Poly2016-Item 251 – UE 8 Obésité de l’enfant et de l’adulte

 

Objectifs pédagogiques
Diagnostiquer une obésité de l’enfant et de l’adulte.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
 
 

Obésité de l’adulte 

I. Définitions 

A. Les différentes définitions de l’obésité

L’obésité est aujourd’hui considérée comme une maladie chronique, puisque répondant à la définition de la maladie établie par l’Organisation mondiale de la Santé : « état qui met en jeu le bien-être physique ».
L’obésité correspond à un excès de masse grasse ayant des conséquences néfastes pour la santé.
L’indice de masse corporelle (IMC, ou BMI, Body Mas Index, des Anglo-Saxons), calculé à partir de la taille et du poids selon la formule suivante : IMC (kg/m2) = Poids/Taille2 (poids en kg et taille en m), permet de définir statut pondéral (tableau 24.1) :
  • on définit le surpoids pour un IMC compris entre 25 et 29,9 kg/m2 ;
  • on définit l’obésité pour une IMC à partir de 30 kg/m2 :
    • obésité de grade 1 pour un IMC compris entre 30 et 34,9 kg/m2 ;
    • obésité de grade 2 pour un IMC compris entre 35 et 39,9 kg/m2 ;
    • obésité de grade 3, pour un IMC égal ou supérieur à 40 kg/m2.
Cette définition, reposant sur l’IMC, a l’avantage d’être facile et internationale. On sait par ailleurs que l’IMC est très bien corrélé à l’adiposité.
 
Elle comprend cependant des limites. Tout d’abord, ces seuils d’IMC, définissant l’obésité et les différentes classes s’appliquent pour les populations caucasiennes, hispaniques et noires, mais elles sous-estiment le risque pour les populations asiatiques chez lesquelles on parle de surpoids entre 23 et 24,9 kg/m2 et d’obésité à partir de 25 kg/m2.
 
Par ailleurs, cette définition s’applique à une population dont l’âge est compris entre 18 et 65 ans. La définition concernant la population pédiatrique est abordée dans la section consacrée à l’obésité de l’enfant (cf. infra). Pour ce qui est de la population âgée de plus de 65 ans, il est important de rappeler que la composition corporelle se modifie avec l’âge, avec une diminution de la masse maigre et une augmentation de la masse grasse, qui peut entraîner une sous-estimation de l’adiposité par l’IMC.
L’IMC n’a qu’une faible valeur prédictive individuelle. Pour un même IMC en effet, la composition corporelle peut être très différente d’un individu à l’autre, en particulier en fonction de la musculature et du sexe. Enfin, l’IMC ne donne pas d’indication précise sur la répartition du tissu adipeux.
 

B. L’obésité : une maladie évolutive 

L’obésité est une maladie chronique qui évolue en plusieurs phases : phase de prise de poids, phase d’obésité constituée, phase de perte de poids, phase de rechutes. La physiopathologie de ces phases et les propositions thérapeutiques qui peuvent être faites à chacune de ces phases sont différentes.

C. Localisation du tissu adipeux

Si la définition de l’obésité repose sur l’IMC, corrélé à l’adiposité, la localisation du tissu adipeux est aussi importante.

1. Tissu adipeux viscéral/Tissu adipeux sous-cutané

En plus de la quantité totale de tissu adipeux, la localisation de ce tissu est importante. Des différences anatomiques, de profil sécrétoire ou encore de sensibilité aux hormones existent entre ces deux tissus et participent au rôle particulièrement délétère sur le plan cardiométabolique du tissu adipeux viscéral. Le tissu adipeux viscéral peut être quantifié par des techniques d’imagerie de coupe (scanner ou IRM). Il existe une bonne corrélation entre la graisse viscérale mesurée par ces techniques et le tour de taille mesuré avec un mètre ruban (cf. infra).

2. Tissu adipeux ectopique

Les dernières années ont souligné le caractère délétère de la présence de graisse ectopique, c’est-à-dire de dépôts de triglycérides dans des tissus insulinosensibles non destinés à ce stockage, comme le muscle, le foie. Ces dépôts de graisse ectopique sont particulièrement délétères sur le plan métabolique. Ces dépôts peuvent être détectés par des techniques d’imagerie mais ne font pas encore l’objet d’une recherche systématique en clinique.
 

II. Épidémiologie

La prévalence de l’obésité augmente mondialement. Ainsi, entre 1980 et 2013, la proportion d’obèse dans le monde a augmenté de 27,5 % chez les adultes.
En France les études épidémiologiques Obépi sont réalisées tous les 3 ans depuis 1997 dans la population adulte française. Il s’agit d’enquêtes déclaratives visant à évaluer le pourcentage d’individus obèses dans la population adulte française et ses caractéristiques. La prévalence de l’obésité est passée de 8,5 % en 1997 à 15 % en 2012. L’enquête Obépi 2012 met par ailleurs en évidence que l’on devient obèse de plus en plus jeune mais que la prévalence de l’obésité augmente aussi dans la population de plus de 65 ans.
Elle souligne aussi les inégalités sociales associées à l’obésité qui touche les populations les plus défavorisées sur le plan socioéconomique.
Certains pays d’Europe comme l’Allemagne, la Hongrie et le Royaume-Uni ont une prévalence de l’obésité estimée à 20 %. Aux États-Unis, plus de 55 % de la population souffre d’excès pondéral (obésité et surpoids confondus).
 

III. Étiologie et histoire naturelle

L’obésité est une maladie multifactorielle dans laquelle interviennent des facteurs génétiques et environnementaux.

A. Obésités génétiques

Les obésités génétiques sont détaillées dans la section « Obésité de l’enfant et de l’adolescent » (cf. infra). Il faut néanmoins savoir envisager une obésité génétique chez un sujet adulte obèse dont l’obésité a débuté très précocement (dans les 24 premiers mois de vie), qu’elle a été associée à des troubles du comportement et plus particulièrement à des troubles du comportement alimentaire à type de compulsion et à un retard des acquisitions et enfin qu’il s’agit d’une obésité très sévère.
Dans ces contextes, l’intérêt d’une consultation avec un généticien clinicien peut prendre tout son intérêt afin d’orienter les recherches. La prévalence des mutations des gènes codant le récepteur de la mélanocortine de type 4 pourrait être responsable de 2,5 à 5 % des obésités sévères.

B. Obésités communes

L’immense majorité des obésités néanmoins sont des obésités communes liées à des facteurs environnementaux. Parmi ceux-ci, le déséquilibre entre les apports caloriques et la dépense énergétique est au premier plan.

1. Rôle de l’apport calorique

Les changements dans le mode d’alimentation au cours des dernières décennies ont contribué au développement de l’obésité. Ce sont en particulier l’accès facile à une nourriture bon marché, palatable, énergétiquement dense. D’autres éléments comme l’augmentation de la taille des portions, la diminution des repas partagés en famille sont aussi impliqués.

2. Rôle de la dépense énergétique

Un mode de vie sédentaire est associé à une diminution de la dépense énergétique et à une obésité.

3. Facteurs iatrogènes

Un certain nombre de médicaments peuvent entraîner une prise de poids. Ce sont en particulier les antipsychotiques, plus particulièrement les antipsychotiques atypiques tels que la clozapine et l’olanzapine. Les glucocorticoïdes sont aussi associés à des prises pondérales.
Certains régulateurs de l’humeur, antidépresseurs, antiépileptiques ou encore antidiabétiques peuvent aussi entraîner des prises de poids.

4. Facteurs hormonaux

L’hypothyroïdie n’est associée qu’à un gain de poids très modeste. L’hypercortisolisme n’est qu’exceptionnellement une cause d’obésité secondaire. Les vergetures rosées sont fréquentes chez les patients obèses qui ont des variations de poids rapide, mais ne doivent pas conduire à rechercher un hypercortisolisme.

5. Autres facteurs impliqués dans la prise de poids

– Arrêt du tabac
L’arrêt du tabac est très fréquemment associé à une prise de poids. Cet effet est en partie dû au sevrage en nicotine qui est associé à une augmentation de la prise alimentaire et à une diminution de la dépense énergétique. La prise de poids est en moyenne de 4 à 5 kg mais peut être beaucoup plus importante.
 
– Privation de sommeil
Des études observationnelles suggèrent une association possible entre la restriction de sommeil et l’obésité.
 
– Obésité hypothalamique
L’obésité hypothalamique est une cause rare d’obésité liée à une atteinte tumorale ou iatrogène de l’hypothalamus ventromédian ou paraventriculaire, régions impliquées dans l’intégration des signaux métaboliques provenant de la périphérie.
 

IV. Complications de l’obésité

L’obésité est tout d’abord associée à une augmentation du risque relatif de mortalité. Il existe ainsi une courbe en « J » entre l’indice de masse corporelle et la mortalité.
Les complications de l’obésité sont nombreuses et ne se limitent pas aux complications métaboliques et cardiovasculaires. L’obésité est ainsi reconnue comme un facteur de risque de nombreux cancers. De plus, le retentissement psychosocial de la maladie comme la stigmatisation ne doit pas être négligé.
Les principales complications de l’obésité sont rapportées dans le tableau 24.2.
 

V. Abord clinique du patient obèse

A. Interrogatoire

1. Anamnèse pondérale

L’anamnèse précisera :
  • les antécédents familiaux d’obésité ;
  • le poids de naissance ;
  • l’âge de l’installation du surpoids ;
  • le poids maximal, le poids minimal ;
  • les circonstances déclenchantes identifiées (prise médicamenteuse) ;
  • les tentatives antérieures de maîtrise du poids ;
  • les phases de l’obésité.

2. Évaluation du comportement alimentaire

Elle doit comprendre l’évaluation des apports alimentaires mais aussi du contexte nutritionnel.
L’évaluation des apports alimentaires doit être précise mais ne doit pas tomber dans une rigueur pseudo-scientifique. Il existe de nombreux biais subjectifs et incontrôlables et une sous-estimation fréquente. Il a été bien montré que des sujets normopondéraux sous-estiment leur apport calorique de 10 à 30 % et que ce pourcentage dépasse 30 % chez les sujets en surpoids ou obèses. Il existe plusieurs méthodes pour évaluer les apports. Le carnet alimentaire qui consiste à consigner, en temps réel, les aliments et boissons consommés sur une période donnée en estimant leur quantité est considéré comme la méthode de référence.
Cette technique est cependant relativement lourde et peut conduire à une modification du comportement alimentaire du fait du recueil.
L’évaluation du comportement alimentaire ne doit pas se limiter à l’évaluation des apports caloriques mais comporter aussi une évaluation du contexte, c’est-à-dire :
  • des conditions d’achat, du stockage, de la préparation des aliments ;
  • du nombre, du lieu, des horaires, de la durée des repas ;
  • des usages sociaux, familiaux, culturels…

3. Évaluation de la dépense énergétique

Des questionnaires d’activité physique ou des systèmes portatifs de type podomètres sont utiles pour évaluer l’activité physique.

4. Analyse de la demande du patient et évaluation psycho-comportementale

Elles doivent faire partie de l’évaluation initiale du patient et peuvent orienter les modalités de prise en charge.

5. Recherche de complications

L’interrogatoire doit comporter aussi une recherche des complications de l’obésité, comme des signes évocateurs de syndrome d’apnées du sommeil : céphalées matinales, nycturie.

B. Examen clinique

En dehors de la mesure du poids, avec un matériel adapté, et de la taille, l’examen clinique du patient obèse doit comporter :
  • la mesure de la pression artérielle, avec un brassard adapté à la circonférence du bras des patients obèses ;
  • la mesure du tour de taille : il sera mesuré sur un patient en sous-vêtements grâce à un mètre ruban qui passera par deux points situés entre les dernières côtes et les épines iliaques antéro-supérieures. On parle d’obésité abdominale pour une tour de taille supérieur à 88 cm chez les femmes, et à 102 cm chez les hommes. Le tour de taille a surtout de la valeur pour les IMC < 35 kg/m2 ;
  • la recherche de signes cliniques d’obésités secondaires.

C. Examens complémentaires

Les examens complémentaires systématiques doivent comporter une glycémie à jeun, un bilan lipidique à jeun, un bilan hépatique (transaminases, gamma-GT), une uricémie, un ECG de repos. 
En fonction du contexte clinique, pourront être réalisés un dosage de TSH, une recherche d’hypercortisolisme, une polysomnographie.
 

VI. Traitements

A. Objectifs

Le traitement optimal de l’obésité nécessite une prise en charge associant conseils diététiques, activité physique et soutien psychologique. En plus de cela, certains patients nécessiteront un traitement pharmacologique (quasi inexistant en France actuellement) ou un traitement chirurgical. Les indications de ces différents traitements sont résumées dans le tableau 24.3.
 
Il est indispensable que le traitement débute par une évaluation du risque lié au surpoids afin de définir une stratégie adaptée.
Il est surtout fondamental, dès le premier entretien avec le patient, de définir les objectifs de la prise en charge. La plupart des patients ont des objectifs de perte de poids irréalistes de l’ordre de 30 %. Il est ainsi important de rappeler qu’une perte de poids initiale comprise entre 5 à 10 % du poids corporel est considérée comme un objectif réaliste et bénéfique. 
 
Cette perte de poids permet une amélioration des facteurs de risque tels que l’hypertension artérielle, les dyslipidémies ou encore le diabète de type 2. Ainsi, dans les essais comparant les traitements pharmacologiques au placebo, une perte de à 15 % du poids corporelle est considérée comme une très bonne réponse, tandis qu’une perte de poids de plus de 15 % est considérée comme excellente. Dans l’étude Diabetes Prevention Program (DPP), une perte de poids de 7 % permet chez des patients intolérants au glucose une diminution de l’incidence du diabète de type 2 de 58 %.
Le suivi ultérieur de cette cohorte a mis en évidence que ce bénéfice, même s’il diminue au cours du temps, se prolonge et qu’il existe aussi une réduction du risque cardiovasculaire.
 
D’autres études ont confirmé le bénéfice cardiovasculaire d’une perte de poids ou encore mis en évidence le bénéfice d’une perte de poids sur l’incontinence urinaire, l’apnée du sommeil, la dépression, la mobilité ou encore la qualité de vie. Cependant, aucun essai randomisé n’a pu mettre en évidence une diminution de la mortalité avec une perte de poids.
L’objectif de la prise en charge d’un patient obèse n’est pas forcément d’obtenir une perte de poids. L’objectif principal peut être de prendre en charge une complication, de traiter un trouble du comportement alimentaire.
Dans tous les cas, c’est l’objectif à long terme qui est fondamental.

B. Moyens

1. Mesures hygiéno-diététiques

Diététique, activité physique et soutien psychologiques constituent la pierre angulaire du traitement.
 
– Diététique
Théoriquement, la perte de poids est directement liée à la différence entre l’apport énergétique et les besoins énergétiques d’un sujet. Diminuer les apports énergétiques en dessous des dépenses énergétiques résulte théoriquement en une perte de poids initiale prédictible en fonction du déficit énergétique. Cependant, il faut tenir compte de la variabilité interindividuelle de la composition corporelle, de l’observance du traitement ou encore de la dépense énergétique. De plus, les enquêtes alimentaires sont souvent imprécises.
Plusieurs types de régimes, basses calories, pauvres en graisses, pauvres en sucre, hyperprotéinés, peuvent entraîner une perte de poids mais avec des résultats non maintenus à court et moyen termes et au prix d’effets secondaires comme une perte de masse maigre.
Il est maintenant bien admis que l’adhésion au régime est un facteur important pour la perte de poids. Les conseils diététiques ne doivent s’envisager qu’après l’évaluation du comportement alimentaire (cf. supra).
Il sera le plus souvent certes nécessaire de réduire les apports en agissant en particulier sur les prises alimentaires extraprandiales, sur les aliments ayant une densité énergétique élevée. 
L’apport calorique total ne descendra pas en dessous de 1 200 kcal (5 000 kJ) par jour et consistera une réduction d’environ un quart des apports estimés. La réduction des apports énergétiques totaux peut être adaptée à la dépense énergétique de repos évaluée par des formules spécifiques (Harris et Bénédict).
Il sera nécessaire de rétablir un rythme alimentaire, de proposer un conseil individualisé et réaliste, et il faudra aussi savoir donner des conseils comportementaux (achats des denrées, méthode de cuisson, durée des repas).
 
– Activité physique
Elle est fondamentale dans la prise en charge de l’obésité. Elle aura certes un effet modeste sur la perte de poids mais sera déterminante pour la préservation de la masse maigre et sur le maintien de la perte de poids. L’activité physique aura par ailleurs des effets bénéfiques sur les comorbidités associées à l’obésité indépendamment de la perte de poids.
Elle sera prescrite après un bilan préthérapeutique avec des conseils individualisés et réalistes qui pourront initialement consister en une consolidation de l’image du corps (avec l’aide des psychomotriciens), puis en un reconditionnement à l’effort (avec l’aide de kinésithérapeutes) avant d’inciter à la pratique régulière d’une activité physique, dont l’objectif sera d’atteindre 30 à 40 minutes d’activité physique d’intensité modérée, 5 à 7 jours par semaine. Les conseils d’activité physiques doivent aussi inclure des conseils simples permettant de réduire la sédentarité.

2. Soutien psychologique

Il permet de soutenir les patients dans ces changements de comportements.

3. Traitements médicamenteux

Au début de l’année 2015, seule une molécule a l’autorisation de mise sur le marché dans le traitement de l’obésité en France. Il s’agit de l’orlistat, commercialisé sous le nom de Xénical®, dont le mécanisme d’action est une inhibition partielle des lipases digestives. Cependant au regard de son efficacité modeste, des effets indésirables, notamment digestifs, et des interactions médicamenteuses (entre autres avec les anticoagulants et les contraceptifs), la HAS ne recommande pas la prescription d’orlistat. L’orlistat est indiqué pour des patients dont l’IMC est supérieur à 30 kg/m2 ou à 27 kg/m2 en présence de complications.
Aux États-Unis, d’autres molécules sont disponibles : la locarsérine, qui est un agoniste sélectif des récepteurs sérotoninergiques 5-HT2C, et une association phentormine (anorexigène de la famille des phénylbutylamines tertiaires)-topiramate (anticonvulsif).

4. Chirurgie bariatrique

Dans ce contexte de difficultés de la prise en charge médicale de l’obésité et de l’absence de traitement pharmacologique, la chirurgie bariatrique s’est sensiblement développée au cours des dernières décennies.
La chirurgie bariatrique comprend :
  • des techniques restrictives pures, dont le but est de réduire le contenant gastrique : ce sont l’anneau gastrique ajustable (figure 24.1a), qui a la particularité d’être une procédure totalement réversible, et la gastrectomie en manchon ou en gouttière correspondant à la sleeve gastrectomy des Anglo-Saxons (figure 24.1b), qui est une technique totalement irréversible ;
  • des techniques restrictives et malabsorptives : elles sont représentées par le court-circuit gastrique (figure 24.1c) et par la dérivation biliopancréatique (figure 24.1d), qui reste une technique chirurgicale peu réalisée en France.
Il existe des indications et des contre-indications strictes à la chirurgie de l’obésité.
La chirurgie bariatrique s’adresse à des individus adultes (de plus de 18 ans) et âgés de moins de 65 ans, dont l’IMC est ? 40 kg/m2, ou ? 35 kg/m2 avec au moins une comorbidité susceptible d’être améliorée. Il est important d’insister sur le fait que la chirurgie de l’obésité ne doit pas s’envisager comme un traitement de première intention de l’obésité.
De plus, la chirurgie bariatrique doit être précédée d’une prise en charge multidisciplinaire d’au moins 6 mois et elle doit être suivie d’un suivi multidisciplinaire postopératoire à vie.
 
Contre-indications à la chirurgie bariatrique
 
  • Les troubles cognitifs ou mentaux sévères.
  • Les troubles sévères et non stabilisés du comportement alimentaire.
  • L’incapacité prévisible du patient à participer à un suivi médical prolongé.
  • La dépendance à l’alcool et aux substances psychoactives licites et illicites.
  • L’absence de prise en charge médicale préalable identifiée.
  • Les maladies mettant en jeu le pronostic vital à court et moyen terme.
  • Les contre-indications à l’anesthésie générale.
 
Les effets sur le poids sont importants, permettant des pertes de poids de 15 % pour l’anneau gastrique ajustable, 20 % pour la sleeve gastrectomy, 25 % pour le court-circuit gastrique.
 
En plus des effets sur le poids, la chirurgie bariatrique a des effets sur les comorbidités associées à l’obésité, en particulier sur le diabète de type 2. Plus particulièrement, le court-circuit gastrique et, dans une moindre mesure, la sleeve gastrectomy ont des effets spectaculaires sur le diabète de type 2 qui surviennent très précocement en postopératoire et qui ne peuvent être expliqués par la simple perte de poids. Plusieurs hypothèses physiopathologiques sont proposées : la modification de la sécrétion des incrétines, la diminution de la sécrétion de ghréline ou encore la néoglucogenèse intestinale.
 
La chirurgie bariatrique n’est pas dénuée de risque, pouvant en particulier entraîner des carences vitaminiques voire des dénutritions. Les patients doivent donc bénéficier d’un suivi multidisciplinaire à vie à raison de quatre fois la première année suivant la chirurgie et d’une à deux fois par an ensuite avec une évaluation clinique et biologique.
 
POINTS CLES
  • L’obésité est une maladie chronique multifactorielle dont la prévalence ne cesse d’augmenter.
  • L’obésité est associée à des complications non seulement cardiométaboliques, mécaniques mais aussi néoplasiques. Elle retentit fortement sur la qualité de vie.
  • La prise en charge d’un patient obèse doit s’envisager sur le long terme et ne doit pas se limiter à un objectif de perte de poids.
  • La prise en charge d’un patient obèse doit toujours comporter la mise en place de mesures hygiénodiététiques adaptées et personnalisées.
  • La chirurgie bariatrique n’est pas le traitement de première intention de l’obésité. Elle doit être réalisée dans le respect des indications et des contre-indications et nécessite un suivi postopératoire à vie.
 
 

Obésité de l’enfant et de l’adolescent 

I. Définition du surpoids et de l’obésité en pédiatrie

Une première difficulté dans l’approche au problème de l’obésité de l’enfant et de l’adolescent est dans sa définition même. Chez l’adulte, au moins pour la première étape du dépistage, l’indice de masse corporelle (IMC, ou BMI, Body Mass Index, des Anglo-Saxons) calculé à partir de la taille et du poids selon la formule suivante : IMC (kg/m2) = Poids (kg)/Taille2 (en m2) permet de définir le statut pondéral. Mais les seuils connus pour les adultes (25 ? IMC < 30 pour le surpoids, IMC ? 30 pour l’obésité) ne sont pas valables pour les sujets en pleine croissance.
Comme pour tout paramètre évolutif, il faut se rapporter au sexe et à l’âge, tenant compte des courbes spécifiques pour la population prise en examen (figure 24.2).
 
La difficulté dérivant de l’usage de différentes courbes de référence nationales a conduit à la création d’un groupe d’experts, convoqués par l’International Obesity Task Force (IOTF). En 2000, finalement le surpoids et l’obésité chez les enfants ont été définis selon les courbes de centiles qui amènent respectivement à un IMC correspondant à 25 et 30 à 18 ans.
En analogie avec les définitions utilisées pour les adultes, une mise à jour successive (2012) a inclus les seuils d’IMC 35 et 40 à 18 ans pour définir l’obésité de grade 1 et 2.
Le terme d’obésité morbide, utilisé chez les adultes, est mal adapté à l’âge pédiatrique.
On préfère donc parler d’obésité « grave ». Pour la définir, on utilise généralement un IMC supérieur au 99e percentile sur les courbes de référence. Plus récemment, l’American Heart Association a proposé un seuil d’IMC > 120 % par rapport au 95e percentile ou encore un IMC > 35, chiffre toujours très pathologique avant 18 ans.
Ce nombre important de tentatives de catégorisation montre qu’il est indispensable de bien faire attention à la notion d’évolutivité, étant donné la sveltesse physiologique propre à cet âge de la vie.
Pour faire un exemple : un IMC de 50 chez un adulte est d’emblée considéré comme marqueur d’obésité morbide ; son équivalent pour un enfant est un IMC à peine supérieur à 29. L’IMC en tant que tel est donc un index qui a du mal à donner d’emblée une idée fiable du degré d’obésité de l’enfant et de l’adolescent.
 

II. Épidémiologie

L’obésité de l’enfant est désormais mondialement considérée une maladie de proportions épidémiques.
En France, la proportion d’enfants entre 5 et 12 ans en surpoids (> 97e percentile des références françaises) a progressé de 6 % à la fin des années soixante-dix à 13 % en 1996. Les campagnes de sensibilisation auprès des médecins et de la population ont donné leur effet : depuis les années 2000, les observations montrent une stabilisation de la prévalence du surpoids et de l’obésité chez l’enfant. En 2006, la prévalence estimée du surpoids incluant l’obésité était, selon les références IOTF, de 18 % chez les enfants de 3 à 17 ans, dont 3,5 % présentaient une obésité. Mais la stabilisation de la prévalence du surpoids et les efforts pour obtenir ce résultat ont créé un effet paradoxal : depuis les années quatre-vingt, la fréquence des obésités les plus sévères a été multipliée par 4 et représente 0,05 % de la population < 18 ans.
 
Ces obésités persistent toutes à l’âge adulte et sont une source certaine de complications cardiovasculaires et métaboliques, d’autant plus que l’IMC est plus élevé. Ces patients conjugueront une obésité de degré extrême dès le plus jeune âge avec une durée d’exposition à la maladie particulièrement longue, avec un risque majeur de morbidité-mortalité dans le futur.
La probabilité qu’un enfant obèse le reste à l’âge adulte varie selon les études de 20 à 50 % avant la puberté, à 50 à 70 % après la puberté. Les prévalences du surpoids et de l’obésité — surtout dans sa forme grave — sont supérieures en France dans les populations défavorisées.
 

III. Étiologie et histoire naturelle

L’obésité est une maladie multifactorielle dans laquelle interviennent des facteurs génétiques et environnementaux.

A. Obésités dites génétiques

En dehors de formes très rares d’obésité monogénique, caractérisées par une obésité massive d’apparition très précoce, la composante génétique est multifactorielle et très variée. Les mutations des gènes codant le récepteur de la mélanocortine de type 4 (MC4R) pourraient être retrouvées dans 2,5 à 5 % des obésités sévères ; d’autres mutations (POMC, LEP, LEPR) conduisent à des tableaux cliniques extrêmement graves mais beaucoup plus rares.

B. Obésités communes

L’immense majorité des obésités sont des obésités communes liées à des facteurs environnementauxqui s’implantent sur une prédisposition génétique complexe. Quoi qu’il en soit, le primum movens est toujours un déséquilibre entre les apports caloriques et la dépense énergétique.

1. Instauration de l’obésité et âge du rebond d’adiposité

Au cours de la croissance, la corpulence varie de manière physiologique. En moyenne, elle augmente la première année de la vie, puis diminue jusqu’à l’âge de 6 ans, et croît à nouveau jusqu’à la fin de la croissance. La remontée de la courbe de l’IMC observée en moyenne à l’âge de 6 ans est appelée rebond d’adiposité.
L’instauration d’un surpoids peut être très précoce chez l’enfant. Sur la base de l’époque du rebond d’adiposité, on définit le surpoids comme « précoce » ou « tardif » en fonction de l’âge de survenue.
Les études montrent que l’âge au rebond d’adiposité est corrélé à l’adiposité à l’âge adulte : plus il est précoce, plus le risque de devenir obèse est élevé.
L’obésité chez l’enfant est donc caractérisée encore plus que chez l’adulte par un mécanisme évolutif. Il est fondamental que le pédiatre reporte l’IMC calculé sur la courbe spécifique, de façon à détecter très précocement une accélération excessive de la prise pondérale qui conduira à un surpoids, voire une obésité.

2. Distribution du tissu adipeux et risque métabolique

Chez l’adulte, une grande importance est attribuée à la distribution du tissu adipeux, avec un risque métabolique augmenté en cas d’obésité viscérale.
En pédiatrie, surtout chez les petits enfants, la distinction est moins nette. Il y a néanmoins des critères simples pour identifier les sujets à risque métabolique.
L’IMC a une valeur très limitée pour définir une obésité en fonction de la distribution du tissu adipeux.
Les critères idéaux sont issus des résultats de la DEXA et de l’IRM, mais ces méthodes sont inappropriées pour la pratique courante.
 
L’utilisation d’autres paramètres clinques, notamment la mesure du tour de taille et de l’épaisseur des plis cutanés, est très utile dans ce contexte (cf. infra, « Examen clinique »).
Comme pour tous les paramètres mesurables, les valeurs normales varient en fonction non seulement des différentes ethnies, mais aussi de l’âge et du sexe. Pour les enfants européens, des courbes spécifiques viennent d’être publiées9, issues de la grande cohorte de l’étude IDEFICS (Identification and prevention of Dietary- and lifestyle-induced health EFfects In Children and infantS).
La simple mensuration du rapport Tour de taille/Taille peut aider à identifier les sujets à plus fort risque métabolique : un rapport Tour de taille/Taille > 0,62 a montré en ce sens une forte valeur prédictive.

3. Facteurs de risque pour le développement d’une obésité

Dans une maladie multifactorielle et hétérogène telle que l’obésité, l’identification des éléments pouvant constituer un risque est difficile. Néanmoins, les groupes d’experts s’accordent sur nombreux points (cf. encadré).
 
Situations à risque de développement d’une obésité
 
Sont considérées comme situation à risque :
  • surpoids et obésité parentale, notamment de la mère au début de la grossesse ;
  • grossesse : prise de poids excessive, tabagisme maternel, diabète maternel quel que soit son type ;
  • excès ou défaut de croissance foetale (macrosomie/hypotrophie) ; les enfants nés petits pour l’âge gestationnel ont en plus un risque augmenté de complications métaboliques ;
  • gain pondéral accéléré dans les deux premières années de vie d’autant plus important que la période de gain pondéral accéléré est longue (importance de la surveillance longitudinale de l’IMC pour détecter un rebond d’adiposité précoce) ;
  • difficultés socio-économiques des parents et cadre de vie défavorable ;
  • manque d’activité physique et sédentarité ;
  • troubles du sommeil (allant d’une désorganisation des rythmes du sommeil à un véritable syndrome des apnées du sommeil) ;
  • attitudes inadaptées de l’entourage par rapport à l’alimentation ;
  • facteurs psychopathologiques : dépression chez les filles, hyperphagie boulimique ;
  • négligences ou abus physiques.

 

4. Obésités secondaires

Rares chez l’enfant, elles ne peuvent pas passer inaperçues car elles s’accompagnent toujours d’un signe très spécifique : le ralentissement de la vitesse de croissance staturale.
L’obésité commune est souvent accompagnée d’une accélération de la croissance mais jamais d’un ralentissement. Il s’agit là d’un point essentiel dont la présence doit faire rechercher soigneusement une maladie sous-jacente : hypercorticisme (Cushing), hypothyroïdie sévère (cf. item 51 au chapitre 6 « Retard de croissance staturo-pondérale »).
 
Parmi les médicaments couramment utilisés en pédiatrie, certains antiépileptiques peuvent être associés à une prise de poids significative, même si souvent il est difficile de différencier le poids du médicament de celui de la pathologie sous-jacente et de ses conséquences (sédentarité obligée, troubles du comportement alimentaire). Les glucocorticoïdes à fortes doses sont aussi associés à des prises pondérales. Il ne faut en revanche pas attribuer une prise de poids excessive à la prescription ponctuelle de corticoïdes par voie systémique ou inhalatoire.
 

IV. Complications de l’obésité

Pratiquement toutes les complications de l’obésité connues chez l’adulte peuvent être déjà présentes chez l’enfant, avec l’ajout de retentissements spécifiques sur la croissance (notamment orthopédiques). On peut parler de complications somatiques et de complications psychologiques.

A. Complications somatiques

1. Hypertension artérielle

Dans l’examen clinique d’un enfant en surpoids, la prise de tension a la plus grande importance.
Une augmentation de la pression artérielle représente la complication la plus fréquemment rencontrée.
Les valeurs normales varient en fonction de l’âge, du sexe et de la taille du patient :
  • une valeur < 90e percentile est considérée comme normale ;
  • entre le 97,5e et le 97e + 10 mm Hg, on parle d’HTA limite ;
  • au-delà, on parle d’HTA confirmée.
Dans le cadre d’un dépistage de l’hypertension artérielle, surtout chez les enfants et adolescents obèses, on utilise souvent le terme de « tension élevée » pour regrouper toutes les catégories à partir du 90e percentile. Il faut aussi tenir compte que, indépendamment du percentile, des valeurs supérieures à 120 mm Hg et 80 mm Hg respectivement pour la pression artérielle systolique et la pression artérielle diastolique nécessitent toujours une prise en charge diagnostique.

2. Anomalies du métabolisme du glucose

La survenue d’un vrai diabète de type 2 en tant que conséquence de l’obésité est rare dans la population d’enfants et d’adolescents européens. L’insulinorésistance avec une glycémie normale est néanmoins une complication métabolique très fréquente et représente un élément clé du syndrome métabolique, ainsi que le lien entre l’obésité et d’autres complications métaboliques et cardiovasculaires.

3. Dyslipidémie

L’augmentation des taux circulants de triglycérides est directement liée à l’insulinorésistance.
Une diminution du HDL-cholestérol est aussi fréquemment retrouvée chez les enfants obèses.

4. Retentissement hépatique

La stéatose non alcoolique est la manifestation hépatique du syndrome métabolique et, à cause de l’épidémie d’obésité, elle est aujourd’hui considérée comme la forme plus commune de maladie chronique du foie chez l’enfant.

5. Complications orthopédiques

À part les rachialgies, gonalgies et les troubles de la statique vertébrale associés à un désalignement des membres inférieurs, toutes très fréquentes dans un contexte d’obésité, une entité particulière doit retenir l’attention du pédiatre : l’épiphysiolyse de la tête fémorale.
 
Épiphysiolyse de la tête fémorale
 
Cette maladie touche le plus souvent les garçons en surpoids et comporte un glissement de la tête fémorale au niveau du cartilage de croissance ; toute douleur mécanique de hanche entre 10 et 15 ans doit faire évoquer une épiphysiolyse. L’étiologie est multiple, mais la prise rapide de poids est un facteur déclenchant majeur. Les facteurs hormonaux jouent aussi un rôle important, justifiant la fréquence plus importante chez le garçon (2,5/1).
Pour le diagnostic, une radiographie du bassin de face n’est pas suffisante et il faut toujours réaliser un profil soit urétral soit en incidence de Lowenstein.

B. Retentissement psychologique

Les conséquences psychologiques de l’obésité à l’âge évolutif peuvent être extrêmement lourdes. Une désocialisation progressive s’instaure, pouvant conduire à l’échec scolaire et à un isolement de l’enfant et de l’adolescent. Les conséquences immédiates et sur long terme sont bien évidentes. L’obésité sévère de l’adolescent est également associée à une diminution de la qualité de vie et à une augmentation significative des conduites à risque (fort tabagisme, consommation d’alcool et de drogues, dépression et attitudes suicidaires).
 

V. Approche clinique

A. Interrogatoire

1. Antécédents familiaux d’obésité

Encore plus qu’une prédisposition génétique, la présence d’une obésité sévère dans plusieurs membres de la famille peut faire évoquer des comportements alimentaires à risque ou encore la présence d’un ou plusieurs facteurs de risque (cf. supra).

2. Antécédents personnels

  • Poids et la taille de naissance, toujours considérés en fonction du terme. Les enfants nés petits pour l’âge gestationnel sont plus à risque de développer une obésité grave (associée à des anomalies métaboliques) s’ils présentent un rattrapage pondéral trop rapide.
  • L’âge d’apparition du surpoids, notamment en fonction de la survenue du rebond d’adiposité.
  • Les circonstances déclenchantes identifiées, spécialement les changements environnementaux (déménagement, divorce des parents).
  • Les tentatives antérieures de prise en charge du poids et leur résultat (immédiat, à long terme).
Chez la fille pubère, une place importante est tenue par l’interrogatoire gynécologique. Les troubles des règles, souvent dans un contexte d’hyperandrogénie clinique et/ou biologique, sont plus fréquents chez les filles obèses et nécessitent d’une prise en charge spécialisée.
Un interrogatoire détaillé portant sur le mode de vie (école, sport, cercle d’amis) est très important pour détecter des signes précoces d’un retentissement psychologique du surpoids.

3. Évaluation du comportement alimentaire

Difficile chez l’adulte, l’évaluation du comportement alimentaire est particulièrement délicate chez l’enfant.
La plupart des parents démarrent la consultation manifestant tout leur étonnement face à l’apparente disproportion entre l’apport énergétique et la prise de poids excessive de leur enfant.
À part le mécanisme de « défense psychologique » de déni — on entend souvent réciter la leçon de la parfaite alimentation : un quotidien où les fruits et légumes sont largement représentés, les grignotages inexistants… —, souvent les familles imaginent qu’une obésité ne peut s’instaurer qu’en présence d’écarts alimentaires significatifs.
L’instauration d’un surpoids est un processus de longue durée, qui demeure presque invisible pendant des nombreuses années (d’où l’importance de la surveillance de la courbe d’IMC).
Un écart quotidien de 120–140 calories (l’équivalent d’un yaourt au lait entier aux fruits) peut conduire, avec sa répétitivité, à l’accumulation de 5 kg en excès par an.
Des erreurs qualitatives peuvent être facilement mises en évidence, une consommation excessive de sel, par exemple.
Plus qu’un interrogatoire détaillé, risquant de mettre d’emblée une barrière infranchissable entre le médecin, la famille et l’enfant, il est important de préciser les règles d’une hygiène alimentaire correcte.
La recherche de facteurs psychosociaux pouvant augmenter le risque d’obésité est un élément essentiel.
L’interrogatoire doit comporter une recherche des complications de l’obésité, comme des signes évocateurs de syndrome d’apnées du sommeil (céphalées matinales, nycturie, fatigue chronique, diminution du rendement scolaire) ou de complications orthopédiques (douleurs articulaires et/ou musculaires, usure anormale des chaussures).

B. Examen clinique

En dehors de la mesure du poids et de la taille, toujours en sous-vêtements, sans approximations, l’examen clinique du patient obèse doit comporter :
  • la mesure de la pression artérielle, avec un brassard adapté à la circonférence du bras des patients obèses ; la hauteur du brassard doit correspondre à deux tiers de celle du bras : un brassard trop petit comporte une surestimation des valeurs et un trop grand une sous-estimation ;
  • la mesure du tour de taille : il sera mesuré grâce à un mètre ruban positionné à mi-chemin entre deux points situés entre les dernières côtes et les épines iliaques antéro-supérieures.
Les valeurs seuil pour définir l’obésité abdominale varient en fonction de l’ethnie, du sexe et de l’âge (cf. supra) ; un tour de taille supérieur à 75 cm est toujours pathologique ;
  • la mesure des plis cutanés : les équations validées pour l’âge pédiatrique et souvent utilisées sont celles de Slaughter ; comme toujours, les valeurs sont à interpréter en fonction des courbes spécifiques pour l’âge, le sexe et la population prise en examen ; on peut retenir qu’à partir de l’âge de 5 ans, le pourcentage de masse grasse ne doit pas dépasser 20 % ;
  • la recherche de signes cliniques d’obésités secondaires : c’est un élément essentiel de l’examen clinique. En particulier, il faut reconstruire avec précision les courbes de croissance staturale et pondérale. Un ralentissement de la vitesse de croissance est toujours pathologique chez un enfant obèse. Les variations pondérales en fonction des différents âges peuvent rendre plus facile la découverte d’un facteur déclenchant, passé inaperçu lors du premier interrogatoire. Remarquer une accélération significative de la prise de poids à l’âge de 7 ans, par exemple, peut faire rappeler aux parents un événement particulier qui s’est produit à cette époque-là ;
  • l’examen dermatologique, qui peut mettre en évidence un acanthosis nigricans, signe clinique d’une insulinorésistance, la présence de vergetures dont les caractéristiques peuvent faire évoquer la présence d’un hypercorticisme (soupçonné d’abord sur la base d’une croissance staturale pathologique), ou encore un intertrigo ou une mycose, plus fréquentes chez les jeunes obèses.

C. Examens complémentaires

Chez l’enfant, il n’y a pas lieu de demander des examens en dehors du contexte clinique.
Une insulinorésistance, suspectée à partir de la présence d’acanthosis nigricans, est très souvent retrouvée. De même, il est facile de trouver une augmentation modérée de la TSH qui, chez l’enfant, ne doit pas être interprétée comme une hypothyroïdie infraclinique et ne pose aucune indication au traitement par L-thyroxine. Elle est normalement réversible avec la perte de poids.
Une augmentation des transaminases est le reflet du retentissement hépatique de l’obésité mais, surtout si significative, doit quand même être l’objet d’un diagnostic différentiel. 
Une hyperandrogénie biologique est fréquente, avec une correspondance clinique (hirsutisme, troubles des règles).
L’augmentation de l’acide urique est un autre marqueur fréquent du retentissement métabolique de l’obésité.
Tous ces signes ne conduisent pas systématiquement à un traitement pharmacologique, mais confirment la nécessité d’une réduction de l’excès pondéral.
Pour cette raison, sur le plan individuel, la prescription d’un bilan biologique n’est pas recommandée, sauf suspicion clinique précise et dans la perspective d’un traitement autre que diététique.
 

VI. Traitement

En dehors de protocoles expérimentaux, il n’y a pas de traitement médicamenteux pour l’obésité de l’enfant et donc la prise en charge d’un surpoids déjà instauré est essentiellement diététique et comportementale.
 
L’effort doit porter sur la prévention, pour éviter à tout prix l’instauration d’une obésité, voire une obésité grave, difficilement réversible. Si la prévention échoue, les traitements diététiques et comportementaux habituellement proposés avec un quelconque succès chez les enfants en surpoids ou avec une obésité « non sévère » sont beaucoup moins efficaces en cas d’obésité grave. Très peu d’études ont été centrées sur les effets des modifications du style de vie chez les jeunes atteints d’obésité grave et toutes ont montré une efficacité très modeste et limitée à court terme. Dans ce contexte, une approche fondée sur la chirurgie bariatrique pourrait stopper la prise de poids majeure pendant l’adolescence chez ce type de patients. En général, les publications concernant les procédures de chirurgie bariatrique chez les adolescents montrent une efficacité comparable à celle observée chez les adultes en termes de perte de poids et amélioration (voire disparition) des comorbidités, avec un niveau de sécurité comparable voire encore meilleur que chez les adultes.
 
Une grande partie des observations de la chirurgie bariatrique chez les adolescents concernent l’anneau gastrique et le by-pass gastrique, mais d’autres procédures semblent très prometteuses. La sleeve gastrectomy – l’ablation de 80 % du volume de l’estomac, incluant le fundus et la grande courbure – permet une perte de poids significative avec un risque chirurgical inférieur au by-pass.
Dernièrement, cette technique a été proposée pour les adolescents avec des résultats encourageants.
Néanmoins, la chirurgie bariatrique chez les adolescents implique des équipes hautement spécialisées, avec une prise en charge préalable du patient de longue durée et une sélection des patients reposant sur des critères stricts.
 
POINTS CLES
 
  • Le diagnostic de surpoids chez l’enfant repose sur des critères évolutifs.
  • La prévention est un élément essentiel dans la prise en charge de l’obésité de l’enfant.
  • L’analyse de la courbe d’IMC permet de détecter très précocement une accélération pondérale pathologique.
  • Un ralentissement de la courbe de croissance chez un enfant en surpoids est toujours pathologique et doit faire rechercher une origine secondaire de l’obésité.
  • Les complications connues chez l’adulte peuvent être présentes déjà depuis le plus jeune âge.
  • Le retentissement sur la qualité de vie peut être majeur, portant à des conséquences extrêmement graves chez l’adolescent (déscolarisation, désocialisation, comportements à risque).
  • La prise en charge d’un patient obèse doit s’envisager sur le long terme et ne doit pas se limiter à un objectif de perte de poids.
  • La prise en charge d’un patient obèse doit toujours comporter la mise en place de mesures hygiénodiététiques adaptées et personnalisées.
  • La chirurgie bariatrique n’est pas le traitement de première intention de l’obésité. Elle peut néanmoins représenter une option thérapeutique efficace chez les adolescents avec une obésité extrêmement grave et en situation d’échec.