Item 124 – Ménopause, Insuffisance ovarienne prématurée

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Situations de départ

  • 21 Asthénie.
  • 24 Bouffées de chaleur.
  • 25 Hypersudation.
  • 26 Anomalies de la croissance staturo-pondérale.
  • 33 Difficulté à procréer.
  • 41 Gynécomastie.
  • 63 Troubles sexuels et troubles de l’érection.
  • 94 Troubles du cycle menstruel.
  • 113 Puberté précoce ou retardée.
  • 306 Dépistage et prévention ostéoporose.
  • 320 Prévention des maladies cardiovasculaires

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Hiérarchisation des connaissances

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Rang Rubrique Intitulé
A Définition Définition de la périménopause et de la ménopause
B Prévalence, épidémiologie Connaître les caractéristiques épidémiologiques de la ménopause naturelle
B Diagnostic positif Savoir définir et diagnostiquer une insuffisance ovarienne prématurée
A Diagnostic positif Connaître les éléments cliniques positifs et/ou biologiques qui permettent de poser le diagnostic de ménopause
A Diagnostic positif Connaître les symptômes du syndrome climatérique
B Diagnostic positif Savoir distinguer des bouffées de chaleur typiques et atypiques
A Diagnostic positif Connaître les signes d’hypo-estrogénie, d’hyper-estrogénie
B Éléments physiopathologiques Connaître les effets de la ménopause à court, moyen et long terme
B Prise en charge Connaître les principes du traitement hormonal de la ménopause (THM)
B Prise en charge Connaître les examens complémentaires nécessaires avant utilisation d’un THM
B Prise en charge Connaître les contre-indications du THM
B Prise en charge Connaître la balance bénéfice-risque du THM en cas de ménopause naturelle et en cas d’insuffisance ovarienne prématurée et les alternatives au THM
B Prise en charge Savoir informer des mesures éducatives et hygiéno-diététiques de la femme ménopausée
A Diagnostic positif Savoir que toute métrorragie chez une femme ménopausée doit être explorée afin d’éliminer un cancer endométrial
A Définition Connaître la définition de l’andropause ou du déficit androgénique lié à l’âge
B Éléments physiopathologiques Connaître l’évolution de la fonction testiculaire avec l’âge
A Diagnostic positif Connaître les éléments cliniques positifs et/ou biologiques qui permettent de poser le diagnostic d’andropause
B Diagnostic positif Connaître les principaux diagnostics différentiels des déficits androgéniques liés à l’âge
B Éléments physiopathologiques Connaître les effets à court, moyen et long terme d’un déficit androgénique lié à l’âge non traité

 

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Ménopause, Insuffisance ovarienne prématurée

  1. Définition et diagnostic
  2. Conséquences de la ménopause
  3. Traitement hormonal de la ménopause, bénéfices et risques
  4. Moyens thérapeutiques
  5. Contre-indications et indications du traitement hormonal de la ménopause
  6. Surveillance et durée du traitement
  7. Alternatives thérapeutiques au traitement hormonal
  8. Conclusion

 

I Définition et diagnostic

A Définition

La ménopause est un phénomène naturel défini par la disparition des règles (aménorrhée) depuis au moins un an. Elle est associée dans 50 à 70 % des cas à un syndrome climatérique (bouffées vasomotrices, sécheresse vaginale, douleurs articulaires…). La majorité des symptômes sont liés à une carence œstrogénique qui est secondaire à l’épuisement du capital folliculaire ovarien.

La ménopause survient en moyenne vers l’âge de 51 ans, et en moyenne un an plus tôt chez les femmes fumeuses. Elle est précédée d’une phase dite de préménopause (encadré) qui est caractérisée par une irrégularité des cycles, d’abord raccourcis puis allongés, une dysovulation puis une anovulation, qui s’installe environ 5 ans avant l’interruption définitive des règles, et parfois déjà quelques bouffées de chaleur.

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Encadré – La préménopause

Il s’agit d’un état transitoire chez la femme de 40 à 50 ans, où la fonction exocrine de l’ovaire diminue progressivement, avec raréfaction des ovulations précédant leur disparition totale, tandis que persiste de façon incomplète et dissociée sa fonction endocrine. La préménopause peut elle-même être divisée en trois phases.

Première phase dite de « phase folliculaire courte »

Cette phase s’installe vers l’âge de 41 à 43 ans. Le premier signe clinique de l’installation de la préménopause est un raccourcissement de la durée des cycles par raccourcissement de la phase folliculaire. Les taux plasmatiques de FSH commencent à s’élever, alors que les taux plasmatiques d’œstradiol (E2) et de LH, le pic ovulatoire de gonadotrophines et la sécrétion de progestérone sont encore normaux. Cette période correspond à une nette réduction de la fertilité.

Seconde phase dite de « corps jaune inadéquat »

Elle est caractérisée par l’appauvrissement progressif du capital folliculaire en nombre et en qualité, et par l’inefficacité croissante de la FSH. Les cycles sont longs, les ovulations tardives, la phase lutéale raccourcie et le taux de progestérone diminué. Il existe souvent une hyperœstrogénie relative. Le déséquilibre, aux dépens de la progestérone, favorise œdème (syndrome prémenstruel) et hyperplasie. L’irrégularité des cycles peut être corrigée par l’administration séquentielle d’un progestatif à titre substitutif, du 16e au 25e jour du cycle.

Troisième phase

Elle se traduit par une anovulation. Elle est le témoin de l’épuisement folliculaire. Les concentrations plasmatiques de FSH approchent des valeurs observées après la ménopause. Les fluctuations imprévisibles du taux d’œstradiol aboutissent à des hémorragies de privation irrégulières et espacées. L’administration d’un progestatif 10 jours par mois permet de régulariser les « règles ».

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Biologiquement, la ménopause se caractérise par une diminution de l’œstradiol plasmatique, associée à une élévation des gonadotrophines, en particulier de la FSH (Follicle Stimulating Hormone), par perte du rétrocontrôle négatif de l’œstradiol sur l’axe hypothalamo-hypophysaire.

B Diagnostic

Le diagnostic est clinique : aménorrhée (avec bouffées de chaleur) de plus d’un an chez une femme de plus de 50 ans. Aucune exploration biologique ne doit être réalisée pour affirmer le diagnostic, sauf en cas d’hystérectomie, où la femme est obligatoirement aménorrhéique — il faut alors doser simultanément l’œstradiolémie (< 20 pg/ml) et la FSH (élevée, > 40 UI/l).

Pour faire le diagnostic sans attendre systématiquement un an d’aménorrhée, on peut proposer un traitement par progestatif, administré seul, sans œstrogène, 10 jours par mois pendant 3 mois consécutifs ; l’absence de saignement à l’arrêt du progestatif signe dans ce contexte l’hypo-œstrogénie et donc la ménopause.

Avant l’âge de 45 ans de façon systématique et entre 45 et 50 ans en l’absence de présentation clinique typique, le dosage de FSH chez une femme en aménorrhée est systématique pour ne pas méconnaître une autre étiologie de l’aménorrhée

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La survenue de l’aménorrhée avec un taux de FSH élevé avant l’âge de 40 ans est pathologique et rentre dans le cadre d’une insuffisance ovarienne prématurée (IOP), nécessitant des explorations spécialisées (cf. Item 42 – Aménorrhée).

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Le terme de ménopause précoce ne doit plus être utilisé et doit être remplacé par celui d’IOP.

 

II Conséquences de la ménopause

Les conséquences de la ménopause sont résumées dans le tableau 1.

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Tableau 1.

Conséquences de l’hypo-œstrogénie de la ménopause. (Source : CEEDMM, 2021.)

À court terme À long terme
Bouffées de chaleur

Asthénie, dépression

Sécheresse cutanéomuqueuse

Troubles fonctionnels urinaires

Douleurs ostéoarticulaires

Augmentation du risque cardiovasculaire

Déminéralisation osseuse, risque de fractures

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A À court terme

La carence œstrogéniqueexplique le syndrome climatérique, qui associe :

  • des manifestations vasomotrices, souvent au premier plan, telles que bouffées de chaleur, crises sudorales, en particulier nocturnes, parfois très gênantes, entraînant ou majorant des troubles du sommeil ;
  • des troubles du sommeil et de l’humeur, qui sont inconstants, à type d’irritabilité, d’anxiété, d’insomnie et parfois à l’origine d’une authentique dépression ;
  • une atrophie de la muqueuse vulvovaginale et une diminution des sécrétions vaginales qui peuvent entraîner une dyspareunie(rapports sexuels douloureux) ;
  • des altérations de l’état cutané, avec en particulier un amincissement et une perte de l’élasticité de la peau par raréfaction des fibres élastiques et du collagène ;
  • une tachycardie.

La durée de ces symptômes (en particulier des bouffées de chaleur) après le début de la ménopause est très variable d’une femme à l’autre mais, le plus souvent, les bouffées de chaleur s’atténuent spontanément après quelques années d’évolution. Parmi les femmes ménopausées, 20 % des femmes ne souffrent jamais de bouffées de chaleur et 20 % les trouvent supportables.

B À moyen terme

La ménopause s’accompagne de douleurs ostéoarticulaires fréquentes (environ 40 %), en particulier au niveau des poignets, qui sont liées à la diminution des œstrogènes.

Au niveau du squelette, le déficit œstrogénique aboutit à une accélération rapide de la perte osseuse, qui peut atteindre 4 % par an après la ménopause.

Le degré d’ostéopénie, voire d’ostéoporose, constaté après la ménopause dépend de facteurs de risque associés :

  • antécédent d’insuffisance ovarienne prématurée spontanée ou iatrogène ;
  • antécédents de fractures non traumatiques à l’âge adulte chez la femme ou chez un parent au premier degré ;
  • masse adipeuse faible, antécédent d’anorexie ;
  • prise de certains médicaments (glucocorticoïdes de synthèse) ;
  • consommation de tabac et d’alcool ;
  • déficit en calcium et en vitamine D ;
  • certaines affections potentiellement inductrices d’ostéoporose (hypogonadisme quelle qu’en soit l’étiologie, hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie).

La perte osseuse au cours de la ménopause se surajoute à la perte physiologique de la masse osseuse liée au vieillissement. L’ostéoporose post-ménopausique, liée à la carence œstrogénique, touche surtout l’os trabéculaire, spongieux (vertèbres et poignets), alors que l’ostéoporose sénile atteint surtout l’os cortical (os longs). L’ostéodensitométrie est l’examen de référence pour évaluer le risque fracturaire (pour ses indications et ses modalités de remboursement : cf. Item 128 – Ostéopathies fragilisantes).

C À long terme

1 Risque cardiovasculaire et ménopause

L’incidence des accidents cardiovasculaires, infarctus ou accident vasculaire cérébral, augmente chez les femmes après la ménopause, lorsque la « protection » cardiovasculaire des femmes tend à s’annuler. Ce risque chez la femme ménopausée rejoint celui observé chez l’homme. Cette protection cardiovasculaire en préménopause chez la femme semble liée aux œstrogènes plutôt qu’à un effet de l’âge, puisque l’ovariectomie chez une femme jeune est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire.

2 Ménopause et système nerveux central

Certains troubles liés au climatère, tels que la baisse de la libido, les troubles de l’humeur, l’irritabilité, le syndrome dépressif, semblent en rapport avec une hypo-œstrogénie au niveau du système nerveux central. Cependant, il n’existe pas actuellement de preuves formelles liant carence œstrogénique et troubles cognitifs ou prévalence de maladie d’Alzheimer.

III Traitement hormonal de la ménopause, bénéfices et risques

Le traitement hormonal de la ménopause (THM) consiste à administrer des œstrogènes chez une femme ménopausée dans le but de contrebalancer les effets de la carence œstrogénique. Il doit être distingué du traitement hormonal substitutif (THS) donné chez une femme jeune pour compenser un déficit œstrogénique (hypogonadismes, qu’ils soient hypergonadotrophiques ou hypogonadotrophiques) et ramener aux taux physiologiques par rapport à une femme de même âge, son taux d’œstradiol.

Un traitement progestatif est associé à l’œstrogénothérapie pour contrecarrer l’effet prolifératif des œstrogènes au niveau endométrial et éviter la survenue d’un cancer de l’endomètre.

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L’association de progestérone ou d’un progestatif avec les œstrogènes est impérative chez les femmes non hystérectomisées.

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A Bénéfices du traitement hormonal de la ménopause

Les bénéfices du THM sont résumés dans le tableau 2.

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Tableau 2.

Bénéfice du traitement de la ménopause. (Source : CEEDMM, 2021.)

Dans l’immédiat À moyen terme À long terme
Suppression des bouffées de chaleur

Sensation de confort physique et psychique

Amélioration de la vie sexuelle

Récupération du dynamisme

Protection contre l’atrophie cutanéomuqueuse Protection contre l’ostéoporose

Effet cardiovasculaire et neurologique ?

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1 Bénéfices à court terme

Les effets du THM sur les bouffées de chaleur, l’atrophie de la muqueuse vaginale et la sexualité sont bien démontrés. À plus long terme, l’effet bénéfique des œstrogènes sur le tractus urogénital pourrait jouer un rôle dans la prévention de l’apparition de prolapsus et/ou d’incontinence chez la femme ménopausée.

Les effets du THM sur la qualité de vie ont été pendant longtemps un argument majeur de prescription. Les effets du traitement sur la qualité de vie sont en fait surtout nets chez les femmes qui sont très gênées par leurs bouffées de chaleur, c’est-à-dire surtout dans les 5 à 10 ans suivant la ménopause.

2 Bénéfices à long terme

Prévention de l’ostéoporose

Les œstrogènes entraînent :

  • une diminution de la résorption osseuse : de nombreuses études ont montré une moindre diminution de la perte osseuse chez les femmes ménopausées traitées par les œstrogènes (augmentation de 2 à 5 % de la densité minérale osseuse dans les premières années de traitement) ;
  • une diminution de l’incidence des fractures ostéoporotiques (diminution de 40 % des fractures du rachis, du poignet et du col fémoral après 5 ans de traitement).

Cependant, cet effet protecteur au niveau de l’os ne dure que pendant l’utilisation du THM : dans les années qui suivent son interruption, une dégradation rapide de la masse osseuse se produit.

Prévention du cancer du côlon

Certaines études, y compris les études prospectives, ont montré une réduction de 20 à 30 % de l’incidence du cancer du côlon chez les femmes sous THM par rapport aux femmes sous placebo.

Prévention cardiovasculaire

Un objectif longtemps revendiqué du THM était la prévention des événements cardiovasculaires, mais il n’est pas formellement démontré à ce jour.

Prévention des troubles cognitifs

L’effet bénéfique du THM n’est pas démontré sur la fonction cognitive chez les femmes de plus de 65 ans.

B Risques du traitement hormonal de la ménopause

1 Cancer du sein

Son risque de survenue est corrélé à la durée du traitement et à la dose :

  • il augmente après 5 ans de traitement ;
  • il est d’autant plus important que les femmes sont âgées ;
  • il est en moyenne augmenté de 20 à 30 % par le THM après 10 ans d’utilisation.

En chiffres absolus, à l’échelon individuel, le risque de cancer du sein reste minime. Sur 10 000 femmes sans traitement de ménopause, 450 présenteront un cancer du sein entre 50 et 70 ans, alors que sous THM pendant 5 ans, le nombre de cas supplémentaires pour 10 000 femmes est de 8. Ce risque n’est présent que chez les utilisatrices en cours de traitement. Il disparaît après l’arrêt du THM, en 2 ans. Le risque de cancer du sein est légèrement supérieur chez les femmes prenant une association d’œstrogènes et de progestatifs que chez celles prenant des œstrogènes seuls.

2 Accidents veineux thromboemboliques (AVTE)

Le risque d’AVTE (phlébite et/ou embolie pulmonaire) est multiplié par deux sous THM. En chiffres absolus, le risque reste néanmoins minime : ainsi, sur 5 années et pour 1 000 femmes non traitées par THM, 3 feront un AVTE entre 50 et 59 ans et 11 en feront un entre 60 et 69 ans ; si elles sont traitées par THM, ces chiffres passent à 7 chez les femmes de 50 à 59 ans (4 AVTE en plus) et à 20 (9 AVTE en plus) chez les femmes de 60 à 69 ans.

Lorsque les œstrogènes sont administrés par voie transcutanée, ils ne semblent pas être associés à un risque supérieur d’AVTE.

3 Accidents vasculaires cérébraux (AVC)

Le risque d’AVC pourrait être augmenté de 30 % dans certaines études. Il s’agit d’une augmentation du risque des AVC ischémiques, mais non des accidents hémorragiques, possiblement en rapport avec l’effet prothrombotique des œstrogènes oraux.

4 Lithiases biliaires

Le risque des lithiases biliaires serait augmenté de 50 % environ par le THM.

 

IV Moyens thérapeutiques

A Œstrogènes

En France, l’œstrogène utilisé est surtout l’œstrogène naturel, appelé 17β-œstradiol. Il peut être administré par voie orale, par voie percutanée (gel) ou par voie transdermique (patch).

Les œstrogènes administrés par voie percutanée ou transdermique ont l’avantage d’éviter le premier passage hépatique. Cette voie limite l’augmentation des facteurs de la coagulation, ce qui explique peut-être l’absence de surrisque d’accidents veineux thromboemboliques, alors que la voie orale est associée à un excès de risque. Les gels sont appliqués sur les cuisses et/ou le ventre mais jamais les seins. La dose quotidienne de 17β-œstradiol permettant une prévention de l’ostéoporose est de 1 à 2 mg per os ou de 50 à 100 μg par voie transdermique.

Le 17β-œstradiol est habituellement administré au minimum 25 jours par mois, généralement associé à de la progestérone ou à un progestatif, au moins les 12 derniers jours, parfois en continu (tableau 3). Le traitement continu permet de ne pas induire de saignements de privation. En l’absence d’utérus (hystérectomie), le traitement œstrogénique peut être administré seul. Au contraire en présence d’un utérus, l’association à de la progestérone ou un progestatif est obligatoire afin de prévenir le risque d’hyperplasie de l’endomètre et donc de cancer de l’endomètre.

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Tableau 3.

Schémas de traitement. (Source : CEEDMM, 2021.)

« Traitement sans saignements de privation ».

Traitement séquentiel Traitement combiné discontinu Traitement combiné continu
Œstradiol de J1 à J25 du mois

Progestérone ou progestatif de J14 à J25 du mois

Œstradiol et progestérone ou progestatif de J1 à J25 du mois Œstradiol et progestérone avec un progestatif tous les jours sans interruption

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L’adaptation de la dose d’œstrogène se fait sur la clinique et non sur des dosages hormonaux. Les signes de sous-dosages ou de surdosages sont mentionnés dans le tableau 4. Les signes de sous-dosage en œstrogène sont essentiellement la persistance des bouffées de chaleur, les signes de surdosage sont la tension mammaire.

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Tableau 4.

Comment apprécier le dosage d’œstrogènes ? (Source : CEEDMM, 2021.)

Signes de surdosage en œstrogènes Signes de sous-dosage en œstrogènes
Tension douloureuse des seins

Prise de poids

Gonflement abdominal

Nervosité, irritabilité

Persistance ou réapparition des bouffées de chaleur

Fatigue

Céphalées

Manque de tonus, état dépressif

Douleurs articulaires

Troubles urinaires

Sécheresse vaginale

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B Progestérone ou progestatifs

Leur prescription est obligatoire chez toute femme n’ayant pas été hystérectomisée et recevant une thérapeutique par les œstrogènes. Les produits utilisés sont habituellement la progestérone naturelle (ou la rétroprogestérone) et les dérivés de la 17-hydroxyprogestérone, les norprégnanes et les prégnanes. Les progestatifs dérivés de la 19-nortestostérone doivent être évités compte tenu de leur effet androgénique délétère sur les paramètres métaboliques.

Ils peuvent être administrés per os, par voie vaginale ou rarement en transdermique.

Une hémorragie de privationsurvient lors de la période d’interruption du THM chez environ 20 % des femmes traitées. Ce saignement est fonctionnel et ne justifie donc pas d’exploration. Si les saignements surviennent pendant la période des 25 jours de traitement, ils doivent être considérés comme possiblement organiques et déclencher des explorations (échographie pelvienne, hystéroscopie) à la recherche d’une cause comme un polype ou un cancer endométrial.

Si la patiente ne souhaite pas de saignements, il est possible de lui proposer un traitement continu. Cependant des saignements intercurrents peuvent survenir dans 40 à 70 % des cas, posant alors le problème de leur organicité possible.

 

V Contre-indications et indications du traitement hormonal de la ménopause

A Contre-indications

1 Cancer du sein et de l’endomètre

Le cancer du sein est un cancer hormonodépendant dont la prolifération est favorisée par les œstrogènes. Il contre-indique formellement l’utilisation d’une œstrogénothérapie.

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Un cancer du sein doit être systématiquement éliminé avant toute prescription d’œstrogènes par l’examen clinique et la réalisation d’une mammographie.

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Le dépistage du cancer du sein sera, par ailleurs, un élément essentiel de la surveillance du traitement hormonal de la ménopause. Les antécédents familiaux de cancer du sein, en particulier parmi les apparentés au premier degré (mère, sœur), peuvent constituer une contre-indication relative.

Il existe également d’autres tumeurs œstrogénodépendantes connues ou suspectées, par exemple le cancer de l’endomètre, qui représentent autant de contre-indications au THM.

2 Antécédents thromboemboliques

Artériels

Le traitement hormonal est contre-indiqué en cas d’antécédent artériel ischémique, qu’il soit coronarien ou cérébral, en cas de cardiopathie emboligène, et doit être arrêté en cas de survenue d’événement de ce type.

Veineux

Le traitement hormonal, surtout utilisé par voie orale, est formellement contre-indiqué en cas d’accidents thromboemboliques veineux survenus sous contraception œstroprogestative ou dans le post-partum, d’antécédents de phlébite ou d’embolie pulmonaire.

3 Autres

Les autres contre-indications du THM sont :

  • hémorragie génitale sans diagnostic établi ;
  • affection hépatique aiguë ou chronique.

La présence de facteurs de risque coronarien (diabète, tabagisme, HTA) doit amener à bien évaluer le rapport bénéfice/risque avant de prescrire un THM.

B Indications et mise en route du traitement hormonal de la ménopause

1 Interrogatoire et examen clinique rigoureux (tableau 5)

L’interrogatoire :

  • confirme la réalité de la ménopause et apprécie l’importance des signes de carence œstrogénique ;
  • recherche les facteurs de risque cardiovasculaire et les antécédents thromboemboliques veineux ou artériels ;
  • recherche les antécédents personnels et familiaux de cancer du sein ou de l’endomètre.

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Tableau 5.

Bilan avant la prescription d’un traitement hormonal de la ménopause. (Source : CEEDMM, 2021.)

Interrogatoire Examen physique Mammographie Bilan sanguin
Antécédents personnels et familiaux :

• de cancer

• métaboliques

• vasculaires

Signes de carence œstrogénique

Poids, pression artérielle

Palpation des seins

Examen gynécologique

Frottis cervicovaginal

Systématique Cholestérol

Triglycérides

Glycémie

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La patiente sera informée des risques à court, à moyen et à long termes pouvant être induits par le THM (+++).

L’examen clinique comprend : la mesure du poids, la prise de la pression artérielle, un examen gynécologique avec un frottis cervico-utérin et une palpation des seins.

Dans les examens complémentaires avant la mise sous THM, la mammographie est nécessaire. La réalisation d’une échographie pelvienne, non obligatoire, est utile pour visualiser l’endomètre et la présence d’éventuels myomes sous-muqueux (pouvant être à l’origine de saignements sous THM). Il est utile de faire un dosage du cholestérol et des triglycérides, ainsi qu’une glycémie veineuse à jeun.

2 En pratique

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Haute Autorité de la Santé (juillet 2014)

La HAS propose un maintien des remboursements des traitements de ménopause mais recommande des doses minimales et une durée limitée. La HAS rappelle que les risques connus de ces traitements se confirment et recommande un traitement aux doses les plus ajustées et le plus court possible, réévalué au moins chaque année.

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En présence de troubles fonctionnels

Lorsque des troubles fonctionnels liés à la carence œstrogénique sont gênants ou considérés comme tels, un THM peut être instauré en première intention, si la patiente le souhaite, à la dose minimale efficace et tant que durent les symptômes. Dans cette indication, le bénéfice/risque du THM reste favorable à court terme (moins de 5 ans).

En présence de risques élevés d’ostéoporose

Chez les femmes ménopausées ayant un risque élevé de fractures ostéoporotiques et éventuellement après mesure de la densité minérale osseuse (DMO), un THM peut être administré en deuxième intention en cas d’intolérance ou de contre-indications aux autres traitements indiqués dans l’ostéoporose (cf. Item 128 – Ostéopathies fragilisantes).

Le THM doit être instauré à la ménopause, le plus précocement possible.

En l’absence de trouble fonctionnel

Chez les femmes ne présentant ni trouble fonctionnel ni facteur de risque d’ostéoporose, le THM ne doit pas être prescrit de manière systématique. Il doit être décidé au cas par cas, en fonction de la situation et des souhaits de la femme, en l’informant de l’ensemble des bénéfices attendus et des risques potentiels.

 

VI Surveillance et durée du traitement

A Après quelques mois de traitement

Une nouvelle consultation est nécessaire à 3–6 mois, pour évaluer la tolérance et l’efficacité du traitement, pour vérifier le bon dosage de l’œstrogénothérapie (tableau 4) :

  • une dose insuffisante d’œstrogènes se traduit par une persistance des bouffées de chaleur, éventuellement d’autres symptômes du climatère et une sécheresse vaginale ;
  • le surdosage en œstrogènes est très souvent accompagné de l’apparition de tension et de douleurs mammaires (mastodynies) ; dans ce cas, la dose d’œstrogènes doit être diminuée.

B À moyen terme

La surveillance comprend, outre l’examen clinique tous les 6 à 12 mois, une mammographie tous les 2 ans et un frottis cervicovaginal tous les 3 ans. L’échographie pelvienne voire l’hystéroscopie seront réalisées en cas de saignements utérins anormaux.

À l’heure actuelle, la durée recommandée de traitement est de 5 ans, avec réévaluation tous les ans du rapport bénéfice/risque. L’arrêt du traitement est mieux supporté quand il est progressivement dégressif.

 

VII Alternatives thérapeutiques au traitement hormonal

Ces alternatives sont utiles en cas de contre-indications au THM classique.

A Modulateurs spécifiques du récepteur des œstrogènes (SERM)

Il s’agit de molécules capables de se comporter comme des anti-œstrogènes dans certains tissus cibles et comme des œstrogènes dans d’autres tissus. Un exemple est le raloxifène qui possède les effets bénéfiques de l’œstradiol au niveau de l’os et du système cardiovasculaire, alors qu’il se comporte comme un anti-œstrogène au niveau de l’endomètre et du sein. Parmi ses inconvénients, sous raloxifène, les bouffées de chaleur persistent, voire sont augmentées, et il existe des effets prothrombotiques (RR = 3) proche du THM. Ce produit n’est pas pris en charge par la Sécurité sociale.

B Autres molécules

La tibolone est un progestatif qui a une activité triple : œstrogénique, progestative et androgénique. Il diminue les bouffées de chaleur, améliore la trophicité vaginale et la DMO. Toutefois, il a les contre-indications des œstrogènes sur le cancer du sein, les effets métaboliques délétères des nor-stéroïdes et un effet prothrombotique. Ce produit n’est pas pris en charge par la Sécurité sociale.

Lorsque les bouffées de chaleur sont très symptomatiques, en cas de contre-indication aux œstrogènes, plusieurs molécules peuvent être proposées : certains proposent des traitements par bêta-alanine ou par des inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine à faible dose qui on fait la preuve de leur efficacité contre placebo chez des femmes ayant une contre-indication au THM. Les dérivés de soja contenant des phyto-œstrogènes n’ont pas fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité.

En cas d’ostéoporose, outre une thérapeutique vitaminocalcique, un traitement par les bisphosphonates peut être proposé (cf. Item 128 – Ostéopathies fragilisantes).

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À ne pas oublier

Chez toutes les femmes ménopausées, surtout celles ayant une contre-indication ou une non-indication aux œstrogènes, il est possible de proposer un traitement local par œstrogènes (ovules ou crèmes) afin de préserver une bonne trophicité du tractus urogénital.

À l’instauration du THM, il est nécessaire :

  • de réaliser le dépistage et la prise en charge des différents facteurs de risque cardiovasculaire, de façon à limiter la survenue d’événements cardiovasculaires indésirables, favorisés par la carence œstrogénique chronique ; l’arrêt du tabac doit être envisagé ;
  • de promouvoir un exercice physique régulier, une alimentation riche en calcium et un régime supplémenté en vitamine D, afin de limiter les autres facteurs de risque d’ostéopénie et d’ostéoporose.

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VIII Conclusion

Le THM a été préconisé très largement dans les années 1980–1990 à beaucoup de femmes ménopausées. La publication d’études prospectives randomisées versus placebo a permis ces vingt dernières années de confirmer l’efficacité de ce traitement sur la prévention du risque fracturaire lié à l’ostéoporose ménopausique, mais elle a fait apparaître un surrisque vasculaire avec des œstrogènes par voie orale, surtout chez des femmes à risque vasculaire, ainsi qu’une augmentation du risque de cancer du sein chez les femmes traitées.

L’efficacité du traitement sur les manifestations climatériques est supérieure à toute autre thérapeutique. Ainsi, la prescription du THM est à envisager chez toute femme symptomatique qui le souhaite, à condition qu’elle ne présente pas de contre-indication, que la nécessité du traitement soit régulièrement évaluée et que la patiente soit clairement informée des bénéfices et risques du traitement.

 

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Points-clés

  • La ménopause est un processus physiologique, survenant vers l’âge de 51 ans, défini par la disparition des règles depuis au moins un an, associé à un syndrome climatérique (bouffées de chaleur). Biologiquement, l’œstradiol est bas, les gonadotrophines (FSH ++) élevées, en rapport avec la perte du capital folliculaire.
  • Le diagnostic est cependant clinique et ne nécessite pas de dosages hormonaux, sauf en cas d’antécédent d’hystérectomie.
  • Les conséquences de la carence œstrogénique sont : un syndrome climatérique associant bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, sécheresse vaginale, troubles du sommeil et de l’humeur ; une perte osseuse favorisant les fractures ostéoporotiques ; un risque cardiovasculaire plus important.
  • Les effets du THM ont été récemment réévalués par de nombreuses études anglo-saxonnes : il améliore notablement le syndrome climatérique et donc la qualité de vie ; il diminue la résorption osseuse et prévient les fractures (mais l’effet protecteur est limité à la période d’utilisation).
  • Dans les études anglo-saxonnes randomisées, réalisées chez des femmes de plus de 60 ans recevant des œstrogènes oraux et un progestatif de synthèse peu utilisé en France, il n’a été observé ni effet protecteur sur la survenue des événements cardiovasculaires (coronariens ou vasculaires cérébraux), tant en prévention primaire que secondaire, ni effet démontré sur la fonction cognitive.
  • Le traitement hormonal est associé à une augmentation de 20 à 30 % de l’incidence du cancer du sein et, en cas de traitement œstrogénique oral, à un doublement du risque d’accident veineux thromboembolique.
  • Le rapport bénéfice/risque du THM doit donc être discuté de façon individuelle, et si l’indication est retenue (après vérification des contre-indications), on recommande maintenant de proposer le THM pour une période limitée et de renforcer par ailleurs les conseils hygiéno-diététiques (exercice, apport vitaminocalcique, arrêt du tabac).
  • On utilise le 17β-œstradiol par voie percutanée ou orale, 20 jours par mois, associé à la progestérone naturelle ou à un dérivé non androgénique, au minimum 12 jours par mois.
  • La réévaluation du traitement et de son indication doit être au moins annuelle et la surveillance mammaire attentive (examen clinique tous les 6 mois, mammographie tous les 2 ans).

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© CEEDMM – Août 2022.