Poly2016 – Item 37 – UE 2 Stérilité du couple : conduite de la première consultation
Objectifs pédagogiques
Argumenter la démarche médicale et les examens complémentaires de première intention nécessaires au diagnostic et à la recherche étiologique.
I. Généralités, définitions, prévalences
On considère un couple comme infertile en l’absence de grossesse après un an de rapports sexuels non protégés.
Dans la population générale, 70 % des grossesses souhaitées sont obtenues après 6 mois et 90 % après un an. En France, un couple sur sept (14 %) consulte pour désir d’enfants.
Le terme de stérilité ne peut être employé que si la situation d’infertilité est définitive (ménopause, castration bilatérale, etc.).
La fertilité d’un couple dépend de la fécondité de l’un et de l’autre partenaire : l’évaluation en parallèle des deux membres du couple est obligatoire (++++).
La fécondabilité de la femme par cycle est au mieux de 25 % par cycle d’exposition.
Dans un couple infertile, l’infécondité est d’origine féminine dans un tiers des cas, masculine dans un tiers des cas ; elle est partagée dans le dernier tiers (+++).
Dans l’ensemble, la responsabilité masculine, appréciée par une étude de l’OMS portant sur plus de 6 000 couples, est d’environ 50 %.
L’exploration d’un couple infertile doit donc être menée parallèlement chez les deux partenaires (figure 2.1) et il ne faut pas attendre d’avoir conclu à la normalité de l’exploration de la femme pour demander un spermogramme au partenaire.
Même si la cause paraît initialement féminine, il faut demander un spermogramme d’emblée.
II. Interrogatoire
A. Pour le couple
L’interrogatoire porte sur :
- la durée de vie commune, avec/sans contraception ;
- les rapports sexuels réguliers et physiologiques, programmés en préovulatoire ou non ;
- leur fréquence (réguliers ou épisodiques) ;
- la revue des traitements antérieurs ou en cours et des explorations préalablement réalisées.


B. Chez la femme
1. Âge actuel
L’âge actuel est un élément capital du pronostic (++++) : il se détériore après 35 ans.
– On rappelle que la fécondité maximale est observée à 28 ans et que la fertilité commence à diminuer dès 30 ans.
– On interrogera sur l’âge de la puberté et des premières règles, leur caractère régulier (25 à 35 jours) ou irrégulier.
– La régularité des cycles spontanés est un bon index qui témoigne de l’existence d’ovulations.
– Mais des cycles réguliers ne sont pas obligatoirement ovulatoires, une anovulation peut y être parfois associée.
– Des marqueurs fiables de la présence d’ovulations seront donc systématiquement recherchés (cf. infra).
2. Ancienneté de l’infertilité
– L’ancienneté de l’infertilité sera recherchée ainsi que son caractère primaire ou secondaire, c’est-à-dire la notion d’une grossesse antérieure ou non, avec le même ou un autre partenaire.
– Une infertilité ancienne a souvent un caractère péjoratif mais dépend aussi du degré d’expertise des équipes médicales ayant préalablement pris en charge le couple.
– La recherche d’avortements spontanés : interruption de grossesses préalablement documentées par un dosage d’hCG (gonadotrophine chorionique humaine) ou une échographie.
– On recherchera des IVG anciennes (+++).
3. Notions d’infections et/ou curetages (+++)
On recherche des infections génitales (salpingites) ou une tuberculose, en particulier urogénitale, et des curetages utérins (post-partum, post-abortum).
4. Antécédents chirurgicaux et infectieux
– Antécédents chirurgicaux sur le col utérin (pour cancer in situ ou dysplasie), le petit bassin et l’abdomen.
– Antécédents infectieux, tels que les infections sexuellement transmissibles.
5. Douleurs pelviennes
Au moment des règles ou lors des rapports (évocatrices d’endométriose ou de séquelles infectieuses).
6. Conditions de vie
– Stress, alimentation sélective, régime restrictif, activité sportive intense (compétition, jogging) (cf. aussi aménorrhée hypothalamique fonctionnelle dans l’item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée »).
– Addictions (tabac, alcool, cannabis, etc.).
7. Agressions iatrogènes ovariennes et pelviennes
– Radiothérapie pelvienne (+++) ou hypothalamo-hypophysaire.
– Chimiothérapie gonadotoxiques (+++).
C. Chez l’homme
1. Troubles de la libido et de l’érection
Entraînant des rapports sexuels peu fréquents.
2. Antécédents de pathologie testiculaire
Antécédents de cryptorchidie (+++) (cf. item 48 au chapitre 5), de traumatisme testiculaire.
3. Antécédents chirurgicaux pelvien et scrotal
Des antécédents de hernie inguinale bilatérale opérée doivent faire évoquer une lésion chirurgicale des canaux déférents. Des antécédents de chirurgie du col vésical ou, surtout, un antécédent de paraplégie ou un diabète ancien avec neuropathie peuvent entraîner une éjaculation rétrograde dans la vessie.
4. Antécédents médicaux
– Recherche d’antécédents médicaux, tels que les infections sexuellement transmissibles, la tuberculose, les sinusites et bronchites à répétition, la notion d’orchite ourlienne (+++) (surtout en présence d’une hypotrophie testiculaire).
– Recherche d’exposition aux toxiques et aux causes iatrogènes
– Il s’agit de la prise de toxiques ou une éventuelle exposition professionnelle (solvants organiques, pesticides), les addictions (alcool, tabac ++, cannabis, héroïne, sport de compétition — dopage à la testostérone et/ou aux anabolisants +++, cf. aussi item 78 au chapitre 7 « Dopage »).
– Les traitements passés (chimiothérapie, radiothérapie abdominopelvienne ou hypophysaire) (+++) ou en cours seront détaillés.
III. Examen clinique
A. Chez la femme
L’examen clinique évalue l’âge (+++) et recherche les éléments suivants :
- taille et poids, IMC : recherche d’obésité ou maigreur (cf. item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée ») ;
- tour de taille/tour de hanches (T/H) pour rechercher le caractère androïde d’une obésité, en faveur d’un SOPK ;
- pilosité excessive ;
- pression artérielle (PA) ;
- aspect de la peau (acanthosis nigricans, cf. item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée ») ;
- galactorrhée provoquée (++) évoquant une hyperprolactinémie (cf. item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée » et item 242 au chapitre 19 « Adénome hypophysaire »).
Sont également évalués à l’examen gynécologique :
- la trophicité vaginale (dyspareunie témoignant d’une carence en oestradiol) ;
- la présence et la qualité de la glaire cervicale (en période préovulatoire, s’il y a des cycles) ;
- l’état apparent du col utérin ;
- la présence de gros fibromyomes utérins.
– En présence de cycles apparemment réguliers, l’examen précise le caractère mono- ou biphasique de la courbe de température, qui est un témoin indirect de l’absence ou de la présence d’une ovulation, et précise également la date du nadir et la durée de la phase lutéale (12 à 14 jours physiologiquement) (figure 2.2).
– L’existence d’une courbe de température clairement biphasique est un bon témoin de l’existence d’ovulations mais la valeur diagnostique d’une courbe monophasique (« plate ») est plus médiocre à cause des erreurs des patientes. Dans ce cas, la mesure de progestérone vers le 22e ou 23e jour du cycle est essentielle.
En cas d’anovulation manifeste (aménorrhée ou oligo-/spanioménorrhée), il faut rechercher :
- en priorité des signes d’hyperprolactinémie (galactorrhée, cf. item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée ») ;
- des signes d’hyperandrogénie (acné, séborrhée et/ou hirsutisme), qui font évoquer un syndrome des ovaires polymicrokystiques (cf. item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée ») ;
- des troubles du comportement alimentaire si l’IMC est < 21 ;
- des bouffées de chaleur (insuffisance ovarienne).
B. Chez l’homme
Les éléments suivants sont recherchés :
- taille et poids pour calculer l’IMC ;
- pilosité du visage et pubienne ;
- hypoandrisme ;
- cicatrices de gestes chirurgicaux (plis inguinaux, scrotum, cryptorchidie) ;
- une varicocèle ;
- une gynécomastie ;
- un aspect gynoïde, eunuchoïde ;
- autres signes : hypospadias, infection du méat.
– Un examen général sera aussi effectué avec mesure de la pression artérielle.
– Le volume testiculaire (+++) (80 % du volume des testicules sont constitués par les tubes séminifères) est un élément capital du bilan initial.
– Il est apprécié au mieux à l’aide d’un orchidomètre de Prader (figure 2.3) ou, à défaut, mesuré en cm avec un mètre ruban.
– On précise la fermeté, l’asymétrie et la sensibilité.
– La palpation du cordon spermatique (en pratique réalisée correctement par les médecins urologues ou andrologues) permet de rechercher les déférents (impression de corde tendue) et, en position latérale des testicules, les épididymes entre pouce et index, avec parfois perception d’un kyste.
– Vu sa difficulté pratique, cet examen sera complété par une échographie scrotale et des organes génitaux internes, quand on suspecte une azoospermie par obstacle.
– Si antécédent infectieux récent, effectuer un toucher rectal pour rechercher une prostatite subaiguë.
– En cas d’azoospermie, l’examen clinique doit être toujours complété par une échographie testiculaire et des voies génitales profondes (en milieu spécialisé compétent ++) (figures 2.4 et 2.5).




IV. Examens complémentaires orientés
A. Exploration hormonale et morphologique de première intention chez la femme
1. Exploration hormonale (+++)
– En cas d’aménorrhée ou d’irrégularités menstruelles, on cherche d’abord à préciser leur mécanisme (cf. item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée »).
– Les dosages indispensables dans un premier temps sont ceux de l’oestradiol (E2), de LH, de FSH et de prolactine plasmatiques.
– Si les cycles sont réguliers, on cherche à préciser leur caractère ovulatoire par un dosage de progestérone plasmatique, à J22-J23 du cycle (22-23 jours après le début des règles) (+++).
2. Échographie ovarienne (+++)
C’est un examen non invasif qui prend progressivement une place prépondérante dans l’évaluation d’une femme infertile.
Réalisée par voie endovaginale, l’échographie précise la taille et l’aspect des ovaires et permet d’évaluer le compte des follicules antraux (CFA) — avec les échographies modernes, facteur pronostique : CFA < 5/ovaire, moins bon ; 5/ovaire < CFA 19/ ovaire, syndrome des ovaires polymicrokystiques avec un aspect en couronne et parfois une hypertrophie du stroma ovarien (figure 2.6).
L’échographie permet aussi de mesurer l’épaisseur de la muqueuse utérine et de montrer la présence d’éventuels polypes ou fibromes.
3. Hystérographie (+++)
L’hystérographie précise l’intégrité et la perméabilité de l’utérus et des trompes.
– Elle doit être obligatoirement effectuée en dehors de toute infection génitale évolutive (risque d’endométrite ou de salpingite) et après avoir écarté une grossesse.
– Elle est réalisée en phase folliculaire moyenne vers le 8e–10e jour du cycle. Elle permet d’apprécier la cavité utérine, l’état et la perméabilité des trompes ainsi que le passage plus ou moins facile du produit de contraste dans la cavité péritonéale (figure 2.7).
B. Exploration de première intention chez l’homme
1. Spermogramme (+++) et spermocytogramme
C’est l’examen fondamental chez l’homme.
Le sperme doit être émis au laboratoire, par masturbation, après 3 jours d’abstinence (informer le patient +++).
Les trois paramètres essentiels sont :
- la concentration (+++) ;
- la mobilité ;
- la morphologie des spermatozoïdes.
Les principales caractéristiques du sperme normal ainsi que les principales anomalies retrouvées chez les hommes infertiles sont indiquées dans le tableau 2.1 (critères de l’OMS 2010).
Le spermogramme tient la première place dans le bilan d’une infertilité masculine. Mais cet examen doit être interprété de façon critique surtout si les anomalies sont modérées. En effet, l’extrême variabilité des paramètres, à la fois inter- et intra-individuelle, rend difficile l’établissement de critères précis de normalité. Les conditions de recueil doivent être soigneusement contrôlées.
On parle d’oligospermie lorsque la numération est inférieure à 20 millions/ml.
Mais plusieurs études prospectives indiquent que la fécondité ne chute significativement qu’en dessous de 5 millions/ml.
De plus, il a été montré que la fécondance est davantage corrélée à la mobilité et au pourcentage des atypies cellulaires. Il faut savoir rechercher des agglutinats et noter l’existence d’une leucospermie (infection), d’un volume séminal < 2 ml (pouvant témoigner d’une anomalie des vésicules séminales, d’une infection, par exemple).
Une affection même bénigne et de courte durée, telle qu’un épisode grippal, est susceptible de retentir sur les caractéristiques du sperme émis 2 à 3 mois plus tard, en raison de la durée de 74 jours du cycle de la spermatogenèse.
Enfin, il est parfaitement établi que, même dans des conditions strictement physiologiques, les caractéristiques du sperme sont soumises à d’importantes fluctuations.


Lorsqu’il apparaît pathologique, le spermogramme doit être recontrôlé 3 mois plus tard.
Les marqueurs des glandes annexes (épididyme, vésicules séminales, prostate) sont parfois mesurés par certaines équipes dans le liquide séminal. En fait, l’intérêt de cet examen biochimique est de plus en plus discuté devant l’absence de critères diagnostiques clairs et validés.
De plus, l’étude morphologie des glandes annexes par l’échographie (voie rectale) apporte des renseignements plus fiables.
Pour information, les marqueurs mesurés et leur origine sont : les phosphatases acides (prostate), la carnitine (épididyme), le fructose (vésicules séminales) — une baisse du taux de ces marqueurs serait, d’après certains auteurs, liée à l’atteinte des glandes correspondantes (non validé au plan international).
2. Exploration hormonale (+++)
À réaliser systématiquement en cas d’oligo- ou azoospermie. Chez l’homme, l’exploration hormonale simple permet de diagnostiquer un déficit gonadotrope ou une insuffisance testiculaire primitive par les dosages de testostérone, de LH, de FSH (et éventuellement d’inhibine B).
En deuxième intention (obésité, alcoolisme, cirrhose éthylique), on peut réaliser un dosage de SHBG (Sex Hormone-Binding Globulin) plasmatiques. La prolactine doit être mesurée en cas de troubles de la libido avec dysfonction sexuelle ou bien de gynécomastie (cf. item 244 au chapitre 21) non expliquée.
C. Test post-coïtal (test de Hühner)
Bien qu’encore réalisé par certaines équipes en France, son intérêt est discuté. Les progrès de l’efficacité de la procréation médicale assistée (FIV et ICSI) expliquent probablement la perte de vitesse de cet examen.
Il est réalisé près de 2 heures après un rapport sexuel. Il explore l’interaction entre mucus cervical et spermatozoïdes, déposés lors du rapport, dans la glaire de qualité optimale en préovulatoire.
Il est fait pour dépister une pathologie de la glaire cervicale, préciser les caractéristiques de mobilité de spermatozoïdes in vivo et rechercher une incompatibilité immunologique entre le sperme et le mucus cervical.
Il est réalisé après une abstinence de 3 à 4 jours, puis est lu en phase préovulatoire, 4 à 8 heures après un rapport sexuel. Il est en général fait en deuxième intention lorsque l’évaluation initiale n’a pas montré d’anomalie évidente.
1. Réalisation du test
Ce test nécessite :
- la surveillance de la courbe associée à une échographie ovarienne de maturation folliculaire préovulatoire (taille du follicule dominant de 18 à 20mm, endomètre d’épaisseur de 7 à 10 mm) ;
- une glaire abondante et filante ;
- un dosage d’oestradiol plasmatique entre 150 et 300 ng/l.
Il comporte l’examen de la glaire cervicale, appréciée avec une pince dont on étend les branches pour coter la filance (> 10 cm en situation normale et en période d’ovulation), l’abondance, la transparence et la cristallisation en feuille de fougère au microscope ainsi que l’évaluation de la mobilité des spermatozoïdes : progressive, mobilité sur place ou immobilité.
2. Résultats
Pour avoir des résultats normaux, 5 à 10 spermatozoïdes à mobilité progressive par champ doivent être observés au grossissement 400.
Si le test post-coïtal est négatif (absence de spermatozoïdes dans la glaire), on cherche une lésion traumatique (traitement laser, conisation) ou infectieuse du col utérin.
Si les spermatozoïdes sont immobiles et le mucus de qualité correcte, on recherche des anticorps anti-spermatozoïdes dans le sérum de la femme (laboratoire spécialisé) ou chez l’homme.
En cas de test négatif, on pratique des inséminations intra-utérines, si la qualité du sperme le permet ou bien une FIV.
V. Étiologie de l’infertilité du couple
A. Chez la femme
1. Anovulations (+++) et dysovulations
L’anovulation est une cause très fréquente d’infertilité féminine (près de 20 % des cas d’infécondité du couple). Son diagnostic est le plus souvent évident devant l’existence d’une aménorrhée ou d’irrégularités menstruelles (cf. item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée »), mais des cycles réguliers n’éliminent pas une anovulation. La courbe ménothermique ou un dosage de progestérone en seconde partie de cycle doit être systématique.
Les ovulations de mauvaise qualité (dysovulations) peuvent parfois refléter une infertilité ; elles sont caractérisées par une phase lutéale courte et/ou défectueuse, avec une sécrétion insuffisante de progestérone.
Pour les anovulations, par fréquence décroissante, il peut s’agir (cf. item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée ») :
- d’un syndrome des ovaires polymicrokystiques (SOPK), associant anovulation chronique avec hyperandrogénie avec élévation de la testostérone, parfois élévation du rapport LH/ FSH, insulinorésistance ; à l’échographie ovarienne : gros ovaires > 10 ml, multifolliculaires (> 19 follicules (entre 2-9 mm) par ovaire avec les échographes actuels ;
- d’une hyperprolactinémie ;
- d’une insuffisance ovarienne primitive : FSH élevée, oestradiol bas ; AMH (hormone antimüllérienne, dosage non remboursé par l’assurance maladies) basse ou indétectable et du nombre de follicules antraux à l’échographie ovarienne (cf. item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée ») ;
- d’un déficit gonadotrope (FSH et LH basses), dont il faudra déterminer l’étiologie (cf. item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée ») ;
- d’une cause psycho-nutritionnelle (stress, activité physique intense, restriction alimentaire et pondérale) (cf. item 40 au chapitre 3 « Aménorrhée »).
Plus rarement, c’est une cause endocrinienne qui sera retrouvée :
- dysthyroïdie (surtout hypothyroïdie) ou
- hyperandrogénie surrénalienne par bloc en 21-hydroxylase.
L’existence d’une insuffisance ovarienne primitive amène à proposer un don d’ovocytes.
2. Obstacles mécaniques
– Anomalies du col utérin et insuffisance de glaire cervicale
Elles sont la conséquence de sténoses cervicales apparues après conisation, curetage ou diathermocoagulation de l’endocol. Ces lésions peuvent être responsables d’une pathologie de la glaire cervicale et constituent l’indication de choix aux inséminations intra-utérines avec sperme du conjoint (IAC).
En dehors de ces cas, les causes responsables d’une absence de glaire sont difficiles à identifier (pathologie infectieuse ? auto-immune ?).
– Obstacle et anomalies utérines
Ce sont les malformations utérines avec cloisonnement ou des synéchies infectieuses ou secondaires à des manoeuvres endo-utérines du post-partum ou après une interruption de grossesse.
Elles sont visualisées par l’hystérosalpingographie et, de plus en plus, par l’échographie avec produit de contraste.
En deuxième intention, la visualisation de la cavité utérine par hystéroscopie permet le diagnostic et parfois le traitement (synéchie de petite taille).
Dans d’autres cas, il peut s’agir de polypes muqueux, de fibromes sous-muqueux ou d’une hyperplasie endométriale ; toutes ces anomalies peuvent être dépistées par une échographie utérine faite par un radiologue ou un médecin de la reproduction expert.
Le rôle de ces anomalies dans l’infertilité doit être regardé de façon critique car, en dehors d’un volumineux fibrome sous-muqueux, elles ne sont pas toujours en rapport avec l’infertilité.
L’existence d’un endomètre fin < 5 mm peut être en rapport avec une hypooestrogénie mais, en cas d’oestradiol normal, elle doit faire rechercher des anomalies endométriales spécifiques comme des lésions séquellaires infectieuses, après curetage ou bien un utérus irradié lors d’un traitement de cancer de l’enfant avec séquelles importantes de la vascularisation ; on peut dans ces cas, étudier par Doppler couleur les résistances vasculaires des artères utérines.
– Obstacle tubaire (+++)
Il s’agit d’une cause majeure d’infertilité féminine (+++).
Le plus souvent l’obstacle tubaire est secondaire à une salpingite (parfois passée inaperçue, Chlamydia +++), un traumatisme chirurgical ou une endométriose.
Le diagnostic repose sur l’hystérosalpingographie qui montre l’obstacle, son caractère uni- ou bilatéral, ou l’existence de diverticules évocateurs d’endométriose.
La coelioscopie, comprenant une épreuve de perméabilité au bleu, permet de faire au mieux l’inventaire des lésions, donc de mieux préciser le pronostic et de réaliser en outre des gestes thérapeutiques. Elle est également réalisée en cas d’infertilité inexpliquée, permettant parfois de mettre en évidence des foyers d’endométriose.
L’obstacle tubaire est une indication féminine majeure de fécondation in vitro (FIV).
3. Endométriose
– Cause fréquente d’infertilité ?
Une endométriose modérée, asymptomatique n’est que rarement la cause de l’infertilité.
Des lésions endométriosiques sont retrouvées chez 50 % des femmes consultant pour « infertilité idiopathique ».
– Coelioscopie non systématique
Le diagnostic est parfois évoqué devant l’existence de douleurs pelviennes, soit menstruelles soit coïtales (dyspareunie profonde), ou après réalisation d’une hystérographie qui montre des images plus ou moins typiques — diverticules du segment interstitiel des trompes (images en « boule de gui »), images d’angulation ou de rétention ampullaire.
L’hystérosalpingographie peut cependant être normale, ce qui justifie la réalisation d’une coelioscopie chez une femme présentant une infécondité inexpliquée lorsqu’il y a des signes d’appel.
Cette dernière montrera des foyers d’endométriose (grains bleutés) plus ou moins nombreux, uni ou bilatéraux, souvent localisés au niveau de l’isthme, mais toutes les localisations sont possibles, y compris dans le péritoine ou les ovaires. La coelioscopie permet de préciser le stade de l’endométriose, d’en découvrir les sites lésionnels et de la traiter. L’endométriose ovarienne (endométriome) est responsable de kystes ovariens visibles en échographie. Une chirurgie peut être proposée si leur taille est > 5 cm (discuté). L’endométriose extragénitale, qui est responsable de douleurs digestives, urinaires, est bien évaluée par IRM. Des traitements médicaux de l’endométriose sont possibles en complément de la chirurgie, par analogues du GnRH (hormone libératrice de la gonadotrophine), mais compliquent le traitement de l’infertilité.
B. Chez l’homme
1. Azoospermies
Trois éléments guident la réflexion : le volume testiculaire, les signes d’hypogonadisme et les taux de FSH.
Il ne faut pas oublier les antécédents de cryptorchidie (+++) (cf. item 48 au chapitre 5).
– Azoospermies sécrétoires dites aussi non obstructives
Elles sont définies par l’absence de production de spermatozoïdes par les testicules.
Diagnostic
L’azoospermie est presque toujours non obstructive lorsque le volume testiculaire est petit (< 10 ml) et la concentration plasmatique de FSH élevée (et d’inhibine B abaissée, si cette hormone est dosée).
Chez ces patients, le caryotype (+++), obligatoire en première intention, permet souvent le diagnostic de syndrome de Klinefelter (formule caryotypique 47,XXY) qui s’associe quasi constamment avec un volume testiculaire < 2 ml, voire < 1 ml.
Cependant, des patients porteurs d’authentiques azoospermies sécrétoires peuvent présenter un volume testiculaire et des concentrations plasmatiques de FSH et d’inhibine B proches de la normale.
Étiologie
L’analyse moléculaire du bras long du chromosome Y permet de mettre en évidence des microdélétions des régions AZF (Azoospermia Factor) chez 18 à 38 % de ces patients.
Une échographie testiculaire (figure 2.8) permet d’éliminer un cancer testiculaire, plus fréquent dans ces cas. Une exploration chirurgicale avec biopsie testiculaire permet parfois de réaliser une ICSI.
Les déficits gonadotropes sont aussi une cause d’azoospermie non obstructive mais, chez ces patients, c’est le tableau d’hypogonadisme qui domine et le diagnostic est confirmé par les dosages hormonaux qui montrent la baisse concomitante de la testostérone et des gonadotrophines hypophysaires, FSH et LH. Dans la grande majorité des cas, ces patients consultent ou ont un passé de développement pubertaire absent, incomplet ou tardif.
Les hypogonadismes hypogonadotropes consultent dans la grande majorité des cas pour des troubles de la libido avec dysfonction sexuelle et très rarement pour une infertilité. Il s’agit d’une cause rare (< 5 %) mais curable par un traitement médical simple (gonadotrophines exogènes).
– Azoospermies excrétoires, obstructives ou par obstacle Elles sont la conséquence d’une obstruction des voies excrétrices.
Diagnostic
Ce diagnostic est toujours évoqué lorsque le volume gonadique et la concentration plasmatique de FSH et d’inhibine B sont normaux et le volume séminal abaissé.
Un examen clinique soigneux de l’appareil excréteur (épididymes, déférents, vésicules séminales et prostate), permet parfois de les dépister mais leur recherche fait toujours appel à une échographie scrotale et des organes génitaux internes réalisée par voie endorectale. Comme nous l’avons vu plus haut, les dosages des paramètres biochimiques du liquide séminal, réalisés par certaines équipes, pourraient aider à préciser le niveau de l’obstruction.
Principales causes
Parmi les causes congénitales, il faut insister sur les agénésies bilatérales des canaux déférents (+++). Le diagnostic repose sur la non-perception de canaux déférents à la palpation, associée à une distension de la tête et une atrophie du corps de l’épididyme, confirmées à l’échographie.
Cette affection est le plus souvent secondaire à une anomalie hétérozygote du gène CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane conductance Regulator), responsable de la mucoviscidose.
Dans sa forme homozygote, le diagnostic est évident devant des anomalies de la fonction pancréatique exocrine, des infections bronchopulmonaires sévères et une agénésie congénitale des déférents, responsable d’azoospermie.
Il existe cependant des formes génitales isolées où le diagnostic, fortement suspecté par l’agénésie des différentes échographies, ne pourra être fait que par l’analyse moléculaire du gène CFTR, conduisant à un conseil génétique (+++) et à une exploration de la conjointe en raison de la fréquence des mutations hétérozygotes dans la population générale non malade.
Les obstacles épididymaires acquis, dont l’origine infectieuse n’est le plus souvent que présumée (gonocoque, tuberculose, Chlamydiae), représentent l’étiologie principale des azoospermies excrétoires.
Chez ces patients, le déférent est souvent palpable, parfois gros ou présentant des nodules. L’échographie, si elle est réalisée par un radiologue spécialiste des voies génitales masculines, confirmera le diagnostic.
– Exploration chirurgicale testiculaire (dite TESE, pour TEsticular Sperm Extraction) et des voies excrétrices
Elle est réalisée en deuxième ligne après confirmation de l’azoospermie par plusieurs spermogrammes (avec centrifugation) et suite au bilan d’orientation (excrétoire/sécrétoire) et au bilan génétique (caryotype, recherche de microdélétion du chromosome Y en cas d’azoospermie sécrétoire avec FSH élevée, et recherche de mutation du gène CFTR en cas d’azoospermie à FSH et volume testiculaire normaux).
L’exploration aura pour but de vérifier l’intégrité des voies excrétrices, de prélever des spermatozoïdes dans l’épididyme en vue d’une ICSI (+++) et/ou de réaliser des biopsies testiculaires en vue d’une analyse histologique diagnostique.
La biopsie avec lecture histologique en extemporanée et après coloration permettra de préciser le niveau d’un blocage éventuel de la maturation ou d’une disparition plus ou moins complète de la lignée germinale (azoospermie sécrétoire).
En cas de détection de quelques foyers de spermatogenèse un prélèvement sera fait pour une utilisation immédiate (FIV dite synchrone qui nécessite une stimulation concomitante de la conjointe) ou le plus souvent pour une congélation en vue d’une utilisation ultérieure pour une ICSI.
La reperméabilisation déférentielle, après vasectomie intentionnelle — utilisée rarement dans un but contraceptif en France —, est possible dans certains cas, mais s’accompagne souvent d’une infertilité secondaire. Elle est le plus souvent traitée par une ponction épidydymaire ou TESE suivie d’une ICSI. La vasectomie ne peut donc être considérée comme un acte chirurgical réversible : il est préférable de conseiller préalablement à ces patients une cryopréservation du sperme.
2. Oligo-asthéno-térato-spermies (OAT)
Les oligo-asthéno-térato-spermies représentent une des causes les plus fréquentes d’infécondité masculine.
– Diagnostic
Il repose sur la réalisation de plusieurs spermogrammes montrant une diminution du nombre et de la mobilité des spermatozoïdes, associée à une fréquence élevée de formes anormales.
Les OAT constituent un simple symptôme dont les causes sont très variées, mais souvent génétiques.
L’enquête étiologique chez ces patients est similaire à celle utilisée chez les sujets atteints d’azoospermie. Chez près de 10 % des patients atteints d’OAT extrême (< 5 · 106 spermatozoïdes/ml), un caryotype doit être demandé et des microdélétions du bras long du chromosome Y recherchées si le caryotype est normal.
– Traitement
Le plus souvent, ce sera le recours à une technique d’assistance médicale à la procréation : IAC (inséminations de la femme avec le sperme du conjoint réalisées en intra-utérin), FIV (fécondation in vitro), ICSI (injection intracytoplasmique du spermatozoïde), en particulier lors d’un problème immunologique ou d’une mobilité très basse ou absente. L’âge de la femme joue un rôle essentiel dans le choix thérapeutique.
À titre indicatif, on considère que les IAC sont réalisables seulement si N > 106 (N étant le nombre de spermatozoïdes mobiles) sont récupérés après les techniques de lavage et de concentration (swim up, gradient de Percoll) ; une FIV si N > 500 000 ; une ICSI si N < 500 000.
Il a été proposé de ne pas effectuer de prise en charge par assistances médicales à la procréation en cas d’infertilité chez les femmes âgées de plus de 43 ans et les hommes de plus de 59 ans.
Parfois, le traitement des OAT peut faire appel en première intention à un traitement antibiotique (après spermoculture) et anti-inflammatoire, lorsqu’il y a des signes évidents d’infection clinique ou biologique et des polynucléaires nombreux lors du spermocytogramme (> 106/ml), ainsi qu’une biochimie séminale très perturbée (abaissement des marqueurs) ou un ECBU positif sur des germes (recherche spécifique de Chlamydiae) ou une spermoculture positive spécifique sur un germe. Mais cela reste rare.
VI. Conclusion
L’infertilité est un motif fréquent de consultation puisqu’il concerne un couple sur six environ.
Les causes sont multiples et touchent autant la femme que l’homme. Elles doivent être recherchées par une exploration minutieuse, en parallèle toujours chez les deux membres du couple.
L’exploration est orientée toujours lors de la première consultation dont le rôle est fondamental.
Elle doit permettre d’évaluer en première ligne : la sexualité du couple, l’âge de la femme, l’état tubaire et utérin, la présence et la qualité de l’ovulation chez la partenaire féminine, et, chez l’homme, la qualité du sperme et l’absence d’hypogonadisme.
La détermination des facteurs étiologiques orientera toujours la prise en charge. Celle-ci peut aller de l’abstention thérapeutique (exploration normale, infertilité récente et femme jeune) aux techniques les plus sophistiquées d’aide médicale à la procréation.
POINTS CLES
- On considère un couple comme infertile en l’absence de grossesse après un an de rapports sexuels non protégés.
- La fertilité d’un couple dépend de la fécondité de l’un et l’autre partenaires. L’exploration d’un couple infertile doit donc être menée parallèlement chez les deux partenaires.
- Chez la femme, l’âge est un élément capital du pronostic, qui se détériore après 35 ans.
- Chez la femme, on recherchera avant tout une anomalie cervicale, utérine ou des trompes et une anovulation.
La prise en charge thérapeutique doit être précédée et orientée par l’enquête étiologique.
- Chez l’homme, après avoir vérifié le volume testiculaire et la sécrétion normale de testostérone, l’examen clé est le spermogramme.