Inhibiteurs de la DDP-IV et inhibiteur de l’enzyme de conversion : risque d’angioedème

Januvia® et IEC ne font pas bon ménage nous explique Brown et al dans un article paru fin 2009. Les auteurs analysent des cas d’angioedème rapportés avec un nouvel antidiabétique oral, le vildagliptin (Glavus®) Ces cas sont issus des essais cliniques effectués avec le vildagliptin et de la base américaine de pharmacovigilance de la FDA en post-commercialisation. Le propos est intéressant car il repose sur l’utilisation de données cliniques émanant de sources diverses (essais cliniques, base de la FDA, Pubmed) mais aussi sur une démonstration pharmacologique des effets étudiés. En revanche, l’extrapolation à la clinique est peut-être difficile car il faut noter le faible effectif de cas concernés, les biais possibles (sélection de patients sous IEC à faible risque d’angioedème, limites des essais cliniques). Cela ne peut qu’inciter à être vigilant chez les patients diabétiques traités par IEC.

Le vildagliptin est un représentant d’une nouvelle classe pharmacologique, les inhibiteurs de la dipeptidylypeptidase-4 (DDP-IV) qui est une protéase qui inactive des incrétines, hormones jouant un rôle important dans l’homéostasie du glucose. Le premier représentant de cette classe, Januvia® (sitagliptine) a obtenu une AMM européenne le 21 mars 2007. La sitagliptine est indiquée dans le traitement du diabète de type 2 pour améliorer le contrôle de la glycémie en association à la metformine et/ou à un sulfamide hypoglycémiant et à un agoniste des récepteurs PPAR g (thiazolidinedione), lorsque cela est approprié. Le rationnel de l’analyse des cas d’angioedème repose sur des données de tolérance post-commercialisation avec le Januvia® mais également sur des données pharmacologiques fondamentales, précliniques et cliniques. Ainsi, l’activité de DDP-IV serait diminuée chez des patients traités par IEC ayant présenté un angioedème, cet enzyme ne dégrade pas seulement des incrétines mais d’autres peptides comme la substance P, qui joue un rôle important dans la physiopathologie des angioedèmes chez les patients traités par IEC. En cas d’inhibition de l’enzyme de conversion, la substance P est inactivée par la DDP-IV. L’inhibition pharmacologique de la DDP-IV pourrait donc augmenter le risque d’angioédème chez les patients traités par IEC. Lors des essais cliniques avec vildagliptin, des cas d’angioedèmes ont été rapportés, conduisant à la mise en place d’une fiche spécifique de recueil de cet effet, avec analyse en aveugle par un comité d’expert. Ce sont ces cas d’angioedème qui sont présentés ainsi que les cas issus de la base de la FDA et une analyse de la littérature médicale (Pubmed).

Résultats : au cours des essais cliniques, 55 cas d’angioedème sont survenus, parmi lesquels 27 cas ont été retenus après analyse. Dix neuf cas surviennent pour 8553 patients traités par le vildagliptin, soit une incidence de 0.22% et 8 cas chez 5368 patients traités par un comparateur soit une incidence de 0.15%. Chez les patients traités par un IEC, l’incidence d’angioedème chez les patients recevant le vildagliptin est de 0.51% pour 0.05% chez les patients traités par un comparateur soit un OR de 9.29 [1.22-70.70] dans l’analyse globale. Le risque d’angioedème est significativement élevé chez les patients traités par 100mg de vildagliptin/jour (et non chez ceux traités par 50 mg/jour). Ces données sont le mêmes que l’on utilise uniquement les cas confirmés (27) ou l’ensemble des cas incluant les non suffisamment documentés (36). Une méta-analyse de ces données retrouve un risque élevé d’angioedème avec 100 mg/jour de vildagliptin, avec une augmentation du risque d’angioedème de 4 à 5 chez les patients traités par IEC. La base de pharmacovigilance de la FDA contient 395 cas d’effets indésirables avec sitagliptin sur 8 mois (entre le 02/11/2006 et le 29/06/2007). Ces cas concernent 271 patients ; 14 cas sont des angioedèmes dont 5 ont un critère de gravité. La recherche bibliographique sur Pubmed retrouve 116 publications en anglais avec le sitagliptin, 8 avec saxagliptin et 13 avec alogliptin. Un cas d’angioedème avec urticaire est survenu au cours d’un essai clinique avec sitagliptin.

Les auteurs concluent qu’il existe un risque accru de survenue d’un angioedème potentiellement grave au cours d’un traitement par inhibiteurs de la DDP-IV, chez les patients traités par IEC.

Source : Brown NJ, Byiers S, Carr D, Maldonado M, Warner BA.
Dipeptidyl peptidase-IV inhibitor use associated with increased risk of ACE inhibitor-associated angioedema.
Hypertension. 2009 Sep; 54(3):516-23. Epub 2009 Jul 6.

Rédaction : Agnès Lillo-Lelouet. Centre Régional de Pharmacovigilance de l’Hôpital Européen Georges Pompidou avec Nicolas Postel-Vinay. Paris. Extrait de HTA-INFO, décembre 2009. SHTA. Mise en ligne SFE mars 2010. Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt par rapport aux données de cet article.