Item 246 – Gynécomastie

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Situations de départ

  • 24 Bouffées de chaleur.
  • 33 Difficulté à procréer.
  • 40 Écoulement mamelonnaire.
  • 41 Gynécomastie.
  • 42 Hypertension artérielle.
  • 51 Obésité et surpoids.
  • 63 Troubles sexuels et troubles de l’érection.
  • 113 Puberté précoce ou retardée.
  • 164 Anomalie de l’examen clinique mammaire.
  • 194 Analyse du bilan thyroïdien.
  • 266 Consultation de suivi d’un patient polymédiqué.

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Hiérarchisation des connaissances

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Rang Rubrique Intitulé
A Définition Connaître la définition d’une gynécomastie
B Éléments physiopathologiques Connaître les mécanismes impliqués dans le développement d’une gynécomastie
A Diagnostic positif Connaître les signes cliniques d’une gynécomastie
B Examens complémentaires Connaître la place de la mammographie dans l’exploration d’une gynécomastie
B Étiologie Connaître les causes générales (IRC, cirrhose)
B Étiologie Connaître les causes médicamenteuses et toxiques
B Examens complémentaires Connaître les explorations complémentaires nécessaires au diagnostic étiologique de gynécomastie
B Étiologie Connaître les causes endocriniennes de gynécomastie
B Étiologie Connaître la présentation d’une gynécomastie idiopathique

 

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Gynécomastie

  1. Définition
  2. Physiopathologie
  3. Démarche diagnostique
  4. Traitement

 

I Définition

La gynécomastie est une hyperplasie du tissu glandulaire mammaire, fréquente, qui peut être uni- ou bilatérale. Elle est parfois découverte de façon fortuite, plus souvent à l’occasion d’une gêne sensible de la région péri-aréolaire, voire d’une augmentation visible et indolore du sein chez l’homme. Il s’agit d’un symptôme fréquent, répondant à de nombreuses étiologies dont la caractéristique commune est d’augmenter le rapport œstradiol/testostérone.

 

II Physiopathologie

Le tissu mammaire dispose, dans les deux sexes, des mêmes potentialités de développement. Chez l’homme son absence de développement est liée à l’absence de stimulation par les œstrogènes, normalement produits en faible quantité, et à l’effet antagoniste de la testostérone.

Dès qu’apparaît un déséquilibre entre la quantité circulante d’œstrogènes (augmentation) et/ou celle de la testostérone (diminution), le tissu mammaire est stimulé, conduisant à une gynécomastie. Chez l’homme normal, 80 % des œstrogènes sont produits par conversion périphérique, en particulier dans le tissu adipeux, de la Δ4-androstènedione et de la testostérone sous l’influence d’une aromatase.

Plus que le rapport des hormones totales, c’est le rapport de la testostérone libre à l’œstradiol libre qui conditionne la survenue d’une gynécomastie. Comme les deux hormones (testostérone et œstradiol) circulent en partie sous forme libre et en partie sous forme liée à la TeBG (Testosterone-estradiol Binding Globulin, ou SHBG, Sex Hormone Binding Globulin), les variations des concentrations de TeBG sont aussi susceptibles d’influencer le rapport testostérone libre sur œstradiol libre et donc de favoriser une gynécomastie — la TeBG ayant une affinité supérieure pour la testostérone que pour l’œstradiol, son augmentation provoque une diminution de la testostérone libre plus importante que celle de l’œstradiol libre.

 

III Démarche diagnostique

(Cf. fig. 1.)

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Fig. 1.

Stratégie diagnostique en cas de gynécomastie.

(Source : CEEDMM, 2021.)

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A S’agit-il d’une gynécomastie ou d’une adipomastie ?

De nombreux patients venant consulter pour gynécomastie ont, en fait, une adipomastie sans prolifération glandulaire.

1 Clinique

Cliniquement, le patient est examiné en position allongée, en pressant le sein entre le pouce et l’index et en rapprochant les doigts progressivement autour du mamelon. L’examen est complété par les aires ganglionnaires et surtout la palpation testiculaire.

En cas de gynécomastie (fig. 2), on palpe un tissu ferme ou rugueux, mobile, arrondi, centré par le mamelon. Elle peut être aussi bien unilatérale que bilatérale sans que ceci ait la moindre importance diagnostique ou pronostique.

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Fig. 2.

Aspect clinique d’une gynécomastie modérée.

(Source : CEEDMM, 2021.)

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En cas d’adipomastie, on ne palpe rien. Mais le diagnostic différentiel est parfois difficile, justifiant alors, sans hésiter, une mammographie.

La pression concentrique et l’expression du mamelon rechercheront aussi une galactorrhée évocatrice d’une pathologie de la prolactine.

2 Mammographie et échographie mammaire

Elles affirment le diagnostic en cas de doute diagnostique à l’examen clinique.

Elles permettent en outre d’éliminer un rare cancer du sein (< 1 %) chez l’homme, que l’on aurait pu suspecter sur une gynécomastie excentrée, dure, fixée aux plans profonds et parfois associée à une déformation du mamelon, voire à un écoulement sanglant.

En cas de gynécomastie simple, la mammographie montre une opacité nodulaire ou triangulaire, étoilée (fig. 3), alors qu’elle ne trouve aucun tissu en cas d’adipomastie.

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Fig. 3.

Aspect typique de gynécomastie sur la mammographie : îlot glandulaire nodulaire rétromamelonnaire.

(Source : CEEDMM, 2021.)

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B Quelle est l’étiologie de cette gynécomastie ?

S’il est facile de reconnaître une gynécomastie, son diagnostic étiologique l’est beaucoup moins. Après avoir écarté les situations évidentes s’accompagnant d’une gynécomastie, le diagnostic impose la réalisation de quelques examens hormonaux simples et une échographie testiculaire.

1 Situations évidentes associées à une gynécomastie

Insuffisance rénale chronique

La gynécomastie peut être multifactorielle : liée à l’augmentation de la TeBG, à l’hypogonadisme secondaire à l’hyperprolactinémie en cas d’insuffisance rénale sévère.

Cirrhose

Elle peut représenter dans certaines séries 8 % des étiologies de gynécomasties. La gynécomastie est fréquente (40 % des cas). Elle est souvent associée à des signes d’hypogonadisme.

Le mécanisme de cette gynécomastie peut être double : baisse de la production d’androgènes et augmentation des concentrations d’œstradiol libre par activation de la synthèse hépatique de la TeBG. La toxicité de l’alcool est également en cause. La renutrition d’un patient dénutri s’accompagne aussi parfois d’une gynécomastie par un mécanisme proche de celui de la cirrhose.

Médicaments

Ils sont à l’origine de 10 à 25 % des gynécomasties selon les séries.

La liste des médicaments ou des substances stupéfiantes susceptibles de s’accompagner d’une gynécomastie est indiquée dans le tableau 1.

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Tableau 1.

Médicaments responsables d’une gynécomastie (niveau de preuve élevé). (Source : CEEDMM, 2021.)

Hormones et anti-hormones Œstrogènes

Androgènes et anabolisants stéroïdiens

Gonadotrophines chorioniques

Antiandrogènes : acétate de cyprotérone (Androcur®), flutamide (Eulexine®)

Agonistes de la GnRH (médicaments utilisés dans le traitement du cancer de la prostate)

Inhibiteurs de la 5α-réductase dont finastéride (Chibroprocar®)

Spironolactone (Aldactone®): inhibiteur du récepteur de l’aldostérone et des androgènes

Médicaments psychoactifs Neuroleptiques : rispéridone (Risperdal®), halopéridol (Haldol®), amisulpride (Solian®), olanzapine (Zyprexa®)

Phénothiazines : chlorpromazine (Largactil®)

Antidépresseurs tricycliques : amitriptyline (Largatil®), imipramine (Tofranil®), clomipramine (Anafranil®)

Chimiothérapie anticancéreuse Agents alkylants
Antibiotiques et antirétroviraux Isoniazide (Rimifon®)

Kétoconazole (Nizoral®)

Antirétroviraux : didanosine (Videx®), éfavirenz (Sustiva®), indinavir (Crixivan®), névirapine (Viramune®)

Antiulcéreux et antiacide  Cimétidine (Tagamet®)

Oméprazole (Mopral®, Zoltum®)

Ranitidine (Azantac®, Raniplex®)

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Le mécanisme de ces gynécomasties iatrogènes est très variable : prise des hormones elles-mêmes ou de produits œstrogéno-mimétiques, de produits bloquant la sécrétion d’androgènes ou empêchant leur action.

Les médicaments le plus souvent en cause (niveau de preuve élevé) sont la spironolactone (Aldactone®), les antiandrogènes, le kétoconazole (Nizoral®), les neuroleptiques (par leur effet sur la prolactine et donc la baisse de la testostérone), certains antibiotiques, antirétroviraux et antiulcéreux dont les mécanismes d’action ne sont pas connus.

Dans les autres cas, les mécanismes d’action sont mal documentés et les niveaux de preuve faibles.

Si aucune de ces situations évidentes associées à une gynécomastie n’est trouvée à l’interrogatoire, à l’examen clinique ou en cas d’anomalie du volume testiculaire, une exploration hormonale est de toute manière nécessaire.

2 Exploration hormonale minimale indispensable

Elle comporte les dosages sanguins de T4 libre, TSH, hCG, testostérone totale, LH, FSH, prolactine et œstradiol. Cette exploration hormonale doit être complétée systématiquement par une échographie testiculaire.

3 Étiologie endocrinienne des gynécomasties

Hyperthyroïdie

Au cours de l’hyperthyroïdie, la gynécomastie est liée à la stimulation par les hormones thyroïdiennes, de la synthèse de TeBG (ou SHBG) par le foie.

Insuffisance testiculaire, ou hypogonadisme périphérique

Il est responsable de 8 % des gynécomasties.

Lorsque la concentration de testostérone plasmatique est basse et s’accompagne d’une élévation de celle de FSH et de LH (hypogonadisme par lésion testiculaire), la gynécomastie est fréquente.

Généralement (mais ce n’est pas toujours le cas), il existe aussi des signes d’insuffisance gonadique et la palpation des testicules trouve une diminution de volume des gonades.

Parfois la gynécomastie est le premier signe d’un hypogonadisme périphérique, ne s’accompagnant pas encore ni de troubles sexuels ni d’une baisse de la concentration de testostérone (qui reste normale) : le diagnostic ne repose alors que sur l’élévation des gonadotrophines.

Le syndrome de Klinefelter (caryotype 47,XXY) en est l’étiologie la plus fréquente (40 % des patients porteurs d’un syndrome de Klinefelter ont une gynécomastie). Le diagnostic est fait par le caryotype.

D’autres étiologies plus rares sont retrouvées à l’interrogatoire (antécédents d’orchite ou de traumatisme génital, parfois très ancien, histoire de torsion testiculaire, chimiothérapie anticancéreuse ou irradiation…).

Hypogonadisme d’origine hypothalamique ou hypophysaire

C’est la découverte d’une concentration de testostérone basse associée à une non-élévation de celle des gonadotrophines (FSH et LH abaissées ou normales) qui en permet le diagnostic.

Une imagerie de la région hypophysaire par scanner ou IRM est alors indispensable, de même qu’un dosage de prolactine.

L’hyperprolactinémie freine la sécrétion des gonadotrophines et donc de la testostérone et stimule le développement mammaire.

Les autres causes sont généralement tumorales, par exemple adénome de l’hypophyse non fonctionnel, tumeur hypothalamique ou hypogonadisme non tumoral.

Tumeur sécrétant des œstrogènes

La présence d’une concentration élevée (> 40 pg/ml) d’œstradiol, associée ou non à une testostéronémie basse, doit faire penser à une tumeur productrice d’œstrogènes, testiculaire le plus souvent (leydigome) ou surrénalienne, exceptionnelle.

L’échographie testiculaire constitue l’examen clé. Elle permet même parfois de visualiser des tumeurs non palpables.

Si la source d’œstrogènes n’est pas testiculaire, on s’oriente vers une origine surrénalienne : le scanner abdominal révèle une tumeur maligne.

Tumeurs sécrétant hCG

Un dosage d’hCG est indispensable. En cas d’élévation, ceci justifie la réalisation d’abord d’une échographie testiculaire à la recherche d’une tumeur maligne germinale (choriocarcinome testiculaire) et d’une IRM cérébrale (germinome hypothalamique, souvent responsable également d’un diabète insipide).

Ces tumeurs sécrétant de l’hCG ne sont pas nécessairement trophoblastiques et peuvent intéresser les bronches, le foie. Elles sont alors à l’origine d’une authentique sécrétion ectopique d’hCG. Un scanner est toujours indiqué lors du bilan d’extension de ces tumeurs malignes.

Le traitement repose le plus souvent sur une chimiothérapie en première intention après conservation de sperme.

Gynécomastie idiopathique

Fréquemment, aucune cause n’est trouvée ; il s’agit alors d’une gynécomastie idiopathique. Elle disparaîtra d’elle-même ou persistera, justifiant une exérèse chirurgicale. Elle est plus fréquente à certaines périodes de la vie.

Gynécomastie du nouveau-né

Elle se développe chez plus de deux tiers des nouveau-nés. Elle est liée à un passage transplacentaire des œstrogènes maternels.

Gynécomastie pubertaire

Elle peut se voir dès l’âge de 10 ans. C’est surtout vers 13 ou 14 ans que l’on observe une gynécomastie, puis elle diminue avec l’âge, mais elle peut durer jusqu’à 18 à 20 ans (30 à 70 % des garçons de 10 à 17 ans ont une gynécomastie).

Elle est liée à l’augmentation progressive de la production d’androgènes pendant cette période dont l’aromatisation aboutit à un taux transitoirement accru d’œstrogènes. Elle rétrocède habituellement après la puberté de façon spontanée. La palpation testiculaire est néanmoins indispensable, à la recherche d’une atrophie testiculaire ou d’une tumeur (+++).

En cas de persistance d’une gynécomastie après l’âge de 20 ans, il est légitime d’explorer ces patients à la recherche d’une pathologie (cf. supra).

Gynécomastie du sujet âgé

Elle est également fréquente après l’âge de 65 ans, jusqu’à 50 % des hommes sur des séries autopsiques. Elle est en rapport avec la diminution de la fonction testiculaire habituelle à cet âge et à l’augmentation de la transformation des androgènes en œstrogènes (aromatisation) en périphérie (augmentation relative de la masse grasse). Néanmoins, quand bien même sa fréquence, chez un patient consultant pour ce problème, même en cas de palpation testiculaire normale, il est légitime de l’explorer à la recherche d’une pathologie.

 

IV Traitement

Le traitement doit viser autant que possible à traiter la cause de la gynécomastie. Ce traitement sera le plus souvent efficace.

A Traitement des gynécomasties pubertaires

Il faut ne rien faire. La gynécomastie disparaîtra d’elle-même. Il faut rassurer les parents et l’enfant. Si la gynécomastie persiste après l’âge de 18 ans et qu’aucune étiologie n’a été trouvée, en cas de gêne ou de préjudice esthétique, l’exérèse du tissu glandulaire au prix d’une minime cicatrice aréolaire est possible.

B Traitement des gynécomasties idiopathiques de l’adulte

Si un traitement hormonal est entrepris, il doit, pour avoir les meilleures chances de succès, être débuté tôt, pendant la phase active, proliférative de la gynécomastie. En effet, au bout de 12 mois le tissu glandulaire se transforme en un tissu fibreux qui a peu de chances de répondre au traitement. Il fait appel aux androgènes non aromatisables (dihydrotestostérone, Andractim®) par voie percutanée en application sur la gynécomastie (actuellement non disponible à la vente).

En absence d’amélioration au bout de 3 mois, la chirurgie plastique peut être indiquée. Il en est de même des gynécomasties secondaires si le facteur étiologique a été traité et qu’une gynécomastie devenue fibreuse, persiste.

 

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Points-clés

  • La mammographie est le meilleur examen permettant de confirmer le diagnostic de gynécomastie et d’éliminer les diagnostics différentiels les plus fréquents (adipomastie, cancer du sein).
  • En dehors des causes évidentes sous réserve d’un examen clinique normal, il convient de poursuivre les investigations par une exploration hormonale minimale (T4 libre, TSH, hCG, testostérone totale, LH, FSH, prolactine, œstradiol) et par une échographie testiculaire.
  • Selon les séries, les causes les plus fréquentes sont : médicamenteuses (10 à 25 %), idiopathique (25 %), une cirrhose (8 %), une insuffisance testiculaire (8 %) ou gonadotrope et, plus rarement, les causes tumorales (leydigomes et tumeur à hCG).
  • Le traitement est d’abord étiologique.
  • En cas de gynécomastie idiopathique, le traitement par androgènes percutanés est souvent efficace sur les douleurs.
  • Une chirurgie en cas de gêne esthétique est parfois nécessaire si le traitement, même étiologique, a été tardif car la gynécomastie peut évoluer vers la fibrose.

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© CEEDMM – Août 2022.