L’hyperprolactinémie récidive dans plus d’un cas sur deux après l’arrêt d’un traitement au long cours par la cabergoline

Kharlip J et al. Recurrence of hyperprolactinemia after withdrawal of long-terme carbegoline therapy. J Clin Endocrinol Metab 2009 ; 94 : 2428-36.

Le traitement par agoniste dopaminergique est un des traitements de choix de l’hyperprolactinémie que celle-ci soit en rapport avec un micro- ou un macroadénome (1, 2). Non seulement, il est capable dans une majorité de cas de normaliser la prolactinémie mais il est également capable de réduire le volume tumoral. On a longtemps dit que ce traitement était uniquement suspensif et que son interruption provoquait une remontée des concentrations de PRL ainsi qu’une reprise tumorale. Cependant, la poursuite à long terme d’un traitement de ce type peut poser des problèmes : la tolérance, chez certaines femmes est moyenne, d’autres envisagent mal de prendre un traitement toute leur vie… en fin, on a décrit l’apparition de valvulopathie chez les patients traités par de très fortes doses d’agonistes dopaminergiques dans le cadre de maladies de Parkinson (3, 4). Heureusement, comme cela a récemment été revu par Mark Molitch (5), de telles valvulopathies ne sont pas trouvées plus fréquemment chez les patients sous agonistes dopaminergiques pour hyperprolactinémie. Quoi qu’il en soit, il est légitime que les patients, comme les endocrinologues, se posent la question d’arrêter, au bout d’un certain temps, le traitement par agoniste dopaminergique… compte tenu de la normalisation de la prolactinémie observée et de la fréquente « disparition » à l’imagerie de la tumeur sous ce traitement.
Une publication italienne, en 2003, avait d’ailleurs suggéré qu’une très grande majorité de patients sous cabergoline pouvaient arrêter le traitement sans que la prolactinémie ne remonte ni que la tumeur ne réaugmente de taille (6). Néanmoins, ces résultats faisaient l’objet de controverses. Une équipe de la Johns Hopkins University School, à Baltimore (États-Unis), a conduit cette étude prospective de suivi après l’arrêt d’un traitement par cabergoline chez 46 patients (7). Les 46 patients étaient normoprolactinémiques et avaient eu une réduction tumorale sous traitement agoniste dopaminergique. L’âge moyen des patients était de 50 ± 13 ans. 70 % étaient des femmes. Trois-quarts des patients avaient un microprolactinome, un quart un macroprolactinome et 4 patients une hyperprolactinémie non tumorale.
Dans cette étude suivie, le taux de récidive globale de l’hyperprolactinémie après arrêt de la cabergoline a été de 54 % et le risque de récidive à 18 mois a été estimé à 63 %. Le temps médian pour voir apparaître une récidive était de 3 mois (1 à 18 mois) avec 91 % des récidives survenant dans l’année suivant l’arrêt du traitement. La taille de la tumeur avant l’arrêt de la cabergoline prédisait la récidive (18 % d’augmentation du risque pour chaque millimètre de reliquat tumoral ; IC 95 % : 3-35%, p < 0,017). Aucun des patients avec récidive n’a vu augmenter son volume tumoral au moment de la récidive de l’hyperprolactinémie. Enfin, 28 % des patients qui récidivaient avaient une galactorrhée au moment de la récidive et 31 % des femmes et 22 % des hommes avaient des signes d’hypogonadisme.
Les résultats de cette étude sont donc un peu moins optimistes que ceux des résultats initialement publiés, montrant un taux de récidive supérieur. Néanmoins, près de la moitié des sujets sous cabergoline restent avec une normoprolactinémie après l’arrêt de ce médicament. Pourtant, et cela est finalement très rassurant, même si la prolactinémie remonte à l’arrêt des agonistes dopaminergiques… cela ne signifie en rien que la tumeur va réaugmenter ; on a donc tout le temps de faire une IRM et nul n’est besoin d’inquiéter le patient ! Et, finalement, l’indication de la reprise du traitement par agonistes dopaminergiques sera plus guidée par les conséquences de l’hyperprolactinémie que par le risque tumoral !
Pour conclure, cette étude confirme donc qu’on poursuive la recommandation d’essayer d’arrêter la cabergoline après au moins deux ans de traitement, quand la PRL a été normalisée, que le volume de la tumeur a bien diminué et qu’une surveillance à long terme est possible (1).
Aout 2009
Pr. Philippe Chanson – Service d’Endocrinologie – CHU Bicêtre
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1. Casanueva FF, Molitch ME, Schlechte JA, Abs R, Bonert V, Bronstein MD, Brue T, Cappabianca P, Colao A, Fahlbusch R, Fideleff H, Hadani M, Kelly P, Kleinberg D, Laws E, Marek J, Scanlon M, Sobrinho LG, Wass JA, Giustina A 2006 Guidelines of the Pituitary Society for the diagnosis and management of prolactinomas. Clin Endocrinol (Oxf) 65:265-73. 2. Gillam MP, Molitch ME, Lombardi G, Colao A. 2006. Advances in the treatment of prolactinomas. Endocr Rev 27:485-534. 3. Schade R, Andersohn F, Suissa S, Haverkamp W, Garbe E. 2007. Dopamine agonists and the risk of cardiac-valve regurgitation. N Engl J Med 356:29-38. 4. Zanettini R, Antonini A, Gatto G, Gentile R, Tesei S, Pezzoli G. 2007. Valvular heart disease and the use of dopamine agonists for Parkinson’s disease. N Engl J Med 356:39-46. 5. Molitch ME. 2008. The cabergoline-resistant prolactinoma patient: new challenges. J Clin Endocrinol Metab 93:4643-45. 6. Colao A, Di Sarno A, Cappabianca P, Di Somma C, Pivonello R, Lombardi G. 2003. Withdrawal of long-term cabergoline therapy for tumoral and nontumoral hyperprolactinemia. N Engl J Med 349:2023-33. 7. Kharlip J, Salvatori R, Yenokyan G, Wand GS. 2009. Recurrence of hyperprolactinemia after withdrawal of long-term cabergoline therapy. J Clin Endocrinol Metab 94:2428-36.