LEVOTHYROX®: Communiqué de la SFE, du GRT, de la SFEDP et du CNP

     

Communiqué des sociétés savantes : Société Française d’Endocrinologie SFE, Groupe de Recherche sur la Thyroïde GRT, Société Française d’Endocrinologie Pédiatrique SFEDP et Conseil National Professionnel CNP d’Endocrinologie sur le Lévothyrox® à destination des professionnels de santé.

La Société Française d’Endocrinologie (SFE), le Groupe de Recherche sur la Thyroïde (GRT) et la Société Française d’Endocrinologie et Diabétologie Pédiatrique (SFEDP), le Conseil National Professionnel (CNP) d’endocrinologie et les médecins thyroïdologues réunis pour le congrès de la société européenne de la Thyroïde appellent à une analyse sereine de la situation des patients inquiets de la modification de formulation du Levothyrox®, loin des polémiques médiatiques.

Il convient, de séparer ce qui relève d’une inquiétude légitime, d’un mécontentement voire d’une colère face à une communication, peut-être imparfaite, d’une part et ce qui relève de réels problèmes médicaux d’autre part.

 

Quelques rappels

L’hormone thyroïdienne est prescrite à de nombreux patients, parfois dès le début de la vie et le plus souvent jusqu’à la fin de celle-ci. Ce traitement ne doit pas être interrompu sauf sur avis médical.

Le traitement prescrit est la même hormone que celle qui est produite par la glande thyroïde. Ainsi, les seuls effets secondaires attendus de la thyroxine sont ceux d’un dosage inapproprié : une dose trop importante ou trop faible. La thyroxine, comme les autres principes actifs dans d’autres médicaments, est associée à des excipients. Ces excipients sont supposés n’avoir pas ou peu d’action propre, à la fois par leur nature et en raison de leur concentration faible.

L’ANSM a demandé la modification des excipients du Lévothyrox®, pour assurer une meilleure stabilité du principe actif. Ce procédé n’est pas exceptionnel:  un certain nombre de médicaments subissent ainsi, au cours de leur « vie », des modifications de procédés de fabrication avec l’approbation des autorités de régulation. Le lactose, un excipient auquel certains patients sont intolérants, a été supprimé et remplacé par du mannitol à très faible concentration et de l’acide citrique anhydre

La pratique nous a appris qu’une variation, même modeste, de la dose absorbée par le tube digestif pour une même dose ingérée peut aboutir à un déséquilibre hormonal et à des symptômes. Ces symptômes, comme ceux de l’hypothyroïdie et de l’hyperthyroïdie, sont peu spécifiques, parfois ressentis au cours d’autres maladies, mais indéniablement réels.

Les sociétés savantes ont été informées de la réalisation d’une étude de bioéquivalence réalisée chez le sujet sain (plus de 200 sujets), pour s’assurer que l’absorption du médicament est équivalente. La bioéquivalence des deux formules de Levothyrox®, l’ancienne et la nouvelle, a été jugée correcte par les autorités compétentes et a entrainé l’autorisation de la nouvelle formule. En résumé, l’industriel a travaillé à améliorer la stabilité du médicament, et vérifié la bioéquivalence et a répondu à la demande de l’ANSM.

 

De nouveaux excipients dans la formule actuelle : le mannitol et l’acide citrique.

Ces excipients sont présents dans d’autres médicaments, et certains produits alimentaires de consommation courante. Ils sont utilisés, ici, à des doses sans effet notoire. C’est-à-dire que les doses utilisées, sont inférieures aux doses provoquant des effets indésirables.

 

Les effets Placebo et Nocebo.

Au-delà de l’effet thérapeutique recherché, l’administration d’un médicament induit souvent des effets inattendus. Par exemple l’administration de « faux » médicaments, constitués de seuls excipients peut avoir un effet bénéfique sur certaines manifestations d’une maladie. C’est ce que l’on appelle l’effetPlacebo : cet effet oblige dans de nombreux essais thérapeutiques, à comparer la molécule active à un « faux » médicament, pour démontrer sans ambigüité que le médicament « fait mieux » que le « faux médicament ». Il arrive également que le « faux » médicament induise des effets indésirables, parfois ceux-là mêmes décrits avec le vrai médicament. C’est ce que l’on appelle l’effet Nocebo. Il est pris en compte pour analyser correctement la balance bénéfice-risque ou avantage-inconvénient d’un médicament, tout comme l’effet Placebo.

La constatation des effets Placebo et Nocebo, n’indique pas que le malade est un malade imaginaire ou angoissé. Le patient, ou le sujet sain qui participe à un essai thérapeutique ressent, dans son corps, les symptômes ou les améliorations qu’il rapporte.  Prendre en compte cela est essentiel, ce n’est pas nier le symptôme, c’est prendre en charge le patient dans sa globalité somatique et psychique. Le corps souffrant s’exprime aussi par l’esprit et l’esprit par le corps.

 

Cependant, la question des patients persiste :  la nouvelle formule a-t-elle été correctement évaluée en terme de tolérance à long terme ?

L’étude de bioéquivalence, avec une forte dose de Levothyrox®, et donc d’excipient, ne rapporte pas de différence dans les effets indésirables rapportés. Mais la forte dose administrée est une dose unique, et ne remplace pas une étude d’administration prolongée à des patients.

 

La Société Française d’Endocrinologie (SFE), le Groupe de Recherche sur la Thyroïde (GRT) et la Société Française d’Endocrinologie et Diabétologie Pédiatrique (SFEDP), le conseil national professionnel (CNP) d’endocrinologie sont à la disposition de la Ministre de la Santé et des associations de patients pour aider à répondre à ces interrogations.

 

Quelques recommandations et suggestions à ce stade :

1-Ne pas interrompre un traitement par le Levothyrox®.

2-Vérifier, comme cela est déjà préconisé, que l’équilibre du traitement, n’a pas été modifié par la nouvelle formulation du Levothyrox®, s’il existe des symptômes nouveaux, en tenant compte de l’histoire propre de chaque patient. Recenser les effets indésirables et séparer l’inconfort des éventuels effets graves ou porteurs de risque. Nous n’avons pas eu connaissance de tels effets graves aussi bien chez les adultes que chez les enfants.

3- Vérifier qu’il n’y a pas une autre cause aux symptômes ressentis par le patient. La coïncidence chronologique d’un symptôme avec une prise médicamenteuse ne signifie pas automatiquement qu’il y ait un lien de causalité. Il faut tenir compte des pathologies associées parmi les 3 millions de patients traités par Levothyrox® ?  

4- S’abstenir de convertir la prescription de Levothyrox® en prescription de gouttes de L-Thyroxine. Cette formulation est destinée aux nouveau-nés et enfants en bas âge et à quelques rares patients ne pouvant avaler des comprimés, (ou auparavant aux sujets intolérants au lactose, ce qui n’est plus un problème avec la nouvelle formulation). Une pénurie de cette formulation menacerait ces patients d’un arrêt de traitement ou de non mise en place notamment dès la naissance, annulant l’intérêt du dépistage néonatal et le bienfait pour leur développement intellectuel.

5- Fournir, aux médecins et pharmaciens experts, une information la plus complète et transparente possible sur cette nouvelle formulation. Leur capacité à expliquer et gérer les situations individuelles difficiles en sera renforcée.

6- Réaliser une étude comparative des deux formulations de Levothyrox® en administration prolongée chez des patients, dans la « vraie vie », pour évaluer le type et le nombre d’évènements indésirables en prenant en compte l’effet NOCEBO et l’effet PLACEBO, au même titre que les modifications de formule.

L’urgence, aujourd’hui, est à rassurer les patients. Ils sont entendus et leurs médecins mettent tout en œuvre pour les aider.

 

Liens d’intérêt

Pr Patrice Rodien, vice-président de la SFE, coordonnateur du centre de référence des maladies rares de la thyroïde et des récepteurs hormonaux au CHU d’Angers, déclare avoir bénéficié de la prise en charge par la société MERCK-SERONO de frais de voyage et d’hébergement lors de congrès internationaux, ainsi que d’honoraires pour communications lors de réunions scientifiques et médicales.

Pr Philippe Caron, président du GRT, est consultant pour le laboratoire MERCK-SERONO, et déclare avoir bénéficié de la prise en charge par la société MERCK-SERONO de frais de voyage et d’hébergement lors de congrès nationaux et internationaux, ainsi que d’honoraires pour communications lors de réunions scientifiques et médicales.

Pr Rachel Reynaud, présidente de la SFEDP déclare avoir bénéficié de la prise en charge par la société MERCK-SERONO de frais de voyage et hébergement lors de congrès et réunions scientifiques

11 Septembre 2017