Poly2016 – Item 40 – UE 2 Aménorrhée

 
Avertissement CEEDMM : le contenu de chapitre couvre également une partie de l’item 34 « Anomalies du cycle menstruel ».
 
Objectifs pédagogiques
Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.
 
 
Les aménorrhées constituent un des principaux motifs de consultation en médecine en gynécologie et en médecine générale.
 
– Elles sont arbitrairement définies par l’absence de cycle menstruel chez la fille après l’âge de 16 ans avec ou sans développement pubertaire (aménorrhée primaire) ou par son interruption chez une femme préalablement réglée (aménorrhée secondaire).
– La distinction classique entre aménorrhées primaire et secondaire est artificielle puisque leurs étiologies sont en partie communes.
– Elle souligne simplement que les premières relèvent surtout de causes chromosomiques et génétiques, les secondes de causes acquises.
– L’absence de règles est physiologique pendant la grossesse, la lactation et la ménopause.
– En dehors de ces périodes, l’existence de cycles menstruels réguliers témoigne du bon fonctionnement global de l’axe gonadotrope, des ovaires et de l’intégrité utérine.
– Toute interruption du cycle menstruel au-delà d’un mois, même après arrêt d’une contraception orale, est anormale et justifie une enquête étiologique.
– En pathologie, l’existence d’une aménorrhée témoigne d’une atteinte de l’axe hypothalamohypophyso- ovarien (figure 3.1) ou d’une anomalie anatomique du tractus utérin.
– Un traitement oestroprogestatif sans exploration préalable est donc toujours illégitime (+++).
– C’est après la recherche d’une cause que sera proposé un traitement étiologique ou, à défaut, une substitution de l’insuffisance hormonale.
– L’aménorrhée peut être précédée d’irrégularités menstruelles (oligo-/spanioménorrhée) dont la valeur sémiologique est similaire et l’enquête étiologique identique.
– L’exploration d’une aménorrhée conduit nécessairement à la découverte de pathologies qui sont détaillées ailleurs. Seuls les principaux aspects diagnostiques sont évoqués ici.

I. Conduite diagnostique

A. Aménorrhée primaire

1. Interrogatoire

Devant une aménorrhée primaire, la probabilité d’une cause génétique ou chromosomique est importante (figure 3.1). Il convient donc de rechercher l’existence, dans la famille, d’autres individus atteints de retard pubertaire ou d’aménorrhée, d’hypogonadisme ou d’infertilité.
 
L’interrogatoire permet aussi de rechercher une carence nutritionnelle liée ou non à une maladie chronique (+++) (cf. item 249 au chapitre 23 « Amaigrissement »).

2. Examen clinique général et gynécologique, explorations de première ligne

Il précisera le développement pubertaire complètement absent ou quasi « normal » avec un développement mammaire qui est fonction de la sécrétion ovarienne d’oestradiol, elle-même déterminée par la profondeur de l’atteinte ovarienne.
 
En cas d’absence de développement pubertaire, qui s’accompagne toujours d’un taux d’oestradiol très bas voire indétectable, le dosage plasmatique des gonadotrophines hypophysaires (FSH et LH) permettra de distinguer un déficit gonadotrope d’une insuffisance ovarienne primitive (prématurée) (figure 3.2).
 
En cas de gonadotrophines basses, après avoir éliminé une tumeur hypothalamo-hypophysaire et une dénutrition, on recherchera une anosmie et d’autres signes évoquant le syndrome de Kallmann (cf. encadré).
 
En cas de gonadotrophines hautes, la petite taille et le syndrome malformatif (inconstant) feront évoquer un syndrome de Turner. La formule hormonale avec gonadotrophines élevées chez une adolescente avec aménorrhée primaire doit systématiquement conduire à la réalisation d’un caryotype qui dans le cas du Turner sera 45,X0.
 
L’examen gynécologique a pour but de visualiser le degré de pilosité pubienne, d’évaluer la perméabilité et la trophicité du vagin et du col.
 
Il sera complété par une échographie pelvienne de bonne qualité (c’est-à-dire réalisée par un radiologue expérimenté dans l’examen pelvien des adolescentes) ou une IRM pelvienne qui précisera la présence, la taille et la position des gonades et l’existence (avec la taille, pré- ou post-pubère) ou non d’un utérus.
 
L’absence d’utérus, souvent associée à un vagin borgne, doit faire rechercher une anomalie anatomique telle que le syndrome de Rokitanski mais aussi du tissu testiculaire dans les canaux inguinaux, dont la présence évoque des troubles de l’hormonosynthèse ou bien de la réceptivité aux androgènes (syndrome d’insensibilité aux androgènes par mutation du récepteur, connu sous le sigle dérivant de l’anglais AIS). Dans ce dernier cas, le caryotype révèle une formule 46,XY.
 
Le diagnostic de CAIS (Complete Androgen Insensitivity Syndrome) est confirmé, outre par le caryotype, par le dosage de l’hormone antimüllérienne (AMH) et de testostérone qui sont élevés.
 
L’existence d’une ambiguïté des organes génitaux externes fera rechercher une dysgénésie gonadique, une hyperplasie congénitale des surrénales (associée dans ce cas à d’autres signes d’hyperandrogénie) ou une anomalie de la biosynthèse ou de la sensibilité aux androgènes.
 
Devant une aménorrhée primaire chez une adolescente ayant par ailleurs un développement pubertaire, la démarche diagnostique, après avoir vérifié l’absence de grossesse et d’une agénésie utérine, sera similaire à celle d’une aménorrhée secondaire.
 

3. Causes génétiques d’hypogonadismes hypogonadotrophiques

Les hypogonadismes hypogonadotrophiques congénitaux et le syndrome de Kallmann sont une cause importante d’aménorrhée primaire avec gonadotrophines basses. Ces maladies se révèlent dans moins de 30 % des cas par une absence complète de développement pubertaire. Un certain développement pubertaire est observé chez la majorité des adolescentes mais l’aménorrhée primaire est quasi constante.
 
S’il s’agit d’un syndrome de Kallmann, s’associe à l’hypogonadisme hypogonadotrophique une absence ou une diminution de la perception des odeurs (anosmie/hyposmie). Dans les syndromes de Kallmann, l’aménorrhée primaire résulte d’une anomalie de la migration des neurones à GnRH de la placode olfactive vers le noyau arqué pendant la vie embryonnaire, qui ne sont pas en position anatomique permettant une stimulation des gonadotrophines hypophysaires LH et FSH. À l’IRM, les bulbes olfactifs sont absents ou hypoplasiques.
 
L’existence d’un hypogonadisme hypogonadotrophique congénital ou d’un syndrome de Kallmann chez une femme consultant pour aménorrhée primaire impose une enquête et un conseil génétique rigoureux car les formes autosomiques dominantes pouvant être transmises à la descendance sont fréquentes.
 
Une cause maintenant classique bien que rare d’aménorrhée par déficit gonadotrope d’origine hypophysaire est constituée par les mutations du récepteur du GnRH. Chez ces femmes, l’aménorrhée primaire ou primo-secondaire s’accompagne souvent d’un certain développement pubertaire qui, parfois, peut être quasi complet et s’accompagner même d’une oligo-/spanioménorrhée. Sur le plan hormonal, en fonction de l’atteinte gonadotrope, l’oestradiol et les gonadotrophines peuvent être effondrés ou atteindre des valeurs proches de celles d’une phase folliculaire.
 
Plus exceptionnels sont les déficits gonadotropes par atteinte génétique des gonadotrophines. En 1993, un cas d’aménorrhée primaire lié à un déficit en FSH mais avec sécrétion exagérée de LH a été rapporté. Des ovulations chez cette patiente ont été induites par l’utilisation de FSH exogène, ce qui a permis d’obtenir une grossesse. Le séquençage du gène de la sous-unité alpha de la FSH a mis en évidence une délétion de deux nucléotides induisant un déplacement du cadre de lecture, l’apparition d’un codon stop et d’une protéine tronquée incapable de se lier à la sous-unité alpha. D’autres cas d’aménorrhée primaire par mutation du gène de la sous-unité alpha de la FSH ont depuis été décrits chez des patientes avec aménorrhée primaire associée à une FSH indétectable et une LH élevée.
 
Des mutations de LH ont aussi été observées. Elles réalisent parfois un tableau de LH « invisible » en IRMA (Immunoradiometric Assay) mais détectable en RIA (Radioimmunoassay). Dans ce cas, les LH mutées sont biologiquement actives et dépourvues de conséquence pathologique. Il s’agit donc d’un simple polymorphisme.
 
Plus récemment a été observée une forme familiale de déficit isolé en LH chez une femme présentant une aménorrhée primaire.

B. Aménorrhée secondaire

Les aménorrhées secondaires sont le plus souvent le résultat d’une pathologie acquise après la puberté (figure 3.1).
 
Cependant, une anomalie génétique est toujours possible, surtout si l’aménorrhée a été précédée d’irrégularités menstruelles depuis la puberté, parfois malencontreusement masquées par un traitement oestroprogestatif administré « pour régulariser les règles ».
 
La mise en route d’un traitement oestroprogestatif chez une adolescente ou une femme consultant pour aménorrhée est une faute médicale car elle amène à méconnaître des diagnostics parfois graves (++++).

1. Interrogatoire

L’interrogatoire recherchera des causes évidentes comme une grossesse (adolescentes +++).
On interrogera sur l’existence d’un rapport sexuel potentiellement fécondant.
On précisera :
  • certaines prises médicamenteuses (antidopaminergiques élevant la prolactine, comme par exemple des antinauséeux, des neuroleptiques ; macroprogestatifs, entraînant une aménorrhée par atrophie de l’endomètre ; corticothérapie) ou des traitements agressifs pour la commande hypothalamo-hypophysaire ou pour les ovaires (radiothérapie, chimiothérapie) ;
  • une maladie endocrinienne ou chronique (par exemple, maladie coeliaque) pouvant retentir sur l’axe gonadotrope, le fonctionnement ovarien ou l’état nutritionnel ;
  • l’histoire gynécologique et obstétricale, qui sera utile pour dater l’ancienneté de l’aménorrhée ;
  • l’existence de bouffées de chaleur, inconstante, qui fera suspecter une insuffisance ovarienne.

En cas de douleurs pelviennes cycliques, on s’orientera vers une cause utérine, d’autant plus qu’il existe une notion de traumatisme endo-utérin (curetage, IVG).

2. Examen clinique

Devant toute aménorrhée, la mesure du poids et de la taille avec l’établissement de l’indice de masse corporelle (poids/taille2) (IMC, ou BMI, Body Mas Index, des Anglo-Saxons) est nécessaire pour dépister une carence nutritionnelle relative (+++) (cf. item 249 au chapitre 23 « Amaigrissement »).
 
Les signes d’hyperandrogénie (séborrhée, acné, hirsutisme) peuvent accompagner une aménorrhée.
 
Ils orientent vers certaines causes, en particulier le syndrome des ovaires polykystiques ou un déficit en 21-hydroxylase et, plus rarement, un syndrome de Cushing (cf. infra).
 
Une galactorrhée doit être recherchée mais, en pratique, ce signe clinique est d’une sensibilité et d’une spécificité insuffisante : même en son absence un dosage de prolactine sera réalisé.
 
L’examen gynécologique est important pour apprécier l’état des muqueuses et visualiser le col et la glaire. L’absence de cette dernière en cas d’aménorrhée signe la carence oestrogénique.
 
Sa présence 2 semaines après un saignement menstruel signe l’absence de progestérone et donc une anovulation.
Les signes de carence oestrogénique sont présents lorsque l’atteinte gonadotrope ou ovarienne est profonde. L’aménorrhée s’accompagne alors d’une sécheresse de la muqueuse vaginale, responsable d’une dyspareunie.
 
En l’absence de signe d’appel orientant vers une cause particulière, une enquête nutritionnelle est obligatoire, surtout si l’IMC est inférieur à 22.
 
Le test aux progestatifs est classique mais n’a pas beaucoup d’intérêt diagnostique ; il a simplement comme but d’apprécier la sécrétion ovarienne d’oestradiol d’une femme en aménorrhée, qui est variable dans de nombreuses étiologies. Il consiste en l’administration d’un progestatif pendant 10 jours.
 
Ce test, qui rend compte de l’imprégnation par les oestrogènes de l’endomètre, est dit positif si surviennent des règles dans les 5 jours suivant l’arrêt du progestatif. Il est au contraire négatif lorsque la carence oestrogénique est sévère, et cela indépendamment de sa cause.
 
Répétons-le, le test aux progestatifs n’a donc pas de valeur fiable d’orientation du diagnostic étiologique.

3. Dosages hormonaux de première intention (++++)

Les premiers examens complémentaires auront pour but :
  • d’écarter une grossesse méconnue : hCG ;
  • puis de rechercher les causes les plus fréquentes (figure 3.2) :
    • une hyperprolactinémie
      • taux de prolactine élevé ;
      • oestradiol (E2) bas ;
      • LH basse ;
      • FSH basse ou « normale » ;
    • un syndrome des ovaires polymicrokystiques (SOPK)
      • E2 comme dans un début de phase folliculaire (exemple : E2 entre 30 et 70 pg/ml = valeurs seulement indicatives) :
      • LH normale ou augmentée ;
      • FSH un peu basse ou normale ;
      • testostérone totale normale ou un peu augmentée :
    • un déficit gonadotrope normoprolactinémique
      • E2 bas, concentrations de LH et de FSH basses ou non élevées (c’est-à-dire « dans les normes » mais non cycliques, inadaptées) :
    • une insuffisance ovarienne:
      • E2 bas ;
      • concentrations élevées de LH et surtout de FSH (FSH >> LH).
Ces pathologies reconnaissables par leur profil hormonal représentent la grande majorité des causes d’aménorrhée secondaire (figure 3.2) (+++).

II. Causes des aménorrhées 

A. Aménorrhées avec carence oestrogénique secondaire à un déficit gonadotrope d’origine organique ou fonctionnelle (Oestradiol bas, gonadotrophines « normales » ou basses.)

Synonymes : hypogonadisme hypogonadotrophique, dénommé aussi hypogonadisme central.

1. Aménorrhées d’origine hypothalamique avec prolactine normale

La cause la plus fréquente d’aménorrhée hypothalamique sont les aménorrhées hypothalamiques fonctionnelles secondaires à une restriction calorique associée ou non à une activité physique intense (+++).

Elles sont définies comme l’incapacité de l’hypothalamus à libérer la GnRH avec une pulsatilité de fréquence et d’amplitude compatibles avec la physiologie de la reproduction.
 
Cette définition est confirmée par la réponse à l’administration pulsatile de GnRH exogène qui en pratique rétablit les ovulations et la fertilité.
 
Le diagnostic d‘aménorrhée hypothalamique est souvent évoqué après avoir écarté un SOPK, ce qui est aisé dans les formes typiques de SOPK avec surpoids mais plus difficile chez les patientes minces ou maigres où le profil hormonal du SOPK peut être « masqué ».
 
S’il est réalisé, le test aux progestatifs est souvent (mais pas toujours) négatif car la carence oestrogénique des aménorrhées hypothalamiques est souvent profonde.
 
Comme dans les autres hypogonadismes hypogonadotropes chez la femme, dans les aménorrhées hypothalamiques les concentrations plasmatiques d’oestradiol sont basses. Celles de LH et FSH sont parfois « normales », comparables à celles d’un début de phase folliculaire, mais une baisse préférentielle de la LH très évocatrice d’aménorrhée hypothalamique ; une baisse franche des deux gonadotrophines peut aussi s’observer (figure 3.3).
 
Le test à la GnRH est de valeur diagnostique médiocre et tend à être abandonné :
  • il peut être négatif (absence d’élévation de LH et de FSH après administration intraveineuse de 100 µg de GnRH) ou positif ;
  • il montre parfois une réponse préférentielle de FSH : cela évoque alors une atteinte hypothalamique avec ralentissement de la fréquence de GnRH.
Les concentrations des androgènes (androstènedione et testostérone) — si elles étaient réalisées (non nécessaire au diagnostic) — seraient normales ou basses par absence de production ovarienne d’androstènedione non stimulée par la LH qui est basse.
 
Une IRM de la région hypothalamo-hypophysaire est utile pour écarter une éventuelle tumeur ou infiltration.
 
Devant leur lourdeur pratique, les études de pulsatilité de la LH ne sont plus réalisées en dehors d’un contexte de recherche clinique. Si elles étaient réalisées, elles pourraient montrer :
  • une absence totale de pulsatilité, qui témoigne d’une atteinte sévère ;
  • parfois, une diminution de la fréquence des « pulses » (c’est le cas des aménorrhées hypothalamiques d’origine nutritionnelle) et/ou de l’amplitude.
– Atteintes organiques de l’hypothalamus
Elles dominent les préoccupations diagnostiques.
 
Chez une patiente présentant une aménorrhée hypothalamique, même en l’absence de stigmates cliniques ou biologiques d’atteinte des autres fonctions antéhypophysaires ou posthypophysaires, un processus tumoral ou infiltratif de la région hypothalamo-hypophysaire doit être recherché par IRM.
 
La radiothérapie encéphalique ou de la base du crâne entraîne également une atteinte hypothalamique.
Dans ces étiologies, l’insuffisance gonadotrope peut être associée à une hyperprolactinémie dite de déconnexion et/ou une insuffisance antéhypophysaire ; cette dernière sera recherchée systématiquement.
 
Les tumeurs en cause sont essentiellement les macroadénomes hypophysaires et les craniopharyngiomes (+++).
 
L’IRM permet d’en faire le diagnostic et d’en évaluer l’extension, en particulier vers les voies optiques et les sinus caverneux, élément majeur des discussions thérapeutiques. L’IRM avec injection de gadolinium permet aussi de faire le diagnostic des processus infiltratifs hypothalamohypophysaires, souvent invisibles ou peu visibles au scanner, tels que la sarcoïdose (cf. item 207 au chapitre 11), les infundibulo-hypophysites et l’histiocytose.
 
– Aménorrhées hypothalamiques fonctionnelles (+++)
Elles sont de loin la cause la plus fréquente d’aménorrhée hypothalamique (+++).
L’exploration des femmes suspectées d’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle doit être rigoureuse en faisant appel à une diététicienne ou un nutritionniste expérimenté(e). Cette exploration doit comprendre une pesée et des mensurations objectives – ne pas se contenter du poids déclaré.
 
Les aménorrhées hypothalamiques fonctionnelles s’expliquent par les connexions étroites entre le système nerveux central et l’hypothalamus et se traduisent par une perturbation de l’activité pulsatile des neurones à GnRH.
 
De nombreux travaux suggèrent, sans preuve définitive, que cette atteinte gonadotrope serait liée à la sécrétion excessive de certains neuromédiateurs ayant sur la sécrétion de GnRH un rôle modulateur négatif (endorphines, opiacés endogènes). En fait, la physiopathologie de la grande majorité des aménorrhées hypothalamiques fonctionnelles reste imprécise. Bien que très souvent classées comme psychogènes, elles semblent très souvent en rapport avec un apport calorique insuffisant et/ou une activité physique excessive et associées à des perturbations des paramètres reflétant l’état nutritionnel (cf. item 249 au chapitre 23 « Amaigrissement ») et des troubles du comportement alimentaire (cf. item 66).
 
Dans les cas extrêmes, des pertes de poids importantes (< 66 % du poids idéal ou IMC < 16) sont associées à un déficit gonadotrope profond (cf. item 249 au chapitre 23 « Amaigrissement »). C’est le cas de l’anorexie mentale. Ces patientes ont, à l’échographie, des ovaires de taille normale ou réduite avec quelques follicules antraux.
 
Le tableau le plus fréquent d’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle plus difficile à diagnostiquer est observé chez des femmes jeunes apparemment normales (avec un IMC proche de 20, figure 3.3) consultant pour un arrêt des règles mais dont les apports nutritionnels, en particulier en lipides, sont insuffisants par rapport à leur dépense énergétique. Ces patientes ont une diminution significative de leur masse grasse qui s’accompagne logiquement d’une baisse de la leptine circulante — hormone sécrétée normalement par le tissu adipeux — qui joue un rôle essentiel sur l’activité des neurones à GnRH et donc aussi indirectement sur la sécrétion des gonadotrophines hypophysaires. Cette baisse participe probablement à la genèse du déficit gonadotrope fonctionnel.
 
Une preuve très forte de l’implication de la leptine dans la physiopathologie des aménorrhées hypothalamiques fonctionnelles a été apportée par le rétablissement de l’activation gonadotrope et hypophysaire chez des patientes traitées par la leptine recombinante exogène.
 
Enfin, des travaux suggèrent la possible implication d’une baisse du peptide hypothalamique Kiss (et de son récepteur KISS1R) induite par la carence nutritionnelle dans la genèse de la mise au repos de la sécrétion de GnRH chez ces patientes.
 

2. Aménorrhée hypothalamo-hypophysaire secondaire à une hyperprolactinémie (+++)

Cette cause est également traitée dans le chapitre consacré aux adénomes hypophysaires (cf. item 242 au chapitre 19 « Adénome hypophysaire »).
 
Sur le plan diagnostique, il faut simplement insister sur le fait qu’elles sont responsables de près de 20 % des arrêts de règles par déficit gonadotrope, Il s’agit donc une cause majeure d’aménorrhée, qu’elle soit accompagnée de galactorrhée ou non.
En l’absence de prise de médicaments hyperprolactinémiants, les hyperprolactinémies résultent le plus souvent de l’existence de tumeurs de la région hypothalamo-hypophysaire, adénomes à prolactine surtout (figure 3.4), mais pas obligatoirement.
 
Sur le plan symptomatique, l’hyperprolactinémie peut débuter par des irrégularités menstruelles puis se compléter par une aménorrhée qui traduit alors simplement une atteinte gonadotrope plus profonde.
 
Bien que les causes d’hyperprolactinémies se situent fréquemment à l’étage hypophysaire, l’effet antigonadotrope de la prolactine s’exerce de façon prédominante, sinon exclusive, au niveau hypothalamique par diminution de la sécrétion hypothalamique de GnRH, elle-même liée à un déficit hypothalamique de la sécrétion de la neurohormone kisspeptine.
En effet, il a été clairement démontré que l’hyperprolactinémie diminue la fréquence des pulses de LH suite à la diminution de la sécrétion hypothalamique de GnRH. La preuve a été apportée depuis longtemps par l’administration pulsatile de GnRH exogène capable de rétablir une pulsatilité de LH et une fonction ovarienne normales alors même que l’hyperprolactinémie persiste.
 
Pour conclure sur cette cause majeure d’aménorrhée, il faut rappeler que l’établissement du diagnostic positif d’hyperprolactinémie suppose de mesurer la prolactine avec un dosage de bonne qualité reconnaissant le moins possible les macroagrégats de cette hormone (nommés Big-Prolactine ou Big-Big-Prolactine), qui sont une source très fréquente de fausses hyperprolactinémies et donc d’erreurs diagnostiques.
 
Enfin, il faut répéter qu’hyperprolactinémie n’est pas synonyme d’adénome à prolactine (+++).
 
Tout traitement par des médicaments dopaminergiques sans imagerie hypophysaire préalable (IRM) doit être considéré comme

3. Aménorrhées liées à d’autres endocrinopathies

L’hypercortisolisme, ou syndrome de Cushing, est une cause importante d’aménorrhée indépendamment de son étiologie. L’aménorrhée résulte essentiellement du déficit gonadotrope induit par les glucocorticoïdes.
 
Dans les corticothérapies au long cours, l’atteinte osseuse liée à l’excès de glucocorticoïdes est aggravée par la carence oestrogénique (cf. item 124 au chapitre 10 « Ostéoporose »).
 
Les troubles des règles sont plus rares au cours des dysthyroïdies, sauf lorsqu’elles sont sévères. En l’absence d’une atteinte gonadotrope ou ovarienne associée (par exemple, d’origine autoimmune), ils régressent avec le traitement de la dysthyroïdie.
 
Les déficits en 21-hydroxylase sont une cause classique d’aménorrhée. Dans les formes classiques, le diagnostic étiologique, déjà porté à la naissance ou pendant l’enfance, ne pose pas de problème. L’aménorrhée est ici liée au déficit gonadotrope et à l’atrophie endométriale induits par les progestatifs sécrétés en excès par la surrénale pathologique.

4. Aménorrhées par déficits gonadotropes d’origine hypophysaire

Ces déficits d’origine hypophysaire sont beaucoup plus rares que les atteintes hypothalamiques.
 
Sur le plan étiologique, le très rare syndrome de Sheehan résulte classiquement d’une nécrose hypophysaire du post-partum à la suite d’un accouchement hémorragique avec collapsus vasculaire. Le tableau clinique, bien connu, associe une aménorrhée du post-partum et une absence de montée laiteuse. Les déficits gonadotrope et lactotrope en sont la cause chez ces patientes qui présentent, en majorité, une insuffisance antéhypophysaire globale.
 
En fait, une grande majorité des aménorrhées par déficit gonadotrope du post-partum est due à une atteinte auto-immune de l’hypophyse. Ces hypophysites lymphocytaires (++) peuvent, comme la nécrose hypophysaire, se révéler par une absence de montée laiteuse et une aménorrhée du post-partum, mais il manque la notion étiologique d’accouchement hémorragique.
 
 
L’IRM hypophysaire permet de suspecter le diagnostic en montrant une grosse hypophyse en hypersignal spontané, parfois d’allure pseudotumorale (figure 3.5), ou, inversement, une selle turcique vide. De même, l’existence d’une insuffisance antéhypophysaire dissociée est en faveur de ce diagnostic.
 

B. Aménorrhées par anovulation chronique non hypothalamiques

Dans l’immense majorité des cas, il s’agit d’un syndrome des ovaires polymicrokystiques (SOPK) (++++).
 
Ces anovulations se caractérisent par l’absence de pic cyclique de LH et de sécrétion de progestérone.
– La sécrétion d’oestradiol persiste mais elle est alors non cyclique, contrairement à une femme normale.
– La clinique est dominée par les anomalies du cycle menstruel : aménorrhée, spanioménorrhée, ces troubles peuvent alterner chez une même patiente.
– Ces troubles du cycle menstruel découlent directement de l’absence de transformation cyclique de l’endomètre hyperplasique en endomètre sécrétoire, apte à la nidation.

1. Anovulations chroniques avec signes d’hyperandrogénie : syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) (+++)

Par sa fréquence (± 5 % des femmes en âge de procréer), cette maladie constitue une cause majeure d’anovulation (cf. item 37 au chapitre 2 « Infertilité du couple »).
 
Sur le plan clinique, l’histoire est caractéristique si elle associe, depuis la puberté, des irrégularités menstruelles suivies d’aménorrhée avec acné et hirsutisme (figure 3.6) ; surpoids dans près de 50 % des cas, pas de surpoids dans près de 50 % des cas. Rarement, acanthosis nigricans, qui témoigne d’une résistance à l’insuline — ce signe clinique est péjoratif au plan du pronostic métabolique (risque de diabète gestationnel et de diabète de type 2 : cf. item 245 au chapitre 22 et item 252 au chapitre 25).
 
D’après les critères de Rotterdam établis en 2002, sont en faveur d’un SOPK les éléments suivants (+++) :
  • deux des éléments sur les trois ci-dessous sont suffisants pour établir le diagnostic (+++) :
  1. hyperandrogénie clinique : séborrhée, acné (cf. encadré, item 109), hirsutisme, ou hyperandrogénie biologique (testostérone circulante élevée) ;
  2. oligo-/anovulation ;
  3. hypertrophie ovarienne à l’échographie (volume supérieur à 10 ml), multifolliculaires (classiquement, d’après le consensus de Rotterdam, le seuil était de plus de 12 follicules par ovaire ; ce seuil a été ramené à 19 avec l’utilisation d’échographies modernes) ;
  • exclusion (+++) d’autres causes plus rares d’hyperandrogénie : bloc en 21-hydroxylase modéré dit « non classique » ou « à révélation tardive », tumeur de l’ovaire sécrétant des androgènes (cf. infra), syndrome de Cushing ;
  • exclusion des anovulations secondaires à une hyperprolactinémie : le dosage de prolactine doit être systématique avant d’envisager un diagnostic de SOPK, mais attention aux fausses hyperprolactinémies par macroprolactines (agrégats ou Big ou Big-Big) circulantes.
Insistons sur les formes atténuées de SOPK qui sont fréquentes et peuvent se limiter à une anovulation chronique sans hyperandrogénie clinique ni biologique, avec ou sans élévation excessive de LH et de testostérone sérique.
 
 
Dans ces cas, le diagnostic, plus difficile, repose surtout sur l’aspect hypertrophié et multifolliculaire des ovaires en échographie.
 
En effet, en dehors des SOPK, une atteinte partielle de l’axe gonadotrope qui laisse persister une sécrétion acyclique d’oestradiol peut être responsable d’un tableau voisin : anovulation chronique avec taux d’oestradiol variable, sans hyperandrogénie. Dans ces cas, l’absence d’augmentation de la taille des ovaires à l’échographie oriente le diagnostic vers l’origine gonadotrope de l’anovulation.
 
Le diagnostic peut aussi être aidé, dans ces cas difficiles, par l’administration pulsatile de GnRH : dans le cas des formes dissociées de SOPK, on observe sous pompe à GnRH une augmentation excessive de la taille des ovaires avec un développement multifolliculaire mais sans ovulation ; à l’inverse, en cas d’atteinte hypothalamique, le développement sera monofolliculaire et sera suivi d’une ovulation.
 
Une autre difficulté diagnostique vient de la fréquence de la macroprolactinémie, qui peut faire porter à tort le diagnostic d’hyperprolactinémie chez une patiente en aménorrhée en réalité atteinte d’un SOPK. Dans ces cas, les agents dopaminergiques sont bien entendu inefficaces, ce qui devrait conduire à remettre en cause le diagnostic erroné.
 

2. Aménorrhées d’origine tumorale ovarienne ou par résistance à l’insuline

Toute hyperandrogénie sévère peut être responsable d’une aménorrhée.
 
Lorsque l’origine est tumorale, il existe souvent en plus de l’hirsutisme des signes de virilisation importants, d’apparition récente : hypertrophie clitoridienne et des masses musculaires, alopécie androgénétique.
 
Si la concentration plasmatique de testostérone dépasse 1,5 ng/ml (normes chez les femmes jeunes à titre indicatif : 0,2-0,6 ng/ml), il faut réaliser impérativement une imagerie ovarienne ou surrénale pour détecter une tumeur sécrétant des androgènes.
 
Si ces images sont normales, on recherchera une hyperthécose ; en effet, devant une testostérone supérieure à 1 ng/ml et l’absence d’imagerie de qualité montrant clairement une tumeur virilisante des ovaires ou de la surrénale, le diagnostic différentiel entre tumeur ovarienne occulte et « hyperthécose » se pose. En faveur de l’hyperthécose sont :
  • l’obésité morbide androïde ;
  • l’acanthosis nigricans (dans le cadre d’un syndrome HAIRAN, HyperAndrogenism, InsulinoResistance, Acanthosis Nigricans) ;
  • des stigmates en faveur d’une insulino-résistance (insulinémie à jeun élevée) voire l’hyperglycémie.
Classiquement, le diagnostic entre hyperthécose/HAIRAN et tumeur ovarienne occulte reposait sur un cathétérisme simultané des veines ovariennes et périphériques. En cas de taux de testostérone élevés dans les deux veines ovariennes, le diagnostic d’hyperthécose/HAIRAN était retenu, alors qu’une sécrétion unilatérale plaidait en faveur d’une tumeur ovarienne. En pratique, cette technique invasive tend à être abandonnée du fait de son manque de fiabilité (erreur de positionnement des cathéters fréquents) et de l’amélioration remarquable des techniques d’imagerie ovarienne (échographie, scanner et IRM) qui permettent le plus souvent de détecter même des petites tumeurs.

3. Aménorrhées par pathologie de la surrénale

Le syndrome de Cushing, quelle que soit sa cause, est une étiologie classique d’aménorrhée, assez souvent associée à une hyperandrogénie. Ce diagnostic doit être évoqué devant des signes d’hypercortisolisme (prise de poids, classique obésité facio-tronculaire, vergetures pourpres, amyotrophie, etc.).
 
Le diagnostic peut être fait par la mesure du cortisol libre urinaire (urines de 24 heures) et le freinage minute (cf. item 242 au chapitre 19 « Adénome hypophysaire »).
 
Les hyperandrogénies surrénaliennes d’origine tumorale responsables d’aménorrhée s’accompagnent très souvent d’une virilisation d’évolution rapide. Elles sont aussi souvent associées à un hypercortisolisme. Mais elles peuvent être consécutives à une sécrétion directe isolée de testostérone par la tumeur ou bien à une sécrétion pathologique majeure de delta 4-androstènedione ou de DHEA/SDHEA, ces précurseurs androgéniques de la surrénale pouvant à leur tour être convertis en testostérone. Une fois évoqué, le diagnostic de tumeur de la surrénale sera facilement confirmé par un scanner des surrénales car ces tumeurs sont dans la majorité des cas volumineuses.
 
Finalement, un déficit enzymatique de la surrénale en 21-hydroxylase modéré peut se dévoiler par une aménorrhée ou une oligo-/spanioménorrhée accompagnée comme le SOPK, de signes d’hyperandrogénie. Dans les formes sévères, dites classiques, de déficit en 21-hydroxylase, l’aménorrhée peut être aussi secondaire à une atrophie endométriale voire un déficit gonadotrope induits par la sécrétion surrénale permanente de progestérone ; mais, dans ces cas, le diagnostic a été posé pendant l’enfance et la cause de l’aménorrhée est « évidente ».
 
 
 
Les formes à révélation tardive de déficits en 21-hydroxylase sont plus difficiles à diagnostiquer car elles peuvent mimer un SOPK. Ce diagnostic sera envisagé d’autant plus que le taux basal prélevé le matin (à distance d’un traitement par les corticoïdes) de 17-hydroxyprogestérone dans le sérum est supérieur à 2 ng/ml. Il sera souvent nécessaire pour confirmer ce diagnostic de faire une stimulation par l’ACTH (test au Synacthène® ordinaire), qui montrera une élévation supérieure à 10 ng/ml de la 17-hydroxyprogestérone qui affirmera le diagnostic.
 

 Le diagnostic sera confirmé au plan génétique par le séquençage du gène codant la 21-hydroxylase (CYP21A2), ce qui est essentiel pour le conseil génétique de cette maladie.

C. Insuffisances ovariennes primitives

Les insuffisances ovariennes primitives (IOP) regroupent différentes affections ovariennes ayant comme dénominateur commun une atteinte de la folliculogenèse.
 
La signature biologique constante est l’élévation de la FSH (figure 3.8). Si l’épuisement du capital folliculaire se complète avant l’âge de la puberté, la présentation clinique sera celle d’une absence complète de développement mammaire avec une aménorrhée primaire. Lorsque la disparition des follicules ovariens a lieu pendant ou après la puberté, on observera un développement variable des seins avec une aménorrhée primaire, primo-secondaire ou secondaire, avec ou sans bouffées de chaleur, dyspareunie (cf. item 56), et le test aux progestatifs sera positif ou négatif en fonction de la sécrétion résiduelle d’oestradiol.
 
Les dosages hormonaux mettent en évidence une élévation des concentrations des gonadotrophines, surtout de FSH (figure 3.8), avec des taux plasmatiques d’oestradiol souvent bas mais pouvant fluctuer voire s’élever avant l’épuisement complet du capital folliculaire.
 
Devant toute insuffisance ovarienne primitive ne pouvant être expliquée par une atteinte chirurgicale, une chimiothérapie ou une radiothérapie, il est nécessaire de rechercher en premier lieu une anomalie du caryotype (syndrome de Turner et autres anomalies caryotypiques associées à une IOP), une anomalie du gène FMR1 (Fragile X Mental Retardation), responsable du syndrome de l’X fragile (voir l’encadré ci-dessous), et une atteinte auto-immune.
 

D. Aménorrhées par anomalie utérine

Les anomalies congénitales du tractus génital pouvant être responsables d’une aménorrhée primaire ne sont pas exceptionnelles. Les signes d’accompagnement seront fonction du siège et du degré de la malformation (figure 3.9). Une imperforation hyménéale ou une malformation vaginale seront suspectées chez une jeune fille ayant un développement pubertaire normal et des douleurs pelviennes cycliques.
 
Elles seront confirmées par l’examen gynécologique complété par l’imagerie voire une endoscopie des organes génitaux.
Une agénésie de l’utérus (figure 3.9) sera évoquée devant un tableau similaire sans douleurs.
 
Le principal problème diagnostique en l’absence d’ambiguïté sexuelle est de faire la différence entre une agénésie müllérienne isolée et des anomalies sévères de la biosynthèse ou de la réceptivité aux androgènes. On pourra trancher grâce à la mesure de la testostérone plasmatique (concentrations masculines adultes en cas d’insensibilité aux androgènes) et de ses précurseurs (par exemple, androstènedione en cas de déficit en 17alpha-hydroxystéroïde déshydrogénase) qui, anormaux, feront pratiquer un caryotype qui montrera une formule 46,XY et déclencher les analyses moléculaires adaptées.
 
Les aménorrhées secondaires d’origine utérine sont la conséquence de synéchies utérines secondaires à des gestes traumatiques sur l’utérus (curetages répétés, IVG, chirurgie pour myomes ou césarienne).
 
Plus rarement en France, il peut s’agir d’une tuberculose utérine.

III. Conclusion 

Ainsi les aménorrhées, très fréquentes, obligent à passer en revue les grands chapitres de l’endocrinologie, de la reproduction et de la gynécologie. Leur diagnostic étiologique peut paraître complexe car la liste de leurs causes est longue. Sur le plan pratique, seul un nombre restreint d’entre elles sont très fréquentes, donc à ne pas méconnaître avant de débuter tout traitement oestroprogestatif.
 
 
POINTS CLES
  • L’aménorrhée : un symptôme que tout médecin doit connaître.
  • Chez toute femme normale, après la puberté, avant la ménopause et en dehors de la grossesse, les règles doivent être régulières. C’est-à-dire qu’elles doivent survenir tous les 28 jours en moyenne (un écart de 1 à 2 jours par rapport à cette moyenne n’est pas forcément anormal). Cette régularité indique que l’utérus, les ovaires, l’hypophyse et l’hypothalamus de la femme fonctionnent normalement et sont donc indemnes d’une maladie.
  • On appelle aménorrhée une interruption des règles (aménorrhée secondaire) chez une femme préalablement réglée, ou la non-survenue de règles chez une adolescente (aménorrhée primaire).
  • En dehors de la grossesse et de la ménopause, l’aménorrhée est toujours pathologique. Elle doit faire consulter un spécialiste du domaine après en avoir discuté avec le médecin traitant.
  • Aucune pilule « pour régulariser les règles » ne doit être prescrite avant d’avoir trouvé la cause de l’aménorrhée. Il s’agit là d’une erreur, malheureusement fréquente, qui peut avoir des conséquences sérieuses pour la santé. En effet, la pilule oestroprogestative ne fait que provoquer des règles artificielles qui vont rassurer à tort les adolescentes et les femmes. De ce fait, la maladie sous-jacente qui a provoqué l’interruption des règles va continuer à évoluer sans traitement, ce qui peut, répétons-le, avoir des conséquences sérieuses pour la santé.
  • L’interruption des règles sous pilule oestroprogestative (contraceptif oral) ou progestative n’est pas un signe de maladie mais est simplement liée à ce type de médicament. Il suffit de discuter avec le médecin qui l’a prescrit pour voir si l’on peut changer (ou non) de « pilule ».
  • Les aménorrhées ou oligo-/spanioménorrhées (des règles qui « sautent », par exemple une femme qui a des règles tous les 3 mois) sont donc le témoin de l’existence d’une maladie de l’utérus, des ovaires ou de glandes qui sont situées à la base du cerveau (hypothalamus et hypophyse) (figure 3.1).
  • Dans la recherche d’une cause d’aménorrhée, certains dosages hormonaux sont essentiels comme les mesures de l’oestradiol et des hormones hypophysaires LH, FSH et prolactine. On écarte aussi systématiquement une grossesse dont la femme et surtout l’adolescente ne serait pas consciente (dosage d’hCG dans le sang ou test urinaire de grossesse).
  • Les anomalies les plus fréquentes à l’origine d’une aménorrhée ou d’une oligoménorrhée d’origine hypothalamo- hypophysaire sont des tumeurs bénignes ou d’autres lésions de l’hypophyse.
  • C’est la raison pour laquelle on est amené, lorsque la LH et FSH sont abaissées, à faire une image de l’hypophyse par IRM. Les adénomes hypophysaires sécrètent souvent une hormone qui s’appelle la prolactine qui, lorsqu’elle est à des taux excessifs dans le sang, peut entraîner un écoulement mammaire (galactorrhée), non expliqué par l’allaitement, qui s’associe à l’interruption des règles.
  • Une autre cause fréquente d’aménorrhée hypothalamique, surtout chez l’adolescente, est la maigreur excessive, qui se mesure par l’indice de masse corporelle (IMC) : Poids (en kg)/Taille2 (en m2) ; chez ces femmes, l’IMC est inférieur à 21. Cette situation est le plus souvent liée à une restriction alimentaire inappropriée (surtout en matières grasses), fréquemment associée à une activité physique excessive.
  • Au niveau ovarien, la plus fréquente des maladies responsables d’oligo- ou aménorrhée est le syndrome des ovaires polykystiques. C’est une maladie très fréquente qui touche 5 à 10 % des femmes. Cette affection chronique commence souvent à l’âge de la puberté par l’association très typique que sont l’espacement ou l’interruption des règles avec assez souvent des signes évoquant une sécrétion ovarienne excessive d’hormones masculines par l’ovaire (testostérone) : acné, séborrhée (peau et cheveux gras) voire hirsutisme (pilosité excessive du visage, « moustache », favoris, des seins, du pubis vers l’ombilic, etc.). Ces femmes ont des difficultés à avoir des enfants sans traitements médicaux. 
    Le diagnostic de cette maladie ovarienne fréquente se fait par l’« histoire des règles », jamais régulières (en dehors des phases de la vie sous pilule, avec « règles régulières » artificielles), l’examen, les dosages hormonaux et l’échographie ovarienne.
  • Un autre diagnostic de maladie de l’ovaire à poser devant une interruption des règles est l’insuffisance ovarienne prématurée, dont le diagnostic hormonal est en général très facile (élévation de l’hormone FSH dans le sang) mais qui expose à une infertilité sévère très difficile à traiter.
  • Enfin, citons les causes utérines plus rares qui peuvent être la conséquence de lésions de l’utérus infectieuses et surtout traumatiques (IVG ou manoeuvres chirurgicales après un accouchement difficile).
  • Quand une adolescente n’a pas de développement pubertaire (pas d’apparition des seins), elle ne peut pas avoir de règles. Parfois, un développement partiel ou complet de la puberté (seins et pilosité) est possible mais sans apparition des règles après 14 ans. On parle là d’aménorrhée primaire, qu’il faut toujours explorer médicalement. les causes génétiques ou chromosomiques sont fréquentes, avec parfois des histoires similaires dans la famille.