La Newsletter Recherche n°11 Juillet 2014

 

SFE - La Newsletter Recherche de la SFE
Editorial

Voici 8 nouveaus résumés d’articles publiés dans les grands journaux d’endocrinologie par des équipes francophones de recherche fondamentale et/ou translationnelle. Bonne lecture et bonnes vacances à toutes et à tous.

Hubert Vaudry

Sommaire  

1- Guillaume Assié – Jérôme Bertherat : Carte d’identité des corticosurrénalomes

2- Gilles Boire – Sophie Roux : Apport limité du score FRAX dans les suites d’une fracture de fragilité osseuse

3- Hélène Crosnier – Michel Polak : Traumatismes crâniens (TC) sévères chez l’enfant: rechercher les déficits hypophysaires 1 an après

4- Johnny Deladoëy : Le langage des gènes: contrôle épigénétique de l’expression de FOXE1 dans la thyroïde

5- Vassilios Papadopoulos : L’exposition fœtale aux plastifiants de type phthalate altère les fonctions endocriniennes à l’âge adulte

6- Jae Young Seong – Hubert Vaudry : Désorphanisation d’un nouveau neuropeptide par une stratégie de paléogénomique

7- Jacques Tremblay : MEF2, un facteur de transcription spécifiquement masculin

8- Bruno Vergès : Catabolisme défectueux des lipopolysaccharides chez les diabétiques de type 2 potentiellement délétère pour la paroi artérielle

 

 
 1- Guillaume Assié – Jérôme Bertherat
Carte d’identité des corticosurrénalomes

Cette étude décrit par différentes approches combinées de génomique (transcriptome, méthylome, snp, exome, miRNome) les anomalies génétiques et épigénétiques d’une large série de corticosurrénalomes [1]. Les études de génomiques ont été réalisées dans le cadre du programme carte d’identité des tumeurs (CIT) de la ligue contre le cancer et à l’Institut Cochin, avec l’implication des réseaux COMETE (COrticoMEduloTumeurEndocrine) et ENSAT (European Network for the Study of Adrenal Tumors). A partir de cette analyse est proposée une classification moléculaire de ces tumeurs. Il ressort l’existence de deux types de corticosurrénalomes. Le premier est de pronostic réservé, caractérisé par des altérations récurrentes de quelques gènes (ZNRF3, CTNNB1, TP53, CDKN2A, RB1, MEN1, DAXX, TERT et MED12), une hyperméthylation fréquente des ilôts CpG des régions promotrices des gènes, et une signature transcriptome spécifique. Le deuxième type est de pronostic relativement favorable, caractérisé par une signature de microARN spécifique. Dans cette étude ZNFR3 apparaît comme un nouveau gène suppresseur de tumeur, modulant la voie Wnt-?caténine. Ce travail ouvre des perspectives cliniques à court terme, notamment de pouvoir prédire le pronostic après chirurgie, de stratifier les études cliniques, et pourquoi pas à terme, d’identifier des cibles thérapeutiques spécifiques de chacun des sous-groupes. Enfin, en réunissant 130 corticosurrénalomes précisément phénotypés, ce travail montre l’importance des réseaux de recherche COMETE et ENSAT..

[1]    Assié G, Letouzé E, Fassnacht M, Jouinot A, Luscap W, Barreau O, Omeiri H,Rodriguez S, Perlemoine K, René-Corail F, Elarouci N, Sbiera S, Kroiss M, Allolio B, Waldmann J, Quinkler M, Mannelli M, Mantero F, Papathomas T, De Krijger R,Tabarin A, Kerlan V, Baudin E, Tissier F, Dousset B, Groussin L, Amar L, Clauser E, Bertagna X, Ragazzon B, Beuschlein F, Libé R, de Reyniès A, Bertherat 2014. Integrated genomic characterization of adrenocortical carcinoma. J. Nat. Genet. 46:607-612.

 
 2- Gilles Boire – Sophie Roux
Apport limité du score FRAX dans les suites d’une fracture de fragilité osseuse

L’équipe du CHU de Sherbrooke (Québec) a calculé le score FRAX chez 1406 patients consécutifs avec fracture de fragilité [1], avant et après une fracture incidente. La survenue de nouvelles fractures a été déterminée sur 4 ans. Au moment de la fracture incidente, moins de la moitié des sujets était alors estimée à haut risque. De plus, le tiers des fractures au suivi est survenu chez des sujets dont le score FRAX post-fracture correspondait à un risque faible ou modéré. L’outil FRAX semblait manquer de sensibilité tant en prévention primaire que secondaire, et surtout chez les individus de moins de 65 ans et après une première fracture [2]. Compte tenu du risque plus élevé sur quelques années suite à une fracture de fragilité, un traitement devrait donc être envisagé, quel que soit le site de la fracture et le risque à 10 ans estimé par FRAX.

[1]    Roux S, Beaulieu M, Beaulieu MC, Cabana F, Boire G 2013. Priming primary care physicians to treat osteoporosis after a fragility fracture: An integrated multidisciplinary approach. J. Rheumatol. 40:703-711.
[2]    Roux S, Cabana F, Carrier N, Beaulieu M, April Pierre-Marc, Beaulieu MC, Boire G 2014. The world health organization fracture risk assessment tool (FRAX) underestimates incident and recurrent fractures in consecutive patients with fragility fractures. J. Clin. Endocrinol. Metab. 99:2400-2408.

 
 3- Hélène Crosnier – Michel Polak
Traumatismes crâniens (TC) sévères chez l’enfant: rechercher les déficits hypophysaires 1 an après

Les TC chez l’enfant  sont un problème majeur de santé publique. Les études rétrospectives et prospectives font état de taux très variables de déficits hypophysaires dans les suites d’un TC mais il existe des biais méthodologiques et la nécessité d’un suivi systématique sur le plan endocrinien de ces enfants reste controversée. Une étude prospective a été conduite par une équipe pédiatrique multidisciplinaire (Hôpital Necker-Enfants Malades et Hôpital de Saint-Maurice), chez les enfants victimes d’un TC sévère. 87 enfants ont pu être évalués [1]. Un an après le TC, 27 (31%) enfants ont un déficit en GH  dont 15 (17%) un déficit sévère. A 12 mois du TC, aucun facteur (clinique et radiologique) n’est retrouvé associé au déficit hypophysaire.  La surveillance de l’ensemble de ces enfants se poursuit.

[1]    Personnier C, Crosnier H, Meyer P, Chevignard M, Flechtner I, Boddaert N, Breton S, Mignot C, Dassa Y, Souberbielle JC, Piketty M, Laborde K, Jais JP, Viaud M, Puget S, Sainte-Rose C, Polak M 2014. Prevalence of Pituitary Dysfunction Following Severe Traumatic Brain Injury in Children and Adolescents: a Large Prospective Study. J. Clin. Endocrinol. Metab. 99:2052-2060.

 
 4- Johnny Deladoëy
Le langage des gènes: contrôle épigénétique de l’expression de FOXE1 dans la thyroïde

Un défaut de migration résultant en une thyroïde sublinguale ectopique est la cause la plus fréquente de l’hypothyroïdie congénitale. Cette malformation survient le plus souvent de manière sporadique et la discordance des jumeaux monozygotiques est la règle. Il est donc plausible que des mécanismes épigénétiques contrôlent l’expression de gènes impliqués dans le développement thyroïdien. N’ayant pas trouvé de différence globale de méthylation entre thyroïdes ectopiques et eutopiques [1], Johnny Deladoëy et son équipe ont déterminé si deux tissus distincts (thyroïde et leucocytes) avaient un profil de méthylation différent. Pour ce faire, ils ont comparé le profil de méthylation de l’ADN thyroïdien et leucocytaire chez les mêmes sujets. Par une approche de séquençage au bisulfite du promoteur de FOXE1, seul gène impliqué dans la migration thyroïdienne chez la souris, ils ont découvert que deux dinucléotides CpG consécutifs situés dans un îlot CpG du promoteur sont hyperméthylés dans les leucocytes et non-méthylés dans la thyroïde. La méthylation de ces îlots est inversement associée à l’expression de FOXE1 [2]. L’expression de FOXE1 est donc «sous influence» épigénétique. Des études sont en cours afin de déterminer si des SNVs ou SNPs  présents dans cette région de FOXE1 sont associés à l’ectopie thyroïdienne: la génétique aura-t-elle rendez-vous avec l’épigénétique?

[1]    Abu-Khudir R, Paquette J, Lefort A, Libert F, Chanoine JP, Vassart G, Deladoey J 2010. Transcriptome, methylome and genomic variations analysis of ectopic thyroid glands. PLoS One 5:e13420.
[2]    Abu-Khudir R, Magne F, Chanoine JP, Deal C, Van Vliet G, Deladoey J 2014. Role for Tissue-Dependent Methylation Differences in the Expression of FOXE1 in Nontumoral Thyroid Glands. J Clin Endocrinol Metab 99:E1120-E1129.

 
 5- Vassilios Papadopoulos
L’exposition fœtale aux plastifiants de type phthalate altère les fonctions endocriniennes à l’âge adulte

L’utilisation à grande échelle des plastifiants a des conséquences nuisibles sur la santé humaine. Les expositions fœtales au plastifiant di(2-ethylhexyl) phthalate (DEHP) perturbent le système endocrinien [1]. L’équipe de Vassilios Papadopoulos (Université McGill) a récemment rapporté que les expositions fœtales à des doses pertinentes de DEHP induisent une réduction des taux d’aldostérone et de testostérone à l’âge adulte [1,2]. Cette équipe a identifié les voies de signalisation des récepteurs activés par les proliférateurs de peroxysomes (PPARs) comme cibles précoces de ces expositions [2]. Les effets à long terme sur le système PPARs sont probablement impliqués dans la réduction de l’aldostérone chez l’adulte. Des perturbations des voies métaboliques du potassium, de l’angiotensine II, de MAPK et du cholestérol ont aussi été observées chez l’adulte suite aux expositions gestationnelles. Ces études ont permis d’identifier de nouveaux gènes cibles qui devraient pouvoir servir de biomarqueurs sériques de l’exposition fœtale au DEHP. Ces résultats soulèvent des inquiétudes quant aux risques posés par ces substances sur la santé publique. 

[1]    Martinez-Arguelles DB, Campioli E, Culty M, Zirkin BR, Papadopoulos V 2013. Fetal origin of endocrine dysfunction in the adult: the phthalate model. J. Steroid Biochem. Mol. Biol. 137:5-17.
[2]    Martinez-Arguelles DB, Campioli E, Lienhart C, Fan J, Culty M, Zirkin BR, Papadopoulos V 2014. In utero exposure to the endocrine disruptor di-(2-ethylhexyl) phthalate induces long-term changes in gene expression in the adult male adrenal gland. Endocrinology 155:1667-1678

 
 6- Jae Young Seong – Hubert Vaudry
Désorphanisation d’un nouveau neuropeptide par une stratégie de paléogénomique

La spexine est un neuropeptide de 14 acides aminés initialement identifié par une approche bioinformatique [1]. Le gène de la spexine est exprimé dans différentes régions du cerveau et dans certains organes périphériques, notamment dans les ovaires et la surrénale. L’administration intracérébroventriculaire de spexine provoque une bradycardie et des effets antinociceptifs. Toutefois, le récepteur de la spexine est resté jusque-là inconnu. Des chercheurs de la Korea Univeristy à Séoul et de l’Université de Rouen ont mené une étude de génomique comparative qui a révélé que les gènes de la spexine, de la galanine et du kisspeptin dérivent d’un gène ancestral commun, et que les récepteurs de ces trois peptides sont eux-aussi étroitement apparentés [2]. Partant de là, ils ont montré que la spexine est un meilleur ligand des récepteurs GALR3 que la galanine elle-même [2]. Ces résultats illustrent la puissance de l’approche phylogénétique pour l’appariement de peptides/récepteurs orphelins.

[1]    Mirabeau O, Perlas E, Severini C, Audero E, Gascuel O, Possenti R, Birney E, Rosenthal N, Gross C 2007. Identification of novel peptide hormones in the human proteome by hidden Markov model screening. Genome Res 17:320-327.
[2]    Kim DK, Yun S, Son GH, Hwang JI, Park CR, Kim JI, Kim K, Vaudry H, Seong JY 2014. Coevolution of the spexin/galanin/kisspeptin family: spexin activates galanin receptor type II and III. Endocrinology 155:1864-1873.

 
 7- Jacques Tremblay
MEF2, un facteur de transcription spécifiquement masculin

Dans les cellules de Leydig, la stéroïdogenèse est contrôlée par la gonadotropine LH qui active diverses voies de signalisation, incluant la voie du Ca2+/calmoduline-kinase I (CAMKI) [1]. Dans d’autres tissus, les facteurs de transcription MEF2 sont des cibles de choix de la CAMKI. MEF2 est un régulateur essentiel de la différenciation cellulaire et de l’organogenèse dans de nombreux tissus, mais aucune information n’était disponible quant à leur présence et à leur rôle dans la gonade de mammifère. L’équipe du Pr Jacques J. Tremblay (Centre de Recherche en Biologie de la Reproduction, Université Laval, Québec, Canada) vient de montrer que le facteur MEF2 présente un dimorphisme sexuel dans la gonade de souris. En effet, MEF2 est présent dans les cellules somatiques (Sertoli et Leydig) du testicule tout au long du développement de même que chez l’adulte, mais est absent de l’ovaire [2]. En outre, dans les cellules de Leydig, MEF2 a été identifié comme un important régulateur de l’expression du récepteur nucléaire orphelin NR4A1 (NUR77) [2], lui-même requis pour une réponse stéroïdogénique maximale [1], mettant ainsi en évidence une cascade de régulateurs moléculaires contrôlant la production de stéroïdes. Ces données identifient MEF2 comme un nouveau facteur de transcription spécifique au testicule, suggérant un rôle pour ce facteur dans la différenciation sexuelle masculine en plus des fonctions testiculaires dont la production d’hormones stéroïdiennes.

 [1]     Martin LJ, Boucher N, Brousseau C, Tremblay JJ 2008. The orphan nuclear receptor NUR77 regulates hormone-induced StAR transcription in Leydig cells through cooperation with Ca2+/calmodulin-dependent protein kinase I. Mol. Endocrinol. 22:2021-2037.
[2]    Daems C, Martin LJ, Brousseau C, Tremblay JJ 2014. MEF2 is restricted to the male gonad and regulates expression of the orphan nuclear receptor NR4A1. Mol. Endocrinol. 28:886-898.

 
 8- Bruno Vergès
Catabolisme défectueux des lipopolysaccharides chez les diabétiques de type 2 potentiellement délétère pour la paroi artérielle

Les lipopolysaccharides (LPS) sont des composants de la membrane externe des bacilles gram négatif a activité pro-inflammatoire, potentiellement délétères pour la paroi artérielle. Ils circulent dans le plasma principalement associés aux lipoprotéines, ce qui réduirait leur effet pro-inflammatoire. Une étude cinétique des lipoprotéines par isotopes stables, menée par l’équipe de Bruno Vergès (Inserm CRI 866) chez des patients diabétiques de type 2 et des témoins,  suggère l’existence, chez l’Homme, d’une voie de catabolisme majeur des LPS via la cascade VLDL-IDL-LDL [1]. Les résultats révèlent, par ailleurs, que cette voie catabolique est significativement réduite chez les patients diabétiques de type 2, ce qui est susceptible de réduire l’effet « détoxifiant » de lipoprotéines sur les LPS et ainsi de promouvoir un état pro-inflammatoire défavorable pour la paroi artérielle.

[1]    Vergès B, Duvillard L, Lagrost L, Vachoux C, Garret C, Bouyer K, Courtney M, Pomié C, Burcelin R 2014. Changes in lipoprotein kinetics associated with type 2 diabetes affect the distribution of lipopolysaccharides among lipoproteins. J. Clin. Endocrinol Metab.99:E1245-E1253.

 
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