Poly2016- Items 219, 220 – UE 8 Facteurs de risque cardiovasculaire, prévention. Dyslipidémies

 
 
Objectifs pédagogiques
Item 219
Expliquer les facteurs de risque cardiovasculaire, leur impact pathologique et la notion de stratification du risque (coronarien par exemple).
Expliquer les modalités de la prévention primaire et secondaire des facteurs de risque cardiovasculaire et les stratégies individuelles et collectives.
Items 220
Diagnostiquer les principales dyslipidémies primitives et secondaires.
Connaître les recommandations pour la prise en charge des dyslipidémies (voir item 326).
7 Item 326 – UE 10 – Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant. 
Connaître pour chacune les mécanismes d’action de classe et des produits individuels, lesprincipes du bon usage, les critères de choix d’un médicament en première intention, les causes d’échec, les principaux effets indésirables et interactions : (…) antihypertenseurs, hypolipémiants.
 
 
 
 

I. Définitions 

A. Facteurs de risque

1. Notion de facteur de risque

Il s’agit d’une situation associée à une majoration du risque de survenue de complications cardiovasculaires ischémiques. Il peut s’agir :
  • d’un état physiologique (vieillissement, ménopause) ;
  • d’un état pathologique (HTA, diabète, obésité abdominale) ;
  • d’une habitude de vie (tabagisme, sédentarité).
En toute rigueur, lorsqu’il n’existe aucune relation de causalité directe, il s’agit en fait d’un « marqueur de risque », témoin d’un processus (par exemple, l’élévation de la microalbuminurie, l’élévation de la CRP).
S’il existe un lien de causalité directe entre l’agent et la maladie, il s’agit d’un authentique « facteur de risque ».
 
Pour que le facteur de risque soit cliniquement pertinent, il doit satisfaire plusieurs conditions :
  • intensité de la relation : gradient de risque élevé pour chaque écart type de variation du facteur ;
  • relation dose-effet : le risque de développer la maladie augmente proportionnellement selon le niveau d’exposition au facteur de risque ;
  • indépendance : l’association entre le facteur de risque et la maladie persiste quel que soit le niveau des autres facteurs de risque (la relation persiste en analyse multivariée) ;
  • concordance : association établie par plusieurs études épidémiologiques convergentes ;
  • séquence temporelle : l’exposition au facteur de risque précède la maladie ;
  • cohérence physiopathologique : caractère plausible de l’association sur des données expérimentales ;
  • réversibilité : la correction du facteur de risque lors d’études contrôlées permet de prévenir la maladie ou d’en réduire l’incidence ; cette démonstration essentielle établit formellement la preuve de la causalité.

2. Risque absolu (RA)

Le risque absolu est la probabilité de présenter la maladie dans un laps de temps donné. Ce risque est exprimé en taux de complications ischémiques au cours d’une période généralement extrapolée à 10 ans.
 
Le gain en risque absolu (différence des risques absolus) permet de calculer le NPT : (RAx – RAy)?1, où RAx représente le RA d’un individu x et RAy celui d’un individu y. Autrement dit, le NPT donne le « nombre de personnes à traiter » pendant une durée déterminée pour espérer éviter un événement.

3. Risque relatif (RR)

Le risque relatif est le rapport du risque d’un individu exposé versus le risque d’un individu de référence non exposé au facteur de risque cardiovasculaire.
 
Par exemple, RR = 3 indique que l’individu exposé au facteur de risque a une probabilité triplée de présenter la complication ischémique par rapport à un individu qui n’est pas exposé au facteur de risque.
 
Autre exemple, RR = 0,5 indique que l’individu exposé à un facteur protecteur a une probabilité réduite de moitié de présenter la complication ischémique par rapport à l’individu qui n’est pas exposé à ce facteur.
 
Lorsqu’on compare des interventions de prévention lors d’études différentes, ce sont les risques relatifs qui doivent être considérés.
 
Lorsque, à l’échelon individuel, on souhaite estimer le bénéfice potentiel d’une intervention pour un individu, c’est le gain en risque absolu qui doit être intégré.

B. Prévention primaire et secondaire

1. Prévention primaire

Elle consiste à éviter la survenue ultérieure d’un accident cardiovasculaire en corrigeant les facteurs de risque identifiés chez des patients indemnes de tout événement cardiovasculaire.

2. Prévention secondaire

Elle consiste à éviter la survenue d’un accident cardiovasculaire chez des patients ayant déjà présenté un accident cardiovasculaire en corrigeant les facteurs de risque identifiés et en agissant sur la maladie cardiovasculaire constituée.
 
La notion de prévention secondaire et primaire est complétée par le classement des patients en fonction du risque cardiovasculaire (cf. infra)
 
Les patients en prévention secondaire sont par définition à haut risque cardiovasculaire ou à très haut risque dans les nouvelles recommandations européennes.
Il existe des situations où les patients sont à haut risque mais en prévention primaire ; c’est le cas par exemple des patients qui ont une sténose de la carotide supérieure à 50 % ou un cumul de facteur de risque exceptionnel.

3. Prévention tertiaire

On parle de prévention tertiaire quand il s’agit de traiter des séquelles de l’accident (rééducation par l’activité physique, par exemple).
 

II. Facteurs de risque à prendre en compte 

Les facteurs de risque cardiovasculaire modifiables et non modifiables sont représentés dans la figure 13.1 (Afssaps, 2005).
 

A. Facteurs de risque non modifiables

Ils doivent être pris en considération car ils déterminent puissamment le niveau de risque absolu et donc l’amplitude du bénéfice absolu après une intervention :
  • homme âgé de 50 ans ou plus ;
  • femme âgée de 60 ans ou plus ou ménopausée ;
  • antécédents familiaux de maladie coronarienne précoce :
    • infarctus du myocarde ou mort subite avant l’âge de 55 ans chez le père/frère ;
    • infarctus du myocarde ou mort subite avant l’âge de 65 ans chez la mère/soeur.

B. Facteurs de risque modifiables

Leur identification participe à l’estimation du risque et ce sont eux qui constituent la cible des actions de prévention :
  • tabagisme en cours (dès 1 cigarette par jour ou sevré depuis moins de 3 ans) ;
  • hypercholestérolémie avec LDL-cholestérol (LDLc) élevé ;
  • HDL-cholestérol (HDLc) inférieur à 0,40 g/l (1 mmol/l), quel que soit le sexe ;
  • hypertension artérielle (cf. item 221 au chapitre 14« Hypertension artérielle de l’adulte ») ;
  • diabète traité ou non (cf. item 245 au chapitre 22 « Diabète sucré de type 1 et 2 de l’enfant et de l’adulte ») et syndrome métabolique (cf. infra) ;
  • insuffisance rénale chronique (cf. item 261).
À l’inverse, le HDL-cholestérol supérieur ou égal à 0,60 g/l (1,5 mmol/l) constitue un facteur de protection : soustraire alors « un risque » à la somme des facteurs de risque cardiovasculaire.

C. Autres facteurs de risque

Plus de deux cents facteurs de risque ont été identifiés, mais tous ne répondent pas aux conditions évoquées plus haut, comme par exemple la sédentarité, l’hyper-homocystéinémie, le profil psychologique ou la calvitie précoce !

D. Exemples d’études épidémiologiques

Études transversales réalisées dans sept pays : Monica, Interheart.
Études longitudinales : étude de Framingham, MRFIT (Multiple Risk Factor Intervention Trial), Procam (Prospective Cardiovascular Münster), étude prospective de la Police parisienne.

E. Méthodes d’estimation du risque vasculaire individuel

1. Concept

L’estimation du risque vasculaire du sujet consiste à recenser l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire — ils ont un caractère multiplicatif — et à déduire ainsi la probabilité de survenue d’une complication ischémique.
Les facteurs de risque ont un effet synergique sur le niveau de risque. Une simple addition du nombre de facteurs de risque présents chez l’individu (tableau 13.1) apparaît suffisamment adaptée à la pratique quotidienne.
 
L’estimation du risque peut être quantitative, exprimée en probabilité de présenter une complication en 10 ans, en employant des équations multifactorielles. Le principe de ces équations est d’éliminer les facteurs redondants.
 
De nombreuses équations sont utilisables. L’équation la plus connue est celle tirée de l’étude de Framingham (États-Unis), pour laquelle des modèles récents ont été proposés. Cette équation a tendance à surestimer le risque dans les pays à bas risque.
 
L’équation européenne issue du projet SCORE concerne les pays à faible incidence de complications cardiovasculaires, mais elle n’estime que la mortalité cardiovasculaire (figure 13.2).
 
La mortalité représente 30 % de la globalité des événements ischémiques. Il a été montré que peu de facteurs de risque permettent de reclassifier les patients à haut risque au-delà de ces équations.
 
Par exemple, le fait de rajouter un marqueur d’épaisseur artérielle apporte peu de renseignements par rapport au calcul de Framingham.

2. Estimation du risque en pratique

Interrogatoire
L’interrogatoire consiste à :
  • recueillir des antécédents familiaux cardiovasculaires ;
  • rechercher des antécédents personnels ischémiques ou des signes fonctionnels évocateurs tels qu’angor, AOMI (artériopathie des membres inférieurs), AIT (accident ischémique transitoire) ;
  • recueillir des facteurs de risque cardiovasculaire.
 
Examen
L’examen consiste à :
  • rechercher un athérome asymptomatique : pouls périphérique, souffles vasculaires ;
  • rechercher un athérome infraclinique :
    • ECG basal : recherche de troubles de repolarisation, de séquelles de nécrose, d’HVG (hypertrophie ventriculaire gauche) électrique ;
    • échographie de la carotide : la mesure de l’épaisseur intima-média de la carotide et la recherche systématique de plaques ne sont pas recommandées en pratique courante dans la stratification du risque.

3. Estimation du risque absolu

Elle repose sur l’utilisation d’équations ou de tables ou la simple sommation des facteurs de risque cardiovasculaire :
  • un risque d’événement voisin de 10 % à un horizon de 10 ans est considéré comme faible ;
  • un risque supérieur à 20 % est considéré comme important (c’est le niveau de risque coronarien observé dans les suites d’un infarctus du myocarde) ;
  • un risque entre 10 et 20 % est considéré comme intermédiaire ;
  • un risque supérieur à 30 % est un risque majeur.
Lors de l’estimation du risque, il faut prendre en compte le risque coronarien et le risque d’AVC (un tiers du risque coronaire), le poids relatif de ce dernier s’accentuant avec le vieillissement.
 
Tableau 13.1. Stratification des niveaux de risque cardiovasculaire (traitement de l’HTA)
 
 
 
Fig. 13.2. Table SCORE (Systematic COronary Risk Evaluation) : risque de décès cardiovasculaire en 10 ans (table pour les régions d’Europe dite à « faible risque », dont la France). (Source : Perk J et al. European Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice (version 2012). Eur Heart J 2012 ; 33 : 1635–1701, doi : 10.1093/eurheartj/ehs092, Fig. 4. With permission of Oxford University Press (UK)
 

III. Tabac 

A. Prévalence du tabagisme en France

Dans la population adulte, 30 % (et 50 % des jeunes de 18 à 24 ans) fument régulièrement.
Chez les femmes enceintes, 25 % continuent à fumer pendant leur grossesse. 

B. Risque cardiovasculaire et tabac

Parmi les fumeurs ayant débuté à l’adolescence et poursuivant leur intoxication, 50 % mourront du fait de complications directement liées au tabagisme. La relation dose-effet (complications ischémiques) est continue et se manifeste dès la première cigarette quotidienne dans les études épidémiologiques puissantes. Même le tabagisme passif accroît le risque de complication vasculaire ischémique.
 
La diminution du risque ischémique après sevrage est rapide : abaissement des deux tiers du surcroît de risque à l’issue de la première année et retour quasiment au risque de base après la troisième année de sevrage. Le tabagisme agit surtout par son mécanisme prothrombotique, ce qui explique l’effet nocif précoce et le bénéfice rapide lors du sevrage.
 
Le tabac prédispose plus particulièrement au risque de maladie coronarienne et d’artériopathie des membres inférieurs :
  • RR = 3 de maladie coronarienne chez les fumeurs (> 20 cigarettes par jour) par rapport aux non-fumeurs ;
  • RR = 5 d’infarctus du myocarde et de mort subite chez les grands fumeurs inhalant la fumée ;
  • RR = 2 à 7 d’AOMI selon les études et l’intensité de la consommation ;
  • RR = 1,5 à 2 d’AVC.
La poursuite du tabagisme après l’apparition de la maladie aggrave fortement le pronostic : dans le cas de la maladie coronarienne avérée, le risque de décès ou la nécessité d’une intervention itérative sont multipliés par un facteur 1,5 à 2,5 en cas de tabagisme persistant.
 
L’association tabagisme et contraception oestroprogestative comporte une nocivité particulière par majoration du risque thromboembolique.
 

IV. Hyperlipidémies 

A. Relations lipides-athérosclérose

La morbi-mortalité cardiovasculaire est associée à :
  • une augmentation du LDL-cholestérol (LDLc) ;
  • une augmentation des triglycérides (TG) ;
  • une diminution du HDL-cholestérol (HDLc).
Une hypertriglycéridémie isolée est rarement observée ; elle constitue un facteur de risque cardiovasculaire moins puissant que l’augmentation du LDLc.
 
L’augmentation du HDLc est un marqueur de risque indépendant puissant, en revanche des  données récentes suggèrent que ce ne serait pas un facteur de risque indépendant.
 
Le dosage du HDLc demeure utile en prédiction cardiovasculaire mais, en revanche, normaliser sa concentration ne constitue plus une cible.

B. Diagnostic positif

1. Symptômes évocateurs

Hypercholestérolémies
Parfois, des dépôts lipidiques banals sont observés :
  • arc cornéen (valeur sémiologique avant 60 ans) ;
  • xanthélasma (valeur sémiologique avant 60 ans) (figure 13.3).
Plus rarement, des xanthomes sont retrouvés :
  • xanthomes tendineux :
    • extenseurs des doigts (figure 13.4) ;
    • tendons d’Achille (figure 13.5) ;
  • xanthomes plans cutanés, xanthomes tubéreux (uniquement les formes homozygotes) (figure 13.6).
 
Fig. 13.3. Xanthelasma.
 
 
Fig. 13.4. Xanthomes tendineux, extenseurs des doigts.
 
 
 
Fig. 13.5. Xanthomes achilléens.
 
 
Fig. 13.6. Xanthomes tubéreux.
 
 
Hypertriglycéridémies
Exceptionnellement, un syndrome hyperchylomicronémique peut être observé : hépatomégalie stéatosique, douleurs abdominales, xanthomatose éruptive, lipémie rétinienne (figure 13.7)
 
Fig. 13.7. Syndrome hyperchylomicronémique.
 
 
a. Xanthomatose éruptive.                   b. Lipémie rétinienne.
 

2. Complications

Hypercholestérolémies
Souvent, une complication athéromateuse peut être révélatrice : insuffisance coronaire, artériopathie des membres inférieurs, AVC.
 
Hypertriglycéridémies
Rarement, une pancréatite aiguë peut être observée, surtout lors des hyperchylomicronémies.
Le risque est majoré selon la triglycéridémie : on considère classiquement que le risque se manifeste pour des TG > 10 g/l. Il dépend principalement des antécédents personnels de l’intensité maximale des pics de triglycéridémie.

3. Bilan lipidique

Ce bilan est orienté dans le cadre :
  • d’une enquête familiale devant une dyslipidémie chez un apparenté ;
  • d’une pathologie associée ou d’une prescription induisant une dyslipidémie secondaire ;
  • de la présence d’un ou plusieurs facteurs de risque coexistants (estimation du risque cardiovasculaire absolu).
Ses modalités de réalisation sont les suivantes :
  • il doit être effectué après 12 heures de jeûne ;
  • étant prescrit devant un facteur de risque cardiovasculaire ou une complication, il se doit d’être complet pour mieux stratifier le risque et il doit être répété en cas d’anomalies pour confirmation ;
  • si les anomalies lipidiques ne sont pas suffisamment importantes pour justifier un traitement, le bilan lipidique doit alors être contrôlé tous les 3 ans, sauf pour les diabétiques de type 2 chez qui il doit être vérifié annuellement ;
  • comme l’âge est un facteur de risque, il est logique que le bilan lipidique soit contrôlé systématiquement vers la cinquantaine chez les hommes et la soixantaine chez les femmes.
L’exploration d’une anomalie lipidique (EAL) comporte :
  • une mention de l’aspect du sérum (les hypertriglycéridémies comportent systématiquement un aspect trouble du sérum) ;
  • le dosage du cholestérol total, des triglycérides et du HDL-cholestérol (HDLc) ;
  • le calcul du LDL-cholestérol (LDLc) par dosage direct ou avec la formule de Friedewald (avec Ct correspondant au cholestérol total) :
    • LDLc = Ct – HDLc – TG/5 (en g/l) [formule utilisable si TG < 4 g/l] ;
    • LDLc = Ct – HDLc – TG/2,19 (en mmol/l) [formule utilisable si TG < 5 mmol/l].
Le calcul du LDL-cholestérol est indispensable pour affirmer le caractère athérogène d’une hyperlipidémie ; il est impossible lorsque la triglycéridémie dépasse 4 g/l.

C. Diagnostic étiologique

1. Hyperlipidémies secondaires

Les hyperlipidémies secondaires (figure 13.8) s’améliorent avec un traitement à visée étiologique, sans employer d’hypolipémiants, ici inutiles voire dangereux dans certaines situations — par exemple, risque d’effet secondaire musculaire sous statine lors de l’hypothyroïdie.
 
– Bilan minimaliste d’identification d’une dyslipidémie secondaire
Les examens sont guidés par le contexte et la clinique : TSH, glycémie, créatininémie, protéinurie, bandelette urinaire.
 
– Hyperlipidémies secondaires à une comorbidité
 
Hypercholestérolémies
L’hypothyroïdie, situation fréquente, entraîne une hypercholestérolémie proportionnelle à l’intensité de l’hypothyroïdie (hypertriglycéridémie associée si obésité associée).
Une cholestase, situation rare, peut donner des hypercholestérolémies intenses.
Certaines anorexies mentales s’accompagnent d’une hypercholestérolémie.
 
Hyperlipidémies mixtes
Le syndrome néphrotique est une situation rare mais qui entraîne une dyslipidémie mixte sévère liée à la baisse de pression oncotique.
La grossesse s’accompagne d’une hyperlipidémie mixte physiologique qui s’accentue surtout au troisième trimestre.
 
Hypertriglycéridémies prépondérantes
L’insuffisance rénale chronique (IRC) peut être en cause, essentiellement en cas d’IRC évoluée avec clairance de la créatinine < 45 ml/min.
L’alcoolisme entraîne des hypertriglycéridémies fréquentes, avec conservation paradoxale du HDLc ; les anomalies hépatiques ne doivent pas être confondues avec une stéatose métabolique.
Les obésités et diabètes avec syndrome métabolique sont une situation fréquente qui affecte 10 à 20 % de la population adulte. Il comporte une hypertriglycéridémie avec une baisse du HDLc, observées chez des sujets associant une obésité androïde avec une intolérance au glucose et une hypertension artérielle (tableau 13.2). Il est présent lors des diabètes de type 2 dans les formes typiquement insulinorésistantes.
Le potentiel athérogène du syndrome est lié à la constellation de nombreux facteurs de risque majeurs et la coexistence d’autres d’anomalies non évaluées en pratique clinique (petite taille des LDL, hypofibrinolyse, défaut de vasodilatation artérielle par dysfonction endothéliale). Ces anomalies sont aggravées par les erreurs diététiques et la sédentarité.
Le syndrome métabolique majore le risque d’autres dyslipidémies indépendantes, telles qu’une hypercholestérolémie associée, ou aggrave une hypertriglycéridémie lors d’une dyslipidémie primitive.
 
 
– Hyperlipidémies iatrogènes
Les principaux médicaments impliqués sont :
  • la ciclosporine (hypercholestérolémie prépondérante avec interaction médicamenteuse prévisible sous statine) ;
  • les corticoïdes (hyperlipidémie mixte avec HDLc conservé) ;
  • les oestrogènes par voie orale (éthinyl-oestradiol à dose contraceptive ; hypertriglycéridémie avec HDLc conservé) ;
  • les rétinoïdes (essentiellement sur un terrain prédisposé à une hyperlipidémie combinée familiale) ;
  • l’interféron alpha ;
  • certains antirétroviraux : ils peuvent générer des hypertriglycéridémies majeures chez des malades prédisposés ;
  • les neuroleptiques : certains de troisième génération (hypertriglycéridémie prépondérante) ;
  • les diurétiques thiazidiques, les bêtabloquants non sélectifs sans activité sympathomimétique intrinsèque (hypertriglycéridémie discrète).
Fig. 13.8. Dyslipidémies secondaires. HAART, Highly Active Anti-Retroviral Therapy (thérapie antirétrovirale) ; HK?, hyperchylomicronémies.
 

2. Hyperlipoprotéinémies primaires

– Classification phénotypique des hyperlipoprotéinémies primitives
Pour de nombreuses dyslipidémies, un même génotype peut, selon le contexte environnemental, correspondre à plusieurs phénotypes lipidiques (figure 13.9).
 
Fig. 13.9. Phénotypes des plasmas.
 
a.Hyperlipidémie de type I (couche crémeuse correspondant à une élévation des chylomicrons). b. hyperlipidémie de type V (anneaux crémeux de couleur blanchâtre correspondant à une léévation des chylomicrons et des VLDL). c. hyperlipidémie de type IV ou IIb (sérum trouble du fait de l’accumulation de VLCL). d. hyperlipidémie de type IIa (sérum limpide en cas  d’hypercholestérolémie pure, quelque soit son intensité).
 
Le phénotype lipidique correspond donc à une situation instantanée qui ne permet pas nécessairement de préjuger du mécanisme physiopathologique sous-jacent (figure 13.10).
Les complications athéromateuses ont elles-mêmes une incidence variable selon les génotypes et les cofacteurs de risque propres à chaque malade ; d’où la nécessité d’une étape ultérieure de diagnostic évolutif pour mieux évaluer le pronostic cardiovasculaire.

 

Fig. 13.10. Présentation synthétique des hyperlipoprotéinémies.

– Classification génotypique et caractéristiques des principales hyperlipidémies athérogènes
Elles sont répertoriées dans la figure 13.11.
 
Fig. 13.11. Hyperlipoprotéinémies primitives.
 
Hypercholestérolémies familiales monogéniques (type IIa)
Mutations du gène du récepteur des LDL (environ 80 %)
Il existe de nombreuses mutations ponctuelles du récepteur des LDL à transmission autosomique dominante.
 
Forme hétérozygote
Sous cette forme, 50 % des récepteurs sont fonctionnels ; leur prévalence atteint 0,2 % dans la population générale et 3 % parmi les individus ayant un infarctus du myocarde.
Caractéristiques liées à la forme hétérozygote du gène du récepteur des LDL :
  • LDLc compris entre 2 et 4,0 g/l (phénotype IIa) ;
  • xanthomes tendineux présents dans 30 % des cas seulement ;
  • complications cardiovasculaires ischémiques précoces en l’absence d’hypocholestérolémiant efficace :
    • chez l’homme : vers 40–50 ans ;
    • chez la femme : vers 50–60 ans.
Forme homozygote
Cette forme est rare : sa fréquence est de l’ordre d’un cas pour 500 000 (doubles hétérozygotes, homozygotes lorsque consanguinité).
Caractéristiques inhérentes à cette forme :
  • LDLc > 4 g/l (6 à 10 g/l) ;
  • dépôt lipidique dès l’enfance : xanthomatose cutanéo-tendineuse (xanthomes plans, tubéreuxet tendineux majeurs) ;
  • complications cardiovasculaires ischémiques dès la première décennie ; en l’absence de traitement : décès vers l’âge de 20 ans ;
  • fréquence (+++) des rétrécissements aortiques athéromateux supra-valvulaires.
Mutation du gène de l’apolipoprotéine B (5 à 10 %)
L’apolipoprotéine B (apoB) déficiente est une forme étiologique plus rare (10 % des hypercholestérolémies primitives).
Il s’agit classiquement d’une mutation en position B3500 qui perturbe son interaction avec le récepteur LDL. Les similitudes cliniques avec la forme hétérozygote par mutation du récepteur aux LDL présentant un phénotype modéré sont fortes.
 
Mutation gain de fonction du gène PCSK9 (< 5 %)
Cette protéine inhibe le recyclage du récepteur aux LDL par l’hépatocyte.
Ses mutations perte de fonction induisent une hypocholestérolémie, alors que les mutations gain de fonction provoquent un tableau clinique similaire aux mutations hétérozygotes du récepteur aux LDL.
Il existe des cas exceptionnels de mutation du gène ARP entraînant une hypercholestérolémie transmise sur un mode récessif.
 
– Hypercholestérolémies polygéniques
Caractéristiques de ces hypercholestérolémies :
  • absence d’hérédité familiale mendélienne ;
  • physiopathologie inconnue (confusion fréquente avec l’hyperlipidémie combinée familiale) ;
  • fréquence élevée : majorité des hypercholestérolémies modérées (partie droite de la courbe de Gauss) ;
  • facteurs favorisants ou aggravants, tels que les erreurs de régime (riche en cholestérol et en graisses saturées) ;
  • complications cardiovasculaires tardives, puisque l’installation de l’hypercholestérolémie est survenue seulement vers la quarantaine.
– Hyperlipidémies combinées familiales
Ce sont les dyslipidémies les plus fréquentes : 1 à 2 % de la population générale ; elles affectent 10 % des sujets présentant un infarctus avant 60 ans.
Caractéristiques de ces hyperlipidémies :
  • transmission héréditaire non mendélienne oligogénique ;
  • jamais de xanthomes ;
  • intrication avec un syndrome métabolique ;
  • révélation tardive à l’âge adulte mais d’autant plus précocement qu’il existe une obésité ;
  • phénotypes lipidiques variables dans la même famille et fluctuant chez un même individu au fil du temps, type IIb principalement mais aussi type IIa ou type IV, rarement type V ;
  • complications cardiovasculaires fonction de l’intensité de la dyslipidémie.
Les différents phénotypes lipidiques peuvent être rencontrés chez un même sujet au fil du temps et, simultanément, chez au moins un apparenté au premier degré.
 
Dysbêtalipoprotéinémie
Caractéristiques de ce type d’hyperlipidémie :
  • transmission récessive pour la forme classique : phénotype E2/E2 de l’apoE (apolipoprotéine E) ;
  • accumulation d’IDL (Intermediate Density Lipoproteins) (remanants de VLDL et de chylomicrons) de type III ;
  • fréquence rare (1 pour 10 000) ;
  • hyperlipidémie mixte sévère, étroitement dépendante des mesures diététiques ;
  • élévation harmonieuse de la cholestérolémie et de la triglycéridémie ;
  • cholestérolémie totale comprise entre 3 et 5 g/l ;
  • triglycéridémie comprise entre 4 et 8 g/l ;
  • invalidité de la formule de Friedwald dans cette situation (+++) ;
  • dosage de l’apoB : valeurs basses ;
  • xanthomes peu fréquents mais pathognomoniques, tels que les xanthomes des plis palmaires (figure 13.12) et les xanthomes tubéreux (figure 13.6) ;
  • décompensation possible en type V (hyperchylomicronémie transitoire) ;
  • complications cardiovasculaires dès l’âge de 50 ans avec une fréquence relative accrue des AOMI.
Fig. 13.12. Xanthomes des plis palmaires.
 
 
 
– Hypertriglycéridémie familiale
Les caractéristiques de ce type d’hyperlipidémie sont les suivantes :
  • fréquence rare ;
  • transmission autosomique dominante ;
  • accumulation de VLDL endogène (type IV) ;
  • dépendance du surpoids ;
  • pas de xanthomes ;
  • risque de décompensation sur un mode de syndrome hyperchylomicronémique (type V) ;
  • caractère athérogène débattu.
– Hyperchylomicronémies primitives
Les formes avec hyperchylomicronémie exclusive (type I) sont exceptionnelles. Le poids de la génétique est alors majeur et les facteurs environnementaux au second plan. Plus le déclenchement est précoce, plus la probabilité de mutation des gènes régulant la lipolyse intravasculaire des triglycérides est importante.
Le plus souvent ces mutations transmises de façon récessive produisent des hypertriglycéridémies majeures correspondant à des phénotypes de type V (chylomicrons et VLDL). Ces hyperlipidémies de type V correspondent à des décompensations transitoires d’une prédisposition génétique partielle compensée se traduisant par une hypertriglycéridémie modérée le reste du temps.
Elles ont un caractère athérogène inconstant et moins intense que lors des hypercholestérolémies primitives.
 

V. Hypertension artérielle et risque cardiovasculaire 

A. Définition

Pression artérielle systolique > 140 mm Hg et/ou pression artérielle diastolique > 90 mm Hg,
confirmée au minimum par deux mesures lors de trois consultations successives sur une période de 3 à 6 mois.
 
Les techniques de mesures sont d’une part l’automesure tensionnelle et, d’autre part, la MAPA (mesure automatisée de la pression artérielle). Sa valeur pronostique apparaît supérieure à celle de la mesure effectuée au cabinet médical. Elle permet de s’affranchir de l’HTA « blouse blanche ».
Les seuils sont décalés :
  • de 5 mm Hg en automesures isolées : 135/85 mm Hg ;
  • de 10 mm Hg en MAPA moyennée sur 24 heures : 130/80 mm Hg.

B. Prévalence et risque cardiovasculaire

L’HTA affecte 40 % de la population adulte. Sa probabilité de survenue est d’autant plus élevée qu’il existe un syndrome métabolique sous-jacent (tableau 13.2).
Le lien entre niveau tensionnel et risque cardiovasculaire est continu : il n’y a pas de seuil individualisé en dessous duquel le risque peut être considéré comme nul. La relation pression artérielle-risque cérébral est beaucoup plus étroite que la relation pression artérielle-risque coronarien.
À niveau tensionnel égal, l’HTA est grevée d’un pronostic d’autant plus péjoratif qu’elle s’associe à :
  • une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG électrique, échographique) ;
  • une glomérulopathie, attestée par une élévation de la microalbuminurie avant le stade de l’IRC.

C. Bilan diagnostic étiologique et évolutif face à une HTA

(Cf. aussi item 130 au chapitre 14.)
  • Un examen clinique, avec recherche de facteurs provoquant ou aggravant une HTA.
  • Un bilan biologique comportant ionogramme sanguin, créatininémie avec débit de filtration glomérulaire estimé, glycémie à jeun, bilan lipidique et protéinurie — la recherche de la microalbuminurie n’est recommandée que chez le diabétique.
  • Un électrocardiogramme de repos.

VI. Diabète et risque cardiovasculaire 

Le risque relatif de complications coronariennes ischémiques est plus élevé chez la femme RR = 3–4 que chez l’homme RR = 2–3.
Le risque relatif d’AOMI (avec des formes généralement infrapoplitées) est particulièrement élevé lors du diabète : RR × 5.
L’augmentation du risque relatif d’AVC RR × 2–3 correspond en grande partie à une fréquence accrue de lacunes (atteintes des petites artères perforantes) en lien étroit avec l’HTA.
 
Dans le diabète de type 1, le risque n’apparaît qu’après 15 à 20 ans d’évolution et essentiellement lorsqu’il existe une atteinte rénale concomitante avec protéinurie.
 
Dans le diabète de type 2, la maladie coronarienne peut précéder fréquemment l’émergence du diabète proprement dit, du fait du long passé de syndrome métabolique.
 
L’ancienneté du diabète favorise la survenue de manifestations coronariennes ischémiques, cliniquement silencieuses. Puisque l’insuffisance coronarienne est plus souvent silencieuse chez les diabétiques (risque relatif de coronaropathie sans douleur typique deux fois plus élevé), les sujets diabétiques à très haut risque cardiovasculaire doivent être soumis à des tests de dépistage de façon systématique (+++). Ce dépistage ne doit pas être systématique car il n’a pas été établi qu’il débouchait sur un bénéfice cardiovasculaire mais réalisé seulement chez les malades ayant une forte probabilité de lésion coronaire.
 
L’intensité du risque demeure fonction du nombre de facteurs de risque surajoutés, de leur ancienneté et de leur intensité. Ainsi, le niveau de risque cardiovasculaire est moins prononcé s’il n’y a pas de syndrome métabolique associé. La survenue d’une néphropathie avérée avec IRC évoluée ou protéinurie correspond à un risque cardiovasculaire élevé.
 
Contrairement à la microangiopathie, il n’existe pas de valeur seuil de la glycémie conditionnant le risque de complications macrovasculaires. L’hyperglycémie en elle-même est un facteur de risque cardiovasculaire de complication macrovasculaire bien moins puissant que pour le risque de complication microvasculaire. Il n’est pas établi qu’un contrôle glycémique strict permette de réduire le risque cardiovasculaire des diabétiques.
En revanche, l’HTA majore puissamment le risque d’AVC.
 

VII. Prise en charge du risque cardiovasculaire 

A. Principes généraux

1. Concepts

On ne traite pas un bilan lipidique ou des mesures manométriques mais une personne ayant un risque de complication ischémique.
L’efficience du traitement est donc fonction du niveau de risque absolu de chaque individu.
 
Une maladie métabolique chronique implique un traitement chronique, d’autant plus que le risque cardiovasculaire s’accroît en vieillissant.
 
Un bénéfice peut être obtenu même chez un malade normocholestérolémique lors d’un traitement par statine dès lors que son niveau de risque est élevé.
La découverte d’une pathologie métabolique majorant le risque cardiovasculaire, telle que le diabète ou une dyslipidémie, justifie un dépistage familial (+++).
 
La mise en route d’un traitement de prévention cardiovasculaire au long cours doit comporter un temps d’information permettant une prise de conscience des enjeux, de la rentabilité du traitement et des risques éventuels.
En situation de risque intermédiaire et d’hésitation sur la mise en route d’un traitement au long cours, il peut être utile de s’appuyer alors sur une recherche d’athérome infraclinique prématuré.
 
Certains médicaments sont pourvoyeurs d’effets secondaires dont certains potentiellement dangereux (par exemple, un risque hémorragique sous antiagrégants) ; le ratio bénéfice/risque et le coût doivent être pris en compte et pas seulement le bénéfice potentiel.

2. Stratégie

Les mesures diététiques sont systématiques en prévention secondaire et primaire.
L’obtention d’un sevrage du tabac est une mesure majeure.
La mise en oeuvre des mesures non médicamenteuses ne doit pas retarder l’initiation d’un traitement pharmacologique chez les patients dont le risque cardiovasculaire est élevé.
L’efficacité et la tolérance et l’observance des traitements doivent être surveillées. Le rapport risque/bénéfice doit être réévalué au décours de l’évolution au long cours du malade.

B. Sevrage du tabac

En dehors d’épisodes de dépression caractérisée, lors desquels le sevrage du tabac ne doit être envisagé qu’après stabilisation de l’état neuropsychique, le conseil minimal d’aide à l’arrêt du tabac s’adresse à tous les patients. Il devrait être donné par tous les médecins, quels que soient leur statut professionnel, leur spécialité et leur condition d’exercice. La dépendance à la nicotine doit être évaluée lors d’un projet de sevrage (questionnaire de dépendance de Fagerström, grille DSM-IV). En cas de score de dépendance élevé, une aide au sevrage par substituts nicotiniques est recommandée.

1. Sevrage et poids

La prise de poids, lors du sevrage du tabac, correspond au niveau du poids qu’aurait eu le malade s’il n’avait jamais fumé. La prise de poids moyenne atteint de l’ordre de 5 kg ; seulement 10 % des sujets prennent plus de 10 kg.
Un encouragement psychologique valorisant l’image corporelle par l’arrêt du tabac est important. Les substituts nicotiniques sont utiles pour freiner la prise de poids.

2. Sevrage et substituts nicotiniques

La durée d’administration des substituts nicotiniques varie de 6 semaines à 6 mois.
Les substituts nicotiniques sont bien tolérés chez les patients coronariens et ne provoquent pas d’aggravation de la maladie coronarienne ou de troubles du rythme. Les substituts nicotiniques sont recommandés chez les patients coronariens fumeurs.
Le varéniclide (Champix®) et le bupropion (Zyban®) constituent une aide pharmacologique au sevrage de dernière ligne. La durée habituelle de traitement est de 8 semaines. L’efficacité est établie seulement chez des fumeurs adultes, en bon état de santé, fumant plus de 15 cigarettes par jour et motivés à l’arrêt du tabac. Ils disposent d’une AMM mais ne sont pas inscrits sur la liste des médicaments remboursables.
 
Leur prescription doit tenir compte des contre-indications, en particulier du risque convulsif, des troubles bipolaires et des troubles du comportement alimentaire. Leur association aux substituts nicotiniques n’a pas démontré d’efficacité supérieure par rapport à chacun des traitements utilisés seuls.

C. Activité physique

L’activité physique exerce des effets métaboliques sur :
  • le développement de la masse musculaire et la réduction de la masse grasse, induisant :
    • une réduction de l’insulinorésistance ;
    • une diminution particulière de la triglycéridémie et une augmentation du HDLc ;
  • le système cardiovasculaire avec :
    • une diminution de la pression artérielle au repos ;
    • un allongement du périmètre de marche pour les AOMI ;
    • un meilleur pronostic des complications coronariennes ischémiques, probablement via des mécanismes de préconditionnement.
Sa préconisation est systématiquement associée aux mesures diététiques car elle potentialise l’efficacité de ces dernières.
La prescription doit être adaptée à chaque individu et à ses capacités : en cas de très haut risque, il est prudent de vérifier auparavant l’épreuve d’effort.
Il faut préconiser, dans la mesure du possible, une activité régulière sous forme de trois séances hebdomadaires de 30–45 minutes, à 75 % de la VO2 maximale (consommation d’oxygène).
Si cet optimum ne peut être obtenu, une activité physique moindre est néanmoins justifiée.
Son évaluation lors d’un essai randomisé (look AHEAD) conduit sur une durée prolongée chez des diabétiques de type 2 n’a pas montré de bénéfice sachant que le groupe intervention n’a maintenu une activité physique soutenue que pendant une année avant d’abandonner progressivement.
L’adhésion sur le long terme à ce type de recommandations est soumise à de nombreux aléas, comme pour les mesures diététiques.

D. Diététique

1. Mesures lipidiques globales

La liste des mesures préconisées est la suivante :
  • avoir un apport quotidien en graisses alimentaires < 35 % de l’apport calorique total ;
  • réduire les acides gras saturés (? 8–10 %) et maintenir les apports d’acide gras trans aussi bas que possible ;
  • privilégier l’apport des graisses mono-insaturées (15 %) ;
  • encourager la consommation d’acides gras n-3 à longues chaînes (poissons gras, noix, aliments enrichis en oméga-3) ;
  • limiter la dose quotidienne de cholestérol (< 300 mg par jour).
Le recours à des aliments enrichis en phytostérols est l’objet de controverses. À raison de 2 g par jour (margarine, yaourt, etc.), leur consommation réduit le LDLc de 10 % environ ; au-delà de cette dose, il n’y a pas d’efficacité supplémentaire. ANSES (avis 2014) ne recommande pas leur utilisation en prévention cardiovasculaire.

2. Mesures non lipidiques

Ces mesures, qui portent également sur l’HTA, sont les suivantes :
  • favoriser l’apport de fruits et légumes (riches en antioxydants et en fibres) ; la consommation régulière de noix, noisettes, amandes a montré un bénéfice cardiovasculaire lors d’un essai d’intervention randomisé ;
  • modérer l’apport sodé (< 6 à 8 g par jour) ; éviter les excès de charcuterie, conserves, plats préparés, poissons fumés, fruits de mer ; ne pas resaler les plats ;
  • limiter la consommation d’alcool à moins de trois équivalents verres de vin par jour et ne pas la proscrire sauf en cas de dépendance ;
  • modérer les apports en sucres simples, en particulier le fructose ;
  • encourager une réduction pondérale, même limitée, en réduisant l’apport calorique de 20 % en cas de surpoids ou de syndrome métabolique.

3. Mesures diététiques propres aux hypertriglycéridémies

Hypertriglycéridémies modérées
Insister sur la réduction du surpoids, avec apports caloriques équilibrés modérément hypocaloriques
(– 20 %) (+++), et la majoration concomitante de l’activité physique.
Procéder à un test d’éviction de l’alcool et des sucres simples, selon la règle suivante :
  • suspension de la consommation d’alcool pendant une semaine ;
  • réduction des apports glucidiques :
    • < 45 % du total calorique ;
    • en particulier des sucres simples (fructose et monosaccharide particulièrement hypertriglycéridémiants).
Hypertriglycéridémie majeures (hyperchylomicronémies)
Suspendre l’intoxication alcoolique s’il y a lieu.
En cas d’obésité, préconiser un régime hypocalorique avec moins de 30 g de lipides par jour.
En cas de forme primitive, si le poids est normal, préconiser un régime isocalorique hypolipidique avec moins de 20 g de lipides par jour. Ces régimes restrictifs entraînent des contraintes majeures justifiant le recours à des diététiciennes spécialisées.
 
Chez les enfants, pour compléter l’apport calorique, proposer des triglycérides à chaînes moyennes (huile TCM Nutricia®).
En situation de décompensation avec une triglycéridémie à plus de 30 g/l, il s’agit d’une urgence nutritionnelle avec mise en place d’une diète hydrique transitoire jusqu’à normalisation ou stabilisation de la triglycéridémie.

E. Médicaments hypolipidémiants

Les différentes classes de ces médicaments et leurs principales caractéristiques sont présentées dans le tableau 13.3, ainsi que leurs mécanismes d’action, leur efficacité, leurs indications, les effets indésirables, les interactions médicamenteuses et les contre-indications.
 

F. Principes du traitement médicamenteux des hypercholestérolémies

1. Introduction du traitement

  • En prévention primaire, si le LDL-cholestérol reste élevé après 3 à 6 mois au minimum de diététique bien conduite.
  • En prévention secondaire, avec prise médicamenteuse d’emblée, après une complication ischémique ou en cas de risque équivalent.

2. Objectifs lipidiques

Les objectifs thérapeutiques pour la population générale, en termes de LDL-cholestérol, dépendent du nombre de facteurs de risque présents (tableaux 13.4 et 13.5).
 
 
 
 
 
En prévention primaire
Population générale
Les traitements sont instaurés si LDL > 1,9 g/l en situation de prévention primaire avec risque cardiovasculaire faible.
  • En visant LDLc < 1,3 g/l en prévention primaire si le risque cardiovasculaire est faible à modéré.
  • En visant LDLc < 1 g/l en prévention primaire si le risque cardiovasculaire est élevé.
 
Diabète
  • Diabète sans facteurs de risque cardiovasculaire additionnels et pas de néphropathie et pas de lésion des organes cibles : LDLc < 1,3 g/l.
  • Si risque cardiovasculaire élevé ou néphropathie avérée : LDLc < 1,0 g/l.
Les recommandations consistant à cibler un LDLc < 0,7 en prévention secondaire ou en prévention primaire à risque majeur reposent sur un niveau de preuve limité ; néanmoins, l’essai « Improve it » a montré un bénéfice mais avec une efficience limitée.
 
Hypercholestérolémie familiale
La situation est différente : en effet, le risque vasculaire élevé de cette pathologie et la précocité de l’hypercholestérolémie justifient un traitement plus précoce. L’objectif se situe à :
  • LDLc < 1,6 g/l chez les enfants ;
  • LDLc < 1,3 g/l chez les adultes traités précocement sans facteurs de risque cardiovasculaire additionnels ;
  • LDLc < 1,0 g/l chez les adultes traités tardivement avec facteurs de risque cardiovasculaire additionnels.
 
En prévention secondaire
Un traitement par statine sera instauré d’emblée, généralement à forte dose sauf contre-indication, en visant un LDLc < 1 g/l.
Des essais cliniques ont montré un bénéfice sur la morbidité (mais pas sur la mortalité cardiovasculaire) jusqu’à 0,7 g/l.
Les recommandations contemporaines suggèrent avec un niveau de preuve limité d’abaisser le LDLc à moins de 0,7 g/l ; l’intensification entre 0,8 et 0,5 g/l comporte une efficience limitée puisqu’il faut traiter plus de 200 personnes annuellement pour éviter une complication ischémique.

3. Choix des molécules

Hypercholestérolémie pure ou mixte
Les statines représentent le traitement de première ligne ; elles sont systématiquement privilégiées par rapport aux fibrates, y compris en cas d’hyperlipidémie mixte.
En seconde ligne, viennent, en cas d’intolérance, ézétimibe et/ou colestyramine et/ou fibrates.
 
Hypertriglycéridémie pure
Les seuils d’intervention thérapeutique sont les suivants :
  • si TG > 2 g/l, traitement diététique ;
  • si TG < 4 g/l et HDLc bas et risque cardiovasculaire cependant élevé, privilégier une statine (leur niveau de preuve est désormais supérieur à celui des fibrates) ;
  • si TG > 4 g/l et HDLc bas et risque cardiovasculaire élevé, traitement médicamenteux par fibrate, complété éventuellement par acides gras oméga-3.
L’indication des fibrates se restreint aux hypertriglycéridémies exclusives avec une HDLc abaissée et un risque cardiovasculaire élevé ; cependant, le seul fibrate ayant démontré un bénéfice en prévention cardiovasculaire de façon probante est le gemfibrozil (Lipur®), qui comporte des interactions pharmacocinétiques multiples.
La colestyramine majore les hypertriglycéridémies.
 
Principes d’adaptation du traitement
L’habitude est d’initier les hypolipémiants à faible posologie et de l’augmenter ultérieurement en fonction de l’efficacité de la tolérance, jusqu’à l’obtention d’un taux de LDL inférieur à la valeur cible.
 
L’utilisation de fortes doses voire d’une association d’hypolipémiants est à envisager au cas par cas, après avis spécialisé, en veillant à la tolérance et à l’observance du traitement.
 
Pour certains patients en prévention secondaire coronaire, on vise une cible de LDLc < 1 g/l et une forte posologie est alors mise en place d’emblée.
 
Surveillance de l’efficacité du traitement hypolipidémiant
  • Pratiquer un bilan lipidique 2 à 3 mois après la mise en route du traitement afin de vérifier que les objectifs lipidiques sont atteints puis annuellement.
  • Informer le patient de ces objectifs.
  • Si les objectifs thérapeutiques sont atteints, le bilan lipidique est réalisé une à deux fois par an.
  • Si les objectifs thérapeutiques ne sont pas atteints, modification de la thérapeutique et bilan lipidique de contrôle 2 mois plus tard, jusqu’à l’obtention des objectifs thérapeutiques.
 
Surveillance de la tolérance du traitement hypolipidémiant
  • Tolérance clinique : douleurs musculaires en particulier.
  • Tolérance biologique :
    • dosage des transaminases, avant, dans les 3 mois qui suivent l’instauration du traitement et une dernière fois après 1 an ;
    • dosage des CPK, seulement en cas de myalgies et/ou de situation à risque majoré (associations médicamenteuses, comorbidités, antécédent d’intolérance).

G. Médicaments antihypertenseurs

1. Stratégie thérapeutique

Elle dépend de l’intensité de la pression artérielle, de son retentissement et du risque cardiovasculaire global.

2. Choix des classes d’antihypertenseurs

Les cinq classes d’antihypertenseurs ayant démontré une efficacité en prévention cardiovasculaire peuvent être proposées en première intention dans la prise en charge d’un hypertendu essentiel non compliqué (figure 13.13). Ces cinq classes d’antihypertenseurs sont :
  • les diurétiques ;
  • les bêtabloquants ;
  • les inhibiteurs calciques, notamment les dihydropyridines ;
  • les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ;
  • les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II).
 
Une monoprise quotidienne doit être privilégiée pour favoriser l’observance. Il est recommandé de débuter par une monothérapie mais une association fixe à faible dose ayant l’AMM en première intention peut également être proposée (figure 13.14).
 
En deuxième intention (figure 13.15), une bithérapie sera instaurée dans un délai d’au moins 4 semaines en cas de réponse tensionnelle insuffisante.
 
Le traitement est mis en place d’emblée en situation de prévention secondaire (figure 13.16).
 
Il n’existe pas de démonstration probante de l’efficacité en prévention cardiovasculaire pour les molécules suivantes :
  • les alphabloquants, avec un moindre effet préventif que les diurétiques thiazidiques ;
  • les antihypertenseurs centraux (absence d’essai d’intervention à grande échelle).
 
Fig. 13.13. Stratégie du traitement des HTA en prévention primaire.
 

Fig. 13.14. Synergies additives lors du traitement de l’HTA.

 
Fig. 13.15. Stratégie thérapeutique de deuxième intention.
 
Fig. 13.16. Stratégie thérapeutique des HTA en prévention secondaire.
 

3. Objectifs tensionnels selon les recommandations de l’HAS  et la SFHTA

Les visites au cabinet médical doivent être mensuelles, jusqu’à l’obtention de l’objectif tensionnel.
L’objectif tensionnel, y compris chez les diabétiques et les patients avec maladies rénales, est d’obtenir une pression artérielle systolique comprise entre 130 et 139 mm Hg et une pression artérielle diastolique inférieure à 90 mm Hg, confirmées par une mesure de la PA en dehors du cabinet médical.
 
Des objectifs plus ambitieux peuvent être proposés chez certains patients, après avis spécialisé.
Pour tout sujet âgé de plus de 80 ans : (PA systolique) TA < 150 mm Hg.

4. Suivi sous traitement antihypertenseur

  • S’assurer de l’absence d’hypotension orthostatique, en particulier chez le sujet âgé, le patient insuffisant rénal ou le patient diabétique.
  • Réaliser un ionogramme sanguin avec créatininémie et débit de filtration glomérulaire estimé 7 à 15 jours après chaque introduction ou adaptation posologique des bloqueurs du système rénine-angiotensine et/ou des diurétiques.
  • Suspendre temporairement diurétiques et inhibiteurs du système rénine-angiotensine en cas de situation de déshydratation.
Stratégie de prise en charge en fonction des comorbidités
Les facteurs pris en compte sont : le vieillissement, l’HVG, l’insuffisance coronaire, l’artériopathiedes membres inférieurs (cf. items spécifiques correspondants).

H. Antiagrégants plaquettaires

1. Prévention secondaire

Indication systématique, sauf contre-indications absolues.
L’association clopidogrel-aspirine doit être systématique pendant le mois suivant la mise en place d’un stent et pendant l’année suivant l’implantation d’un stent actif. Il existe un risque important d’accident thrombotique dans les 10 jours suivant la suspension de la double association.
 
L’association aspirine-clopidogrel ne doit pas être interrompue sans concertation multidisciplinaire préalable.
 
L’association aspirine-clopidogrel n’a pas montré de supériorité par rapport au clopidogrel seul en prévention secondaire des accidents vasculaires cérébraux.
 
Le prasugrel et le ticagrelor ont montré une supériorité face au clopidogrel lors des syndromes coronariens aigus.

2. Prévention primaire

Chez le diabétique ou chez l’hypertendu, l’utilisation systématique des antiagrégants en prévention primaire est l’objet de controverses. Le rapport risque/bénéfice de l’aspirine à faible dose n’a pas été formellement établi dans ces situations.
Par rapport à l’aspirine, le clopidogrel comporte une moindre toxicité gastrique et un risque hémorragique similaire.
 
I. Prise en charge du risque cardiovasculaire lors du diabète Cf. item 245 au chapitre 22.
 
Points clés
 
  • Les principaux facteurs de risque modifiables sont le tabagisme, le LDLc élevé, l’hypertension artérielle et le diabète, auxquels on peut rajouter le HDLc bas (marqueur de risque).
  • Le risque global peut être calculé par des équations de risque, comme celle de Framingham. Dans les recommandations, l’évaluation du risque se fait toutefois par le décompte des facteurs de risque.
  • La relation tabac et risque cardiovasculaire est continue et existe aussi dans le tabagisme passif. Le risque est majoré en association à la contraception oestroprogestative.
Pour en savoir plus
 
– les recommandations AFSSAPS/HAS de 2004 ont été invalidées

– Il n’existe pas de recommandations françaises spécifiques
– Il existe des divergences entre les reco US, UK, Européennes relatives aux dyslipidémies
– Le chapitre correspond à une synthèse qui reflète l’état des pratiques en France en 2014-2015
 
HTA : http://www.sfhta.eu/wp-content/uploads/2012/12/Recommandation-SFHTA-2013-Prise-en-charge-HTA-de-lAdulte.pdf

Lipides :
– Europ doi:10.1016/j.atherosclerosis.2011.06.028.
– UK : NICE Guidelines: 2013 Hypertension: Clinical management of primary hypertension in adults
– US: 2013 ACC/AHA Guideline on the Treatment of Blood Cholesterol to Reduce Atherosclerotic Cardiovascular Risk in Adults