La lettre surrénale de Septembre 2019
Éditorial : Extension du domaine de l’insuffisance surrénale | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Olivier Chabre, Justine Cristante Chers passionnés des maladies de la surrénale, Dans cette newsletter, nous aborderons différents articles récents qui montrent tous la place centrale de l’insuffisance surrénale dans la prise en charge des pathologies surrénaliennes. Bonne lecture ! |
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O. Chabre déclare avoir des liens d’intérêts avec Ipsen, HRA Pharma, Novartis. |
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Actualités |
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Insuffisance surrénale chez les patients porteurs de cancer thyroïdien réfractaire traités par lenvatinib ou vandétanib | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Olivier Chabre, Justine Cristante Les cancers thyroïdiens réfractaires à l’iode sont par définition des cancers qui ne répondent pas au traitement par l’iode 131. Ils comprennent les cancers développés à partir du thyréocyte (papillaires, vésiculaires, peu différenciés, indifférenciés) ou des cellules C (médullaires). Des molécules à activité antityrosine kinase ont montré une efficacité pour le traitement de ces cancers, notamment lenvatinib pour les premiers et vandétanib pour les seconds. Ces traitements ont cependant une toxicité significative, comprenant en particulier une asthénie qui peut être invalidante, posant un réel problème quant à la qualité de vie des patients. Dans un article récent (1), des auteurs milanais rapportent des données originales suggérant que cette asthénie pourrait être liée, au moins en partie, à une insuffisance surrénale périphérique iatrogène en lien avec ces molécules, et qu’un traitement substitutif par hydrocortisone serait bénéfique pour les patients. En conséquence, la question se pose de savoir si la prise en charge des patients atteints de cancer thyroïdien réfractaire implique aujourd’hui pour les endocrinologues, voire les oncologues, de rechercher et éventuellement de traiter une insuffisance surrénale. Dans leur article, Colombo et al. (1) montrent que : Alors, doit-on désormais traquer et traiter l’insuffisance surrénale chez les patients sous traitement par lenvatinib ou vandétanib, ce qui impliquerait d’ailleurs de ne pas se limiter aux seuls patients atteints de cancer thyroïdien réfractaire ? Si la question mérite d’être posée, cet article contient néanmoins quelques points d’achoppement. Ainsi, dans cette étude, seul 1 patient a été évalué sur le plan surrénalien avant l’instauration du traitement par lenvatinib ou vandétanib, et on peut toujours imaginer que les autres patients avaient déjà une fonction surrénalienne altérée avant le début du traitement, cependant sans cause évidente. Il faut également souligner chez tous les patients une réelle progression du taux d’ACTH au cours du traitement. Malgré tout, il nous semble que cet article ouvre la possibilité d’un réel bénéfice en termes de qualité de vie pour ces patients, et les questions posées relèvent typiquement de la compétence des endocrinologues : il serait ainsi dommage qu’ils ne saisissent pas l’opportunité d’explorer et de traiter leurs patients, idéalement dans le cadre d’une étude prospective qui permettrait dans un premier temps de mieux évaluer le problème. Dans un second temps, il serait alors intéressant de proposer un mécanisme pour cette insuffisance surrénale périphérique, qui n’apparaît pas évident, dans la mesure où la stimulation de la sécrétion de cortisol par l’ACTH utilise la voie AMP cyclique, laquelle n’est pas a priori directement affectée par ces médicaments. Cependant, on peut bien sûr toujours imaginer qu’un des acteurs de la voie AMP cyclique soit affecté par l’inhibition d’une des nombreuses protéines tyrosine kinases induite par ces traitements. |
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Référence bibliographique 1. Colombo C et al. Primary Adrenal Insufficiency During Lenvatinib or Vandetanib and Improvement of Fatigue After Cortisone Acetate Therapy. J Clin Endocrinol Metab 2019;104(3):779-84. O. Chabre déclare avoir des liens d’intérêts avec Ipsen, HRA Pharma, Novartis. |
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Faut-il faire un test au Synacthène® chez tous les patients traités par surrénalectomie unilatérale pour hyperaldostéronisme primaire ? | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Olivier Chabre, Justine Cristante Il est reconnu qu’après une surrénalectomie unilatérale pour adénome corticosurrénalien responsable d’un syndrome de Cushing, le patient est en insuffisance surrénale profonde. En effet, la surrénale controlatérale laissée en place est atrophique du fait de la freination chronique de la sécrétion d’ACTH (adrénocorticotrophine) par l’adénome. L’article de Heinrich et al. (1), publié par l’équipe munichoise de Martin Reincke, vient attaquer ce dogme, qui d’ailleurs avait déjà commencé à être battu en brèche il y a 4 ans par Hona et al. (2). Ces derniers avaient en effet rapporté des déficits postopératoires modérés chez des patients après surrénalectomie unilatérale pour hyperaldostéronisme primaire, ces patients ne présentant ni syndrome de Cushing, ni syndrome de Cushing infraclinique. Dans l’article de Heinrich et al. (1), un test au Synacthène® a été réalisé de façon prospective (prélèvement aux temps 0 puis 30 min après l’injection i.v. de 250 µg de Synacthène® immédiat) chez 100 patients traités par surrénalectomie unilatérale pour hyperaldostéronisme primaire latéralisé dans les 5 jours suivant l’intervention. Alors, que penser de cette étude ? Doit-on réaliser systématiquement un test au Synacthène® après surrénalectomie unilatérale pour hyperaldostéronisme primaire et substituer, pendant 1 an en moyenne, les patients n’ayant pas une réponse normale ? En effet, on peut penser que la survenue d’une insuffisance postopératoire de sécrétion de cortisol est liée au fait que la surrénale réséquée a une hypersécrétion non seulement d’aldostérone mais également de cortisol, et que cela doit être plus fréquent dans les tumeurs visibles en imagerie, dont on sait maintenant que beaucoup ne sécrètent pas que de l’aldostérone mais également du cortisol (3) . Cependant, il faut reconnaître que l’absence de “stigmates” biologiques préopératoires d’hypercortisolisme, même minimes, ne va pas dans le sens de cette hypothèse. Peut-être que la surrénale restante a tout simplement une masse cellulaire insuffisante pour assurer une réponse normale au Synacthène®, même si elle n’a pas été “freinée” par une hypersécrétion de cortisol par la surrénale controlatérale ? Les auteurs donnent un argument clinique pour convaincre de la pertinence de leurs investigations : une insuffisance surrénale aiguë est survenue chez l’un des 13 patients insuffisants surrénaliens sévères. Cependant, il faut souligner que chez ce patient qui a fait une hypotension, une hyperkaliémie a également été décelée qui ne peut pas être attribuée à l’insuffisance de sécrétion de cortisol, mais plutôt d’aldostérone. Le fin mot de l’histoire est donc que si l’on réalise un test au Synacthène® après l’opération, il ne faut pas manquer d’évaluer aussi la sécrétion d’aldostérone ; cette recommandation figurait déjà dans le consensus français sur l’hyperaldostéronisme primaire (4, 5). |
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Références bibliographiques 1. Heinrich DA et al. Adrenal insufficiency after unilateral adrenalectomy in primary aldosteronism – long-term outcome and clinical impact. J Clin Endocrinol Metab 2019. doi: 10.1210/jc.2019-00996. [Epub ahead of print] O. Chabre déclare avoir des liens d’intérêts avec Ipsen, HRA Pharma, Novartis.
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Traitement de l’hyperplasie surrénalienne macronodulaire bilatérale primaire : surrénalectomie uni- ou bilatérale ? Mise au point | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Olivier Chabre, Justine Cristante Un article récent (1) suggère que, dans l’HSMBP (hyperplasie surrénalienne macronodulaire bilatérale primaire), la surrénalectomie unilatérale serait responsable d’une surmortalité à long terme. Mais cet article pose des problèmes méthodologiques qui doivent faire relativiser cette hypothèse. L’HSMBP est une pathologie dont l’origine génétique a été démontrée, au moins pour les patients porteurs d’une mutation du gène ARMC5 (2). Dans l’HSMBP, on observe le développement progressif d’une hyperplasie nodulaire du cortex surrénalien, entraînant une hypersécrétion de cortisol primitivement surrénalienne, liée à la fois à l’expression surrénalienne anormale de récepteurs (3) et à la sécrétion surrénalienne in situ d’ACTH (adrénocorticotrophine) (4). Fait remarquable, il existe une grande disproportion entre la taille (et la masse) du tissu corticosurrénalien hyperplasique, qui peut être considérable, et sa sécrétion de cortisol, qui reste modérée, témoignant du fait que les cellules hyperplasiques ont une faible sécrétion de cortisol (en accord avec l’effet contre-intuitif des mutations de ARMC5, qui inhibent la sécrétion de cortisol). Cependant, comme cette sécrétion persiste, même si l’ACTH hypophysaire est freinée, la progression “tumorale” de l’HSMBP au fil des années résulte en un hypercortisolisme “primaire” initialement modéré, mais qui peut devenir franc, généralement après la 4e décade, lorsque la masse surrénalienne totale atteint une taille considérable. L’hypercortisolisme de l’HSMBP peut être traité par une stratégie pharmacologique élégante qui consiste à empêcher l’activation des récepteurs anormalement exprimés (en utilisant un antagoniste, comme le propranolol pour les récepteurs bêta-adrénergiques, ou en inhibant la sécrétion du ligand endogène, comme les agonistes GnRH qui suppriment la sécrétion de LH pour le récepteur LH/hCG (3)). Cependant, le nombre de patients rapportés être contrôlés au long cours par cette stratégie reste très faible, ce qui suggère qu’elle est rarement efficace ou tolérée sur le long terme. Par ailleurs, certains auteurs ont proposé de traiter ces patients par un inhibiteur de la stéroïdogenèse, comme la métyrapone administrée le soir chez les patients porteurs d’un hypercortisolisme modéré (données encore non publiées). Mais il s’agirait d’un traitement à vie, dont l’efficacité et la tolérance à long terme restent à établir. Ainsi, en pratique, les principales options thérapeutiques sont chirurgicales : surrénalectomie uni- ou bilatérale. La surrénalectomie unilatérale n’a pas cet inconvénient majeur de l’insuffisance surrénale totale et définitive. Mais, jusqu’à ces dernières années, elle ne semblait pas suffisante pour contrôler un syndrome de Cushing franc, chez des patients ayant des dosages de CLU (cortisol libre urinaire) supérieurs à 2 fois la normale. Cependant, plusieurs travaux, dont celui d’une équipe multicentrique française à laquelle nous avons participé (8), ont démontré le contraire : l’efficacité de la surrénalectomie unilatérale sur la normalisation du CLU et le contrôle du syndrome de Cushing est excellente, soit 100 % dans la série française (8) et 91 % dans une revue répertoriant tous les cas publiés (9). La surrénalectomie unilatérale est même responsable d’une insuffisance surrénale dans 36 % des cas, mais il s’agit d’une insuffisance surrénale uniquement en cortisol et qui n’est que transitoire. Il peut sembler surprenant que la surrénalectomie unilatérale soit aussi efficace alors qu’une seule surrénale est enlevée et que celle laissée en place est hyperplasique. Plusieurs explications peuvent être avancées. Premièrement, lorsqu’on enlève la plus grosse surrénale, la masse totale du tissu surrénalien sécrétant est divisée par plus de 2 ; deuxièmement, même si les 2 surrénales sont équivalentes et que l’on enlève que la moitié de la masse surrénalienne totale, il faut se rappeler que le CLU n’évolue pas de façon linéaire avec le taux de sécrétion de cortisol : lorsque la CBG (cortisol binding globuline) est saturée, un doublement du taux de sécrétion de cortisol fera bien plus que doubler le CLU et, inversement, une réduction par 2 du taux de sécrétion de cortisol diminuera bien plus le CLU. Il peut sembler également étonnant que le patient HSMBP opéré par surrénalectomie unilatérale soit en insuffisance surrénale en postopératoire, alors qu’il lui reste une surrénale hyperplasique et que, somme toute, il se retrouve avec la même masse surrénalienne qu’auparavant (le temps de doublement), à une époque où il n’était pas en insuffisance surrénale. La surrénalectomie unilatérale semblait donc considérée comme le traitement de 1re intention de l’hypercortisolisme de l’HSMBP, d’autant plus que, si jamais elle n’était pas suffisamment efficace – ce qui reste exceptionnel – ou s’il apparaissait une récidive, – ce qui est observé dans 15 % des cas dans un délai d’environ 5 ans –, il était toujours possible de “totaliser” la surrénalectomie en enlevant la surrénale restante. Voici pourquoi, après cette très longue introduction, les travaux récents de l’équipe de Munich (1) jettent un pavé dans la mare en suggérant, à long terme, la surmortalité des patients HSMBP opérés par surrénalectomie unilatérale par rapport à ceux traités par surrénalectomie bilatérale. Que penser de cet article, dont les données peuvent être résumées de la façon suivante : sur les 34 patients HSMBP avec hypercortisolisme franc, porteurs d’un syndrome de Cushing, 25 étaient traités par surrénalectomie unilatérale et 9 par surrénalectomie bilatérale. Que faut-il conclure de ces données ? Bien sûr, la mise en évidence d’une possible surmortalité chez les patients traités par surrénalectomie unilatérale est à prendre en considération, et elle met le doigt sur le caractère imparfait de la rémission de ces patients : il est très probable que la majorité d’entre eux conservent une certaine sécrétion de cortisol en début de nuit, très comparable à ce qui est observé chez les patients porteurs d’un syndrome de Cushing infraclinique, et on sait maintenant que cet état est rattaché à une surmortalité (10, 11). Comparons maintenant le groupe des 25 patients (où 3 décès sont survenus) au groupe des 9 patients (aucun décès rapporté) exposés au risque d’insuffisance surrénale aiguë, situation pourtant reconnue à risque de surmortalité. Est-ce que ces 2 groupes ont une mortalité statistiquement différente ? La réponse est : non ! En effet, la valeur p est à 0,19, comme l’a reconnu l’auteur correspondant de l’article (communication personnelle, mais qui a donné lieu à une lettre adressée à l’éditeur qui devrait être publiée prochainement). Les auteurs de l’article ont voulu pallier le faible nombre de patients HSMBP traités par surrénalectomie bilatérale. Mais ils auraient dû utiliser comme groupe contrôle supplémentaire des patients traités par surrénalectomie bilatérale pour une autre pathologie. Au final, le mérite de cet article est d’avoir mis le doigt sur un risque de mortalité à long terme chez les patients HSMBP traités par surrénalectomie unilatérale, vraisemblablement lié à la persistance d’un hypercortisolisme infraclinique ou à la récidive d’un hypercortisolisme plus significatif. En revanche, il ne démontre pas que ce risque est supérieur au risque de mortalité par insuffisance surrénale aiguë des patients traités par surrénalectomie bilatérale, qui lui est réel. |
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Références bibliographiques 1. Osswald A et al. Long-Term Outcome of Primary Bilateral Macronodular Adrenocortical Hyperplasia After Unilateral Adrenalectomy. J Clin Endocrinol Metab 2019;104(7):2985-93. O. Chabre déclare avoir des liens d’intérêts avec Ipsen, HRA Pharma, Novartis. |
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Surrénalectomie totale versus surrénalectomie épargnant la corticale chez les patients présentant un phéochromocytome bilatéral |
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Justine Cristante, Olivier Chabre Comme de nombreuses autres pathologies tumorales surrénaliennes, le phéochromocytome dans sa forme bilatérale n’échappe pas aux questions suivantes : doit-on proposer une surrénalectomie bilatérale “totale”, permettant de guérir le patient de sa pathologie tumorale et de limiter une possible récidive au prix d’une IS (insuffisance surrénalienne) définitive associée au risque lié aux insuffisances surrénaliennes aiguës ? Ou bien, faut-il préférer une intervention de type surrénalectomie épargnant le cortex surrénalien et limitant donc le risque d’insuffisance surrénalienne aiguë mais pouvant majorer le risque de récidive tumorale locale, voire métastatique ? Une étude internationale rétrospective (2) effectuée à partir d’un registre prospectif tente de répondre à ces questions en comparant la mortalité du phéochromocytome, la mortalité liée à l’IS et le risque de récidive du phéochromocytome chez les patients ayant bénéficié d’une surrénalectomie totale (ST) versus une surrénalectomie avec épargne de la zone corticale (SEC). Figure. Répartition du type d’opération effectué chez les patients du registre et de leurs résultats (nécessité d’une substitution en glucocorticoïdes, nombre de récidives, nombre de patients métastatiques) (d’après (2)). L’analyse statistique était effectuée à partir de la comparaison de 2 groupes : un groupe sans traitement glucocorticoïde substitutif (GC-), incluant les 248 patients SEC avec absence d’IS postchirurgicale, et un groupe avec traitement glucocorticoïde substitutif (GC+), regroupant l’ensemble des patients ST et les patients SEC avec IS postchirurgicale, soit un total de 377 patients. Les patients GC- avaient une meilleure survie que ceux GC+ (99 versus 85 %, IC95 = 11-18 %, p = 0,01). Toutefois, cette différence de mortalité était principalement liée à une proportion plus grande de patients NEM2 atteints de cancer médullaire métastatique dans le groupe GC+ (53 % de décès liés à un cancer médullaire de la thyroïde dans le groupe GC+ versus 38 %). Il n’existait pas de différence significative de mortalité spécifique au phéochromocytome entre les 2 groupes. Nous avons analysé la récidive locale en fonction du geste effectué (à noter que, dans l’article, cette analyse est faite en fonction du caractère GC+ ou GC-, ce qui ne nous paraît pas pertinent) : 10 % des patients SEC ont présenté une récidive de phéochromocytome après avoir subi une chirurgie bilatérale contre 0,6 % du groupe ST (valeur p calculée par nos soins < 0,001). Chez les patients GC- (donc ayant eu une SEC), un traitement substitutif a alors été nécessaire chez 30 %, après une nouvelle chirurgie d’exérèse. On peut néanmoins relever quelques biais dans cette étude : En conclusion, comparer la SEC et la ST revient à évaluer les risques de mortalité liés d’une part à la récidive du phéochromocytome et, d’autre part, à l’insuffisance surrénale. Pour les auteurs, la SEC accroît le risque de récidive locale de phéochromocytome (10 versus 0,6 % pour la ST), mais n’augmente pas la mortalité liée au phéochromocytome, alors que la ST augmente le risque d’IS. L’interprétation des chiffres donnés pour les métastases est rendue complexe par la présence de patients déjà métastatiques au moment du geste chirurgical ou ayant des paragangliomes, qui ne devraient donc pas être inclus dans l’analyse statistique puisque leur caractère métastatique ne découle pas forcément d’une chirurgie incomplète. De même, la génétique n’est disponible que pour 6 des 8 patients métastatiques et il n’est pas précisé quel geste a été fait en fonction de la génétique et quelle était la génétique du patient déjà métastatique au diagnostic ainsi que celle des patients avec paragangliomes. |
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Références bibliographiques 1. Lenders JW et al. Pheochromocytoma and paraganglioma: an endocrine society clinical practice guideline. J Clin Endocrinol Metab 2014;99(6):1915-42. O. Chabre déclare avoir des liens d’intérêts avec Ipsen, HRA Pharma, Novartis. |
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Vous n’êtes pas du matin ? Et si le cortisol dosé l’après-midi pouvait aussi être utilisé pour diagnostiquer l’insuffisance surrénalienne ? | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Justine Cristante, Olivier Chabre Le dépistage de l’insuffisance surrénalienne repose sur la mesure d’un cortisol de base à 8 h ou sur l’absence de réponse à un test au Synacthène® (TS). La pénurie de Synacthène® en 2014 ainsi que l’augmentation récente de son coût au Royaume-Uni ont incité une équipe écossaise à se poser la question de la valeur d’un dosage de cortisol plasmatique basal, sans stimulation par le Synacthène®, que ce cortisol basal soit dosé le matin, l’après-midi, en ambulatoire ou dans le contexte d’une hospitalisation (1). L’objectif était de déterminer un seuil de cortisol pouvant prédire la réponse à un test au Synacthène® (cortisol dosé 30 min après l’injection de 250 µg de Synacthène® immédiat) et de comparer les performances du cortisol mesuré le matin ou l’après-midi pour prédire cette réponse. Il s’agissait d’une étude rétrospective ayant étudié la réponse de 1 624 TS dans une cohorte de patients ambulatoires (C1). Le seuil retenu pour atteindre une sensibilité de 95 % pour la prédiction d’un cortisol anormal au temps T + 30 min d’un TS était un taux de cortisol plasmatique < 275 nmol/L le matin (entre 8 h et 12 h) et < 250 nmol/L l’après-midi (entre 12 h et 18 h). Le tableau ci-dessous indique les différentes valeurs de sensibilité (Se), spécificité (Sp), valeur prédictive positive (VPP, ici représentant les patients avec cortisol de base inférieur au seuil déterminé et non répondeurs au TS) et valeur prédictive négative (VPN, ici représentant les patients avec cortisol de base supérieur au seuil déterminé et répondeurs au TS) pour les 3 cohortes ainsi que l’existence d’une différence statistiquement significative dans ces différents paramètres entre les tests du matin et ceux de l’après-midi. Tableau. Performances statistiques de la mesure de cortisol plasmatique pour prédire la réponse au test au Synacthène® (d’après [1])
Il a été calculé que l’adoption de ces seuils pourrait permettre de réduire le nombre de tests au Synacthène® entre 48,2 et 73,8 % le matin et entre 36,2 et 39,7 % l’après-midi, selon la cohorte étudiée. Le message clinique est donc le suivant : si le cortisol basal est > 275 nmol/L, le risque d’insuffisance surrénale est très faible, que ce cortisol soit mesuré le matin, l’après-midi, en ambulatoire ou au cours de l’hospitalisation. Ainsi, cette étude permet surtout des diagnostics plus rapides d’élimination de l’insuffisance surrénale chez les patients au-dessus de ce seuil qui n’auraient pas besoin de TS pour démontrer qu’ils ne sont pas insuffisants surrénaliens. Il est dommage que ce seuil n’atteigne pas une sensibilité suffisante pour la mesure de l’après-midi chez les patients hospitalisés. En effet, ces patients représentent souvent un cas diagnostique pour lequel nous sommes sollicités (par exemple, cas du patient arrivant aux urgences à 15 h, pour lequel on suspecte une primo-décompensation surrénalienne, chez qui l’administration d’hydrocortisone “dans le doute” retardera le diagnostic, le cortisol ne pouvant pas être dosé le matin le jour suivant). Cette étude ouvre donc la voie au diagnostic d’élimination de l’insuffisance surrénalienne par un cortisol dosé “à la volée”, pour le plus grand bonheur des “lève-tard”, sous réserve que ces seuils soient validés prospectivement. |
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Références bibliographiques 1. Mackenzie SD et al. Validated criteria for the interpretation of a single measurement of serum cortisol in the investigation of suspected adrenal insufficiency. Clin Endocrinol (Oxf) 2019. doi: 10.1111/cen.14071. [Epub ahead of print] O. Chabre déclare avoir des liens d’intérêts avec Ipsen, HRA Pharma, Novartis.
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Journal d’un insuffisant surrénalien : ce qui arrive dans la “vraie” vie ! | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Justine Cristante, Olivier Chabre L’éducation thérapeutique des patients (ETP) insuffisants surrénaliens a beaucoup évolué au cours des dernières décennies tant sur le plan des doses substitutives de glucocorticoïdes proposées que sur celui des messages éducatifs d’augmentation des doses. Dans le cadre du développement d’un programme d’ETP structuré, nos confrères allemands ont proposé à leurs patients de tenir un “journal” quotidien et de l’utiliser comme outil éducatif (1). Jour après jour, les patients devaient répondre à une question concernant le ressenti de leur état de santé général du moment, la survenue d’un problème de santé ou de symptômes générateurs “d’inconfort” et dire s’ils avaient modifié en conséquence leur dose habituelle de glucocorticoïdes. Ces informations étaient recueillies via 2 questions standardisées “oui/non”, sous forme de cases à cocher. Les auteurs ont ainsi créé un score de signes et symptômes (SSS), non validé, noté sur 10, permettant d’évaluer la sévérité d’un épisode “d’inconfort”. La présence de chaque symptôme valait 1 point (“inconfort”, infection, fièvre, diarrhée, anorexie ou nausée, vomissements, asthénie, tremblements/hypotension, douleur musculaire ou abdominale, pathologie intercurrente confirmée). L’analyse du graphique (figure) montre des comportements variés selon les patients, avec, par exemple, une augmentation moyenne de seulement 50 % de la dose quotidienne en cas d’infection gastro-intestinale. Cette donnée est intéressante, puisque dans l’étude de Hahner et al., le principal facteur déclenchant de crise d’insuffisance surrénale aiguë chez des patients ayant bénéficié d’un programme d’ETP était la gastroentérite (2). On relève également des comportements qui peuvent paraître inadaptés, par exemple le triplement de la dose pour un SSS faible ou bien, au contraire, l’augmentation de seulement 50 % de la dose chez certains patients lors d’épisodes de fièvre. Cette étude montre donc que la survenue d’un épisode “d’inconfort“ ne déclenche pas automatiquement une augmentation des doses d’hydrocortisone, probablement parce que l’inconfort est perçu comme peu invalidant. Ces résultats mettent également en évidence des comportements variés, entre des patients qui ont tendance à trop augmenter leurs doses d’hydrocortisone, quand certains ne l’augmentent pas assez. Le concept du journal nous semble intéressant en tant qu’outil éducatif, pour “débriefer” a posteriori les conduites d’adaptation du traitement par le patient, à l’instar de ce qui est fait en diabétologie avec les ajustements de doses d’insuline en fonction des glycémies et des glucides. Figure. Représentation du pourcentage moyen d’augmentation de la dose de glucocorticoïdes chez des patients insuffisants surrénaliens, en cas de sensation “d’inconfort” ou de maladie (d’après (1)) |
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Références bibliographiques 1. Schöfl C et al. Daily adjustment of glucocorticoids by patients with adrenal insufficiency. Clin Endocrinol (Oxf) 2019;91:256-62. O. Chabre déclare avoir des liens d’intérêts avec Ipsen, HRA Pharma, Novartis.
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