L’épigénétique dans les tumeurs endocrines : La génétique c’est complexe, l’épigénétique c’est pire !
Nicolas Sahakian, Marseille
Dr. Pauline Romanet, Marseille Dr. Judith Favier, Paris
L’épigénétique définit l’ensemble des mécanismes de régulation de l’expression du génome qui ne modifie pas directement ce dernier. On y retrouve la méthylation de L’ADN, la méthylation et l’acétylation des histones ou encore les miRNA. L’épigénétique joue désormais un rôle majeur dans la caractérisation tumorale, dans l’évaluation pronostique et dans la prise en charge thérapeutique en oncologie. L’épigénétique est aujourd’hui largement explorée dans les tumeurs endocrines.
Dans les tumeurs hypophysaires, les études d’analyses pangénomiques ont mis en évidence une corrélation entre le sous-type histologique, le statut mutationnel somatique, le profil de méthylation et l’expression de miRNA, permettant de regrouper ces tumeurs en clusters et d’améliorer leur caractérisation. Au plan thérapeutique, le traitement de référence des tumeurs agressives et/ou métastatiques est le Témozolomide. Dans le glioblastome, tumeur maligne du système nerveux central, l’efficacité de cet agent alkylant est prédite par l’analyse de la méthylation du prometteur du gêne MGMT. Il existe peu de données rapportant la réponse au Témozolomide en fonction du statut MGMT dans les tumeurs hypophysaires. Une méta-analyse de 21 études et 429 patients traités par Témozolomide à évalué le statut MGMT chez 50 deux, en fonction de leur réponse ou non au traitement. La réponse au Témozolomide semblait associée à la méthylation du promoteur de MGMT. Toutefois, du fait du faible nombre de patient, de la variabilité technique inter-études et de méthodes d’analyse dédiées aux glioblastomes, ces résultats restent insuffisants pour recommander l’analyse du statut MGMT pour prédire la réponse thérapeutique des tumeurs hypophysaires. Il pourrait être utile d’évaluer le statut MGMT spécifique dans les tumeurs hypophysaires afin de définir les îlots CpG spécifiques et les seuils de méthylation prédictif de réponse au traitement.
Les phéochromocytomes et paragangliomes (PPGL) sont des tumeurs présentant un fort déterminisme génétique. Près de 40% des PPGL présentent une mutation constitutionnelle et autant une mutation somatique. Toutefois, derrière ces mutations promotrices de la tumorigénèse survenant dans des gènes biens connus, le fond mutationnel des PPGL est pauvre (0.3 mutations/Mb). Les analyses épigénétiques ont elles par contre retrouvées des variations impactant plus de 4000 gènes, permettant de classer les PPGL en clusters. Ces clusters restent fortement déterminés par le statut mutationnel sous jacent. Notamment, il a été montré que les PPGL mutés pour le gène SDHB, connus pour entraîner volontiers des formes agressives et métastatiques, présentent un profil épigénétique tout particulier comparativement aux autres PPGL, et même ceux mutés pour les autres gènes SDH. L’étude de miRNA sur 172 tumeurs à permis l’identification de 7 clusters, encore une fois fortement impactés par le statut mutationnel. Les miRNA miR 182, miR 96 et miR 183 étaient surexprimés dans les PPGL mutés SDH, et tout spécialement dans les SDHB et les tumeurs métastatiques. Enfin, une étude européenne portant sur plus de 400 patients issus du réseau ENSAT a permis l’identification de deux miRNA, le miR 183 et le miR 21 comme possibles biomarqueurs pour stratifier le risque métastatique. L’ensemble de ces éléments ont été inclus dans le projet national COMETE – TACTIC qui devrait permettre de dresser une carte d’identité moléculaire pour chaque tumeurs et d’identifier des biomarqueurs pour espérer, un jour, prédire leur devenir et adapter notre arsenal thérapeutique.