Les hormones du plaisir

Guillaume ASSIÉ, Paris

La conférence SFE grand public cette année était donnée par Pr Bernard Sablonnière, médecin neurobiologiste à l’Université de Lille. Présentation remarquable de vulgarisation de notions complexes (voir la vidéo).

Pour commencer, quelques concepts neuropsychologiques de base. Le plaisir est une émotion, agréable, liée à la satisfaction d’un désir. L’émotion est un ressenti conscient, agissant comme un détecteur de stimulus, et qui se traduit par des manifestations corporelles perceptibles. Le sentiment est un affect mental résultant d’une émotion. Enfin le « drive » ou « like » est  une réaction de satisfaction en réponse à un besoin physiologique comme la soif, la faim… et maintenant les messages des réseaux sociaux !

Les circuits cérébraux du plaisir impliquent différentes régions du cerveau, dont le cortex  frontal, le système lymbique et l’hippocampe. Le système Limbique (découvert par James Papez) est le « cerveau émotionnel ». Acteur incontournable de nos comportements, le système limbique est le traducteur corporel de l’activation du circuit désir-récompense. Le circuit du désir et de la récompense est un réseau de connexions  entre différentes régions du cerveau, activées lors d’un besoin, d’une envie et d’un désir (figure). Son activation induit un comportement actif de recherche et d’attente de récompense. La récompense est un ressenti de plaisir qui en résulte, et est utile pour mémoriser et renforcer ce comportement. Le cortex préfontal est responsable de la traduction positive du plaisir. L’amygdale donne la couleur à l’émotion : positive ou négative. Les trois fonctions du ciruit désir-récompense sont le « wanting » (motivation), le « liking » (affect positif), et le « learning » (représentation cognitive).

Les principaux neurotransmetteurs impliqués ont été présentés : il y a d’abord la dopamine, l’hormone qui donne l’envie (messager du « wanting »). L’excès de dopamine peut induire des excès d’envie, comme on peut le voir parfois avec les traitements par agonistes dopaminergiques. Les endorphines renforcent l’envie de récompense, activent la valence émotionnelle positive de la récompense, augmentent le sentiment de plaisir, réduisent les émotions négatives, favorisent le contact social et stimulent l’appétit. Les endocanabinoides ont un rôle majeur dans le « liking ». Ce médiateur est libéré lorsqu’on consomme un plat apprécié… on lorsque l’on embrasse. L’effet est calmant, réducteur d’anxiété. Lors de la pratique du sport, les endocannabinoides, avec induction d’euphorie, de bien être, d’humeur positif, de perte partielle de mémoire des faits négatifs. Il y a également libération d’endorphines, responsables d’hypoalgésie, de sédation d’inhibition de l’axe du stress. La sérotonine a des effets plus complexes, médiés par 16 récepteurs différents. Dans le plaisir, la sérotonine active les perceptions sensorielles, active les réponses émotionnelles négatives, induit un effet d’inhibition, active la patience, et régule le circuit récompense. Bref, complexe ! Le récepteur HT1A est globalement anxiolytique, calmant, réduit l’agressivité, induit la passivité, et la soumission. Le récepteur HT2A induit l’activation des perceptions sensorielles, l’activation des émotions positives, le bien être, l’optimisme et l’envie de réagir. Enfin globalement le GABA est un frein de l’activité cérébrale, le glutamate est activateur.

Pharmacologiquement, les stupéfiants et apparentés trompent le circuit désir-récompense : l’éthanol induit une activation du GABA (ralentissement) puis une désensibilisation (effet deshinibiteur) ; les amphétamines et la cocaïne  induisent la libération de dopamine et noradrénaline ; la morphine et autres opioïdes induisent la libération de dopamine; le LSD  induit l’activation des récepteurs de la sérotonine ; les « ecstasy » ont des actions multiples, incluant l’activation du récepteur de la sérotonine, de l’ocytocine (inducteur d’attachement) et un effet désinhibiteur.

En conclusion, les réponses comportementales sont essentielles à notre survie. Tout besoin vital et toute envie met en jeu des émotions. L’amygdale et le cerveau préfrontal sont responsables de nos décisions. Le circuit du désir-récompense est orchestré par médiateurs chimiques de nos comportements.

Figure : le circuit désir-récompense