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Les gentilles cellules endocrines et les méchantes cellules immunitaires : en finir avec le manichéisme

Tatiana LECOT-CONNAN, Paris

Symposium SFE 04 : Auto-immunité en endocrinologie : avant et au-delà de l’insuffisance terminale d’organe
Les cellules endocrines cibles privilégiées de l’auto-immunité : pourquoi et quel intérêt clinique ? 
Roberto Mallone, Paris

Tel les jurés dans « 12 hommes en colère », le Pr Mallone nous invite à revoir nos préjugés sur les cellules endocrines souvent considérées comme des victimes innocentes et les cellules immunitaires comme des meurtrières coupables.

Nous sommes tous auto-immuns car la délétion au sein du thymus des lymphocytes T auto-immuns est largement incomplète. C’est le prix à payer pour être protégé au mieux des infections. Cependant, bien que nous soyons tous auto-immuns, nous n’avons pas tous une maladie auto-immune. Cela s’explique par une deuxième ligne de tolérance périphérique dont les mécanismes sont multiples et efficaces. Ces mécanismes sont extrinsèques (ignorance, tolérance homéostatique, suppression des lymphocytes T régulateurs) ou intrinsèques (anergie, apoptose, épuisement). Dans le cadre du diabète de type 1, l’épuisement des lymphocytes T est défectueux (McKinney et al, T-cell exhaustion, co-stimulation and clinical outcome in autoimmunity and infection. Nature. 2015.) Un autre mécanisme de tolérance défectueux que l’on retrouve dans les pathologies auto-immunes est l’ignorance : les cellules ne sont pas impactées de la même manière (ex : le vitiligo). On comprend donc ainsi le développement d’endocrinopathies auto-immunes sous immunothérapie par modulation de cette tolérance périphérique.

Cependant, la cellule endocrine n’est pas innocente. Les endocrinopathies auto-immunes sont les maladies auto-immunes d’organe les plus fréquentes. Cela s’explique par le fait que ce sont des cibles privilégiées (Mallone & Eizirik. Presumption of innocence for beta cells: why are they vulnerable autoimmune targets in type 1 diabetes? Diabetologia.2020.) :

  • Elles produisent en permanence des hormones. Cela provoque un stress cellulaire basal élevé facilement perturbé avec un grand risque d’erreur de synthèse.
  • Elles sont richement vascularisées. Elles sont donc facilement accessibles aux cellules immunitaires.
  • Elles secrètent des hormones et donc des antigènes avec une immuno-sensibilisation à distance

Pr Mallone nous introduit la très intéressante théorie de l’ « Autoimmune Surveillance of Hypersecreting  Mutants» ou ASHM (Korem et al. Endocrine Autoimmune Disease as a Fragility of Immune Surveillance against Hypersecreting Mutants. Immunity. 2020.).  Les lymphocytes T détruisent les mutants hypersécrétants pour assurer l’homéostasie du tissue sécrétoire. Cependant, c’est un jeu d’équilibre. Si l’ASHM est trop faible, la cellule mutante hypersécrétante se multiplie (ex : hyperparathyroïdie). A l’inverse, s’il est trop fort, on développe une auto-immunité comme le diabète de type 1 ou la thyroïdite d’Hashimoto.

Ainsi, les endocrinopathies auto-immunes sont des pathologies auto-immunes et de l’organe cible. Il faut donc à l’avenir développer des thérapeutiques qui modulent le système immunitaire mais également protègent l’organe cible.