Adieu au Professeur Lefebvre, endocrinologue lillois.

Le Professeur Lefebvre, endocrinologue lillois, nous a quittés le 4 Janvier 2012.

Son équipe du CHRU de Lille avait coutume de l’appeler « le patron ». Patron  signifie  « père « et « chef », comme l’a bien analysé G Duhamel, lui-même médecin, dans la Chronique des Pasquier. Patron est devenu un mot un peu suranné. L’esprit de famille, la reconnaissance qui s’attachaient à ce terme disparaissent, laminés par une évolution des mœurs professionnelles redoutant cette dimension affective qui donne trop de force aux individus.

Lui-même élève du Pr Linquette, le professeur  Lefebvre était d’abord un grand clinicien que nous avons toujours entendu prôner distance et esprit critique vis-à-vis des informations médicales, à travers des aphorismes qui raisonnent encore aux coutumiers du grand tour.

Ce grand tour était son morceau de bravoure. Très apprécié des étudiants, il plaisait aux malades parce que le patron avait un art consommé de les faire rire et de les rassurer.

Clinicien perspicace, enseignant plein d’humour au lit du malade, le Pr Lefebvre a su aussi développer la recherche : responsable du laboratoire d’Endocrinologie Expérimentale il l’a fait évoluer vers la thérapie cellulaire et ce qui devait devenir plus tard une unité Inserm sous la houlette de F Pattou.

Sa disparition nous attriste. Mais ses proches savent que le professeur Lefebvre n’était pas un homme triste. D’une grande simplicité, plein d’humour, un brin subversif, c’était un esprit novateur sur le plan professionnel, mais aussi social, lui qui avait confié très tôt des responsabilités importantes à une équipe d’infirmière dont le savoir-faire et le savoir-être étaient reconnus, son laboratoire à un chirurgien, et son service à une mère de famille nombreuse. Surtout il a été le premier, avec son complice, le Pr Proye, à mener à son terme le projet de thérapie cellulaire du diabète en France, traitement qui était alors considéré comme une utopie.

 Il doutait beaucoup mais savait toujours aller à l’essentiel. Et nous voudrions dire à son épouse auquel il était profondément attaché, à ses filles et ses petits-enfants, qu’ils peuvent être fiers de Monsieur Lefebvre, comme les élèves et les infirmières qu’il a formés étaient fiers de leur patron.
 
Ces idées novatrices n’ont pas eu la reconnaissance qu’elles méritaient à la fin de sa carrière et tel Zénon dans l’Oeuvre au Noir, il s’est retiré du monde. Chacun peut imaginer sa solitude, mais chacun sait que cette solitude fait partie de notre humanité et que les épreuves qu’il a traversées ont contribué à forger un homme que nous n’oublierons pas.

Pr Marie-Christine Vantyghem.