Les Essentiels 2025 : To eat or not to eat : Nouvelles perspectives dans la régulation de la prise alimentaire
Laure Alexandre-Heymann (1), Camille Vatier (2)
1 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Service d’endocrinologie, diabétologie et Nutrition, Hôpital Lariboisière, GHU AP-HP. Nord, Paris, France ; Université Paris Cité.
2 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Hôpital Saint-Antoine, Service d’Endocrinologie, Centre National de Référence pour les pathologies rares de l’insulino-sécrétion et de l’insulino-sensibilité (PRISIS), Endo-ERN Assistance-Publique Consortium, Paris, France; Sorbonne Université, Centre de Recherche Saint-Antoine, Inserm UMR_S938, Paris, France.
Cet article fait partie de la série d’article « Les essentiels » de la Société française d’endocrinologie, produit avec le support de Recordati Rare Disease, Novo nordisk, Merck, Rhythm et Pfizer.
Introduction
On entend souvent que le surpoids et l’obésité ont d’abord été considérés positivement comme des marqueurs de richesse et de privilège social, avant que le regard de la société ne change au cours des deux derniers siècles. La réalité semble plus complexe, puisque des écrits d’Hippocrate ou des traités de médecine traditionnelle à travers le monde décrivaient déjà l’obésité comme une maladie et la « modération alimentaire » comme une vertu morale [1–3]. Il est cependant vrai qu’à partir du XIXème siècle, alors que l’accès à une alimentation relativement riche se généralisait dans les pays occidentaux, le surpoids et l’obésité ont été de plus en plus stigmatisés. Les personnes en situation d’obésité étaient considérées comme « manquant de volonté », ou « incapables de se contrôler ».
À l’heure actuelle, de nombreux clichés restent encore à déconstruire, en témoignent les unes des magazines ou les messages d’influenceurs sur les réseaux sociaux. Mais l’avancée des connaissances médicales sur le sujet devrait permettre de changer progressivement de regard sur les variations pondérales et leurs déterminants. Si les facteurs psychosociaux, les inégalités économiques et les politiques de santé publique ont une importance considérable, l’objectif du présent article est de résumer dans leurs grandes lignes les connaissances récentes sur la régulation endogène des prise alimentaire et pondérale. Celles-ci sont en effet régulées en partie par des facteurs génétiques, neuro-hormonaux, neuro-sensoriels, et épigénétiques.
Régulation neuro-hormonale et facteurs génétiques
Grands principes
C’est en fait dès les années 1950 que l’hypothèse d’un contrôle neuro-hormonal du poids avait été évoquée, aboutissant finalement aux expérimentations de parabiose des années 1970. En anastomosant le système vasculaire de souris porteuses de diverses mutations génétiques, Coleman avait ainsi démontré les points suivants [4] :
– les souris porteuses d’une mutation db/db (induisant obésité et diabète) anastomosées à des souris sauvages ou à des souris porteuses d’une mutation ob/ob (autre mutation induisant également obésité et diabète) gardaient un poids stable voire continuaient de prendre du poids, tandis que les souris sauvages et ob/ob voyaient leurs glycémies diminuer et finissaient par périr après avoir arrêté de s’alimenter.
– En revanche, les souris ob/ob anastomosées à des souris sauvages perdaient progressivement du poids et voyaient leurs glycémies s’améliorer, tandis que les souris sauvages gardaient un poids stable (figure 1).
L’auteur en avait conclu qu’un facteur satiétogène circulant était manquant chez les souris ob/ob, et que les souris db/db en produisaient mais n’étaient pas capables d’y répondre. Cette hypothèse fut confirmée en 1994 avec l’isolement de ce facteur satiétogène hormonal sécrété par les cellules adipeuses, la leptine [5]. Cette découverte fut suivie peu de temps plus tard par la démonstration de la présence de récepteurs de la leptine, notamment dans l’hypothalamus [6]. Ces découvertes, combinées au développement progressif des technologies de biologie moléculaire, d’histologie, et de bio-informatique, ont permis de comprendre les circuits de régulation de la prise alimentaire de façon de plus en plus précise.
Figure 1. Expériences de parabiose. Anastomose du système vasculaire de souris présentant les mutations db/db, ob/ob, ou sauvages. Figure inspirée de Obese and diabetes: two mutant genes causing diabetes-obesity syndromes in mice, Coleman, Diabetologia 1978
Circuit de régulation de la prise alimentaire
Le centre de régulation principal de la prise alimentaire se trouve dans le noyau arqué de l’hypothalamus, structure jouxtant les parois latérales du 3ème ventricule [7]. Bordant ce 3ème ventricule, des cellules gliales spécifiques récemment décrites, les tanycytes [8], pourraient faciliter la circulation rapide des signaux hormonaux périphériques vers les neurones du noyau arqué. À ce niveau, deux populations neuronales principales ont été décrites comme responsables de la régulation de la prise alimentaire : les neurones exprimant l’Agouti-related peptide (AgRP), et les neurones exprimant la pro-opiomelanocortine (POMC). Schématiquement, les neurones AgRP sont inhibés par la leptine, sécrétée par le tissu adipeux, et par l’insuline. Ils sont en revanche activés en cas de déficit énergétique, et leur activation stimule la prise alimentaire. À l’inverse, les neurones POMC sont activés par la leptine, et leur activation inhibe la prise alimentaire et majore les dépenses énergétiques.
Dans l’acception « classique » de ce modèle, les neuro-hormones sécrétées par les neurones AgRP (notamment l’AgRP et le neuropeptide Y) et celles sécrétées par les neurones POMC (notamment l’alpha melanocyte-stimulating hormon, (alpha-MSH)) font office de seconds messagers. L’AgRP et l’alpha-MSH exercent des actions opposées sur leur récepteur, le MelanoCortin 4 Receptor (MC4R), situé sur des neurones de second ordre aux niveaux d’autres noyaux de l’hypothalamus (dont le noyau paraventriculaire), voire en dehors de l’hypothalamus [9]. Ce schéma classique a progressivement été complexifié, voire été partiellement remis en cause.
Il a ainsi été montré qu’un autre neurotransmetteur jouait un rôle majeur dans l’augmentation de l’appétit : l’acide gamma-aminobutyrique (GABA). Celui-ci est exprimé non seulement par les neurones AgRP [10], mais également par d’autres populations neuronales du noyau arqué, dont les neurones exprimant la somatostatine ou encore les neurones exprimant la tyrosine hydroxylase, ces derniers étant plus connus pour sécréter la dopamine responsable de la régulation de l’axe lactotrope [7]. Le GABA inhibe à la fois l’activité des cellules POMC et celle des cellules satiétogènes de second ordre du noyau paraventriculaire, et a donc un effet globalement orexigène. De façon paradoxale, une autre population neuronale du noyau arqué exprimant la prepronoceptin (PNOC) sécrète également du GABA et s’active en cas d’administration d’un régime riche en graisses pendant quelques jours chez la souris. Autrement dit, l’administration de ce régime riche et appétissant majore les prises alimentaires, du moins chez les murins. Inhiber l’activation des neurones PNOC prévient l’hyperphagie et évite la survenue de l’obésité habituellement associée au régime riche en graisses chez la souris, mais n’induit pas d’anorexie en cas de régime normal [11].
Les voies inhibant la prise alimentaire sont encore plus nombreuses et complexes. D’abord, il existe plusieurs sous-populations de neurones POMC, qui sont porteuses de récepteurs spécifiques à différentes hormones périphériques (récepteur à la leptine, récepteur aux Glucagon-like Peptide 1 (GLP1) notamment) [12]. Chaque sous-population exerce des effets différents sur ses voies d’aval. Par ailleurs, d’autres types de neurones du noyau arqué stimulent la satiété de façon rapide via la sécrétion de glutamate au niveau des cellules satiétogènes du noyau paraventriculaire. La satiété sera d’autant plus forte si ces neurones de second ordre ont été préactivés par la fixation de l’alpha-MSH sur les récepteurs MC4R portés par ces mêmes neurones [13] (figure 2).
Figure 2. Régulation neuro-hormonale des prises prandiale et pondérale au niveau du noyau arqué de l’hypothalamus.
GLP1 : Glucagon Like Peptide 1. SST : somatostatine. GABA : acide gamma-aminobutyrique. PNOC : prepronoceptin. TH : tyrosine hydroxylase. POMC : pro-opiomelanocortine. NPY : neuropeptide Y. AgRP : Agouti Related peptide. Oc-R : récepteur à l’ocytocine. MC4R : MelanoCortin 4 Receptor.
Figure inspirée de Integrative neurocircuits that control metabolism and food intake, Brüning and Fenselau, Science 2023. Image du cerveau : Hariadhi, CC BY-SA 4.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0, via Wikimedia Commons. Noyaux hypothalamiques adaptés de : Oldblueday, CC BY-SA 4.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0, via Wikimedia Commons.
Pour complexifier encore ces nombreux niveaux de régulation, plusieurs types de cellules gliales semblent venir moduler les messages transmis par les neurones [14].
Pour continuer d’étudier et de mieux comprendre toutes ces interactions, un outil appelé HypoMap a récemment été mis à disposition des chercheurs. Il s’agit d’une cartographie précise des populations cellulaires présentes dans l’hypothalamus, fournissant autant d’informations que possible sur leurs caractérisations. Cette cartographie est appelée à être détaillée et enrichie avec la poursuite des recherches sur le sujet. De façon intéressante, la publication de l’HypoMap chez la souris [15] a été suivie en 2025 de celle chez l’humain [16]. La comparaison de ces deux cartographies est pourvoyeuse de nouvelles pistes de recherche, puisque certaines voies décrites chez la souris, qui auraient pu être envisagées comme des cibles thérapeutiques, ne sont finalement pas retrouvées chez l’humain.
Conséquences physiologiques et physiopathologiques
Développer nos connaissances sur ces circuits de régulation a bien sûr permis de mieux comprendre la physiologie de la prise alimentaire. Par exemple, de comprendre pourquoi les aliments attirants, souvent riches en graisses et en sucres, mis en avant par la plupart des supermarchés occidentaux, ont tendance à majorer l’appétit et à favoriser la prise de poids [17][18]).
Mais différentes équipes de recherche ont également pu mettre en évidence de nombreuses mutations de gènes impliqués dans ces circuits et responsables d’obésités dites génétiques. La plus renommée est bien sûr celle liée aux mutations de la leptine [5], qui permit à l’époque de démontrer qu’une obésité sévère pouvait se développer uniquement en raison de l’absence d’une hormone, ou en cas de résistance à celle-ci.
Peu de temps plus tard, il a été montré qu’une mutation de POMC chez l’humain induisait une obésité apparaissant dès les premiers mois de vie chez des enfants ayant souvent des cheveux roux (du fait de l’influence de l’alpha-MSH sur la pigmentation des phanères) [19]. S’il était encore une fois nécessaire de démontrer que ces mutations ont une influence majeure sur la prise de poids, en dehors de toute « capacité à se contrôler », une étude de 2016 a montré qu’une délétion dans le gène POMC était fréquente chez les labradors. La prise de poids (chez des animaux, qui, on le rappelle, ne sont pas responsables du contenu de leur gamelle) était plus importante chez les chiens homozygotes pour cette délétion que chez les animaux non mutés (35 contre 31 kg en moyenne), et intermédiaire chez les chiens hétérozygotes [20]. Ceci semblait lié à la fois à des modifications métaboliques et à un intérêt pour la nourriture plus marqué chez les chiens présentant une délétion.
On pourrait citer de nombreux autres exemples, comme le syndrome de Prader-Willi [21], le syndrome de Bardet-Biedl, ou encore le déficit en MC4R [22]. De nouvelles mutations continuent d’être découvertes à l’heure actuelle, notamment chez des familles issues de pays à plus faibles revenus économiques, qui avaient jusqu’à présent moins bénéficié de recherches scientifiques [23]. Décrire le mécanisme de ces différentes maladies permet de mieux les comprendre, de proposer des prises en charges plus personnalisées, et parfois de développer des traitements médicamenteux adaptés comme la metreleptine (leptine humaine recombinante) ou le setmélanotide (agoniste du MC4R). Par ailleurs, les traitements développés pour l’obésité « commune » comme les agonistes du GLP1 semblent être parfois également efficaces chez ces patients.
Prises alimentaire et pondérale : régulation neurosensorielle
Mais la compréhension progressive des voies de régulation neuro-hormonales et le développement de l’imagerie fonctionnelle cérébrale ont soulevé de nouvelles questions. En effet, des zones cérébrales semblent s’activer dès les premières bouchées d’un repas. Comment expliquer ces réactions quasi immédiates ? On imagine que s’il fallait attendre le passage des nutriments jusqu’à la circulation sanguine puis la transmission d’un message hormonal périphérique jusqu’au système nerveux central, les premiers effets cérébraux ne devraient être notables qu’après quelques minutes.
Ceci a permis de mettre au jour un nouveau niveau de régulation, cette fois neurosensoriel. On pense bien évidemment aux expériences de Pavlov, qui avait montré que les chiens habitués à entendre une sonnette lorsqu’ils étaient nourris finissaient par saliver au seul son de la clochette. Des expérimentations beaucoup plus récentes montrent que de très nombreux autres stimuli agissent sur la régulation alimentaire et les réactions physiologiques, notamment digestives, associées. Ainsi, l’ouïe, la vue, l’odorat peuvent tous agir aussi bien au niveau central qu’en périphérie.
Par exemple, en ce qui concerne le système nerveux central, l’odeur de nourriture (contrairement à l’odeur d’autres objets) induit l’activation de neurones à glutamate induisant donc une sensation de satiété avant même l’ingestion de nourriture (ce qui peut avoir des avantages sélectifs pour des animaux sauvages, qui éviteraient de se mettre en danger pour se procurer leur nourriture). De façon intéressante, cette activation est moins observée chez les souris rendues obèses par régime riche en graisse, ce qui pourrait montrer que les mécanismes de satiété peuvent être altérés en cas d’obésité [24].
Au niveau périphérique, la vision et l’odeur de la nourriture peuvent activer le remodelage du réticulum endoplasmique dans les cellules du foie (faisant suite à des signaux émanant de l’activation des neurones POMC hypothalamiques), ce qui permet d’anticiper les modifications nécessaires pour l’absorption des nutriments [25].
Prises alimentaire et pondérale : régulation épigénétique
On comprend donc que la régulation des prises alimentaire et pondérale se jouent à plusieurs niveaux temporels : elle prend en compte l’état nutritionnel global (la quantité de tissu adipeux étant reflété par les taux de leptine), le statut alimentaire actuel (avec la sécrétion d’hormones digestives lors de l’ingestion des aliments), et des signaux sensoriels multiples qui modulent finement l’appétit de façon quasi immédiate (figure 3).
Figure 3. Résumé des différentes temporalités de régulation de la prise alimentaire.
Mémoire épigénétique de l’obésité
Mais il existe encore un niveau de régulation de bien plus long terme : le niveau épigénétique.
Ainsi, dans une étude parue en 2024, le tissu adipeux sous-cutané et omental de personnes minces n’ayant jamais été en surpoids a été comparé à celui de personnes en situation d’obésité avant et deux ans après une chirurgie bariatrique ayant permis une diminution d’au moins 25% de leur IMC [26]. À l’inclusion, l’expression de multiples gènes dans ces sous-types de tissu adipeux était différente entre les personnes minces et celles présentant une obésité. Cette dérégulation observée chez les personnes ayant une obésité persistait partiellement deux ans après la chirurgie malgré la perte de poids. On observait notamment une sous-expression persistante dans les voies du métabolisme adipocytaire, et une surexpression persistante des voies responsables de l’apoptose et de la fibrose du tissu adipeux.
Ces résultats ont pu être reproduits dans un modèle animal : un groupe de souris ayant été soumises à un régime riche en graisses (et donc devenues obèses) a été comparé à un autre groupe de souris soumises à un régime pauvre en graisses, pendant 12 ou 25 semaines. Puis toutes les souris ont été à nouveau nourries en régime standard, avec un retour du poids à la normale chez toutes les souris en 4 à 8 semaines. Chez les souris initialement devenues obèses, les niveaux de leptine circulante et de triglycérides hépatiques avaient augmenté, avant de revenir à la normale après perte de poids. Cependant, comme chez les humains, on observait au niveau du tissu adipeux une sous-expression persistante des voies de fonction adipocytaire, et une surexpression persistante des voies de l’apoptose et de l’inflammation, même après perte de poids. Ceci semblait d’autant plus vrai chez les souris ayant reçu le régime riche en graisses pendant une longue durée. Les chercheurs ont pu montrer que ces modifications transcriptionnelles étaient liées à des modifications épigénétiques (modifications d’histones, activations ou inhibitions de promoteurs de gènes par exemple).
Mais ces modifications persistantes ont-elles eu des conséquences physiopathologiques ? A la fin des expérimentations, un nouveau régime riche en graisses a été proposé à toutes les souris (y compris celles ayant reçu un régime pauvre en graisses initialement) pendant 4 semaines. Les souris anciennement obèses ont pris plus vite du poids, ont vu leur glycémie à jeun augmenter, et ont développé une stéatose hépatique plus rapidement que les souris qui n’avaient pas pris de poids auparavant. Ces modifications épigénétiques pourraient donc être en partie responsables du classique effet « yoyo ascendant » observé lors d’essais de perte de poids itératifs, et surtout être à l’origine d’une mémoire métabolique, ou mémoire de l’obésité.
Prendre en compte la mémoire métabolique dans la réflexion thérapeutique
Connaître l’influence de cet historique métabolique paraît donc primordial pour aider les patients de manière adaptée et au bon moment. Ainsi, une étude de 2015 avait montré que le nombre et la taille des cellules adipeuses augmentent dès la petite enfance en cas d’obésité, avec des signaux d’inflammation du tissu adipeux observés dès l’âge de 6 ans [27]. Mais si la taille des adipocytes peut évoluer avec le temps et avec les variations pondérales, le nombre d’adipocytes, quant à lui, semble se stabiliser vers l’âge de 20 ans et ne quasiment plus se modifier par la suite, même après une chirurgie bariatrique [28]. La prévention de l’obésité infantile, portée par des politiques de santé publique adéquates, est donc bien sûr nécessaire. Mais il est également légitime de se poser la question d’un traitement précoce, dès l’apparition d’une éventuelle obésité même si celle-ci s’installe dans l’enfance, pour diminuer le risque de modifications épigénétiques extensives et dans l’objectif d’arriver à l’âge adulte avec un nombre de cellules adipeuses moins élevé qu’il ne l’aurait été sans prise en charge médicale.
Des études récentes sur la réalisation d’une chirurgie bariatrique ou l’utilisation d’analogues du GLP1 chez des adolescents [29], voire chez des enfants commencent à être publiés. Les effets pondéraux de la chirurgie persistent à 10 ans (chez des personnes opérées à l’âge de 17 ans en moyenne), et les taux de rémission de diabète de type 2, d’hypertension artérielle et de dyslipidémie chez les participants présentant ces comorbidités à l’inclusion sont en moyenne supérieurs à 50%, ce qui est bien plus élevé que chez les personnes bénéficiant d’une chirurgie bariatrique à l’âge adulte [30].
La question est de savoir si un traitement par analogues du GLP1 pourrait être administré pendant l’adolescence en cas d’obésité puis interrompu après quelques années, une fois le nombre de cellules adipeuses stabilisé. Ces réflexions sont bien sûr à l’origine de nombreux questionnements éthiques sur l’utilisation de traitements encore peu connus chez les enfants, pourvoyeurs de possibles effets secondaires, voire de possibles troubles du comportement alimentaires, et dont certains pourraient devoir être poursuivis à vie avec un coût qui pourrait s’avérer considérable. Les hypothèses scientifiques à ce sujet méritent donc d’être testées lors d’essais cliniques encadrés et bien conduits.
Conclusion
La régulation des prises alimentaire et pondérale est donc extrêmement complexe : elle intègre des facteurs psychosociaux, économiques, des facteurs génétiques, des signaux neuro-hormonaux et neuro-sensoriels reflétant à la fois l’état nutritionnel chronique et la situation alimentaire récente ainsi que l’environnement immédiat de chaque instant. Une mémoire métabolique se met en place dès la petite enfance, influencée par les aliments consommés et les variations pondérales précoces, ce qui a une incidence sur les variations pondérales tout au long de la vie (voire sur plusieurs générations), ainsi que sur leurs conséquences physiopathologiques et les éventuelles complications métaboliques qui peuvent y être associées. Connaître ces nombreux niveaux de régulation pourrait être un levier pour diminuer la stigmatisation de l’obésité encore très présente à l’heure actuelle, mais également pour ouvrir des pistes thérapeutiques et des réflexions sur la meilleure prise en charge possible à offrir aux patients, et pour guider les politiques de santé publique.
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