8 nouveaux résumés d’articles récemment publiés par des équipes francophones de recherche fondamentale et/ou translationnelle ….
A l’approche du 30ème Congrès de la Société Française d’Endocrinologie, voici 8 nouveaux résumés d’articles récemment publiés par des équipes francophones de recherche fondamentale et/ou translationnelle. Bonne lecture ….
1- Jean-François Arnal Caractérisation d’une sous-fonction portée par le récepteur alpha des oestrogènes cruciale pour la prolifération à la fois des cellules de l’endomètre et de cancer du sein
Le récepteur alpha des oestrogènes (ER?) régule la transcription de gènes par l’intermédiaire des deux fonctions d’activation (AF) AF-1 et AF-2. Une équipe de l’Unité Inserm 1048 a étudié le rôle de ER?AF-1 dans la régulation de la transcription des gènes et la prolifération des cellules dans l’utérus in vivo [1]. Elle a montré que le traitement par l’oestradiol (E2) induit la prolifération des cellules épithéliales de l’utérus de souris, tandis que ces effets sont abolis chez les souris dont ER? est rendu déficient en AF-1 (ER?AF-1°). De plus, tandis que la prolifération de la lignée MCF7 (cellules de cancer du sein ER? positive) est induite par l’E2, l’expression dans ces cellules d’une isoforme ER? déficiente en AF-1 provoque l’abolition de l’effet inducteur de la prolifération par l’E2. Au total, ces données mettent en évidence le rôle crucial de ER?AF-1 dans la réponse proliférative induite par E2 in vitro et in vivo. Comme ER?AF-1 a été précédemment rapportée comme n’étant pas nécessaire à plusieurs effets bénéfiques de l’E2 (sur les artères, les os et le métabolisme glucidique), une modulation optimale d’ER? pourrait être obtenue par des molécules activant partiellement ER? sans stimuler ER?AF-1.
[1] Abot A, Fontaine C, Raymond-Letron I, Flouriot G, Adlanmerini M, Buscato M, Otto C, Bergès H, Laurell H, Gourdy P, Lenfant F, Arnal JF 2013. The AF-1 activation function of estrogen receptor ? is necessary and sufficient for uterine epithelial cell proliferation in vivo. Endocrinology 154:2222-2233.
2- Guillaume Assié Le cortisolome des adénomes surrénaliens
Les tumeurs de la corticosurrénale sécrètent des niveaux variables de cortisol, avec un spectre allant de la tumeur non sécrétante à la tumeur associée à un franc hypercortisolisme. Les chercheurs de l’Unité Inserm 1016 ont confronté le transcriptome et la sécrétion hormonale [1]. La classification des adénomes en fonction de leur transcriptome montre que les adénomes se classent en deux groupes, l’un exclusivement de tumeurs franchement sécrétrices, et l’autre hétérogène associant des tumeurs de sécrétion variable, notamment les tumeurs non sécrétantes et les tumeurs responsables d’un Cushing infraclinique. L’expression d’environ 3000 gènes est corrélée au niveau de sécrétion de cortisol, parmi lesquels les gènes classiquement impliqués dans la stéroïdogenèse. De façon plus inattendue, on retrouve parmi les gènes les plus fortement positivement corrélés, le gène de la phosphodiestérase 8B. Cette enzyme inactive la voie de la protéine kinase A (PKA) en dégradant l’AMP cyclique (AMPc). Et de façon cohérente, un taux diminué d’AMPc est observé dans les tumeurs sécrétantes. Pour autant, l’activité de la PKA (mesurée biochimiquement) n’est pas diminuée dans ces tumeurs, comme si la PKA était activée de façon AMPc-indépendante dans les tumeurs sécrétantes.
[1] Wilmot Roussel H, Vezzosi D, Rizk-Rabin M, Barreau O, Ragazzon B, René-Corail F, de Reynies A, Bertherat J, Assié G 2013. Identification of gene expression profiles associated with cortisol secretion in adrenocortical adenomas. J. Clin. Endorinol. Metab. 98:1109-1121.
3- Yves Boirie L’homéostasie du glucose serait contrôlée par la stimulation cérébrale chez l’Homme : décidément tout est dans la tête !
Des travaux chez l’animal suggèrent qu’il existe une régulation nerveuse centrale du métabolisme glucidique périphérique. L’hypothèse que ce contrôle central existe également chez l’homme a été testée lors de la stimulation des noyaux gris centraux (NST) qui est le traitement proposé dans les formes sévères de maladie de Parkinson (PK). La production de glucose (PG) a été mesurée chez des patients PK traités par électrostimulation et chez des sujets sains appariés pour l’âge et le poids, lors de l’interruption (OFF) puis de la reprise (ON) de la neurostimulation [1]. La PG en Stim-OFF est plus élevée que celle du groupe contrôle et elle diminue de 22% en Stim-ON sans variation associée de la glycémie. Il n’y a pas de différence entre la PG du groupe contrôle et des patients en Stim-ON, et pas de différence entre les concentrations d’insuline et glucagon entre Stim ON et Stim-OFF. Ces données démontrent que la neurostimulation des NST influence la production de glucose et suggèrent l’existence d’un contrôle cérébral de l’homéostasie glucidique chez l’homme.
[1] Batisse-Lignier M, Rieu I, Guillet C, Pujos E, Morio B, Lemaire JJ, Durif F, Boirie Y 2013. Deep brain stimulation of the subthalamic nucleus regulates postabsorptive glucose metabolism in patients with Parkinson’s disease. J. Clin. Endocrinol. Metab. 98:E1050-E1054.
4- Patrick Fénichel
DSD 46XY par mutation de la 5alpha-réductase révélés par hyperandrogénie lors du contrôle anti-dopage chez de jeunes sportives de haut niveau
Le dépistage d’une hyperandrogénie majeure lors du contrôle anti-dopage pratiqué au cours des compétitions sportives féminines internationales, conduit parfois au diagnostic de DSD 46XY. L’analyse détaillée sur les plans clinique, biologique, radiologique et génétique de 4 observations liées à une mutation du gène de la 5alpha-réductase de type 2, illustre la possibilité dans cette affection d’une virilisation accélérée dans la période pubertaire où va s’exprimer la 5alpha-réductase de type 1 [1]. L’avantage sélectif sur le plan sportif est attesté par le fait que la fréquence estimée a été de 200 fois plus élevée que dans la population générale et a conduit les instances internationales (CIO et IAAF) à établir des recommandations pour assurer l’équité des compétitions féminines (taux de testostérone totale active <20 mmol/l) et permettre une prise en charge médicale respectant la confidentialité, la santé, l’intégrité de la personne et la liberté de choix du sexe définitif.
[1] Fénichel P, Paris F, Philibert P, Hiéronimus S, Gaspari L, Kurzenne JY, Chevallier P, Bermon S, Chevalier N, Sultan C 2013. Molecular diagnosis of 5?-reductase deficiency in 4 elite young female athletes through hormonal screening for hyperandrogenism. J. Clin. Endocrinol. Metab. 98:E1055-E1059.
5- Vicent Laudet Un ligand peut en cacher un autre: la T2 est un ligand alternatif du récepteur des hormones thyroïdiennes
Chacun sait que la 3,3′,5-triiodothyronine ou T3 est le ligand classique des récepteurs nucléaires des hormones thyroïdiennes. La glande thyroïdienne produit pourtant essentiellement de la T4 (ou thyroxine) qui a une affinité bien plus faible pour les récepteurs que la T3. C’est au niveau des organes périphériques que la T4 est transformée en T3 par des enzymes spécifiques ,les déiodinases, qui sont également importantes pour la dégradation de la T3 en excès. Ces réactions de deiodination de la T3 produisent des molécules qui ne comportent que deux atomes d’iode, que l’on appelle logiquement des T2. L’équipe d’Aurea Orozco au Mexique vient de montrer, en collaboration avec l’équipe de Vincent Laudet à l’IGFL, ENS de Lyon et avec Jean-Paul Renaud (société Novalix, Illkirch), qu’une forme particulière de T2, la 3,5-T2 pouvait être également un ligand des récepteurs des hormones thyroïdiennes [1]. Ces auteurs ont ainsi montré que cette molécule se fixe sur le récepteur TRb humain ainsi que sur certains des récepteurs TRb de poissons et mets en route leur activité transcriptionelle. Cet exemple est a rajouter à la liste de plus en plus longue des cas de ligands alternatifs de récepteurs nucléaires (comme certains acides biliaires pour le récepteur de la vitamine D ou le 3Adiol pour le récepteur ERb) qui pourraient agir en complément des ligands classiques d’une façon tissu ou gène spécifique.
[1] Mendoza A, Navarrete-Ramírez P, Hernández-Puga G, Villalobos P, Holzer G, Renaud JP, Laudet V, Orozco A 2013. 3,5-T2 is an alternative ligand for the thyroid hormone receptor ?1. Endocrinology 154:2948-2958.
6- Aexis Mathian, Anne Bachelot, Philippe Touraine, Zahir Amoura Nécrose hémorragique des surrénales au cours du syndrome des anti-phospholipides : quel devenir à long terme ?
La nécrose hémorragique des surrénales (NHS), une des complications sévères du syndrome des anti-phospholipides (SAPL), se manifeste majoritairement par une insuffisance surrénale aiguë. Jusqu’à présent, l’évolution fonctionnelle et morphologique des glandes surrénales ainsi que le pronostic à long terme des patients étaient mal documentés. Une analyse rétrospective monocentrique a été menée sur 19 patients [1]. Quatre patients sont décédés de complications vasculaires liées au SAPL à la phase initiale, mais ensuite, le pronostic est favorable au terme d’un suivi médian de 3,5 ans (0,3-28,1). Le traitement anticoagulant entrepris dès le diagnostic de la NHS et du SAPL était poursuivi au long cours pour l’ensemble des patients ; cependant, trois patients ont eu une récidive thrombotique. A l’exception de deux patientes, les glandes surrénales évoluaient morphologiquement vers une atrophie complète avec une perte importante et définitive de la sécrétion hormonale de la cortico- et de la médullosurrénale. Il paraît intéressant d’utiliser le dosage de la cortisolémie à 8 h pour dépister les quelques patients conservant une fonction surrénale résiduelle partielle.
[1] Ramon I, Mathian A, Bachelot A, Hervier B, Haroche J, Boutin-Le Thi Huong D, Costedoat-Chalumeau N, Wechsler B, Karmali R, Velkeniers B, Touraine P, Coussieu C, Bennani A, Renard-Penna R, Grenier PA, Wahl D, Piette JC, Amoura Z2013. Primary adrenal insufficiency due to bilateral adrenal hemorrhage-adrenal infarction in the antiphospholipid syndrome: long-term outcome of 16 patients. J. Clin. Endocrinol. Metab. 98:3179-3189.
7- Michel Polak Craniopharyngiome : préserver l’hypothalamus au cours de la chirurgie
Cette étude observationnelle compare l’évolution pondérale et le taux de récidives d’une cohorte historique de patients avec craniopharyngiome traitée par exérèse complète entre 1985 et 2002 (n=60) à une cohorte de patients traités par exérèse partielle respectant l’hypothalamus (n=65) associée ou non à une protonthérapie [1]. L’indice de masse corporelle (IMC) en post-opératoire des patients traités par exérèse partielle est significativement inférieur à celui des patients traités par exérèse complète. La prévalence d’obésité sévère est inférieure chez les patients traités par exérèse partielle (11% vs 33%) et la prévalence d’IMC normale est supérieure (49% vs 22%). Le nombre de chirurgie n’est pas plus élevé chez les patients traités par exérèse partielle. Il est donc temps de regrouper la chirurgie du craniopharyngiome dans quelques rares équipes, très expérimentées et pratiquant une chirurgie d’exérèse réfléchie! Enfin ces enfants atteints auraient pu être dépistés plus tôt si le ralentissement de leur vitesse de croissance avait été remarqué et analysé, avant qu’un diagnostic ne soit porté sur des signes d’hypertension intra-cranienne !
[1] Elowe-Gruau E, Beltrand J, Brauner R, Pinto G, Samara-Boustani D, Thalassinos C, Busiah K, Laborde K, Boddaert N, Zerah M, Alapetite C, Grill J, Touraine P, Sainte-Rose C, Polak M, Puget S (2013) Childhood craniopharyngioma: hypothalamus-sparing surgery decreases the risk of obesity. J. Clin. Endocrinol. Metab. 98:2376-2382.
8- Dominique Simon Le traitement par hormone de croissance peut-il augmenter la force musculaire des enfants atteints de maladie chronique recevant une corticothérapie ?
Les enfants atteints de maladies chroniques sont exposés au risque de petite taille et d’altérations de la composition corporelle marquées par une diminution de leur masse maigre liée à l’inflammation chronique, la diminution de l’activité physique et la corticothérapie prolongée. Cette étude a évalué les effets du traitement par hormone de croissance (GH) à doses supra-physiologiques (65 µg/k/j) sur la force musculaire chez 30 enfants atteints de diverses maladies corticodépendantes [1]. Six mois de traitement ne modifient pas significativement le score composite de force musculaire exprimé en SD pour la taille ni la force par unité de masse musculaire des enfants traités comparés aux enfants contrôles. Néanmoins, il existe une augmentation significative de la taille, de la masse maigre et de la surface musculaire segmentaire pendant la même période. Un an de traitement par GH améliore la croissance et la composition corporelle des enfants recevant une corticothérapie chronique, et maintient leur force musculaire dans la zone de la normale pour leur taille. Il importe maintenant d’évaluer si ces modifications physiques s’accompagnent d’une amélioration de la qualité de vie de ces patients.
[1] Simon D, Alberti C, Alison M, Le Henaff L, Chevenne D, Boizeau P, Canal A, Ollivier G, Decostre V, Jacqz-Aigrain E, Carel JC, Czernichow P, Hogrel JY 2013. Effects of recombinant human growth hormone for 1 year on body composition and muscle strength in children on long-term steroid therapy: randomized controlled, delayed-start study. J Clin. Endocrinol. Metab. 98:2746-2754.