Hyperparathyroïdie primaire ? Quelle poursuite diagnostique et/ou quelle attitude thérapeutique?
Question de Mme le Dr Bennani (Rabat – Maroc)
Je souhaiterais avoir votre avis sur le problème suivant: il s agit de Madame F.R agée de 68ans qui rapporte depuis une année un amaigrissement important de 60 kilos à 36 kilos .elle a été opérée en juillet 2010 pour lithiase vésiculaire . Elle rapporte à ce jour des douleurs diffuses à tout le corps. Le bilan traduit une hyper-parathormonémie avoisinant les 300 pg/ml! à plusieurs reprises avec une hypercalcémie -une fois -à 114mg/l et une hypocalciurie retrouvée à deux reprises à 29mg/24h avec normophosphaturie de 24h . Par ailleurs fonction rénale sanguine normale et dosage vitamine 25OH D2 et 25OH D3 bas à 19nmol/L. Une TDM cervicale ne retouve pas d’ adenome ou d’ hyperplasie des parathyroïdes. Un complément de scintigraphie à la Mibi est demandé et en attente.
L’hypothèse diagnostique la plus probable est une hypercalcémie hypocalciurie familiale devant l’association hypercalcémie et hypocalciurie et donc l’attitude serait non chirurgicale. Maintenant la notion de douleurs osseuses et celle d ‘amaigrissement me font envisager une autre piste, un sd para néoplasique par exemple ? Quelle stratégie thérapeutique à envisager ?
Réponse du Dr Pascal Houillier et du Dr Florence Trémollieres
PH: La question est donc celle du diagnostic d’une hyperparathyroïdie. Une question cruciale est celle des valeurs de calcémie contemporaines des mesures de PTH ; on sait que la calcémie a été élevée au moins une fois mais je ne sais pas comment elle était les autres fois.
Les syndromes paranéoplasiques caractérisés par une hypersécrétion de PTH par la tumeur primitive sont extrêmement rares, les cas rapportés pouvant se compter sur les doigts des 2 (voire d’une seule) mains. Ce n’est évidemment pas le cas des syndromes d’ hypercalcémie humorale des néoplasies, qui sont, eux, fréquents, mais à peu près définitivement éliminés, dans ce cas, par l’ hyperparathyroidie. La PTH n’est en effet pas reconnue par les immunodosages de PTH-rP et est régulièrement abaissée voire indosable au cours des syndromes d’ hypercalcemie humorale des néoplasies.
Le diagnostic d’ hypercalcémie familiale bénigne est peu vraisemblable en raison de la valeur de PTH très élevée. Il nécessite également que la patiente soit régulièrement hypercalcémique.
Une hyperparathyroïdie primitive ne peut pas être éliminée sur la seule valeur de calciurie (comment était la créatininurie dans le même recueil ?), encore moins sur la négativité des examens morphologiques.
N’ayant pas d’info sur les valeurs de calcémie habituelle de cette patiente (une seule valeur élevée peut correspondre à une erreur de dosage, ça s’est déjà vu), on doit également se poser la question d’une hyperparathroïdie secondaire. Il existe au moins une cause favorisante qui est l’insuffisance en vit D ; y a t-il eu tentative de correction de celle-ci ? Si oui, est ce que cela a influence la valeur de PTH ?
Je lis que la fonction rénale est normale mais je ne connais pas le critère retenu pour affirmer cela.
Cette patiente prend-elle un traitement quelconque. Si oui, quel est-il ?
En résumé, il y a trop d’inconnues actuellement pour pouvoir avancer un seul diagnostic et donc une stratégie de traitement.
FT: ce tableau clinique, avec toutes les limites inhérentes au manque d’information déjà rappelé, semble plus être celui d’une hyperparathyroïdie secondaire par déficit en vitamine D (probable compte tenu de l’âge de la patiente, du probable faible ensoleillement (chirurgie récente) et de l’hypocalciurie qui est de plus corroborée par la diminution des taux de 25OHD (quel dosage ?)).
Il semble logique de proposer une correction de ce déficit et de refaire le point sur l’ensemble des paramètres biologiques…
Dr Pascal Houiller Département de Physiologie – Hôpital Européen Georges Pompidou et Dr Florence Trémollieres – Centre de Ménopause Hôpital Paule de Viguier CHU de Toulouse
© SFE – Avril 2011