diagnostic étiologique, d’évaluer le retentissement, en particulier de rechercher d’éventuelles carences.

A. Biologiques

  • NFS, VS/CRP : permettent respectivement de dépister une anémie et une maladie inflammatoire.
  • Ionogramme sanguin : une hyponatrémie doit faire penser à une insuffisance surrénale (cf. item 243 « Insuffisance surrénale » au chapitre 20 et item 265 « Désordres hydroélectrolytiques » au chapitre 27).
  • Bandelette urinaire : glycosurie (+++).
  • Calcémie : permet facilement d’identifier une hypercalcémie importante.
  • Transaminases, gamma-GT : individualiser une cause hépatique.
  • TSH : dépister une hyperthyroïdie.
  • Vitamine B12, folates, TP, albuminémie : évaluent le retentissement de carences vitaminiques.
  • Recherche de graisses fécales en faveur d’une malabsorption par pancréatite chronique calcifiante.
  • La recherche d’une dénutrition en mesurant l’albumine et la préalbumine est essentielle : leur baisse est un marqueur de sévérité.
  • Autres marqueurs abaissés en cas de dénutrition : IGF-1, ferritine sériques.

B. Radiologiques et endoscopiques

  • Radiographie thoracique : dépistage de la tuberculose
  • Échographie abdominale : identification d’une masse profonde non perceptible à l’examen clinique : abcès, tumeur.
  • Fibroscopie oeso-gastro-duodénale : éliminer un obstacle et pratiquer une biopsie du grêle (maladie coeliaque).
  • Mesure de la composition corporelle par DEXA : utile pour préciser la composition corporelle globale.

V. Étiologie endocrinienne

Ces causes (figure 23.2) ne sont que rappelées ici : cf. aussi les items correspondants.
 
L’appétit peut être conservé, augmenté voire diminué. Le contexte clinique permet souvent d’orienter le diagnostic étiologique.

A. Diabète

(Cf. item 245 au chapitre 22.)
L’amaigrissement fait partie du syndrome cardinal et est associé à une asthénie et à un syndrome polyuro-polydipsique. Il peut être à l’origine de la découverte d’un diabète de type 1 mais survient également lors d’un diabète de type 2 déséquilibré ou entrant dans la phase d’insulinoréquérance.
Le dosage de la glycémie ainsi que de l’HbA1c confirmeront facilement le diagnostic.
L’amaigrissement chez un diabétique doit faire rechercher une pancréatite chronique.

B. Hyperthyroïdie

(Cf. item 240 au chapitre 17.)
L’amaigrissement témoigne d’une hyperthyroïdie importante. Il est souvent accompagné d’autres signes de thyrotoxicose (tachycardie, thermophobie, troubles de l’humeur, d’une diarrhée motrice…). L’association d’une TSH effondrée et d’hormones thyroïdiennes élevées confirmera facilement le diagnostic.

C. Hypercalcémie

(Cf. item 266 au chapitre 27.)
En rapport le plus souvent avec une hyperparathyroïdie primaire, l’hypercalcémie peut se manifester par un amaigrissement associé à un syndrome polyuro-polydipsique et une anorexie.
Une calcémie élevée associée à un dosage de PTH inadaptée signe la présence d’une hyperparathyroïdie primaire.

D. Insuffisance surrénalienne

(Cf. item 243 au chapitre 20.)
Elle sera évoquée lorsque l’amaigrissement est accompagné d’une asthénie, de nausées, de vomissements, d’hypotension artérielle, d’hyponatrémie, avec ou non une hyperkaliémie, éventuellement une hypoglycémie. En cas d’amaigrissement, l’insuffisance surrénale est souvent flagrante et facilement confirmée par un dosage matinal de cortisol et de l’ACTH plasmatique.
Le résultat d’un traitement par hydrocortisone est souvent spectaculaire sur la perte de poids.

E. Panhypopituitarisme

(Cf. item 242 au chapitre 19 et item 243 au chapitre 20.)
Le pan-hypopituitarisme correspond à une insuffisance antéhypophysaire complète. Le tableau se constitue souvent progressivement. Les signes peuvent être rattachés aux différents déficits.
Dans ce cadre, l’amaigrissement est lié au déficit en cortisol.

F. Phéochromocytome

(Cf. item 221 au chapitre 14.)
Il peut s’accompagner d’amaigrissement. Ce diagnostic doit être d’autant plus évoqué qu’il existe une hypertension artérielle sévère, une hyperglycémie et des signes évoquant une déshydratation extracellulaire (hypotension orthostatique). Au moindre doute une mesure des dérivés méthoxylés (métanéphrines, norméthanéphrines) dans les urines de 24 heures et une imagerie des surrénales doivent être réalisés.
 
Causes non endocriniennes
 
  • Anorexie mentale.
  • Amaigrissement des maladies digestives (cancers, RCH, Crohn).
  • Iatrogènes (médicaments responsables de nausées et anorexie).
  • Cancers extradigestifs.
  • Maladies infectieuses.
  • Maladies neurologiques.
  • Grandes défaillances viscérales (cardiaque, rénale, respiratoire, hépatique).
  • Alcoolisme.
(Cf. item 249 dans l’ouvrage Nutrition par le CEN, dans la même collection.)