Décès du Pr Claude JAFFIOL

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Hommage au Professeur CLAUDE JAFFIOL

 

Le Professeur Claude JAFFIOL est mort le 17 Janvier 2024 à l’âge de 90 ans. Il nous a quitté comme il a vécu : en pleine conscience, optimiste et lucide.

Ses dernières questions très précises et judicieuses, à quelques minutes de sa mort, attestent de cette lucidité dont il ne s’est jamais départi tout au long de sa vie.

Au cours de ses études secondaires au Lycée Alphonse Daudet à Nîmes, il obtient le premier prix du Concours Général des Lycées et Collèges en Biologie, tremplin aux études de Médecine où, totalement étranger à ce milieu, il excelle.

Reçu au concours très sélectif alors d’Interne en Médecine en 1956, il obtient la distinction de Médaille d’Or des Hôpitaux et devient Docteur en Médecine en 1961.

La rencontre avec celui qui deviendra son maître, le regretté Professeur Jacques MIROUZE qu’il vénérait, l’oriente définitivement vers l’Endocrinologie et la Diabétologie.

Il pressent alors l’importance et l’avenir de l’innovation biologique et technologique en obtenant le certificat de Médecine Nucléaire de Saclay et en s’investissant dans la recherche. Il crée un laboratoire d’Explorations Isotopiques qui constitue alors une étape novatrice dans l’exploration et le traitement des pathologies de la glande thyroïde.

Sa production scientifique et ses travaux cliniques conduisent naturellement à sa promotion universitaire en tant que Professeur de la Faculté de Médecine de Montpellier en 1971 et de Chef de Service d’Endocrinologie au CHU de 1984 à 1995, partageant de façon équitable son activité entre le soin aux malades, la recherche et l’enseignement.

Epaulé efficacement et sans compter par le Docteur Line BALDET, pionnière et fidèle collaboratrice, il devient un expert reconnu à l’international dans le domaine des maladies thyroïdiennes.

En parallèle, le diabète a toujours été pour lui une source d’intérêt, de préoccupation et de recherche.

Il a été l’un des premiers au monde à mettre au point et à publier une méthode d’enregistrement continu de la glycémie qui permet de mieux adapter les doses d’insuline aux besoins de chaque diabétique. Cette technique fut le prélude d’innovations conduites sans relâche par l’équipe du Professeur MIROUZE, puis permettant aujourd’hui à son élève le Professeur Eric RENARD de contribuer au traitement du diabète par pompes à insuline et capteurs, et à cette boucle fermée tant espérée qui transforme la vie des diabétiques de type 1.

Je pourrais évoquer plus précisément ses travaux qui ont donné lieu à plus de 500 publications, livres et conférences dans des revues nationales et internationales sur le cancer de la thyroïde, la maladie de Basedow, le goitre endémique et le diabète. Mais je préfère m’en tenir à son exceptionnel parcours qui l’a amené à exercer les fonctions de Chef de service, de membre de nombreuses sociétés savantes nationales et internationales d’Endocrinologie, de secrétaire général de la Société Française d’Endocrinologie pendant 10 ans, ainsi que ses responsabilités au sein de l’INSERM et de la Commission Médicale du CHU de Montpellier, sans oublier qu’il a été Vice-Président du Syndicat National des Professeurs Hospitalo-Universitaires.

Son action internationale s’est traduite par l’organisation du congrès mondial d’Endocrinologie et bien d’autres manifestations d’ampleur en France et à l’étranger.

Cette trajectoire l’a conduit à être élu à l’Académie Nationale de Médecine comme membre correspondant en 1985 et membre titulaire en 2000. Elle lui a valu la Médaille d’Or du Mérite et du Dévouement Français, d’être promu en tant que Chevalier de la Légion d’Honneur et Officier dans l’Ordre du Lion de la République du Sénégal.

Son investissement sans compter au sein de l’Académie de Médecine et sa contribution active et ouverte sur les problèmes de société l’ont porté à être Président de cette institution

Au-delà de son parcours exceptionnel, franchi ainsi au galop, c’est l’homme que je veux évoquer.

Claude JAFFIOL était un homme curieux de tout, ouvert à chacun au-delà de son milieu, de ses idées, de sa classe, de sa race ou de sa religion. Réfléchi dans sa pensée, mesuré dans sa parole, nuancé dans ses jugements, fiable par ses actes.

Prudent et nuancé dans le jugement par l’expérience de la vie, il faisait sienne la pensée d’Etienne de Condillac : « le caractère de l’esprit juste c’est d’éviter l’erreur de porter des jugements ».

Nous pouvons trouver là le gouvernail de sa vie.

Doté d’un solide bon sens, son sourire entendu en disait long sur sa pensée.

Il n’avait que faire d’un pouvoir hiérarchique et accordait une totale confiance, une liberté sans allégeance à ses collaborateurs en leur laissant développer leurs propres champs d’activité. Tous ses élèves, le Professeur Eric RENARD, le Docteur Isabelle RAINGEARD, tous les autres que je voudrais citer, et bien sûr moi-même, peuvent en témoigner.

J’ai mesuré à ses côtés la pertinence de son analyse au service d’un jugement clinique rapide et très sûr. J’ai été marqué par son exigence, sa rigueur, sa concision dans l’écrit et les conférences scientifiques, dans ses prises de parole et son raisonnement.

Mais les qualités premières de Claude JAFFIOL étaient la fidélité et la ténacité.

Fidèle à la parole donnée. Fidèle à son histoire, à sa famille, à ses amis qu’il a soutenus dans la maladie et l’adversité. Fidèle à son maître le Professeur MIROUZE, fidèle à ses malades qui le lui rendaient, fidèle pour soutenir celui qu’il s’était engagé à épauler quel qu’en soit le prix ou le poids. Quitte à rencontrer, téléphoner des heures, des jours pour convaincre. Quitte à prendre le train ou l’avion à l’aube, sauter dans le RER ou le Métro et revenir le soir, harassé, mais fort de son soutien et du devoir du vote accompli.

Tous ceux qui ont vécu, travaillé avec lui, savent que par-dessus tout, ce grand travailleur était persévérant, obstiné, attaché à ne jamais rien lâcher de ce qu’il avait entrepris. Il aimait à dire que l’intelligence sans la ténacité était improductive, que les intelligents à la tête légère n’apportaient finalement pas grand-chose.

Probablement avait-il retenu le message de tolérance et de combativité de ses parents. De sa mère en particulier, Odette VALETTE, femme de tête, de courage et de liberté, résistante dans le Réseau Aigoual-Cévennes. Son action lui a valu d’abord d’être emprisonnée puis, après la libération, d’être distinguée et décorée.

Je me souviens d’avoir reçu un samedi matin dans le service à Lapeyronie un homme, émissaire de l’état d’Israël et du Mémorial de Yad Vashem, chargé d’instruire la reconnaissance de sa mère en tant que « juste des nations » pour avoir sauvé de nombreux enfants juifs de la déportation. Pudique, il ne m’en avait jusqu’alors jamais parlé.

Nous partageons la peine d’Amina son épouse, de ses enfants et petits-enfants et pensons au vide laissé par son départ.

                                                                                              Jacques BRINGER