Pharmacovigilance et insuline : Octobre 2009

En France, environ 300 000 personnes diabétiques sont traitées avec de l’insuline glargine. L’édition française La revue {The Medical Letter On Drugs and Therapeutics} (1) commente les résultats de plusieurs études observationnelles européennes, publiées l’été 2009, et qui ont soulevé la question de savoir si l’utilisation d’insuline glargine n’augmenterait pas le risque de cancer. Une question largement véhiculée par les médias grand public, parfois avec une présentation quelque peu dramatique visant à attirer les lecteurs.

Comme le rappelle {The Medical Letter,} l’insuline glargine, commercialisée sous le nom de Lantus, est un analogue d’ADN recombinant de l’insuline humaine ; elle forme des microprécipités sans les tissus sous-cutanés, ce qui retarde l’absorption et prolonge sa durée d’action à 22 ± 4 heures, ce qui en fait ainsi l’insuline basale à la plus longue durée d’action.

Résumées par {The Medical Letter,} les études observationnelles publiées montrent que parmi environ 127 000 patients allemands diabétiques qui ont débuté un traitement d’insuline en 1998 ou après, 75% étaient traités par de l’insuline humaine seule et 19% l’étaient par de l’insuline glargine seule. Globalement, l’incidence de cancers n’était pas plus élevée avec l’insuline glargine qu’avec l’insuline humaine, mais était en relation avec une augmentation des doses de n’importe quelle insuline. Ajusté à la dose, le risque de cancer était de 1,3 fois plus élevé pour l’insuline glargine selon Hemkens (2).

Une étude suédoise, portant sur environ 115 000 patients diabétiques recevant de l’insuline depuis 2005, a montré que ceux traités par insuline glargine seule avaient un risque 2 fois plus élevé de développer un cancer du sein que ceux recevant d’autres insulines ou prenant de l’insuline glargine et une autre insuline (3).

Une étude écossaise, chez environ 5000 patients ayant reçu de l’insuline entre 2002 et 2005, a montré la même incidence de cancers chez les patients sous insuline glargine que chez ceux qui ne la prenaient pas, mais l’incidence était plus élevée (RR 1,5) chez les 447 patients sous insuline glargine seule, comparés au 32295 qui prenaient seulement d’autres insulines. Cependant, chez les 3512 patients recevant de l’insuline glargine avec d’autres insulines, une tendance vers une incidence plus faible de cancers que celle de ceux qui prenaient seulement d’autres insulines a été observée (4).

Enfin, une étude prospective, ouverte, randomisée, d’une durée de 5 ans, qui a comparé la progression de la rétinopathie avec l’insuline glargine ou une NPH chez 1017 patients, n’a pas montré de différence dans le développement de tumeurs avec l’un ou l’autre traitement (5).

Fort de ces données, {The Medical Letter} conclue ainsi « à l’heure actuelle, une éventuelle augmentation du risque de cancers associée à l’insuline glargine en comparaison des autres insulines, n’est pas prouvée. Il n’existe pas de bonne raison pour arrêter de la prendre ou ne plus la prescrire ».

Cet avis correspond aux données transmises par l’Afssaps (6). Dans un communiqué daté du 29 juin 2009, l’Afssaps avait déjà fait état des quatre études publiées dans Diabetologia. Dans l’attente des résultats de l’analyse des études par l’EMEA, l’Afssaps avait recommandé aux patients de ne pas interrompre leur traitement. Puis, à l’issue d’une analyse approfondie des données, l’EMEA concluait que ces études ne permettent pas d’établir de lien entre cette classe de médicaments et la survenue de cancer. L’EMEA et l’Afssaps ont confirmé aux patients qu’il n’y a pas lieu de modifier leur traitement. Dès juillet 2009, l’Afssaps recommandait aux patients de poursuivre leur traitement par insuline en les mettant en garde contre toute modification de leur traitement sans avis médical.

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Références :

1.The Medical Letter On Drugs and Therapeutics, Vol.31 N°19 (ML USA N° 1319), 18 septembre 2009.
2. Hemkens et al. Risk of malignancies in patients with diabètes treated with human insulin or insulin analogues : a cohort study. Diabetologia 2009 ; 52 : 1732
3. Jonasson et al. Insulin glargine use and short-term incidence of malignancies ; a population based follow up studies in sweden. Diabetologia 2009 ; 52 :1745.
4. Colhoun H et al. Use of insulin glargine and cancer incidence in Scotland : A study group from the Scotitsh diabètes research network epidemiology group. Diabetologia 2009 ; 52 : 1755
5. Rosentstock et al. Similar risk of malignancy with insulin glargine and neutral protamine Hedegorn insulin in patients with type 2 diabetes : finding from a 5 years randomised, open label study. Diabetologia 2009 ; 52 :1971
6. Communiqué Afssaps. 23/07/2009. Actualisation d’évaluation – Risque potentiel de cancer associé à la prise de Lantus/Optisulin (insuline glargine).

Rédaction :
Nicolas Postel-Vinay, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris
Mise en ligne : Octobre 2009 – © SFE
L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt par rapport aux données de cet article.