Insuffisance surrénalienne post-corticoïdes : un changement de paradigme
Laurine Mebarki, Lyon
Atelier SFE 02 Comment détecter l’insuffisance surrénale après une corticothérapie au long cours ?
Olivier Chabre, Grenoble
La corticothérapie prolongée est prescrite par de nombreuses spécialités médicales, souvent en dehors de l’endocrinologie. En France, elle concerne plus de 300 000 patients. Elle expose à une complication bien connue des endocrinologues : l’insuffisance surrénalienne post-corticothérapie.
Dans cet atelier, le Professeur Chabre nous a présenté le consensus publié par Beuschlein et al. dans le Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism en 2024 qui fournit des recommandations détaillées sur le sevrage des corticothérapies et sur la prévention des complications liées à l’insuffisance surrénalienne.
Le risque d’inhibition de l’axe corticotrope apparaît principalement après trois mois de traitement et il dépend du type de corticothérapie utilisée, de la dose et de la voie d’administration. C’est l’occasion de rappeler que certaines voies locales, comme les injections intra-articulaires, peuvent également induire une insuffisance corticotrope prolongée.
Le consensus propose deux stratégies principales pour le suivi des patients après arrêt des corticoïdes :
- Suivi clinique uniquement : la corticothérapie est diminuée progressivement puis arrêtée. Le patient est surveillé pour détecter tout signe clinique d’insuffisance surrénalienne ou de syndrome de manque en corticoïdes. Cette approche repose sur l’identification des situations de stress qui peuvent déclencher une crise aiguë. En cas de doute ou de symptômes, une supplémentation doit être administrée immédiatement. Cette stratégie permet de simplifier la prise en charge pour la majorité des patients mais au prix d’une éducation thérapeutique solide.
- Suivi biologique avec cortisol basal à 8h : le dosage du cortisol sanguin effectué 24 heures après la dernière prise de corticoïdes de demi-vie courte permet d’évaluer la fonction surrénalienne. Un taux très bas (< 5mg/dl soit 150nmol/L) justifie une substitution. Un taux élevé (>10mg/dl soit 300nmol/L) permet de rassurer sur la récupération de l’axe corticotrope. Les tests dynamiques ne sont plus systématiquement proposés dans les situations intermédiaires.
Une information importante issue du consensus est qu’il n’existe aucune preuve justifiant de switcher les glucocorticoïdes à action intermédiaire, comme la prednisone, vers l’hydrocortisone dans le but de favoriser la récupération de l’axe corticotrope. En revanche, il faut réaliser un switch pour les corticothérapies de longue durée d’action telles que la dexaméthasone ou la bétaméthasone.
Le consensus précise que la majorité des patients n’a pas besoin de suivi endocrinologique systématique. Cependant, un avis spécialisé reste nécessaire dans deux situations : si la durée de récupération est longue ou si le patient présente une insuffisance surrénalienne aiguë. Les endocrinologues jouent donc un rôle crucial pour encadrer les situations complexes et diffuser leurs connaissances aux prescripteurs non spécialisés, qui sont souvent les principaux initiateurs de corticothérapie.
