Poly2016-Item 266 – UE 8 Hypercalcémie

Objectifs pédagogiques
Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.
Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
 
 
Le diagnostic de l’hypercalcémie est un diagnostic biologique qui repose sur le dosage de la calcémie totale. La limite supérieure de la calcémie au-delà de laquelle on définit l’hypercalcémie doit se référer aux normes de chaque laboratoire (habituellement : 2,60 mmol/l, soit 105 mg/l). 
L’incidence annuelle des hypercalcémies est d’environ 500 nouveaux cas par million d’individus.
 
Les deux étiologies dominantes sont l’hyperparathyroïdie primaire (55 %) et les pathologies néoplasiques (30 %), les autres étiologies, multiples, ne représentant que 15 % des cas. 
La confirmation du diagnostic est simple, puisqu’elle ne fait appel qu’à la simple répétition du dosage de la calcémie. L’orientation du diagnostic étiologique repose d’abord sur le dosage de la parathormone (PTH).

I. Rappels physiologiques

La calcémie est étroitement régulée par deux hormones calciotropes :
  • la parathormone (PTH) ;
  • et la forme active de la vitamine D, le calcitriol (1,25(OH)2-D).
La PTH joue plusieurs rôles (figure 28.1) :
  • elle stimule la 1?-hydroxylase dans le tubule proximal du rein et augmente par conséquent la production du calcitriol, qui à son tour augmente l’absorption intestinale du calcium et du phosphore ;
  • elle augmente la résorption osseuse et donc mobilise de l’os le calcium et le phosphore ;
  • elle inhibe la réabsorption rénale du phosphore au niveau du tubule proximale et stimule la réabsorption rénale du calcium au niveau du tubule distale. Cet effet dissocié au niveau du rein permet d’augmenter la calcémie et diminuer la phosphatémie, sans modifier le produit phosphocalcique.
 
La sécrétion de la parathormone par la cellule parathyroïdienne est finement régulée par le récepteur sensible au calcium (Calcium Sensor, CaSR) : l’augmentation de la concentration plasmatique du calcium ionisée inhibe, par l’intermédiaire de ce récepteur membranaire, la sécrétion de la PTH. Le CaSR, présent aussi au niveau du tubule rénal, est aussi impliqué dans la régulation de la calciurie : l’augmentation du calcium ionisée plasmatique inhibe la réabsorption rénale du calcium et induit une hypercalciurie (figure 28.1).
 
L’hypercalcémie est le résultat d’une dérégulation entre les flux entrants et sortants du calcium dans le compartiment sanguin. Elle est due :
  • soit à l’augmentation de l’absorption calcique digestive ;
  • soit à une résorption osseuse accrue ;
  • soit à une diminution de l’excrétion rénale du calcium.
Ces mécanismes sont souvent associés.
 

II. Définition biologique

La calcémie mesurée représente la somme du calcium lié (53 % du calcium total) et du calcium libre ou ionisé (47 %).
Le calcium lié comprend le calcium lié aux protéines (40 % du calcium total), en particulier à l’albumine, et le calcium complexé à des anions (13 %) sous forme de bicarbonate, phosphate, sulfate ou citrate (figure 28.2).
 
 
Seuls le calcium ionisé et le calcium complexé sont diffusibles et ultrafiltrables et donc biologiquement actif.
Le calcium ionisé peut être mesuré directement dans le sang au moyen d’une électrode spécifique : les valeurs physiologiques à jeun sont comprises entre 1,15 et 1,35 mmol/l ; il y a hypercalcémie lorsque le calcium ionisé dépasse 1,40 mmol/l.
Si, en règle générale, le calcium ionisé est estimé à 50 % de la valeur du calcium total, trois conditions particulières rendent cette approximation illicite :
  • l’acidose augmente la proportion de calcium ionisé par rapport au calcium total et l’alcalose la diminue ;
  • l’hyperprotidémie augmente la calcémie totale mais diminue la part respective de calcium ionisé, et inversement en cas d’hypoprotidémie ;
  • l’augmentation du phosphore ou du sulfate sériques diminue le calcium ionisé et augmente la proportion de calcium complexé.
Cependant, la détermination du calcium ionisé est complexe parce que très dépendante des conditions de prélèvement. En pratique, la détermination du calcium total est suffisante dans la grande majorité des cas.

III. Clinique

La symptomatologie clinique classique de l’hypercalcémie est résumée dans le tableau 28.1.
 
Ces signes sont peu spécifiques et le diagnostic n’est évoqué que lorsque plusieurs de ces signes sont associés, ce qui est le cas lorsque la calcémie est supérieure à 3 mmol/l (soit 120 mg/l). La majorité des hypercalcémies modérées, comprises entre 2,63 et 3 mmol/l (soit 105 et 120 mg/l), sont peu ou totalement asymptomatiques. Dans une majorité de cas (jusqu’à 80 % des cas !), le diagnostic d’hypercalcémie se fait de façon fortuite à l’occasion d’un dosage systématique de la calcémie.
 
L’hypercalcémie maligne est une urgence métabolique : la calcémie est en général > 3,25 mmol/l (soit 130 mg/l).
La déshydratation est toujours présente et entretient l’élévation de la calcémie (déshydratation induite par la polyurie ou par les troubles digestifs entraînant une insuffisance rénale qui aggrave l’hypercalcémie en réduisant la clairance calcique).
En plus des signes graves cités plus haut (confusion, coma, insuffisance rénale), il y a un risque cardiaque : troubles du rythme cardiaque, bradycardie avec asystolie. Les digitaliques favorisent ces complications — ils sont contre-indiqués en cas d’hypercalcémie.

IV. Diagnostic étiologique

La liste des maladies susceptibles d’engendrer une hypercalcémie est longue, mais deux étiologies sont largement majoritaires puisqu’elles représentent à elles seules 80 à 90 % du total :
  • en premier lieu, l’hyperparathyroïdie primaire ;
  • puis les hypercalcémies dites paranéoplasiques.
Le diagnostic étiologique est schématisé dans la figure 28.3.

A. Hypercalcémies PTH-dépendantes

1. Hyperparathyroïdie primaire

L’incidence de l’hyperparathyroïdie primaire était de 7,8 pour 100 000 en 1970 ; elle est maintenant de 27 pour 100 000, vraisemblablement du fait de l’exploration systématique en routine du métabolisme phosphocalcique.
La dénomination d’hyperparathyroïdie primaire regroupe les hyperparathyroïdies liées à une lésion initiale parathyroïdienne, responsable d’une sécrétion autonome de PTH, elle-même responsable des altérations du métabolisme phosphocalcique et de ses conséquences sur le tissu osseux, dont la résultante la plus caractéristique est l’hypercalcémie.
 
– Signes cliniques
Les signes cliniques qui évoquent le diagnostic sont ceux qui figurent dans le tableau 28.1 ; ils ne font qu’indiquer l’existence de l’hypercalcémie, et — si présents — traduisent une hypercalcémie franche, en règle générale supérieure à 3 mmol/l.
 
S’y ajoutent des signes rénaux (coliques néphrétiques, hématurie, insuffisance rénale chronique) et osseux cliniques et radiologiques (figure 28.4 et tableau 28.2), dont l’ostéite fibrokystique de von Recklinhausen qui représente la forme historique — actuellement exceptionnelle.
L’exploration rénale doit comporter une mesure de la créatinine plasmatique et un scanner rénal non injecté à basse irradiation (plus précis que l’échographie rénale).
 
Les signes osseux sont le reflet d’un déséquilibre du remodelage osseux au profit de la résorption ostéoclastique, dont le meilleur témoin est la mesure de la baisse de la densité osseuse, d’autant plus évidente que le terrain est prédisposé (femme ménopausée, en particulier). Les signes osseux cliniques et radiologiques sont rarement présents dans les formes actuelles des hyperparathyroïdies primaires, de découverte fortuite dans plus de 80 % des cas sur la seule constatation d’une hypercalcémie, et c’est donc l’étude de la densité osseuse qui permet le mieux de quantifier le retentissement osseux des hyperparathyroïdies primaires (+++). L’étude de la densité osseuse, évaluée au moyen du T-score, fait partie des éléments décisionnels pour l’orientation thérapeutique des hyperparathyroïdies primaires. L’hyperparathyroïdie primaire diminue surtout la densité de l’os corticale, dont le meilleur reflet à l’ostéodensitométrie est la densité du tiers distale du radius. L’existence de signes cliniques, surtout s’il s’agit de signes osseux, traduit un processus pathologique déjà ancien.
En plus des signes osseux, l’hyperparathyroïdie primaire peut se révéler par une chondrocalcinose.
 
– Biologie
Il existe une relation étroite entre les valeurs de la calcémie totale ou ionisée et celles de la PTH plasmatique : le diagnostic biologique de l’hyperparathyroïdie primaire est défini par l’association hypercalcémie et PTH plasmatique élevée ou « normale » mais en discordance avec l’hypercalcémie.
 
Hypercalcémie
Le diagnostic d’hyperparathyroïdie primaire a toujours reposé, et repose encore, sur la constatation d’une hypercalcémie.
La première étape consiste à répéter les dosages de la calcémie pour confirmer l’existence de l’hypercalcémie, qui est constante dans l’hyperparathyroïdie primaire.
Dans les formes frustes ou débutantes, il peut y avoir dans le temps une alternance d’hyper- et de normocalcémies :
ces fluctuations biologiques transitoires peuvent persister plusieurs mois (ou années) et ont pu faire évoquer l’existence d’« hyperparathyroïdies normocalcémiques ».
 
Une hypovitaminose D, une hypoalbuminémie ou une acidose peuvent masquer l’hypercalcémie d’une hyperparathyroïdie. Le déficit en vitamine D doit être substitué pour évaluer l’importance d’une l’hypercalcémie. En cas d’hypoalbuminémie ou d’acidose, la mesure du calcium ionisé plasmatique doit être effectuée. Cette mesure nécessite quelques précautions, le prélèvement notamment doit être effectué sur un membre au repos, si possible sans garrot, pour éviter les variations du pH sanguin, et l’acheminement du prélèvement au laboratoire doit être fait le plus rapidement possible. Lorsque l’accès à cette mesure n’est pas possible, on peut calculer une calcémie corrigée, en sachant que chaque gramme d’albumine complexe
0,020–0,025 mmol de calcium (figure 28.2). 
 
Dosage plasmatique de la parathormone
La PTH est sécrétée sous la forme d’un peptide de 84 acides aminés. Les dosages actuels immunométriques permettent de mesurer la PTH1 -84 ou ses fragments biologiquement actifs. Avec ces dosages, toute coexistence d’une hypercalcémie même mineure et d’une valeur élevée ou inappropriée (ou « anormalement normale ») de la PTH induit le diagnostic biologique d’hyperparathyroïdie primaire, à l’exception du diagnostic différentiel avec le syndrome d’hypercalcémie-hypocalciurie familiale et l’hyperparathormonémie associée au traitement par le lithium (figure 28.3).
Il faut impérativement comparer les chiffres de la PTH à ceux de la calcémie et ne pas oublier qu’une hyperparathormonémie est un mécanisme physiologique d’adaptation à une baisse de la calcémie, que l’on appelle aussi l’hyperparathyroïdie secondaire, due à une carence en vitamine D (et donc à un défaut d’absorption intestinale du calcium) ou à l’insuffisance rénale chronique (avec un défaut de conversion de la 25(OH)-vitamine D en 1,25(OH)2-vitamine D).
 
Phosphorémie
L’hyperparathyroïdie augmente la clairance du phosphate en diminuant sa réabsorption tubulaire, d’où l’hypophosphorémie, qui est en règle générale bien corrélée à l’hypercalcémie.
Cependant, la phosphorémie varie de façon importante en fonction de l’apport nutritionnel (et donc de l’instant où est effectué le prélèvement) et de la fonction rénale. L’hypophosphorémie n’est en fait retrouvée que dans 50 % des cas.
Il faut insister sur le fait que les calcémie et phosphorémie ne peuvent être valablement interprétées pour le diagnostic d’hyperparathyroïdie primaire que si la fonction rénale est normale.
 
Calciurie
Elle est augmentée dans l’hyperparathyroïdie primaire du fait de l’augmentation de la charge filtrée du calcium (élévation de la calcémie) et l’effet inhibiteur de l’hypercalcémie sur la réabsorption tubulaire rénale du calcium via le calcium sensor au niveau de l’anse de Henlé (qui priment sur l’augmentation de la réabsorption tubulaire du calcium par l’action de la PTH sur le tubule rénal).
Cependant, les variations physiologiques de la calciurie sont importantes et la calciurie peut être aussi dans les limites de la normale. Ce paramètre est surtout utile pour faire un diagnostic différentiel entre une forme fruste d’hyperparathyroïdie primaire et le syndrome hypercalcémie-hypocalciurie familiale (avec une calciurie effondrée) (cf. infra).
 
– Imagerie
Toutes les techniques utilisées actuellement ont l’avantage d’être non invasives. Elles visent à mettre en évidence un adénome parathyroïdien, dans le seul but d’orienter le geste opératoire.
Les plus couramment utilisées et les plus performantes sont l’échographie et la scintigraphie au SestaMIBI, avec quasiment 100 % de valeur de localisation d’un adénome lorsque ces deux imageries sont concordantes en présence d’un diagnostic biologique. Des exemples d’échographie et de scintigraphie parathyroïdienne sont illustrés sur la figure 28.5.
 
Toutefois, en aucun cas les résultats de l’imagerie ne doivent interférer dans le diagnostic positif de l’hyperparathyroïdie primaire, qui reste un diagnostic biologique. Une imagerie positive ne doit pas influencer un diagnostic litigieux sur le plan biologique, de même une imagerie négative ne doit pas remettre en question un diagnostic biologique certain. L’imagerie préopératoire actuelle n’est qu’un procédé de localisation et doit le rester. De ce fait, la réalisation d’une imagerie n’est indiquée que s’il y a indication opératoire.
 
D’une manière générale, la possibilité de lésions multiglandulaires et la nécessité, pour confirmer le diagnostic d’adénome parathyroïdien isolé, de s’assurer du caractère normal des autres glandes, font que l’imagerie préopératoire idéale serait celle qui permettrait de visualiser les quatre glandes, en faisant la distinction entre glandes normales et pathologiques. Aucun procédé d’imagerie n’est actuellement capable de fournir de tels renseignements, alors que la fiabilité de l’exploration (et donc du traitement) chirurgicale est supérieure à 95 %.
 
L’exploration préopératoire par les procédés actuels d’imagerie est indispensable si on envisage un abord chirurgical latéralisé mini-invasif, et, dans ce cas, il est préférable d’avoir deux images concordantes (échographie + scintigraphie) de l’adénome. À l’inverse, si le diagnostic de l’hyperparathyroïdie primaire impose une exploration de toutes les parathyroïdes (par exemple, en cas de néoplasie endocrinienne multiple) ou si l’équipe chirurgicale préfère une chirurgie conventionnelle, l’imagerie préopératoire n’apparaît pas indispensable en cas de chirurgie première.
Dans tous les cas, en l’absence de guérison après une première cervicotomie, tous les moyens d’imagerie doivent être mis en oeuvre pour tenter de localiser la ou les glandes pathologiques, restant en position normale ou ectopique (dans le thymus, figure 28.5).
 
– Diagnostic étiologique des hyperparathyroïdies primaires
L’hyperparathyroïdie primaire est dans la grande majorité des cas sporadique et isolée, mais elle peut aussi survenir dans le contexte de maladies héréditaires suivantes : la néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM1), la néoplasie endocrinienne multiple de type 2A (NEM2A) et, en association avec les tumeurs de la mâchoire, due aux mutations du gène HRPT2.
 
L’hyperparathyroïdie primaire sporadique représente 98 % des hyperparathyroïdies primaires, qu’il s’agisse d’un adénome unique (96 %), d’adénomes multiples (deux adénomes dans 2 % des cas, exceptionnellement trois ou quatre) ou de rares cancers parathyroïdiens (2 %).
 
Dans 1 % des cas, les hyperparathyroïdies primaires font partie d’une NEM1, où l’hyperparathyroïdie primaire est présente dans plus de 95 % des cas et dont elle est d’habitude la première manifestation. Les autres atteintes de la NEM1 sont principalement les tumeurs endocrines pancréatiques (surtout les insulinomes, responsables d’hypoglycémies) et du duodénum (les gastrinomes, responsables du syndrome Zollinger-Ellison) et les adénomes hypophysaires (notamment des prolactinomes), qui doivent alors être systématiquement recherchés. Les NEM1 sont dues à des mutations du gène MEN1 codant la protéine ménine.
 
La maladie concerne toutes les quatre parathyroïdes et se manifeste typiquement par une hyperplasie parathyroïdienne. Encore plus rarement, les hyperparathyroïdies primaires font partie d’une NEM2A, où l’hyperparathyroïdie primaire est présente dans 25 % des cas. Les NEM2A sont caractérisées par le développement successif d’un cancer médullaire de la thyroïde (première atteinte dans l’histoire naturelle de la maladie, diagnostiquée par le dosage de la calcitonine), d’un phéochromocytome bilatéral (50 % de cas) et d’une hyperparathyroïdie primaire avec atteinte multiglandulaire. Les NEM2A sont dues à des mutations activatrices du proto-oncogène RET. L’hyperparathyroïdie primaire-Jaw syndrome (hyperparathyroïdie primaire associée à une tumeur osseuse fibreuse de la mandibule) est due à une mutation du gène HRPT2.
 
Contrairement aux hyperparathyroïdies primaires sporadiques (qui surviennent préférentiellement chez les sujets de plus de 50 ans), les hyperparathyroïdies primaires génétiquement déterminées surviennent dans une population jeune. Toute hyperparathyroïdie primaire avant l’âge de 40 ans est donc suspecte d’appartenir à une hyperparathyroïdie primaire familiale génétiquement transmissible.
 
Les hyperparathyroïdies secondaires correspondent à l’adaptation physiologique de la sécrétion parathyroïdienne à une hypocalcémie. Elles sont donc facilement identifiables, en particulier chez les insuffisants rénaux chroniques, chez qui elles sont systématiquement recherchées et prévenues au moyen d’un traitement par métabolites actifs de la vitamine D (alfacalcidol ou calcitriol) et apport calcique. En revanche, l’hyperparathyroïdie tertiaire qui résulte de l’autonomisation de l’hyperparathyroïdie secondaire par adénome parathyroïdien unique ou multiple peut être la cause d’une hypercalcémie chez l’insuffisant rénal chronique, avant ou après transplantation.
 
Les hyperparathyroïdies tertiaires ont la même prise charge thérapeutique que les hyperparathyroïdies primaires multiglandulaires.
 

2. Hypercalcémie-hypocalciurie familiale bénigne

Ce syndrome constitue un piège diagnostique classique avec l’hyperparathyroïdie primaire. Il associe une hypercalcémie en règle générale bien tolérée, une hypophosphorémie, une discrète hypermagnésémie, une calciurie très basse et des valeurs plasmatiques de PTH normales ou supérieures à la normale mais en discordance avec l’hypercalcémie. C’est donc un tableau biologique d’hyperparathyroïdie primaire, hormis l’hypocalciurie.
 
Il s’agit d’une affection héréditaire transmise sur le mode autosomique dominant (chromosome 3q2). Cette anomalie génétique porte sur la partie codante du gène du récepteur transmembranaire du calcium de la cellule parathyroïdienne et entraîne une inactivation partielle de ce récepteur, d’où un déplacement vers la droite du « set point » de la courbe de corrélation Ca++/PTH. L’hypercalcémie familiale bénigne est en fait la forme hétérozygote de la très rare hyperparathyroïdie sévère néonatale.
La prévalence de l’hypercalcémie familiale bénigne est évaluée à un pour 10 000.
On peut raisonnablement penser qu’un certain nombre de patients opérés avec le diagnostic d’hyperparathyroïdie primaire, et chez qui il n’a pas pu être mis en évidence d’adénome parathyroïdien mais tout au plus une hyperplasie, sont en fait d’authentiques cas d’hypercalcémie familiale bénigne.

3. Lithium

Le lithium entraîne une hypercalcémie chez 10 % des patients traités ; elle régresse à l’arrêt du traitement.
L’hypercalcémie induite par le lithium est due à une action directe de celui-ci sur la cellule parathyroïdienne qui, sous l’effet du lithium, est stimulée par des concentrations plus élevées de calcium circulant (déplacement vers la droite du « set point »). De plus, le lithium augmente la réabsorption tubulaire du calcium. Le tableau biologique des hypercalcémies induites par le lithium est donc superposable à celui des hyperparathyroïdies primaires. 

B. Hypercalcémies PTH-indépendantes

1. Hypercalcémie des affections malignes

L’hypercalcémie des affections malignes est responsable de 30 % des hypercalcémies. Une hypercalcémie est constatée dans 5 % des cancers. Elles se différencient facilement des hyperparathyroïdies primaires par les valeurs basses (effondrées) de la PTH plasmatique (figure 28.3).
 
Parmi les tumeurs solides, ce sont les cancers du poumon, du sein, du rein et du tractus digestif qui sont le plus souvent responsables d’une hypercalcémie. Le myélome multiple est responsable de 10 % de l’ensemble des hypercalcémies malignes, ce qui est remarquable compte tenu de sa rareté, mais ce qui s’explique par l’insuffisance rénale qui fait partie du tableau classique de la maladie. Toutes les formes de lymphomes ou de leucémies peuvent induire une hypercalcémie, en particulier le lymphome et la leucémie à cellules T de l’adulte dus à un rétrovirus.
 
Dans la majorité des cas, l’hypercalcémie est due à la production par les cellules tumorales d’un peptide mimant presque tous les effets biologiques de la PTH : le PTHrp (Parathyroid Hormone-related protein). Le PTHrp, comme la PTH, augmente la résorption osseuse ostéoclastique, qui est reflétée par l’hypercalcémie et l’augmentation de la calciurie. Les dosages immunométriques spécifiques de certains fragments du PTHrp permettent de détecter des valeurs élevées de PTHrp chez plus de 80 % des patients hypercalcémiques ayant un cancer solide : d’où le terme général d’hypercalcémie humorale des affections malignes ou hypercalcémie paranéoplasique10. En dehors de la sécrétion paranéoplasique de la PTHrp, d’autres mécanismes sont impliqués dans l’hypercalcémie due à ostéolyse, en particulier dans les myélomes et les hémopathies malignes.
Parmi les principaux facteurs produits localement par les cellules tumorales et agissant selon un mode paracrine, citons le Transforming Growth Factor alpha (TGFalpha), l’interleukine 1 (IL-1), la lymphotoxine et le calcitriol. Enfin, il a été décrit des cas exceptionnels de sécrétion ectopique de PTH par des cancers non parathyroïdiens.

2. Autres hypercalcémies

– Granulomatoses
L’hypercalcémie se rencontre dans 10 à 20 % des sarcoïdoses évolutives. La pathogénie de cette hypercalcémie est la production non régulée de la 1,25(OH)2-D par le tissu granulomateux.
Outre le fait que l’hypercalcémie survient dans un contexte pathologique souvent évident, le diagnostic différentiel avec l’hyperparathyroïdie primaire repose sur l’hyperphosphorémie et sur les valeurs basses de PTH.
 
– Hypercalcémies iatrogènes
 
Vitamine D et dérivés
L’apport de vitamine D ou de ses dérivés métaboliques actifs (1(OH)-D ou 1,25(OH)2-D) est responsable d’hypercalcémie en cas de surdosage. Le tableau biologique associe hypercalcémie, hyperphosphorémie, PTH basse et 1,25(OH)2-D augmentée.
Vitamine A
L’intoxication par la vitamine A, par une action directe sur l’os, s’accompagne d’une asthénie sévère, de douleurs musculaires et osseuses, d’alopécie des sourcils, de chéilite fissuraire. C’est l’interrogatoire qui conduit au diagnostic, en n’omettant pas de s’enquérir d’un traitement de l’acné ou de psoriasis par isotrétinoïde. Il s’agit toujours d’une prise à trop forte dose et pendant trop longtemps. En cas de doute, l’intoxication peut être confirmée par le dosage de la vitamine A.
 
– Diurétiques thiazidiques
Les diurétiques thiazidiques augmentent la calcémie par diminution de l’excrétion urinaire du calcium, associée à l’hémoconcentration. L’hypercalcémie est associée à une hypocalciurie. En pratique, le diagnostic repose sur l’analyse de la composition des traitements antihypertenseurs. 
Après l’arrêt du thiazidique, si l’hypercalcémie persiste, il est nécessaire de rechercher une autre étiologie.
 
– Buveurs de lait
Les hypercalcémies des buveurs de lait et d’alcalins sont devenues rares depuis les traitements modernes des ulcères gastroduodénaux. Ce syndrome, dont la physiopathologie reste à déterminer, peut encore être observé dans de rares circonstances : automédication par de fortes doses d’antiacides, traitements par de fortes doses de carbonate de calcium.
 
– Immobilisation
Quelle que soit sa cause, mais surtout s’il s’agit de pathologies neurologiques ou orthopédiques chez l’enfant, chez l’adolescent ou l’adulte jeune, l’immobilisation entraîne une diminution de l’ostéosynthèse qui se traduit habituellement par une augmentation de la calciurie et, plus rarement, d’une hypercalcémie. L’ensemble des anomalies biologiques régresse 6 mois environ après la reprise de l’activité.
 
– Hypercalcémie des endocrinopathies (hors hyperparathyroïdie)
 
Hyperthyroïdie
L’hyperthyroïdie induit une accélération du renouvellement osseux. La calcémie moyenne des hyperthyroïdiens est supérieure à celle des sujets sains, sans qu’il y ait de réelles hypercalcémies.
L’hypercalcémie est le fait des thyrotoxicoses sévères du sujet âgé pouvant s’accompagner d’ostéoporose.
 
Insuffisance surrénale aiguë
L’insuffisance surrénale aiguë peut s’accompagner d’une hypercalcémie modérée due à l’hémoconcentration et à l’insuffisance rénale fonctionnelle. L’opothérapie substitutive normalise rapidement la calcémie.
 
Phéochromocytome
Le phéochromocytome — en dehors de son association dans le cadre d’une NEM2A avec hyperparathyroïdie primaire — peut être associé à une hypercalcémie réversible après l’ablation chirurgicale. On en ignore le mécanisme. L’hémoconcentration peut y contribuer.
 

V. Traitement

La nécessité de traiter spécifiquement une hypercalcémie dépend de l’étiologie et du niveau de l’hypercalcémie. Dans tous les cas où une cause curable a été identifiée, et en dehors d’une hypercalcémie maligne, le traitement se résumera au traitement de la maladie responsable de l’hypercalcémie ; c’est tout particulièrement le cas pour l’hyperparathyroïdie primaire, qui peut être guérie par la chirurgie.
Dans les cas où le traitement de la maladie responsable ne peut pas être envisagé à moyen ou long terme, la mise en route d’un traitement médical est à visée uniquement palliative.

A. Traitement de l’hyperparathyroïdie primitive

Seule l’ablation du ou des adénomes responsables de l’hyperparathyroïdie primaire peut arriver à guérir la maladie. Deux techniques chirurgicales sont possibles : chirurgie conventionnelle et chirurgie mini-invasive. Quel que soit le type de chirurgie choisi par l’équipe chirurgicale, la guérison est obtenue dans 95 à 99 % des cas, avec une morbidité et une mortalité quasi nulles.
Les conditions de la chirurgie parathyroïdienne conventionnelle sont parfaitement établies. Il s’agit d’une intervention pratiquée sous anesthésie générale par une incision cervicale transverse qui permet une exploration des quatre parathyroïdes et, éventuellement, la recherche de glandes surnuméraires ou une exploration des sites les plus fréquents d’ectopie si la glande pathologique n’est pas retrouvée en position normale. La résection se fonde sur l’aspect macroscopique des glandes : les glandes volumineuses sont prélevées, les glandes d’aspect normal sont préservées. Ce type d’intervention ne nécessite pas obligatoirement d’examen de localisation préopératoire.
Les techniques de chirurgie mini-invasives permettent un abord direct d’un adénome parathyroïdien unique. Ce type de chirurgie apporte un bénéfice pour le malade en termes d’anesthésie et de cicatrice, et limite à l’extrême les contre-indications à la chirurgie. En contrepartie, la chirurgie mini-invasive nécessite une exploration par des imageries performantes en préopératoire puisque les adénomes doivent être préalablement repérés. Enfin, la chirurgie miniinvasive ne peut pas être envisagée si les imageries préopératoires font suspecter l’existence de lésions multiples — ce qui est le cas des hyperparathyroïdies primaires qui entrent dans le cadre des NEM — et en cas de goitre ou d’antécédents de chirurgie thyroïdienne qui gêneront l’exploration.

B. Traitement médical de l’hypercalcémie

1. Bisphosphonates

Les bisphosphonates sont hypocalcémiants parce qu’ils sont de puissants inhibiteurs de la résorption osseuse. Ils ont considérablement simplifié l’approche thérapeutique de l’hypercalcémie non accessible à un traitement étiologique (essentiellement les hypercalcémies paranéoplasiques).

2. Calcimimétiques

Ces molécules agissent comme agonistes du calcium sur le récepteur membranaire au calcium (présent au niveau des cellules parathyroïdiennes adénomateuses ou néoplasiques, figure 28.1), et freinent la sécrétion de la parathormone. Ce traitement (cinacalcet, Mimpara®) est actuellement utilisé pour les hypercalcémies des rares carcinomes parathyroïdiens et des hyperparathyroïdies primaires non accessibles à un traitement chirurgical, et dans les hyperparathyroïdies secondaires de l’insuffisance rénale. Mais il doit encore être évalué sur de grandes séries d’hyperparathyroïdie primaire par adénomes parathyroïdiens avant de constituer une alternative à la chirurgie, chez le sujet âgé et asymptomatique, s’il démontre son efficacité à long terme.

3. Traitement d’une hypercalcémie maligne

Une hypercalcémie supérieure à 3,7 mmol/l (soit 150 mg/l) constitue une urgence médicale du fait de la survenue d’un coma avec collapsus et du risque d’arrêt cardiaque. Le traitement repose sur une réhydratation par sérum physiologique. La diurèse forcée par du furosémide n’est plus recommandée. L’administration en perfusion lente de bisphosphonate (90 mg de pamidronate ou 7,5 mg d’étidronate) permet de corriger la calcémie dans 80 % des cas, mais la durée de son effet varie de quelques jours à quelques semaines.
Une corticothérapie par voie IV est efficace dans les hypercalcémies des myélomes et des hémopathies.
Enfin, une dialyse permet en urgence d’abaisser rapidement une hypercalcémie maligne et d’attendre le relais par les autres traitements.
 
POINTS CLES
 
  • Affirmer une hypercalcémie est facile en répétant le simple dosage de la calcémie totale.
  • Les étiologies des hypercalcémies sont multiples, mais la plus fréquente est l’hyperparathyroïdie primaire.
  • Le diagnostic étiologique peut être orienté par le contexte clinique (tumeurs malignes).
  • L’analyse des résultats de la calcémie et de la PTH1 -84 par méthode immunométrique doit permettre de faire le diagnostic de l’hyperparathyroïdie primaire ou d’orienter vers d’autres causes.