Une fille au masculin ?

Elisa Dybal , Lyon

SYMPOSIUM SF03 – Parcours EndoScience – Sexe, hormones & comportement
Femelles XY chez la souris naine africaine : le troisième sexe ?

Fréderic VEYRUNES, Montpellier

Au cours du premier Symposium du parcours ENDOSCIENCE, Frédéric VEYRUNES a exposé son travail sur le déterminisme sexuel effectué au sein de l’ISEM (Institut des Sciences de l’Evolution) de Montpellier.

Il étudie un modèle unique, la souris naine africaine (Mus, Nannomys) chez laquelle il a identifié l’apparition d’un nouveau système de détermination du sexe, différent de celui que l’on connait tous, i.e XX pour la femelle, et XY pour le mâle. En effet, il existe dans cette espèce des femelles XY parfaitement fertiles avec un chromosome X d’aspect modifié qu’il nomme X*. Ainsi les femelles dans cette espèce de souris peuvent être XX, X*X ou X*Y. Les mâles eux sont toujours XY.

La première question que cela pose est évolutionniste : pourquoi et comment surpasser le coût reproductif de ce système dans lequel tous les embryons YY seront non viables ? En étudiant sa population de souris naines, Frédéric VEYRUNES a mis en évidence une plus grande fertilité des souris X*Y. L’âge à la première portée est avancé, leur taux d’ovulation est plus important et les portées ont également 1 souriceau de plus en moyenne.

Sa deuxième préoccupation a été de les phénotyper. Il a étudié le comportement de ces femelles X*Y avec différents tests classiques chez la souris. Elles sont moins agressives que les autres femelles, moins anxieuses également. Comparées à des mâles, il n’y a aucune différence significative. Et cela se confirme dans les tests concernant les comportements parentaux, les femelles X*Y sont moins attentionnées envers leur portée et plus agressives envers les souris males. Ce sont donc de très bonnes mères mais de piètres épouses !

La troisième question qu’il soulève est celle d’une cause hormonale à ce phénotype différent. Quelque soit le génotype de la femelle il n’y a pas de différence sur le taux de testostérone, cortisol ou œstradiol. Il y a cependant une différence en corticostérone, plus élevée chez les femelles XX et XX* ce qui pourrait contribuer à expliquer l’anxiété plus grande et des paramètres reproductifs moins optimaux que ceux des femelles X*Y. De plus, en s’intéressant spécifiquement aux différences de concentration en stéroïdes chez des femelles présentant un comportement agressif ou non, il ne retrouve aucune différence significative. Ainsi l’agressivité ne serait pas liée aux hormones. Mais il existe cependant un gène candidat sur le chromosome X, MaoA, connu pour être lié à l’agressivité quand il est inactivé dans des modèles murins. Et il s’avère que ce gène est dupliqué sur le chromosome X chez la souris naine et donc moins exprimé chez les femelles X*Y ! Il nous montre ici comment un déterminisme génétique pourrait directement être en lien avec un comportement.

Enfin la question que tout le public se pose : quel est le gène qui est donc impliqué dans l’inversion du sexe chez les femelles X*Y ?  Frédéric VEYRUNES n’a pas encore cette réponse mais les différentes études en cours et notamment du RNAseq sur gonades embryonnaires indiquent que ce déterminisme a lieu très tôt dans le développement, avant l’expression de Sox9 et Sry, et influe sur la quantité de transcrits de Sry. Un gène dominant de la féminisation reste donc à découvrir…